Bogota, 1996. Antonio Yammara, le narrateur, un jeune professeur de droit colombien fraichement nommé, se lie d'amitié avec le mystérieux Ricardo Laverde de vingt ans son aîné lors des soirées passées à jouer au billard dans un quartier de la capitale.
On ne sait pas grand choses de ce Laverde, si ce n'est la rumeur qui le dit sortant de prison après vingt ans de réclusion.
Ricardo se livre peu, alors quand, après de nombreux verres de rhum, alors que Antonio le ramène chez lui, son ami lui propose un dernier verre, Antonio s'en voudra beaucoup, a posteriori, de ne pas avoir dit oui. Cela lui aurait sans doute permis de comprendre l'énigme de Laverde qui va le poursuivre tout au long d'une partie de sa vie.
Parce qu'il n'aura presque plus l'occasion d'en savoir plus.
Il apprendra juste de la bouche de son ami que celui-ci attend sa femme, une certaine Elena Fritts.
Pendant ce temps Antonio est rattrapé par l'histoire de l'une de ses étudiantes, Aura Rodriguez, qui lui annonce qu'elle est enceinte de lui. Même si Aura a vécu une enfance très différente de celle du narrateur (elle n'a quasiment jamais vécu en Colombie et n'a donc pas connu les années affreuses de la période Escobar) il accepte néanmoins qu'elle entre dans sa vie avec sa petite valise et sa boite de maquillage et bientôt ils attendent ensemble avec impatience l'arrivée de la petite Leticia.
Mais Antonio va croiser une dernière fois Ricardo Laverde : celui-ci, après une soirée de billard, lui demande comment il pourrait écouter une cassette audio : tous deux partent à la « Maison de la poésie », où, tandis que Antonio écoute des poèmes de Silva dans ses écouteurs, Ricardo écoute une autre cassette qui semble lui causer un choc émotionnel et lui faire monter les larmes aux yeux. Et quand enfin Ricardo s'éloigne et qu'Antonio tente de le rattraper, au moment où il arrive à sa hauteur, deux motards armés tirent sur les deux hommes, les laissant au sol grièvement blessés …
Juan Gabriel Vasquez a beaucoup de talent pour conter une histoire palpitante.
Dans la deuxième partie du livre il va, avec son personnage principal narrateur, se livrer à une enquête minutieuse sur le passé de Ricardo Laverde, tué dans le règlement de comptes.
Parallèlement Antonio, qui a été grièvement blessé, aura beaucoup de mal à se remettre de cet attentat.
Juan Gabriel Vasquez nous parle de cette difficulté à échapper à cette angoisse quotidienne des années sombres en Colombie. Et Aura ne peut rien partager avec son compagnon, elle qui n'a pas vécu cette période et ne comprend pas les raisons du « stress post-traumatique » de Antonio.
Antonio retournera dans la maison de Ricardo, retrouvera la fameuse cassette, et comprendra la douleur de Ricardo en l'écoutant :
« Un cri entrecoupé ou quelque chose qui y ressemble s'élève, puis j'entends un bruit que je n'ai jamais su identifier : il n'est pas humain, il est plus qu'humain. C'est le bruit des vies qui s'éloignent, mais aussi celui d'objets qui se brisent.
le bruit des choses qui tombent, un bruit ininterrompu et par là même éternel, un bruit sans fin qui continue de retentir dans ma tête depuis ce soir-là et ne semble pas vouloir en partir. »
Souvenir, travail de mémoire, retour sur les années sombres du cartel des drogues,
Juan Gabriel Vasquez traite de tout cela et de plus encore.
On songe à
L'hiver à Lisbonne de Antonio Munoz Molina et à cette ambiance si particulière qui décrit la capitale portugaise.
Comment vit-on avec l'angoisse permanente d'un attentat ? Ces questions sont universelles. D'une écriture limpide et palpitante, ce Bruit des choses qui tombent est un grand roman sud-américain.