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Citations sur Les oiseaux de Bangkok (21)

L’initiative était venue de Bromure. Biscuter traversait, mélancolique, la petite place de l’Arco del Teatro lorsque Bromure l’avait interpellé depuis sa position de cireur de chaussures lustrant les mocassins du patron d’Alp Sport, une boutique d’articles de sport qui venait d’ouvrir rue des Escudillers.
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À l’aéroport les attendait un jeune guide qui se présenta sous le nom de Jacinto même si, assurait-il, son nom était beaucoup plus compliqué en thaïlandais. Les Majorquins étaient dans un autre groupe et Carvalho se vit entouré de vieilles Castillanes riches étonnées par le nombre de Majorquins que l’on rencontrait à travers le monde, et par quelques jeunes couples qui s’accrochèrent au premier casque colonial venu. Durant le trajet qui les conduisait de l’aéroport à l’hôtel. Jacinto leur expliqua qu’à Bangkok vivaient cinq millions de personnes, la plupart d’entre elles pauvres et disposées à voler le sac de ces dames. Comme il est drôle, comme il est drôle, répétait une dame qui porta de manière préventive et défensive la main à sa perruque de nylon. La vérification du fait que Bangkok était plein d’Asiatiques avait constitué un sérieux avertissement pour les voyageurs de cet autocar climatisé, désormais conscients de faire partie d’une expédition aventurière en Extrême-Orient. Le guide continuait à les informer. Ils étaient en démocratie surveillée, en dictature démocratique, en monarchie constitutionnelle militarisée.
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— Mon mari m’a quittée.

Elle se laissa choir son verre à la main, de son autre bras elle équilibra sa chute et se retrouva jambes croisées et verre sans une goutte versée. Carvalho admira l’habileté du geste et, de sa position d’homme plongé dans les sables mouvants de dix mille coussins, sans assez de mains pour tenir un verre, éviter l’enlisement et être prêt à faire quelques avances à Joana, il maudit le prétendu orientalisme qui envahissait la décoration intérieure. En revanche, sur les murs, tableaux abstraits de noms connus et au fond de l’immense salon, dans le troisième séjour, le piano à queue.
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Fuster était content parce que, dit-il, c’est un dîner léger et pas un de ces scandales diététiques qu’il t’arrive de faire à trois heures du matin.
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S’informer sur les vices et vertus réels des Daurella avait demandé à Carvalho trois semaines de travail régulier, comme si, contaminé par l’esprit du vieux, il s’était engagé à travailler aux heures ouvrables.
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« Le crime de la bouteille de champagne », titrait El Periódico, et Carvalho lut en diagonale à la recherche de la marque de la bouteille utilisée pour le meurtre. Pas la moindre trace. Ce n’est pourtant pas pareil d’être tué avec un Cordoniu Gran Cremant, ou avec un brut nature Torello, avec un Juvé y Camps Reserva Familiar ou avec un Marti Solé nature. Il était possible que le meurtre eût été commis avec une bouteille de champagne français, mais dans ce cas, pouvait-on comparer un assassinat à coups de Moët et Chandon avec un crime perpétré au Krug ou au Bollinger ?
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Le rez-de-chaussée du Shangarila était un immense restaurant populaire, où un bon pourcentage des mille millions de Chinois existants dans le monde se consacrait à tisser et détisser leur voracité au moyen de baguettes. Par un escalier, on accédait aux étages supérieurs et au fil des étages le restaurant acquérait les caractéristiques des endroits chers, avec hôtesses en longues robes rouges fendues pour laisser entrevoir une jolie jambe asiatique terminée par une petite chaussure vernie. Devant Carvalho défila un chariot avec un canard laqué, il le suivit, flairant son arôme, jusqu’à la petite table qu’on lui indiqua. La courtoisie fonctionnelle des Asiatiques se manifesta lorsque, au vu de la solitude du détective, on lui attribua un serveur efféminé qui s’enquit de ses désirs gastronomiques à dix centimètres de son visage, avec les battements de cils de la fiancée de Donald et un anglais d’institutrice prise de fureur utérine. Carvalho demanda une portion de riz cantonais, une demi-ration d’abalones à la sauce d’huître, et un canard aux feuilles de thé Long Jin Ya, un délice qui était aussi joli à entendre en espagnol qu’en chinois. Cet étage-là de l’édifice était plein de Chinois à têtes de nouveaux riches. Propriétaires des principales richesses de ce pays, les Chinois de Thaïlande, comme tous ceux du Sud-Est asiatique, avaient quitté la Chine tout au long des derniers siècles, poussés par la faim ; ils avaient imposé leur volonté de survie à l’indolence des enfants du tropique. Un nouveau riche, ce Chinois obsessionnel qui dirigeait le dîner de ses deux commensaux plus discrets, découpant laborieusement le poisson cuit aux algues, multipliant les baguettes sur les plats qui couvraient la table, engloutissant cinq bols de riz blanc qu’il tenait au bord de ses lèvres, pour ne perdre ni un instant, ni un grain lors du voyage sans distance entre le récipient et ses mandibules. Ce Chinois-là mangeait avec la mémoire, pas seulement la sienne, mais aussi avec la mémoire collective d’un peuple qui avait fui la faim et, curieusement, il inspirait une confiance historique dans l’appétit humain. Carvalho se sentit a priori bien disposé à l’égard de ces plats de riz, abalones et canard que l’on plaça à sa portée. Le canard était une nouveauté pour lui et lorsqu’il demanda au serveur des renseignements sur sa préparation, le gentil jeune homme s’excusa en disant qu’il n’entendait rien à la cuisine, mais que le maître lui donnerait toutes les explications. Le maître lui dit que ce plat était fait avec du thé vert, si possible de la province du Zhejiang, en Chine, mais comme il était impossible d’en avoir pendant l’année, ils utilisaient du thé séché, du meilleur, du plus aromatisé. On faisait macérer le canard dans du gingembre, de la cannelle, de l’anis étoilé, des feuilles de thé, un verre de vin Shao Hsing, tout cela après l’avoir frotté de sucre et de sel. On ajoutait à la marinade un verre d’eau et on faisait cuire le canard au bain-marie sur ce bouillon pendant deux heures. On le laissait refroidir et on préparait une casserole avec du thé Long Jing où l’on plongeait et faisait cuire le canard pendant quatre minutes. Et c’était presque prêt. Il suffisait de faire frire les morceaux de canard à l’huile d’arachide pour les faire dorer et de les servir aussitôt très chauds.
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Depuis qu’il avait accepté l’affaire Daurella, il avait l’impression de travailler à heures fixes, de la manière la plus proche possible de la vertueuse coutume catalano-japonaise qui consiste à passer un tiers de la journée à travailler afin de pouvoir dormir huit heures et étancher les blessures du corps et de l’âme pendant les huit autres. Cela venait en partie de l’habitude qu’avait le vieux Daurella de lui donner rendez-vous entre neuf heures et neuf heures trente dans le commerce de stores et piscines qu’il avait dans le quartier du Pueblo Nuevo. Ensuite, la seule possibilité de faire le tour de l’affaire à partir du centre radial du vieux patriarche, c’étaient les heures ouvrables : lorsque à l’appel de la sirène ils rangeaient tout ce qu’ils retrouveraient à la même place le lendemain, les Daurella, coupables ou innocents, se dispersaient à travers le monde, dans une zone prudemment voisine de Barcelone mais assez loin les uns des autres, comme pour tisser un univers de points cardinaux de la famille, chaque fils à l’un des quatre coins de l’horizon avec les parents dans leur appartement de l’Ensanche, rue du Bruch, au centre de la terre. C’est ainsi que, lorsque le vieux Daurella parlait de Jordi, Esperança, Núria ou Ausiàs, il tournait la tête vers le nord, l’ouest, l’est et le sud, car Jordi vivait dans une petite maison à Sant Cugat ; Esperança possédait une vieille ferme juste à la limite de la zone où Esplugas de Llobregat devenait cité dortoir ; Núria était installée dans un lotissement du Maresme et Ausiàs, le benjamin et macrobiotique Ausiàs, avait plus de jardin que de maison au Prat. Et en réalité le vieux n’avait pas à tourner la tête vers tous les horizons car dès huit heures du matin les Daurella travaillaient dans l’immense enceinte des Stores Daurella, SA.
– La SA, c’est eux. N’allez surtout pas penser qu’il y a ici des capitaux américains.
L’avertit le vieux Daurella qui pensait au quart de tour. Eux, c’étaient Jordi, Esperança, Núria et Ausiàs, bruns ou petits bruns selon leur poids, et semblables à leur père avec des traits plus ou moins dilatés, comme si à l’heure du coït avec Mme Mercé, Daurella avait imposé la condition sine qua non que tous ses enfants devaient lui ressembler, tous sans exception. Et peut-être parce que l’amour est chromosomiquement prédestiné, ils avaient cherché des moitiés qui leur ressemblaient, sauf Ausiàs, le benjamin, el més mimat, disait encore le père Daurella lorsqu’il parlait de lui, qu’il soit ou non présent, qui était arrivé à épouser un être humain blond, une Hollandaise qui, il y a seulement cinq ans, aurait mérité les pages centrales de Playboy ; aujourd’hui, elle travaillait à plein temps pour la reproduction et la macrobiotique ; elle avait l’air d’une jolie blonde ravagée préposée aux relations extérieures de Daurella SA parce qu’elle parlait anglais comme une Anglaise, insistait le vieux Daurella, et français comme le général de Gaulle. La métaphore aussi était du patriarche. Les autres gendres et brus travaillaient également dans l’affaire. Le mari d’Esperança, l’aînée, coordonnait les représentants, lui-même voyageait en Espagne pour rendre visite aux clients. Celui de Núria était chef du magasin, et la femme de l’aîné, Jordi, dirigeait le bureau installé dans un préfabriqué où l’affiche des Folies-Bergère annonçant la super-vedette espagnole Norma Duval mettait une note d’exotisme. M. et Mme Daurella la lui avaient rapportée d’un récent voyage à Paris où ils s’étaient rendus pour fêter leurs noces d’or.
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Il se pencha au balcon. La dame confite et brune était toujours au bord de la piscine, elle prenait la lune, et son mari nageait avec la parcimonie d'un crocodile. La dame confite leva la tête et vit Carvalho derrière le rideau. Le détective crut deviner un sourire sur son visage de poupée de cire, mais il faisait trop sombre pour en être sûr. Quant au mari nageur, il mesurait un mètre quatre-vingt-dix et pesait cent vingt kilos. Lourd.
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Est-ce qu'on remarquerait le bien sans la présence du mal ?
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