AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur L'ordre du jour (341)

Cette réunion du 20 février 1933, dans laquelle on pourrait voir un moment unique de l'histoire patronale, une compromission inouïe avec les nazis, n'est rien d'autre pour les Krupp, les Opel, les Siemens qu'un épisode assez ordinaire de la vie des affaires, une banale levée de fonds. Tous survivront au régime et financeront bien des partis à proportion de leur performance.
Commenter  J’apprécie          50
Il faut se souvenir qu'à cet instant la Blitzkrieg n'est rien. Elle n'est qu'un embouteillage de panzers. Elle n'est qu'une gigantesque panne de moteur sur les nationales autrichiennes, elle n'est rien d'autre [...] qu'un mot venu plus tard comme un coup de poker. Et ce qui étonne dans cette guerre, c'est la réussite inouïe du culot, dont on doit retenir une chose : le monde cède au bluff. Même le monde le plus sérieux, le plus rigide, même le vieil ordre, s'il ne cède jamais à l'exigence de justice , s'il ne plie jamais devant le peuple qui s'insurge, plie devant le bluff.
Commenter  J’apprécie          120
Dans la baraque où les potences sont dressées, ce qui ressemble à un mauvais hangar, Ribbentrop est passé le premier. Non plus altier, comme il fut souvent, non plus inflexible comme durant les négociations du Berghof, mais accablé à l’approche de la mort. Un vieillard claudicant.

pp. 65-66
Commenter  J’apprécie          330
C'est curieux comme jusqu'au bout les tyrans les plus convaincus respectent vaguement les formes, comme s'ils ne voulaient pas brutaliser les procédures, tandis qu'ils roulent ouvertement par-dessus tous les usages. On dirait que la puissance ne leur suffit pas, et qu'ils prennent un plaisir supplémentaire à forcer leurs ennemis d'accomplir, une dernière fois, en leur faveur, les rituels du pouvoir qu'ils sont en train d'abattre.
Commenter  J’apprécie          170
Hitler, Le Führer attirait les autres à lui par une force magnétique, puis les repoussait avec une telle violence, qu'un abîme s'ouvrait alors, que rien ne pouvait combler.
Écrit Schuschnigg. On voit qu'il n'est pas avare d'explications ésotériques. Cela justifie ses faiblesses. Le chancelier du Reich est un être surnaturel, celui que la propagande de Goebbels voudrait nous monter, créature chimérique, effrayante, inspirée.
Commenter  J’apprécie          60
Les Ribbentrop rirent du bon tour qu'ils avaient joué à tout le monde. Ils s'étaient, évidemment, parfaitement rendu compte qu'une fois la note apportée par l'agent du Foreign Office, Chamberlain avait paru préoccupé, affreusement préoccupé. Et, bien sûr, ils savaient exactement ce qu'il y avait dans cette note, les Ribbentrop, et ils s'étaient donné pour mission de faire perdre à Chamberlain, et au reste de son équipe, le plus de temps possible. Ainsi, ils avaient éternisé ce repas, puis le café, puis les discussions dans le salon jusqu'à la limite du raisonnable. Pendant ce temps, Chamberlain n'avait pu parer au plus pressé, il avait été occupé à causer de tennis et à déguster des macarons. Les Ribbentrop, jouant sur sa trop grande politesse, une politesse presque maladive, puisque même la raison d'Etat pouvait attendre, l'avaient très utilement détourné de son travail. C'est que cette note apportée par l'agent du Foreign Office, et dont le mystère s'étira durant cet interminable repas, contenait une terrible nouvelle : les troupes allemandes venaient d'entrer en Autriche.
Commenter  J’apprécie          80
On ne tombe jamais deux fois dans le même abîme. Mais on tombe toujours de la même manière, dans un mélange de ridicule et d'effroi. Et on voudrait tant ne plus tomber qu'on s'arc-boute, on hurle. A coups de talon, on nous brise les doigts, à coups de bec on nous casse les dents, on nous ronge les yeux. L'abîme est bordé de hautes demeures. Et l'Histoire est là, déesse raisonnable, statue figée au milieu de la place des Fêtes, avec pour tribut, une fois l'an, des gerbes séchées de pivoines, et, en guise de pourboire, chaque jour, du pain pour les oiseaux.
Commenter  J’apprécie          30
Et finalement, Schuschnigg céda. Il fit même pire. Il bredouilla. Puis, il déclara qu'il était prêt à signer, mais il émit une objection, la plus timide et la plus aboulique qui soit, la plus veule aussi : "Je vous ferai seulement remarquer" ajouta-t-il, dans un mélange perceptible de malice et de faiblesse qui dut le défigurer, "que cette signature ne vous avance à rien". A cet instant, il dut savourer la surprise d'Hitler. Il dut savourer la seule petite étincelle de supériorité qu'il put dérober au destin sur Adolf Hitler. Oui, il dut jouir, lui aussi, mais d'une autre manière, comme un escargot peut-être, de ses cornes molles. Oui, il dut jouir. Le silence après sa réplique dura une éternité. Schuschnigg éprouva sa part invincible, minuscule. Et il se tortilla sur son siège. Hitler eut un regard interloqué. Qu'était-il en train de lui dire ? "D'après notre Constitution", renchérit alors Schuschnigg, d'un ton doctoral, "c'est la plus haute autorité de l'Etat, c'est-à-dire le président de la République qui nomme les membres du gouvernement. De même que l'amnistie est sa prérogative." C'était donc cela, il ne se contentait pas de céder à Adolf Hitler, il lui fallait encore se retrancher derrière un autre. Lui, le petit autocrate, voici que soudain, au moment où son pouvoir devenait empoisonné, il acceptait de le partager.
Commenter  J’apprécie          10
A cet instant, le commentateur inspiré, nasille que les quatre chefs d'Etat, Daladier, Chamberlain, Mussolini et Hitler, animés d'une même volonté de paix posent pour la postérité. L'Histoire rend ces commentaires à leur dérisoire nullité et jette sur toutes les actualités à venir un discrédit navrant. Il paraît qu'à Munich serait né un immense espoir. Ceux qui disent cela ignorent le sens des mots. Ils parlent la langue du paradis où, dit-on, tous les mots se valent. Un peu plus tard, Edouard Daladier, à Radio Paris, seize cente quarante-huit mètres sur grandes ondes, après quelques notes de musique, raconte. Il a la certitude d'avoir sauvé la paix en Europe, c'est ce qu'il nous dit. Il n'en croit rien. "Ah, les cons, s'ils savaient !" aurait-il murmuré à sa descente d'avion face à la foule qui l'acclame. Dans ce grand bric-à-brac de misère, où se préparent déjà les pires événements, un respect mystérieux pour le mensonge domine. Les manoeuvres terrassent les faits ; et les déclarations de nos chefs d'Etat vont être bientôt emportées comme un toit de tôle par un orage de printemps.
Commenter  J’apprécie          20
Les premières phrases : Le soleil est un astre froid. Son cœur, des épines de glace. Sa lumière, sans pardon. En février, les arbres sont morts, la rivière pétrifiée, comme si la source ne vomissait plus d'eau et que la mer ne pouvait en avaler davantage. Le temps se fige. Le matin, pas un bruit, pas un chant d'oiseau, rien. Puis, une automobile, une autre, et soudain des pas, des silhouettes qu'on ne peut pas voir. Le régisseur a frappé trois coups mais le rideau ne s'est pas levé.
Commenter  J’apprécie          30






    Lecteurs (5551) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Kiffez Eric Vuillard !

    La première fois que j'ai rencontré Eric, il m'a dit d'un ton péremptoire, la question n'est pas ...?...

    Une sinécure
    Sujet à débat
    à L'ordre du jour
    Digne d'intérêt

    10 questions
    27 lecteurs ont répondu
    Thème : Éric VuillardCréer un quiz sur ce livre

    {* *}