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RAGNAROK À HAWAII

Soyons parfaitement honnêtes : que savons-nous réellement d'Hawaii, de sa culture millénaire, de son panthéon, de ses autochtones passés et présents quand bien même nous aurions un vague idée de la vivacité de sa vie tectonique et de ses volcans, de ses paysages à couper le souffle, de ses plages idylliques, de ses "spots" inimitables pour surfer ultra-chevronnés - souvenons-nous même que le Surf, ancien sport des Dieux et des Rois, doit une large part de sa reconnaissance mondiale à sa survie à Hawaii - ; que c'est le cinquantième État américain (le dernier dans l'ordre d'adhésion à l'Union, le seul hors Amérique du nord, l'un de deux seuls non contigu aux autres avec l'Alaska) ; que sa capitale est Honolulu, dont la simple évocation est une invitation à l'exotisme et au voyage ; que le bombardement japonais massif de la flotte U.S. à Pearl Harbour, en 1941, fut la goutte de feu qui fit déborder le vase interventionniste américain ; que Bruno Mars en est originaire, que Barack Obama y naquit ; que le ukulélé en est l'instrument iconique par excellence ; que la série "Magnum", avec Tom Selleck dans le rôle-titre, participa à populariser les "charmes" naturels de ce chapelet d'îles incroyables, ou encore celle, de deux décennies antérieure, intitulée Hawaii Police d'État...

Clichés ! Clichés ! Clichés encore ! Car, au fond, en dehors de la jolie carte postale, reconnaissons que nous ne savons pas grand'chose de ces îles terriblement lointaines. Moins encore de ses premiers habitants, polynésiens probablement arrivés des Îles Marquises, de Tahiti un peu, 1500 ans auparavant, qui allaient voir leur existence bouleversée par l'arrivée de James Cook en 1778 (même si des contacts antérieurs avec des européens sont attestés) qui rebaptisera ces confettis de l'immensité pacifique "îles Sandwich" - Cook y perdra d'ailleurs la vie - en hommage à un aristocrate britannique du même nom, que les américains, russes, britanniques et français allaient essayer de se partager au fil du XIXème siècle, entre intérêt stratégique, économiques (comme lieu de ravitaillement et de vente, souvent d'alcool, pour les navires baleiniers ou de commerce) et politique. Mais à la fin, ce sont les USA qui gagnent, pour paraphraser l'antienne, tandis que la population autochtone aura vu sa population amputée de 80 à 90% de ses membres (essentiellement de maladies "importées" par les colons blancs Coqueluche, rougeole, dysenterie, syphilis et même lèpre) en moins d'un siècle, imposant aux Tycoons de l'époque l'introduction d'une main d'oeuvre (très) bon marché originaire de Chine, des Philippines et du Japon : le "socle" ethnologique du Hawaii moderne était créé. Et c'est ainsi que la population indigènes de l'archipel ne serait plus (tout dépend, par ailleurs, du mode de comptage) que la troisième, voire quatrième en importance, loin derrière les "haoles" (les blancs) puis les descendants des immigrés japonais et, selon les critères, philippins. Un peuple tout à la fois chassé de son trône et minoritaire chez lui... La "conquête de l'ouest" sur les îles. 

Ce ne sont que quelques éléments, très fugaces, et bien incomplets, de ce qu'est le cadre du premier roman de Kawai Strong Washburn, et c'est fort loin de tout expliquer, mais c'est tout de même indispensable pour mieux en comprendre l'atmosphère ainsi que certains enjeux de cet ouvrage. 

Ainsi, Au temps des requins et des sauveurs détaille-t-il l'histoire d'une famille originaire de l'île d'Hawaii - Grande Île, pour la distinguer de l'archipel tout entier -, celle où fut tué James Cook, celle où naquit Kamehameha Ier, le premier roi unificateur en 1810, celle qui connut les fastes puis le déclin fatal de la production de la canne sucrière - celle-là même où travailla Augie, jusqu'à la fermeture de la dernière plantation en 1996, le père de Nainoa, son second fils et personnage central mais pas unique de ce roman choral. le lecteur va ainsi suivre, à la manière d'une succession de monologues intérieurs aux styles aussi différents que possibles les uns des autres, les destinées de la mère, Malia, du premier puis du second fils, Dean et Nainoa ainsi que de la puînée, Kaui. À noter qu'Augie, le père, ne "participe" à cette saga familiale qu'assez indirectement, et c'est une unique, mais essentielle fois, qu'on le "voit" participer directement à la narration de cette étonnante chronique. de la conception - quasi mythologique et téléologique - de Nainoa jusqu'à son sauvetage miraculeux, digne d'une parabole christique, par un cercle de requin et sous les yeux de ses proches et de marins ébahis tandis qu'il était destiné à une noyade certaine, jusqu'à son assomption puis à sa quasi déification, Kawai Strong Washburn conte par le menu la vie de cette famille sans cesse assiégée par la pauvreté, contrainte à la migration intérieure vers l'île populeuse d'Oahu - sorte de mythe intérieur et moderne de l'argent et de l'ascension sociale facile, selon l'origine -, déracinée donc au sein même de ses propres totems et territoires. On regarde ces trois enfants grandir de manière bien différentes, pour ne pas écrire parfaitement différenciée - il est évident que l'éducation et la prise en charge familiale des deux garçons ne sont décidément pas les mêmes que celles de la cadette, dont on n'attend rien d'autre que de soutenir et d'admirer ses deux aînés - au fil de leurs années d'enfance jusqu'aux débuts de leur âge adulte.

Que dire de ce roman qui n'ait déjà été exprimé par d'autres, non sans talent, sur ces pages babeliennes ? Qu'il résiste, pour une large part, à mon analyse et à mon appréciation, m'ayant laissé parfois au bord, et pas seulement parce qu'il parle d'un monde que je ne connais que trop mal (toute proportion gardée, je me suis remémoré mes premiers pas dans la littérature japonaise, fait tout autant d'envies que d'une certaine forme d'incompréhension), tandis qu'à d'autres moments, très forts, il a pu emporter mon enthousiasme.
On perçoit bien toute la force symbolique émanant autant du rapport à la culture des grands anciens, à leurs divinités presque totalement abolie - malgré leur survie dans l'imaginaire hawaiien, dans les contes, la musique, omniprésente et symbolisée à elle seule par un instrument caractéristique : le ukulélé ; par la danse des femmes aussi, le fameux hula - et la critique drastique du monde nouveau fait d'argent roi, d'immeubles de plusieurs étages, de "resorts" et de tourisme effréné, de petits boulots de misère pour les uns (d'avant) ou de richesse à portée de main (d'ailleurs). Cet affrontement qui vient, celui des Dieux anciens et favorables à leur terre immémoriale contre l'émergence des Géants modernes et destructeurs de mondes, il intervient dès les premières lignes de l'ouvrage, en la personne de Malia, la mère/alma mater, tandis qu'elle et son jeune époux viennent à peine de concevoir quelque part dans la montagne à l'arrière d'un pick-up défoncé - on n'est pas sérieux quand on a vingt ans - leur jeune idole, ce second fils bientôt thaumaturge, deux décennies avant qu'il entre en son crépuscule - Ragnarok vous dis-je !-. Cette ligne de faille se retrouvera au sein même de cette famille qui n'en finira pas de se séparer (une fois les enfants, devenus majeurs mais pas vaccinés, disséminés aux vents mauvais de la côte Pacifique des USA), l'aîné ayant un prénom appartenant à la langue de l'envahisseur - Dean -, pratiquant, avec grand talent d'ailleurs, l'un des sports le plus emblématique de l'Amérique triomphante (le basket-ball) plutôt que le surf, américanisé d'ailleurs jusqu'au mode d'expression, de vie et aux pratiques alimentaires les plus néfastes, tandis que le second ainsi que la cadette ont chacun des prénoms "locaux", pratiquent, avec art et presque par prédestination, qui le ukulélé, qui le hula, ce qui ne les empêchera pas, l'une comme l'autre, de s'égarer à leur tour dans le dédale des grandes villes américaines, tandis que l'aîné ira littéralement tout y perdre avant la rédemption, en un véritable retour de l'enfant prodigue ! 

Il est dense, ce roman, très dense. Au point qu'on finit par se demander si son auteur n'a pas voulu trop en mettre, trop en dire. Au risque de mal fixer ses personnages, d'en faire des clichés plutôt que des symboles, de chercher à être moderne et classique à la fois, d'être sur le front de la critique sociale et - pour être en vogue - sociétale, tout autant que dans le roman psychologique ou dans le huis-clos familial. Sans doute est-ce là l'écueil majeur de ce premier texte, grand par certains aspects, pénible et décevant par d'autres : qu'il est la gangue de laquelle cinq, dix autres romans, majeurs cette fois, pourront éclore et s'épanouir, si le génie surpasse le seul talent. Qu'il faudra aussi, pour y parvenir, échapper aux modes, aux tics du temps (cette manière un peu forcée de vouloir à tout prix donner la parole, chacun leur tour et en respectant un certain équilibre, aux principaux personnages de papier ; vouloir faire contemporain en adoptant une langue supposément vulgaire qui ne peut pour autant être qu'une pure construction littéraire - on ne fait pas du J.D. Salinger à tous coups -, etc), trouver une harmonie un peu moins hachée (les pages sans grand rythme véritable succèdent à de réels moments de grâce, un peu trop fréquemment pour ne pas finir par user le lecteur), en bref, trouver sa voix/voie propre, ce dont il nous faut admettre que l'auteur à toutes les armes pour ! Un roman en demi-teinte, au final, mais qui nous aura aussi permis de ne pas rester campé sur nos trop rares connaissances littéraires relatives à cet archipel, paraît-il de toute beauté. Et même si Samuel Langhorne Clemens, jeune journaliste qui se fera bientôt connaître du monde entier sous son nom de plume - Mark Twain - ainsi que, quelques décennies plus tard, un certain Jack London (ses Histoires des îles sont de véritables pépites tandis qu'elles n'hésitent pas à franchir la face sombre du miroir hawaiien d'alors, prémices de celui d'aujourd'hui) ont pu nous donner quelques idées de ce qu'étaient jadis ces confettis pacifiques, tant de temps à passé qu'il était juste d'aller y revoir de plus près (d'autant qu'après recherche, aucun autre auteur ni poète indigène n'est traduit dans notre langue). Ceci est corrigé - pour un peu - grâce à la très belle traduction de ce texte indubitablement fort (et éprouvant) à propos duquel il me faut, enfin, remercier les Éditions Gallimard, qu'on ne présente plus, à travers leur très belle collection «Du monde entier», ainsi que notre irremplaçable site de lecture en ligne préféré, Babelio, sans lesquels nous n'aurions sans doute jamais croisé la piste de ces dieux pas encore totalement disparus !

PS : Malgré quelques préventions, déceptions diverses et mises en garde éparses accompagnées d'une notation mitigée - qui vaut ce qu'elle vaut -, j'aurais malgré tout tendance à conseiller ce roman aux lectrices et lecteurs avides de vraie découverte d'un monde exotique (au sens plein), d'un peuple qui lutte ces dernières décennies pour retrouver une part de reconnaissance culturelle et politique (dans la mouvance des populations amérindiennes dont les populations d'Hawaii ont été jusque-là parfaitement écartées pour de sombres motifs juridiques et de date d'annexion de l'archipel à la fin du XIXè !). Quant aux avis d'une présentatrice TV ou d'un ancien président américains mis en avant par l'éditeur, le crédit que je leur porte est proche de néant, mais si ça peut faire plaisir à d'aucuns...
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Pour la famille Flores, ce qui était une excursion qui aurait pu finir en drame se terminera en miracle, mais était-ce pour le mieux, finalement ? En effet, alors qu'en 1995, le cadet, Nainoa, tombe dans l'océan, assuré d'une mort certaine par la présence de nombreux requins autour de lui, est ramené au contraire à sa famille avec délicatesse par l'un d'entre eux, ses parents y voient un signe favorable des divinités hawaïennes pour leur avenir, alors qu'ils ont dû quitter l'île d'Hawaï pour s'installer sur l'île d'Oahu, à proximité d'Honolulu, afin de démarrer une nouvelle vie faite de plus de travail et de moins de pauvreté. Les enfants grandissent, deviennent adolescents, les parents fondent très vite tous leurs espoirs sur Noa, au détriment de Dean, l'aîné, et de Kaui, la benjamine, chacun tentant de trouver sa place dans l'ombre de son frère, au destin béni, donc forcément exceptionnel. Et chaque enfant, quelques années encore plus tard – l'on passe de 1995 à 2004 en moins d'une centaine de pages -, ira suivre son bout de chemin, dans divers autres états américains, tentant de garder unie une famille qui a déjà bien du mal à l'être depuis l'excursion, jusqu'à un nouvel évènement qui aura, de nouveau, des répercussions sur tous.

Certes, ce qui est présenté ici, dans les grandes lignes – et même si ma présentation semble précise, elle n'en raconte que peu, je tiens à rassurer les potentiels lecteurs, ce n'est pas dans mon habitude de révéler des pans importants d'une intrigue -, correspond parfaitement au principe d'une narration multiple, mêlant voix et temporalités diverses, comme savent si bien le faire les romanciers américains depuis une dizaine d'années. Mais, comme cela est trop souvent le cas, et de plus en plus souvent à mon sens, cette narration est ici d'un artifice assez grossier, semblant forcer le récit pour le faire tenir dans la case obligée du roman choral, avec des chapitres commençant par dates, lieux, et noms des personnages à l'appui, suivant toujours plus ou moins le même ordre, et le même nombre, d'apparitions au fil des parties, sans que cela ne soit vraiment nécessaire pour savoir qui est qui au fil du récit.

Par la description qu'il nous fait d'une famille sans cesse sur le fil du rasoir, et pas seulement financièrement, toujours dans l'entre-deux, et de ses traditions séculaires hawaïennes, au plus proche d'une nature sensible, vivante, puissamment fantastique et poétique, et de ses nécessités, pour les parents, à devoir, très prosaïquement, travailler comme des bêtes de somme pour simplement survivre, voire tenter de sortir sa progéniture du marasme qu'est devenue Hawaï pour une partie des locaux, au-delà de tout idéalisme touristique de carte postale, pour qui l'archipel rime plutôt avec pauvreté, chômage, précarité massifs, ce roman avait tout pour être d'une grande force d'évocation, mêlant avec virtuosité les antagonismes de chaque personnage, et dans le même temps d'Hawaï même. Mais la construction narrative évoquée précédemment m'a vraiment empêchée d'être pleinement emmenée par l'histoire de cette famille, comme si cette histoire perdait ainsi une partie de sa beauté et de son souffle tragiques, engoncée comme elle l'est d'un carcan stylistique devenu trop banal.

Je remercie les éditions Gallimard et Babelio de m'avoir permis de découvrir ce roman en avant-première, sa publication étant prévue pour le 26 août.
Lien : https://lartetletreblog.com/..
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Dans ce premier roman, on découvre une famille via différents points de vue. 15 années sont racontées par les enfants et les parents, le présent se dévoile peu à peu, les personnalités se révèlent et tous reviennent sur l'événement marquant de ce groupe. Un des enfants a été sauvé par des requins. Ce signe des dieux apporte autant d'espoir sue d'incompréhension. Les enfants se sentent éloignés de cet élu qui partage le même sang et les parents peuvent enfin trouver appui dans l'indicible de cette situation. Organisé en plusieurs parties, ce livre évite le descriptif pour mieux cerner le regard de chacun. Les êtres se confrontent, s'éloignent, partagent tous ce souvenir qui brouille les relations et la vision du monde. Cette famille semblait déjà coupé du monde (par des raisons économiques) et cette distance se ressent tant par l'événement que par ce que chacun en retiendra. Finalement, on suit le parcours d'êtres qui doivent se reconnecter au monde, voyant au-delà de leur propre situation et se projetant sur le long terme. Un roman, dans la lignée traditionnelle d'une saga américaine, saisissant une certaine mythologie hawaïenne et faisant place aux fantômes d'une vie.
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Il y a longtemps les lieux n'avaient pas de nom. Seulement des arbres, des animaux et la nature.

L'auteur immerge le lecteur dans la vie d'une famille hawaïenne sur près de 15 ans, entre 1995 et 2009. On est loin du Hawaï glamour et romantique des lunes de miel et du surf. On découvre une île pauvre, sur laquelle ses habitants peinent à rassembler les deux bouts. le Hawaï de Washburn est mystique.

La nuit où Nainoa est conçu, Augie et Malia observe les marcheurs de la nuit. Dès ce moment, Malia sait que l'enfant à naître sera spécial. À l'âge de 7 ans, alors qu'il esr sur sur un bateau, Nainoa tombe dans le pacifique. Les requins arrivent et sauvent l'enfant, en le ramenant paisiblement à bord. Dès lors, dès évènements étranges vont se produire autour de Nainoa. Il peut guérir les blessés et sauver les mourants. Ce don divin devient rapidement une malédiction qui l'éloigne de son frère Dean et de sa soeur Kaui, et brise peu à peu les liens familiaux.

Tout à tour, les enfants quittent l'île pour rejoindre le continent, à la recherche d'une vie meilleure. Mais Hawaï ne le quittera jamais, leurs origines sont marquées sur leurs peaux et coulent dans leur sang.

Le roman alterne les voix narratives de chaque personnage. le lecteur s'imprègne de leurs sentiments, de leurs doutes et de leurs souffrances. J'ai trouvé le personnage de Kaui très attachant.

Avec ce roman, ne vous attendez pas à une intrigue ficelée, à un fil conducteur. Il s'agit plutôt d'une fresque familiale et de portraits d'une jeunesse désorientée, entre histoires et modernité.

Washburn signe un premier roman moderne et mystique. Une ode à son île, ce lieu empli de ses ancêtres, des croyances et des dieux. Ce lieu de mystère et de beauté dont il est fier.

L'écriture est fluide, poétique et crue à la fois. C'est un roman hors du temps qui nous happe et qui nous transporte.

Traduction : Charles Recoursé

Un grand merci aux Éditions Gallimard et à Babelio pour l'envoi de ce beau roman qui sort le 26 août 2021.
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Au temps des dieux et des rois.
Ceux qui font renaître la terre, tomber la pluie, pousser les arbres ; eux qui composent l'océan, la terre, l'air d'ici.
Ceux qui font battre le coeur de l'île.
Qui sont avec eux. En eux.
Au temps des légendes.
Qui coulent dans leurs veines en vagues immenses qui les ramènent à l'ile. Des histoires qui deviennent un appel, le destin sa propre force de gravité.
D'une île au centre de leur monde.

Il est un dieu.
Protégé par une force céleste, doté de capacités divines, il devient sa propre légende. Connecté à un monde invisible, il est guérisseur de corps blessés. Veilleur de son île meurtrie par les blessures, au chevet de sa famille, victime du Dieu argent surpuissant.
Il est l'enfant béni des déités, chéri d'une famille qui voit en lui le sauveur universel.
Il seront roi.
Et reine.
Des terrains de baskets aux amphithéâtres. Une fratrie à l'ombre d'un frère mythique obligée d'écrire sa propre légende sur les terres de l'exil. Déchirée entre la loyauté à une famille qui peine à les reconnaître et la volonté d'indépendance indispensable à leur épanouissement, ils devront se battre pour se construire un destin loin des leurs, résister à l'appel de leur île battant la mesure de leurs pas.
Ils sont la légende.
Les histoires d'une île présente en eux, dont la lave fertile coule dans les veines. Leurs destins sont inextricables, reliés par le fil invisible des chants de la terre natale.
Ils ont Hawaii dans le corps et dans le coeur.
Chacun d'eux est l'expression d'une souffrance, d'une blessure de l'île qu'ils tenteront de panser en s'éloignant ; le déracinement comme bandage sur la plaie béante de la perte d'identité.
Le bourdonnement ancien de la terre résonne en eux qui ne voient pas de futur, le chant des anciens rois retentit dans leurs coeurs d'une histoire qu'il leur appartient désormais d'écrire.
Ils sont dieux, rois, reines et légendes.
Ils sont l'île.
Qui exprime ses souffrances en chacun d'eux, fusion d'âme et de corps. Hawaii devient un personnage qu'ils essaieront de délivrer en expiant ses péchés, pour se libérer.
Pour la sauver. Pour se sauver.

Au temps des requins et des sauveurs ou une histoire familiale intimement imbriquée à l'Histoire d'Hawaii. Les chants divins répondent au choeur de voix éprouvées par les difficultés financières en quête de reconnaissance, les légendes content le passé mythique d'êtres qui ne voient pas de futur.
Qui, pourtant, vont écrire la légende des siens.
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C'était étrange. Beau et lumineux par moments, sombre et tragique souvent. On y suit une famille qui lutte pour survivre mais à travers eux c'est tout Hawaï, son histoire, ses traditions, sa terre, qui parle.

Une intrigue qui mêle réel et mystique, fantastique presque, pour parler avec pudeur de stigmas, de leur poids, de leurs conséquences et de la difficulté à s'en extraire même lorsque la vie nous offre un don.

Une belle fable écologique aussi, qui appelle à l'amour d'une terre, au respect de ce qu'elle donne.

Mené avec une plume précise et tranchante, mais qui sait aussi être poétique, ce roman m'a à la fois tenue pendue à ses pages et beaucoup émue. Bon nombre de passages ont résonné en moi, réveillé quelque chose au fond de mon coeur…

Il s'agit d'un ovni littéraire à mon sens, un livre qui sort de l'habituel et qui nous amène là où on ne s'attend pas. Qui nous retourne l'esprit!
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C'est un premier roman et Kawai Strong Washburn frappe assez fort : par le fond et par la forme.
Commençons par le fil conducteur du livre : la religiosité. Comme écrit dans le résumé, l'action principale se déroule dans l'archipel hawaïenne, mais vu de l'intérieur, non-touristique, et par une population autochtone. Les croyances animistes sont fortes : Les personnages, à divers degrés, sur différents modes croient qu'un esprit, une force vitale, interagit avec les êtres vivants, avec les éléments naturels, comme la pluie omniprésente. Des âmes ou esprits mystiques, manifestations de défunts ou de divinités locales, peuvent agir sur le monde tangible, de manière bénéfique ou non comme vont l'apprendre les héros du roman.
Voilà, chaque action est évaluée à l'aune de l'influence exercée par ces esprits sur les personnages. Influence réelle par moment, supposée à d'autres. A moins que ce ne soit le contraire.
Cette mystique se développe sur la misère qui gangrène ces îles suite à la disparition de la source de travail locale : la culture de la canne à sucre. Il n'y a plus de place économique pour ces îliens qui s'installent dans un mode de survie fait de petits boulots, de dettes, de désespoir.
On suit le parcours d'une famille de trois enfants dont l'un nous est présenté comme étant doué de pouvoirs réellement surnaturels. Son frère et sa soeur vont être impactés par ce don et c'est finalement ces trajectoires croisées qui tissent la trame du livre.
Découpé en quatre parties, comme les quatre étapes de ce chemin de croix, chemin de vie également : Libération, Ascension, Destruction et Renouveau. Et comme par hasard (ou pas) c'est un roman à quatre voix, celle de la mère, et des enfants qui se relaient pour nous narrer leurs souffrances, leurs doutes, leurs espoirs.
Finissons par la forme : l'écriture est assez hachée, dans un style non conventionnel, très dialogué. Parfois je me demandais même si j'avais bien compris le sens de la phrase. Beaucoup de termes hawaïens à assimiler qui participent à l'immersion dans cet univers : Haole par exemple qui désigne localement les non-natifs de ces îles. La plupart d'entre nous sommes ainsi des « haoles »...
Voilà, vous savez maintenant dans quel univers vous allez plonger. Personnellement, le côté social m'intéressait plus que le côté mystique et je me suis posé la question : était-il possible de faire l'un sans l'autre : le soignant sans le miracle, le basketteur sans le mana ... In fine je crois que non, le roman possède sa structure cohérente qui, je pense, fait que je m'en souviendrai longtemps.
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Douloureuse interprétation des signes, la promesse d'un Sauveur comme ultime trace de magie. Au temps des requins et des sauveurs, sous ses efficaces apparences de saga familiale, retrace l'invention d'un destin (sacrificiel forcément), ses impacts sur les autres membres de la famille, les façons dont, collectivement on peut prendre en charge, ce salut toujours équivoque. Dans ce premier roman, Kawai Strong Washburn ressuscite la magie d'Hawaï, ses croyances comme autant de possibilité de vivre autrement. Un très beau roman.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Quel beau livre! L'auteur est d'origine hawaïenne. Il nous propose une immersion dans sa culture et sa langue, loin des clichés qui circulent sur ces îles paradisiaques. Et pourtant, le paradis ne semble pas très accessible pour les protagonistes de ce roman. Il s'agit de la famille hawaïenne Flores, composée par les parents, Augie et Malia, et leurs enfants Nainoa, Dean et Kaui, deux garçons et une fille. A cause du fait que de nombreux touristes riches viennent passer leurs vacances dans les îles, les prix des produits de base sont trop élevés pour de nombreux natifs. Les Flores doivent ramer pour pouvoir survivre. Un jour, il se passe quelque chose de bien étrange à leur fils Nainoa. Pendant une excursion en mer, il tombe dans l'océan et il est sauvé par des requins. Depuis ce jour-là, Nainoa ou Noa, est considéré comme un enfant des dieux des îles. Cet évènement aura des répercussions pour toute la famille. Il changera leur vie. Kawai Strong Washburn donne la parole à chacun de ses personnages dans des chapitres qui portent leur nom. Et ceci au cours d'une période de quinze ans. Chaque personnage a sa voix à lui, mais ils partagent la même langue, garnie de nombreux mots hawaïens. Dans les dialogues et les monologues, la langue parlée et familière rend la lecture très agréable grâce à l'humour lié à ce registre. La traduction par Charles Recoursé est d'ailleurs très réussie. Or, la richesse réside surtout dans l'histoire et la proximité que l'on resssent avec les personnages, malgré le fait qu'ils sont loin de nos cultures européennes. C'est l'histoire de parents qui sacrifient tout pour offrir un futur meilleur à leurs enfants, tout en constatant que malgré leurs efforts, la réussite n'est pas évidente pour des natifs de Hawaï. C'est le côté social du roman. Mais, il y a aussi un côté très poétique qui nous rapproche de la nature et des dieux des îles. Bref, j'ai adoré ce roman et je comprends très bien pourquoi Barack Obama l'a mis en tête de liste de ses meileures lectures de 2020.
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Je sais que l'année n'est pas terminée mais je le sais, je le sens, comment en 2020 il y eut Betty, en 2021 c'est Au temps des requins et des sauveurs qui restera dans mon coeur. Encore un immense merci aux éditions Gallimard ainsi qu'à Babelio !

Hawaii, fin des années 90. Nainoa est le gamin étrange célèbre dans tout l'archipel d'Hawaii pour cette histoire extraordinaire : un jour d'excursion en bateau, le gosse est tombé à l'eau et il s'est retrouvé au milieu d'un banc de requins. Il aurait dû y rester, mais le père, la mère, le frère, la soeur et tous les témoins sur le bateau ce jour-là l'ont vu de leur yeux : l'un des squales l'a pris délicatement dans sa gueule et l'a ramené. Il a tellement été raconté cet épisode, dans les familles, dans les repas entre amis, partout, que Nainoa n'a pas eu d'autre choix que de grandir au creux de sa propre légende.

Alors que la canne à sucre s'effondre, précipitant la famille déjà précaire dans une dèche totale, Malia et Augie ne cessent de croire que leur fils a la faveur des dieux, qu'il aura un rôle crucial à jouer sur ce bout de terre écartelé entre une nature sauvage et sans âge et les plages défigurées par le béton et la colonisation des touristes blancs, les « haoles ».

Guérisseur ? Esprit réincarné ? Nainoa est déjà écrasé par le poids du destin inconnu qui l'attend. Son frère Dean et sa soeur Kaui sont bien plus dubitatifs, ils ne savent pas s'ils croient ou non aux récits et aux faits étranges qui les maintiennent dans l'ombre du cadet. Dans la même tentative effrénée d'échapper à Hawaii et ses superstitions, les enfants rejoindront le continent, les universités prestigieuses, l'espoir de devenir quelqu'un dans les yeux d'une mère et d'un père ou de comprendre le message des dieux anciens.

Byebye Hawaii, ses surfeurs et ses colliers de fleurs, Kawai Strong Washburn nous emmène loin des grattes-ciel de Waikiki, au coeur de l'intimité profonde d'un couple, d'abord, uni par l'amour le plus fort et le plus sensuel qui soit, mais aussi par un enfant. Il ne sera jamais dit qu'il est le préféré, pourtant la nuit de sa conception racontée par Malia vaut presque tous les aveux du monde. le poids des destinées toute tracées, les espoirs d'une génération reportés sur l'autre et la toute puissance de l'imaginaire forment le coeur vibrant de cette histoire familiale magnifique. On suit Nainoa, bien sûr, dans son éternelle tentative d'échapper à la noyade, mais aussi le besoin viscéral de Dean de sauver sa famille, emprisonné dans la colère et le chemin lumineux de la jeune Kaui, pourtant tracé dans l'ombre. Trois voix, trois destins scellés et descellés de façon inattendue. Bravo à Charles Recoursé pour cette traduction d'un texte comme je les aime, où chaque personnage est incarné à la seconde où il prend la parole.

L'auteur nous emporte sur ce fil ténu entre légendes fantastiques et réalité crue, dévoile les beautés et les injustices terribles de l'archipel… Une véritable histoire de famille, avec les rires, les pleurs et puis cet amour qui fait des merveilles et des ravages. Lisez Au temps des requins et des sauveurs. Vraiment.
Lien : https://prettyrosemary.wordp..
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