J'ai terminé la lecture d'
U4 Stephane hier soir et c'est avec un sentiment très étrange que j'ai refermé le livre. Je ne sais pas vraiment ce que j'ai ressenti mais je crois que c'était proche de la déception. Oui déception parce que je m'attendais à beaucoup mieux vis-à-vis de cet auteur que j'apprécie énormément, non seulement pour ses livres que j'adore, mais aussi pour l'homme que j'ai eu la chance de rencontrer au collège, pendant une journée, quand on l'avait reçu dans le cadre du salon du livre jeunesse d'Albi. J'adore cet auteur, il est vraiment sympa, proche des gens, il est drôle et intelligent et son écriture est addictive. Alors en refermant son livre j'ai ressenti de la déception mais aussi une grande incrédulité, comme si je n'arrivais pas à croire que le livre était bien terminé et qu'il n'y avait pas eu la magie que j'avais ressenti dans les précédents opus. Alors, Vincent, que s'est-il passé ? Ca me fait vraiment de la peine d'écrire une critique comme ça parce que je sais le travail de titan que Villeminot a abattu pour ce livre et je comprends que ça doit être difficile de lire des critiques déçues mais voilà je suis bien obligé d'être sincère, je n'ai pas accroché à Stéphane...
Alors évidemment je vais essayer d'être clair et de ne pas faire comme les élèves : "je n'ai pas aimé" sans explications...
Tout d'abord j'ai eu beaucoup de mal à entrer dans le livre. J'ai commencé à m'y sentir bien vers la page 130 seulement. Avant j'ai trouvé l'ensemble froid, déconnecté et sans aucun moyen de m'agripper à quelque chose. Je pense que le style choisi y est pour beaucoup : le présent de narration associé à la première personne du singulier nous donnent l'impression d'un compte rendu minuté de ce qui se passe. "Je monte l'escalier, je laisse un mot pour mon père, je retourne au R-Point"... Cette écriture m'a mis à distance d'entrée et je n'ai jamais réussi à apprécier l'ensemble. On aurait peut-être aimé davantage de descriptions de ce monde détruit par le virus, plus de détails pour s'imprégner de cette ambiance de fin du monde. Les phrases sont au contraire assez courtes et nous empêchent d'entrer dans l'univers de l'auteur. Les ados apprécieront probablement mais pour moi ça manque de détails.
Quant à l'histoire, elle est bien trop simpliste à mon goût. Si l'on regarde le synospis du roman, il doit tenir en trois phrases. Autant les autres ouvrages de Villeminot étaient riches en rebondissements et en actions, autant Stéphane est bien trop simple. Quand on referme le livre on est déçu de ne pas avoir vécu plus longtemps dans ce monde malade. Stéphane monte à Paris chercher son père, voilà l'action du livre. Alors certes ça ne va pas être simple et elle va faire face à de nombreux contre-temps mais malgré tout le schéma d'action est trop simpliste et pour moi ce n'est pas suffisant.
La fin du roman m'a laissé pantois. En tournant les pages j'arrive à l'épilogue. "Quoi ? Déjà ?". Je consulte le nombre de pages restant dans ma main droite et je me rassure un peu, "ouf, il reste pas mal de pages, l'épilogue va être long et on va en savoir un peu plus". Malheureusement si on enlève les dernières pages (celles de l'extrait d'un autre U4), l'épilogue est terriblement court et vous n'apprendrez rien de plus. L'histoire s'arrête en pleine campagne bretonne et nous laisse en plan, décontenancé. Exit la soirée du 24 décembre qui nous tenait en haleine depuis le début du roman et qui ne sera absolument pas décrite (moi qui pensait que, à la manière de Réseaux, ce serait l'apothéose du roman)... Je ne comprends pas pourquoi c'est évacué avec autant de maladresse alors que c'était le fil du roman.
Autre déception du roman, l'incohérence du sujet. Je n'ai pas réussi à me dire que des ados âgés entre 15 et 18 ans pouvaient agir comme ils le font dans le roman. La partie "étude de la maladie" par des scientifiques en culotte courte ça ne passe pas chez moi. La partie "gestion d'un camp" par des ados ne passe pas non plus. Ce n'est pas très crédible à mon avis et j'ai eu beau faire des efforts, je crois que ça m'a bloqué tout le roman. Trop de réflexions, trop d'actions ne peuvent être menées que par des adultes à mon avis (pour fréquenter des ados tous les jours je les vois mal réagir comme dans le livre - je parle au niveau gestion de la crise et réflexions scientifiques ou politiques).
Alors face à tant de déception j'ai cherché du réconfort dans ce livre et j'en ai trouvé un peu. La réflexion sur les migrants et sur l'accueil des migrants est très bien menée et particulièrement collée à l'actualité. Je reconnais bien l'intelligence et l'engagement politique de l'auteur. le combat de Marco pour protéger les migrants et leur fait accéder aux mêmes droits qu'aux "parqués" m'a ému et plu. Comme d'habitude j'ai aimé aussi la façon dont la violence est utilisée dans les romans de Villeminot. U4 est extrêmement sombre et ultra violent mais elle nous interroge tous sur la violence portée en chacun de nous. Les ados livrés à eux-mêmes deviennent violents et tuent à tour de bras parfois sans remords pour certains. La violence extrême des adultes à l'encontre des enfants (la scène des ados saisis par le napalm est très forte) nous pousse à une réflexion sur le recours à la violence dans des situations de crise et sur les dérives qu'elle induit. Sur les "dommages collatéraux" aussi. Cette réflexion est forte et bien mise en valeur et c'est une réussite de l'auteur à n'en pas douter.
Voilà, je clos ma critique sur ces points positifs et je vais essayer de ne garder que cela en mémoire. Je lirai bien évidemment les autres histoires d'U4 car je trouve le projet très intéressant et plutôt réussi dans sa mise en oeuvre. Ce faux-pas de Villeminot n'est pas rédhibitoire pour moi et je continuerai bien sûr à suivre cet auteur que j'adore.