Oui, je voulais tout. J'ai enfoui mon visage en lui comme dans un climat, l'autobiographie d'une saison. Jusqu'à l'engourdissement.
Ce que je ressentais alors, pourtant, n’était pas du désir mais la tension de sa possibilité, comme un ressort, une sensation qui semblait émettre sa propre force de gravité et me maintenait en place.
Parce que la liberté, paraît-il, n'est rien d'autre que la distance entre le chasseur et sa proie.
La fois avec le couteau de cuisine - celui que tu as pris, puis reposé, tremblante, en disant à voix basse : "Va-t'en. Va-t'en." Et j'ai couru dehors, dans les rues noires de l'été. J'ai couru jusqu'à ce que j'oublie que j'avais dix ans, jusqu'à être réduit aux seuls bruits des battements de mon cœur.
Depuis tout ce temps je me disais que nous étions nés de la guerre- mais je me trompais, Maman. Nous sommes nés de la beauté.
Que nul ne nous confonde avec le fruit de la violence- mais cette violence a beau avoir traversé le fruit, elle n'a pas réussi à le gâter.
La vérité, c’est que je crains qu’ils ne se saisissent de nous avant même de saisir qui nous sommes.
Parfois, on vous efface avant de vous avoir laissé le choix d’affirmer qui vous êtes.
Elle a le regard de quelqu’un qui a dépassé sa destination mais continue tout de même à marcher.
Cet homme. Cet homme blanc. Ce Paul qui ouvre en grand le portail en bois du jardin, faisant claquer le loquet de métal derrière lui, cet homme n'est pas mon grand-père par le sang- mais par les actes. (p. 266)