AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur L'ordre du jour (340)

À l’époque où il était prisonnier des Italiens, jeune homme, pendant la Première Guerre, Schuschnigg aurait dû lire les articles de Gramsci plutôt que des romans d’amour ; alors il serait peut-être tombé sur ces lignes : “Quand tu discutes avec un adversaire, essaie de te glisser dans sa peau.” Mais il ne s’est jamais glissé dans la peau de personne, tout au plus a-t-il enfilé le costume de Dollfuss, après lui avoir pendant quelques années léché les bottes. Se mettre à la place de quelqu’un ? Il ne voit même pas où cela mène ! Il ne s’est pas glissé dans la peau des ouvriers tabassés, ni des syndicalistes arrêtés, ni des démocrates torturés ; alors, maintenant, il ne manquerait plus qu’il parvienne à se mettre dans la peau des monstres ! Il hésite. C’est la toute dernière minute de sa dernière heure. Et puis, comme d’habitude, il capitule. Lui, la force et la religion, lui, l’ordre et l’autorité, voici qu’il dit oui à tout ce qu’on lui demande. Il suffit de ne pas le demander gentiment. Il a dit non à la liberté des sociaux-démocrates, fermement. Il a dit non à la liberté de la presse, avec courage. Il a dit non au maintien d’un parlement élu. Il a dit non au droit de grève, non aux réunions, non à l’existence d’autres partis que le sien. Pourtant, c’est bien le même homme qu’embauchera après la guerre la noble université de Saint Louis, dans le Missouri, comme professeur de sciences politiques. Sûr qu’il en connaissait un bout en sciences politiques, lui qui avait su dire non à toutes les libertés publiques. Aussi, une fois passée la petite minute d’hésitation – tandis qu’une meute de nazis pénètre dans la chancellerie –, Schuschnigg l’intransigeant, l’homme du non, la négation faite dictateur, se tourne vers l’Allemagne, la voix étranglée, le museau rouge, l’œil humide, et prononce un faible “oui”.
Commenter  J’apprécie          00
La cervelle est un organe étanche. Les yeux ne trahissent pas la pensée. Les mimiques imperceptibles sont illisibles aux autres ; on croirait que le corps entier est un poème dont nous brûlons, et dont nos voisins ne comprennent pas un mot.
Commenter  J’apprécie          50
On a beau être à cheval sur le droit constitutionnel, les circonstances sont impérieuses, rien ne prévaut contre elles.
Commenter  J’apprécie          30
On ne tombe jamais deux fois dans le même abime. Mais on tombe toujours de la même ma-nière, dans un mélange de ridicule et d'effroi. Et on voudrait tant ne plus tomber qu'on s'arc-boute, on hurle. À coups de talon, on nous brise les doigts, à coups de bec on nous casse les dents, on nous ronge les yeux. L'abime est bordé de hautes demeures. Et l'Histoire est la, déesse raisonnable, statue figée au milieu de la place des Fêtes, avec pour tribut, une fois l'an, des gerbes séchées de pivoines, et, en guise de pourboire, chaque jour, du pain pour les oiseaux.
Commenter  J’apprécie          30
Ce n'est pas un désespoir intime qui les a ravagés. Leur douleur est une chose collective. Et leur suicide est le crime d'un autre.
Commenter  J’apprécie          00
Ce n’est qu’un joueur de cartes, Schusnigg, un piètre calculateur ; il a même semblé croire à la sincérité de son voisin allemand, à la loyauté des accords qu’on venait pourtant de lui extorquer. Il s’effarouche un peu tard ; il invoque les déesses qu’il a bafouées, il revendique des engagements ridicules pour une indépendance déjà morte. Il n’a pas voulu voir la vérité en face. Mais, à présent, la voici qui vient à lui, tout près, horrible, inévitable. Et elle lui crache au visage le secret douloureux de ses compromis.
Alors, dans un dernier geste de noyé, il va chercher l’appui des syndicats et du parti social-démocrate, pourtant interdits depuis quatre ans
Commenter  J’apprécie          80
Personne ne pouvait ignorer les projets des nazis, les intentions brutales. L'incendie du Reichstag, le 27 février 1933, l'ouverture de Dachau, la même année, la stérilisation des malades mentaux, la même année, la Nuit des longs couteaux, l'année suivante, les lois sur la sauvegarde du sang et de l'honneur allemand, le recensement des caractéristiques raciales,
Commenter  J’apprécie          140
L'aristocrate anglais, le diplomate qui se tient fièrement debout derrière sa rangée d'ancêtres, sourds comme des trombones, cons comme des buses, bornés comme des fields, voilà qui me laisse froid.
N"est-ce pas le très honorable premier vicomte Halifax qui, en tant que chancelier de l'Echiquier, s'opposa fermement à toute aide supplémentaire à l'Irlande, pendant toute la durée de sa chancellerie ? La famine fit un million de morts.
Commenter  J’apprécie          20
La corruption est un poste incompréhensible du budget des grandes entreprises, cela porte plusieurs noms, lobbying, étrennes, financement des partis.
Commenter  J’apprécie          30
Aussitôt les mains de Schuschnigg sont toutes moites; et que la pièce lui semble grande! Pourtant, tou à l'air calme. Les fauteuils sont revêtus d'une tapisserie vulgaire, les coussins sont trop mous, les boiseries régulières, les abat-jour cernés par de petits pompons. Soudain, Schuschnigg est seul dans l'herbe froide, sous le grand ciel d'hiver, face aux montagnes. La fenêtre devient immense. Hitler le regarde avec ses yeux pâles. Schuschnigg recroise les jambes et réajuste ses lunettes.
Commenter  J’apprécie          40






    Lecteurs (5462) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Kiffez Eric Vuillard !

    La première fois que j'ai rencontré Eric, il m'a dit d'un ton péremptoire, la question n'est pas ...?...

    Une sinécure
    Sujet à débat
    à L'ordre du jour
    Digne d'intérêt

    10 questions
    27 lecteurs ont répondu
    Thème : Éric VuillardCréer un quiz sur ce livre

    {* *}