Engager son corps dans le monde, dans la lutte et dans L Histoire
Quand le corps féminin se fond avec le corps social, il n'y a qu'un pas entre solidarité et sororité.
Animé par Willy Richert.
Avec les auteur·rice·s
Carole Trébor (Louise Michel, Je suis tout en orage, Albin Michel Jeunesse),
Cathy Ytak (Têtes hautes, Talents hauts),
Jean-Laurent del Socorro (Vainqueuse, l'école des loisirs)
et l'auteur-illustrateur Stéphane Fert (La Marche brume, vol. 1, le Souffle des choses, Dargaud).
Avec la participation de Shyrine Slamani et les élèves de 3e et 6e du collège Anatole France - Les Pavillons-sous-Bois (93). Un grand merci à Stéphanie Jarrad, professeure.
Et la voix de Cécile Ribault Caillol pour Kibookin.fr
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Personne ne peut nous empêcher de croire en ce qu’on veut
Je croise son regard et n'y vois qu'une bienveillance infinie. Une putain de bienveillance dans les yeux d'une meurtrière. Je me sens inondé d'une immense gratitude. Cette fille n'était pas destinée à tuer des soldats. C'est le monde qui a fait d'elle une tueuse.
Car pour moi ce soir, à part lui, rien n'existe.
Je ne te dis pas qu'on va construire d'un claquement de doigts un monde qui nous convienne. Mais au moins, on essaye d'être autonomes, de s'en sortir, de gérer un peu tout ce merdier, parce que, après tout, on ne les connaît pas, les adultes qui ont survécu, les soldats, les politiques qui ont bénéficié d'une protection spéciale.
Ce ne sont pas les murs qui font une belle maison, mais l’accueil que l'on y reçoit.
Mon couteau ne vibre pas malgré ma peur. C'est bon signe, ça m'apaise. C'est dingue, j'ai l'impression parfois qu'il est vivant et qu'il me transmet ses impressions : s'il vibre et chauffe, je suis en danger. S'il reste tiède, tout va bien. Il faut que j'arrête de délirer. Je vais devenir folle, je me comporte comme une sorcière du Moyen Age avec ses bibelots magiques.
Il lui révéla comment Icare s’était approché trop près du soleil et comment les ailes que lui avait si patiemment confectionnées son père avaient fondu, entraînant sa chute dans la mer, où le héros s’était noyé. Le message de cette histoire fit écho en elle. Elle ne parvenait pas à saisir la raison pour laquelle il lui laissait une si forte impression. Puis elle se souvint que leur mère les avait mis en garde à de multiples reprises : ‘Faites attention à ne pas vous brûler les ailes’. Elle le répétait surtout à Horace, qui rêvait d’aviation à longueur de journée. Elle insistait car, à sa connaissance, il n’y avait aucun aviateur noir. De telles aspirations pouvaient faire beaucoup de mal à son fils aîné, en l’entraînant dans des combats vains où il risquait de voir ses espoirs partir en fumée.
Je n’arrive pas à trouver les mots pour parler de la catastrophe. Je bute sur les termes exacts. J’arrive à les penser, pas à les dire : filovirus, U4. Parce que désormais ils incarnent quelque chose qui existe vraiment. Une vérité inacceptable, que j’ai évitée jusqu’à aujourd’hui. Je me souviens de ma terreur devant les chiffres et les termes scientifiques à la télévision. De ma terreur et de mon refus absolu de cette réalité-là. Alors, ils sont morts ? C’est ça que j’ai refusé. Ils sont tous morts. Est-ce que je pourrai l’accepter un jour ? Est-ce que je pourrai vivre ? Tous morts. Sauf nous, les adolescents, et quelques militaires. Tous morts. Et nous, on est là, réunis dans cette fosse, quatre existences dévastées.
- À quoi rêves-tu, Gromislav ?
- Je rêve souvent que je suis un oiseau, sourit le gros géant, lourd comme mille éléphants.
- Alors la Terre sera ton œuf, lui dit le dieu. Et tu vas la couver.
En tant que femme, elle avait combattu, par la seule force de son esprit, le refus des hommes de lui accorder la place qu'elle méritait ; en tant que scientifique, elle avait combattu, à travers ses prouesses, le dénigrement de ses recherches par des ingénieurs injustes ; en tant que Noire, elle avait combattu, de toute sa dignité, le rejet et le racisme des Blancs. Il était impossible de bailloner son esprit, comme il avait été impossible de lui barrer la route jusqu'à la Lune.