Mais ils avaient raison. Spartacus avait raison. On ne peut pas continuer toute sa vie en esclave.
Il n'y a pas plus grande inconscience que se promettre l'amour pour toujours - sinon, peut-être, faire des enfants...
[...] parce qu'il ne t'écoute pas le monde, il ne croit pas que tu puisse le déranger fût-ce un instant ; il va rouler sur toi comme un torrent, un fleuve même,
chose impossible à endiguer,
sans que tu puisses rien y faire.
Il a les années pour lui, et la multitude, le nombre, l'habitude, tout le reste.
Tu vas t'épuiser, à nager à contre-courant,
Et tu seras finalement un débris dans son flot, quand il t'aura rompue, et lentement, lentement, tu descendras vers le fond. Une alluvion. Un sédiment.
Mais tu ne te laisses pas faire.
Est-ce cela qu’il vont faire ? Se retrancher ?
Se soustraire ? Refuser le combat ? Disparaître ?
Se retirer, alors que cela demande tant d’efforts d’être au monde, simplement ?
Est-ce lâcheté ? Fuite ?
Est-ce que ça demande encore plus de courage ?
Elle sait ce qui se trame avant tout le monde. La Houle le lui a dit : Ce soir, on s’en va. Elle sait qu’ils n’ont pas le choix. Partir. Ses parents ont fait ça, plusieurs fois, ils ont franchi des déserts, traversé une mer, un tombeau, sur un esquif fragile, ils sont morts de soif, de faim, plusieurs fois, ont continué – ses frères se sont glissés dans des trains d’atterrissage – ses amis sont partis – pour venir. Ici. Sans savoir. Et c’est son tour. Partir, pour des rêves. Conquérir. Autre chose. Aller décrocher la lune.
Une toute jeune fille pêche au harpon, debout dans la rivière. La lumière du jour pénètre à cet endroit – trouée rare dans la canopée -, descend sur elle et l’illumine. Une cascade de cheveux très blonds, d’une blondeur irréelle même dans ce soleil, coule sur ses épaules nues. Les frondaisons de la forêt, entre elle et le ciel, mouchettent d’ombres légères son dos, un de ses bras et la surface tremblante. La forêt est immense, infinie autour d’elle.
Mais nous ne revendiquons rien ! Je sais que c'est dur à entendre, mais nous ne vous demandons rien. Nous avons choisi de nous passer de vous, parce que nous ne voyons pas d'autre issue. Nous allons nous tromper, sûrement, mais nous allons essayer...
La forêt est ce monde où la mort fait partie de la vie.
"Le temps qui passe, panse, émate, suture, endurcit le pourtour des plaies comme une corne."
Révolution : tour complet sur soi-même pour revenir au point de départ, et rebâtir le statu quo ante, sur d'autres bases peut-être, avec d'autres vainqueurs, d'autres injustices, d'autres lésés pour compte, mais pour finir toujours au même endroit.