La mémoire est une seconde chance.
Et je le voulais, que son regard me raccroche à ce monde dans lequel j'avais le sentiment de n'avoir qu'un seul pied. (p. 120)
La pièce est silencieuse comme une photographie.
Pour rester tendre, le poids de votre vie ne doit pas reposer sur vos os.
Je repense à la liberté, et que le moment où le veau est le plus libre est celui où la cage s’ouvre, et où on le conduit au camion pour l’abattre. Toute liberté est relative – tu le sais trop bien – et parfois ce n’est pas de la liberté du tout, mais simplement la cage qui s’élargit et s’éloigne de toi, les barreaux rendus abstraits par la distance mais toujours présents, comme quand on « libère » des animaux sauvages dans des réserves naturelles juste pour les confiner une fois de plus derrière des frontières plus vastes. Mais j’étais quand même preneur de cet élargissement. Parce que, parfois, ne pas voir les barreaux suffit.
C’est dans ces moments-là, près de toi, que j’envie les mots de faire ce que nous ne pourrons jamais faire – leur capacité à tout dire d’eux en restant simplement immobiles, en se contentant d’être. Imagine que je puisse m’allonger à tes côtés et que tout mon corps, la moindre cellule, irradie un sens limpide et singulier : pas tant un écrivain qu’un mot, imprimé à tes côtés.
Dehors, le vrombissement du colibri ressemble presque au bruit d'une respiration humaine. Il donne des petits coups de bec dans le bassin d'eau sucrée à la base de la mangeoire. Quelle vie atroce, suis-je en train de me dire : devoir bouger si vite juste pour rester au même endroit.
Que lire est un privilège dont tu m'as offert la possibilité avec ce que tu as perdu. Je sais que tu crois en la réincarnation. Je ne sais pas si c'est mon cas, mais j'espère que ça existe. Parce qu'alors peut-être que tu reviendras ici la prochaine fois. Peut-être que tu seras une fille et peut-être que ton nom sera à nouveau Rose, et que tu auras une chambre pleine de livres avec des parents qui te liront des histoires pour t'endormir dans un pays épargné par la guerre.
(p. 279)
N’est-ce pas la chose la plus triste au monde, Maman ? Une virgule qu’on force à être un point ?
Cet endroit-là, cette boucle de cheveux, c'était ce qui le poussait à arrêter son pick-up en pleine circulation pour contempler un tournesol de deux mètres de haut sur le bord de la route, bouche bée. Le Trevor qui me disait que les tournesols étaient ses fleurs préférées parce qu'ils poussent plus haut que les gens. (p. 148)