Un livre étrange, qui nous fait un peu frissonner...
On retrouve l'écriture à la première personne, qui est, je trouve, très efficace dans les récits fantastiques ou de science-fiction. C'est donc Prendick qui nous fait le récit de son séjour sur la mystérieuse île du docteur Moreau. On est en première ligne pour ressentir ses malaises, ses sentiments, lire ses interrogations, ses craintes, etc. On retrouve des ingrédients propres au genre : le sentiment du narrateur que son imagination lui joue des tours ("Mon imagination transforma les fourrés qui m'entouraient... Je me figurais être épié par des choses invisibles", chapitre V) ; l'éclairage qu'il apporte sur les évènements qu'il a vécu, avec justement cette distance temporelle qui lui permet de juger ce qu'il s'est passé. Ceci l'entraîne parfois à anticiper, cela est très marqué notamment à la fin du chapitre X : " Mais cet aspect ne m'apparut pas du premier coup... Je crois même que j'anticipe un peu en parlant maintenant". Je ne sais plus où j'ai déjà rencontré cet effet de style, mais cela fait partie de choses que j'aime en lisant ce genre de livre.
L'histoire tourne donc autour des expériences du docteur Moreau sur des animaux. de ce fait, la science est au coeur du livre. Prendick "s'occupait beaucoup d'histoire naturelle", Montgomery est enthousiate en l'apprenant. On a affaire ici à une vision de la science qui effraie, une science expérimentale, qui produit des monstres, mais une branche de la science rejeté par beaucoup, puisque Moreau se retrouve exilé sur une île. Prendick le connait de nom et de réputation. Beaucoup de mystères est fait autour de leurs expériences, mais par la force des choses, notre narrateur va apprendre ce qu'il se passe sur l'île et être confronté à une réalité qui le dépasse, ainsi qu'à certains dérapages... Mais attention, il observe, éprouve de la crainte, à aucun moment Prendick condamne vraiment ce qu'il s'y passe.
Ce livre est prétexte à Wells pour poser la question de l'animalité de l'humain. Au fil de son contact (parfois prolongé) avec ces créatures, Prendick constate que cela le change, réveille peut-être justement cette animalité qui est en lui. A noter aussi cette volonté de contrôler l'animalité des créatures, car si ces créatures ont un air humain, elles sont fait à partir d'animaux (ce qui vaut des mélanges tout à fait étranges), et si Moreau réussit à les humaniser, l'instinct animal se révèle plus fort. Les dernières pages sont superbes et reflètent cette crainte que l'animalité de l'homme prennent le dessus chez l'humain. Notre héros est visiblement traumatisé par son passage sur l'île. Voici une phrase du dernier paragraphe que j'apprécie particulièrement : "c'est là, je le crois, dans les éternités et vastes lois de la matières, et non dans les soucis, les crimes et les tourments quotidiens, que ce qu'il y a de plus animal en nous doit trouver sa consolation et son espoir."
Pour conclure cette article, bien que tout ce qui concerne ces créatures semble improbable, il demeure quelque chose dans ce livre qui le rend prenant. On s'attache au personnage, et la curiosité de savoir ce qu'il se trame y est pour beaucoup. Pour ma part découvrir l'imagination des premiers auteurs de science-fiction m'impressionne et me surprend toujours.
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