Impossible d'imaginer un été sans effectuer mon pèlerinage dans les pages d'un bon vieux roman de
Donald Westlake.
S'inviter dans une de ses histoires, c'est comme ouvrir les volets d'une maison de famille le premier jour des vacances. J'aère mon esprit renfermé.
Cette année, j'ai délaissé les cambriolages ratés de John Dortmunder et de ses acolytes, équipe de malfrats maffrés, pour un roman d'aventure exotique qui se déroule en 1977 en Afrique Orientale.
Deux mercenaires sont engagés pour organiser le vol d'un train Ougandais transportant pour six millions de dollars de grains de café.
600 pages, ce n'est pas un expresso, mais une telle opération réclame une longue torréfaction.
76 chapitres, mais nul besoin de voluptés d'arabica pour se tenir éveillé tant le scénario est palpitant.
Comme toujours chez l'auteur, le plan ne va pas se dérouler sans accroc.
Donald Westlake est l'expert des impondérables.
Ses héros ne volent pas n'importe qui puisqu'il s'agit d'Idi Amin Dada, qui hélas n'est pas un personnage de fiction, dictateur sanguinaire de l'Ouganda entre 1971 et 1979.
Les deux baroudeurs vont se frotter à des beautés à fort tempérament, s'associer à des exilés revanchards et à des hommes d'affaires opportunistes. Ils vont surtout se confronter à la réalité de l'Afrique, son système tribal, son climat hostile et à l'apparente desinvolture de sa population. Une sorte de fatalisme à laquelle peut succeder à tout moment une sauvagerie impitoyable. Dans ces régions, la torture tuait plus que n'importe quelle maladie tropicale.
Si
Donald Westlake excelle toujours autant dans sa capacité à créer des personnages originaux et à surprendre ses lecteurs dans des péripéties au dénouement imprevisible, je trouve qu'il décrit aussi de façon très réaliste la corruption et la violence de cette dictature africaine. Il illustre également avec pertinence les positions ambigües, pour ne pas dire la mansuétude, des pays occidentaux et des organisations internationales envers ce régime.
Bouffon sanguinaire qui causa la mort de près de 300000 personnes durant son règne, Idi Amin Dada est un personnage à part entière du roman qui dépeint sa cruauté mais aussi sa ruse et sa mégalomanie. Il obligea des hommes d'affaires occidentaux à le trimballer sur une chaise à porteurs et dans le roman, il conserve les têtes de ses ennemis décapités dans une chambre froide...
Mais l'ambition de l'auteur n'était pas de donner un cours de géopolitique.
Donald Westlake était un grand romancier et il nous offre un récit d'aventures haletant. le vol du train et le transport du café rappelent les meilleurs westerns.
En bonus, je dois avouer que j'ai découvert l'origine africaine du mot
Kahawa devenu Kawa dans l'argot des bistrots parisiens.
Un café noir, serré, très sucré. What else?