Dans ce monde futuriste, la séparation entre la civilisation et la nature se fait plus nette que jamais en apparence. D'un côté, il y a les Villes intelligentes où tout est connecté, où tous les étudiants sont parqués, où tout le monde est surveillé. de l'autre, la Forêt qui a repris ses droits, avec ses animaux sauvages, ses utopistes et ses braconniers. Mais partout règne la même violence, la même loi du plus fort, l'humain n'étant réduit qu'à ses plus bas instincts. le récit peut donc être brutal avec de nombreuses scènes de fusillades et d'agressions, même si on reste dans un roman young adult donc avec peu de description graphique.
Cependant, comme le soleil à travers l'épaisse canopée de la forêt, le Beau arrive toujours à entrer dans les recoins les plus sombres. L'espoir n'est jamais perdu et ce roman, même s'il décrit une utopie qui n'a pas vraiment réussi, nous souffle de nous battre pour ce que nous croyons juste, de nous accrocher même quand la marée est contre nous. de plus, le style poétique de
Vincent Villeminot avec ses phrases fluides et qu'on entend presque sonner à nos oreilles, son vocabulaire précis et ses nombreuses questions presque philosophiques capte bien cette beauté-là, cette flamme qui brille dans le noir.
Néanmoins, la narration peut être perturbante car jamais elle ne s'approche de ses personnages. Elle reste extérieure à eux, préférant embrasser le décor autour d'eux comme un plan panoramique qui ne s'attarde sur rien. J'ai eu l'impression de suivre les protagonistes à quelques pas de distance, en spectatrice silencieuse, dissimulée dans les fourrées de la forêt. Par ailleurs, quand vient le tragique, la mort inévitable de certaines figures majeures du récit, annoncé pourtant comme le dernier acte d'une pièce de Racine, la fin de leur vie se résume en une phrase banale. le moment n'est pas ressorti du contexte, il n'y a pas d'arrêt sur image, pas de ralenti (vraiment le style est très cinématographique en dehors de cela), juste une phrase glissée parmi d'autres qui annonce sa disparition. Alors comment s'attacher ? Comment ressentir des émotions fortes ? Ce serait un roman adulte, peut-être aurais-je moins tiqué et encore... Mais pour le genre du young adult, dont la pierre angulaire est pour moi l'identification au personnage, je suis restée sur ma faim.
Et autre détail lié à la narration qui m'a gênée : le regard sur le corps des femmes qui m'a semblé différent de celui porté sur les hommes. La femme n'est pas juste des muscles et des os, comme l'homme, mais aussi la source d'un fantasme. Et elle aura systématiquement le regard d'un autre homme sur sa poitrine et ses formes. Par ailleurs, malgré la présence de femmes au tempérament guerrier, il y aura toujours un frère, un personnage masculin de l'ombre qui veillera sur elles, prêt à surgir pour les défendre des agresseurs. Pourtant, on sent que ce n'est pas l'intention de
Vincent Villeminot qui souligne, à un moment donné, l'objectification des femmes. Mais il y a tout de même cette sensation d'être face à des femmes fortes écrite par un homme.
Certes, c'est un roman qui questionne sur notre rapport au monde, à la nature et sur les paradoxes qui traversent l'humanité, donc sur le plan intellectuel, il est stimulant. Mais les émotions sont, pour moi, mises de côté. Enfin cela reste une lecture qui peut marquer par son écriture particulière et son ton exigeant. Cela reste une étincelle, mais ce ne sera pas pour moi celle qui donnera vie à un feu qui embrase.