Premier livre de prose que j’ai écrit, ces Lettres de Gourgounel furent composées dans une ferme de la montagne ardéchoise en 1962. Publié à Londres en 1966, le livre fut reçu comme étant tout à fait en dehors des normes de la littérature contemporaine : une anomalie et un anachronisme. Ce n’était pas pour me déplaire.
A mon arrivée à la ferme, je remarquai ce que, dans ma hâte, je n'avais pas vu en montant : les matériaux destinés aux réparations que je projetais d'effectuer dans la maison (une pièce à crépir) étaient arrivés : les sacs de ciment se trouvaient dans la grange et le sable avait été déversé en tas sur l'herbe.
Mais il avait tellement plu qu'à présent des ruisseaux venus de partout se précipitaient tous vers la rivière, et deux d'entre eux emportaient mon sable dans leur course.
J'aurais bien transporté le sable ailleurs avec une pelle, même sous ce déluge. Mais la ferme des Teston était déserte et la cabane à outils fermée à clef.
Le tas de sable s'était déjà effondré ; de grands pans s'en étaient détachés, et des ruisseaux gloutons l'entraînaient à toute vitesse vers sa perte.
Je me mis à construire une digue avec des pierres pour tenter de dévier les flots (...)
Rien à faire. J'espérais que, du moins, la plus grande partie du sable me resterait.
La pluie m'avait trempé jusqu'aux os. (...)
je fis le bilan. L'idée que le sable fichait le camp me rendait malade. Je maudis la pluie. La rivière gronda. Je vociférai des injures à l'encontre de la rivière, je hurlai aux nuages.