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Critiques filtrées sur 5 étoiles  


Un livre qui est sans doute parmi les plus dérangeants et inconfortables que j'ai lus. Un point de vue original : le narrateur n'est pas l'inspecteur de police, ou le « privé », mais le tueur. le scénario est tout autant singulier : Celui de la transformation d'un type anodin, en monstre, sous l'effet de la crise économique.
On n'admirera la découpe impeccable de ce roman, quasi cinématographique, alternant les chapitres où le héros, Burke Devore, explique et planifie sa démarche, et les autres séquences, où il passe à l'action. Il induit ainsi une montée du suspense, et de l'attente du lecteur, curieux, puis abasourdi de l'évolution des choses.
Se mêle tout au long du roman les auto justifications sur ces passages à l'acte, mûrement réfléchis. le préméditation est constante, de plus en plus froide et détachée. Arrive ce basculement où l'on devine, après une période de doute et de honte sur ce qu‘il fait, où il prend visiblement du plaisir dans ces prédations immondes.
Au delà du roman noir, ce petit chef d'oeuvre est signifiant sur plusieurs domaines : Les dégâts causés par le libéralisme économique, mais aussi sur les circonstances faisant qu'un individu peut devenir un criminel. Inversement il questionne sur le fait que des criminels en puissance restent en mode pause, en temps de paix, dans l'attente d'un événement qui va les faire passer à l'action, et révéler leur vraie nature.

L'histoire s'articule autour d'une mise au rancard d'un « col blanc », victime dans les années 90 d'une de ces brouettes de licenciement qui a jalonné depuis les années Reagan, la mondialisation, et la montée d'un libéralisme décomplexé. Rien n'avait préparé, comme tant d'autres cet homme, qui par son mérite, et la haute opinion qu'il s'était fait de lui même, à être éjecté.
Deux ans de chômage ont laminé ses espoirs, et potentialisé son ressentiment. Arrivé à la cinquantaine bourgeoise, il voit s'effondrer son monde, et même les assurances qu'il avait sur sa famille.
Est ce la solitude ou la rancoeur qui vont l'amener à se lancer dans un plan machiavélique ? Les constats qu'il fait, sur le cynisme de la société, sont tout à fait bien étayés. Oui, cette société du chiffre est de plus en plus cruelle, dispose des gens comme des pions.

« Vous aimez ce bureau auquel vous êtes assis ? Vous dites que vous vous êtes dévoués à l'entreprise, que vous lui avez donné votre vie, vos meilleures efforts, et vous pensez que l'entreprise vous doit quelque chose en retour ? Vous dites que la seule chose que vous souhaitiez vraiment, c'est rester à votre bureau ?
Eh bien ce n'est pas votre bureau. Dégagez la place. le propriétaire s'est rendu compte qu'il pouvait gagner plus d'argent en vous remplaçant par un autre mouton . »

le livre est plein de ces constats amers, qu'on connaît trop bien. Ils sont imparables, et ont tendance nous mettre en empathie avec ce type, archétype d'un victime de la crise.
Mais, cependant, pourrait vous dire l'auteur (mais il ne le fera pas, vous confrontant à votre libre arbitre) attention de ne vous pas vous laisser manipuler ! Les paranoïaques ont souvent un discours qui s'appuie sur une base vraie. Car ou, l'injustice et l'horreur en milieu climatisée, existent.
Mais la fin justifie t'elle les moyens ? Burke Devore, le bien nommé, pense que oui ! Par là, il ne fait que reprendre au fond la morale d'une société hypocrite, pour en faire son mantra personnel.
On voit par là les théories de surhomme se devant être plus fort que les autres, prennent de plus en place dans sa réflexion. Que valent au fond ces vies minuscules, ces concurrents à un poste qu'il cherche à conquérir ?.
« Il n'a pas le choix ! » Nous dit il plus d'une fois, comme pour se convaincre, et surtout nous convaincre de le suivre.
Faut il croire sérieusement que ce n'est pas que c'est ce type est détestable, mais que c'est la société ?….Se faire avoir à ces discours manipulateurs, c'est devenir soi même une victime à ajouter à sa liste.
Si la base du discours du paranoïaque est juste, ce sont les délires qu'il construit dessus, qui sont condamnables. Ce « Devore » n'est au fond qu'un type qui restera dans l'ombre ; mais bien des dictateurs ont mis en marche des populations en les abreuvant de tels sophismes. Méfiance, rigidité, hypertrophie du moi, capacité d'observation, et de manipulation : Cet ancien commercial, parvenu au poste de directeur, a acquis et développé des techniques qui vont lui servir, ajoutés sans doute à celles qu'il avait au départ.
L'auteur a du métier, et nous mène par le bout du nez, nous faisant endosser la peau de ce psychopathe, tentant de se rendre humain et sympathique.
J'ai particulièrement aimé la narration, cette alternance de visions personnelles de la vie, et et de son sens, dans cet espèce de kaléidoscope américain, fait de routes anonymes, de petites villes et de quartiers plus ou moins interlopes, commerciaux ou banlieusards, quand notre psychopathe se lance dans une des ces chasses à l'homme, ces inconnus qu'il ne connaît pas autrement que par le fait qu'ils peuvent être un obstacle à sa carrière.
Une traque qui n'est pas sans rappeler celle d'un autre psychopathe, déguisé en bon pasteur, et tuant des femmes au hasard des routes. le thème de « la nuit du chasseur », ce chef d'oeuvre, de Laughton, où Robert Mitchum, interprète lui aussi le combat du bien et le mal à sa façon, et abuse des crédules.
C'est une enchevêtrement de monologues et d'images, comme ceux qu'on se fait au volant de sa voiture. Une ambiance à la « Hooper », faite de visions fugitives. Une Amérique loin des clichés, comme celle que décrivit admirablement John Steinbeck, l'auteur des « raisins de la colère » (livre précieux sur le cynisme de l'économie et de la loi du marché) prenant la route à la fin de sa vie dans un pick up aménagé, avec son chien Charley.
Steinbeck en 61 fait là, dans « Voyage avec Charley » le constat d'une Amérique déjà désenchantée, avec ces motels et ses décharges, ayant mis l'économie au-delà de l'humain.
Chacun interprétera ce livre comme il l'entend, et si la qualité d'un roman est de travailler à en faire une source d'interprétations différentes, qui peuvent d'ailleurs s'additionner, alors celui ci est un chef d'oeuvre !
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Dommage que j'ai vu le film avant de lire le livre parce que j'avais le film qui se déroulait dans la tête au fur et à mesure de la lecture. Il est assez fidèle au livre je trouve.

Le style est vif, nerveux, le narrateur est le personnage principal si bien que constamment, il nous fait part de ses émotions, de ses sentiments, parfois à glacer le sang. Il est vite pris dans cet engrenage sans fin, il n'a aucun moyen de s'en sortir à part d'aller jusqu'au bout et c'est une course contre le temps qui s'engage pour ne pas que ce "travail" soit perdu et à refaire.

J'ai beaucoup aimé ce roman noir adapté au cinéma avec José Garcia dans le rôle principal.
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Humour noir jubilatoire et totalement immoral.
Bien plus efficace dans la dénonciation du capitalisme actuel que tous les traités de sociologie politique.
Une réponse radicale au problème du chômage des cadres.
Un grand Westlake!
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Ou l'impossible recyclage d'un chef de chaîne.


Burke Devore était cadre, responsable de chaîne de production dans l'industrie papetière. Suite à une fusion de groupes, il se trouve confronté au chômage de longue durée.
Être sans boulot le travaille.
Il se sent trahi, estimant que si les gens aux extrêmes (pauvres et riches) sont habitués à l'idée de grands revirements, les classes moyennes habituées à une progression régulière dans la vie et ayant renoncé aux sommets, devraient être préservées.
Il comprend aussi que désormais, être compétent ne suffit plus, qu'il y aura toujours de la concurrence, trop de gens dans l'arène à courir après trop peu d'emplois, et qu'il ne pourra compter que sur lui-même pour sauver sa famille.
Il décide alors d'éliminer, physiquement, toute concurrence. Méthodiquement, il choisit de supprimer tous ceux qui pourraient se trouver entre lui et un emploi potentiel.

En 1997, Westlake écrit le roman de la crise.
C'est une description parfaite de cette guerre économique où dirigeants et actionnaires ont autant de considération pour leurs employés que certains généraux en avaient pour leurs troupes.
Avec cette apologue, Westlake démonte les impostures de la novlangue : technologie transitoire, adaptation, recyclage, formation… ne servent qu'à masquer les réalités de la misère, la survie, les saisies, les petits boulots, les humiliations du quotidien.

Roman de l'absurde ? Pas sûr.
Le raisonnement de Burke est nourri d'un instinct primaire mais cohérent, tandis que celui des financiers qui rayent des vies d'un trait pour un besoin pathologique de davantage de profits, semble lui, bien artificiel.
Roman amoral ? Oui bien sûr.
Mais le comportement de Burke est-il davantage condamnable que celui de ces dirigeants dont la route est jonchée de vies gâchées, de drames, de suicides ? Leur morale est pareillement basée sur la justification des moyens quand l'objectif est estimé juste.

Roman incontournable.
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Pour moi le meilleur livre de Donald Westlake - Richard Stark. Un récit du quotidien froid et méthodique. A donné une excellente adaptation au cinéma; ce qui n'est pas si fréquent.
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J'avais adoré le film, je me suis enfin mise au livre.
J'ai beaucoup beaucoup beaucoup aimé. Pourquoi ? Une noirceur que je qualifierai de réaliste et lucide sur la société et sa façon de marcher sur la tête.
J'aime particulièrement le côté "je suis au chômage parce que cette société le veut bien".
J'hésite sur un prochain livre de Westlake à lire. J'aimerais de "l'autant noir" lucide".
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