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EAN : 9782246368724
154 pages
Grasset (17/03/2004)
3.9/5   35 notes
Résumé :

Publiées en 1966 après un long séjour en Ardèche qui les a inspirées, ces Lettres rendirent Kenneth White célèbre. L'auteur déchiffre une sagesse inscrite dans les mystères du cosmos et tente de découvrir " le langage inconnu auquel l'esprit aspire ".

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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Composées dans une ferme de la montagne ardéchoise en 1962 et parues en 1966, les « Lettres de Gourgounel » de l'écossais Kenneth White remportèrent très vite un vif succès.
L'auteur y relatait son installation dans la vallée de la Beaume en Ardèche, au lieu-dit de Gourgounel, dans un mas en ruine en plein coeur des bois de châtaigniers, accessible seulement par un chemin muletier.
Après plusieurs années de vie citadine passées à Glasgow et à Paris, le besoin de se retrouver face à lui-même, de se dégager des contraintes et des influences du quotidien, incitèrent Kenneth White à rejoindre le Sud de la France pour s'établir en milieu rural dans l'un des départements les plus isolés du pays.
Là, influencé par la pensée orientale, par la philosophie de Thoreau et son livre « Walden ou la vie sauvage », par les grands poètes vagabonds que furent Rimbaud ou Whitman, Kenneth White aspirait à mettre en pratique le précepte de Nietzsche de « l'isolement temporaire », c'est-à-dire le recouvrement de ses forces par une profonde concentration sur soi-même.

Gourgounel…Avec son nom qui « gargouillait, qui parlait le langage des sources », avec sa situation idyllique au sein d'une nature foisonnante, Kenneth White avait découvert en Gourgounel le lieu qu'il recherchait, « le lieu où tout ne parlerait que de l'essentiel, c'est-à-dire de la solitude, du silence, du vent, du soleil et de l'orage », « l'endroit où concentrer sa vie et sa pensée ».

La démarche de l'auteur n'est pas de revenir à la terre dans un but de « régression pastorale » où tout autre motif rural ou agricole, mais bel et bien une volonté de communion spirituelle avec la nature ; « c'est soumettre toute la réserve de matières accumulées au cours des dernières années (connaissances, images, sentiments) à la puissance métamorphosante du feu », une « alchimie mentale » qui, par le biais de l'étude, du travail, de la méditation et de la contemplation, ouvre les voies de l'univers cosmique et fait accéder à un équilibre existentiel, à une sagesse similaire à la sapience orientale.

C'est ce message de paix et d'équilibre qui a valu à « Lettres à Gourgounel » son succès et sa notoriété, jumelé de surcroît, à une langue toute simple, qui veut exprimer en toute clarté le bien-être ressenti et l'enrichissement personnel et spirituel acquis au coeur de ces montagnes.
Ici, pas d'effet de style mais une volonté de limpidité afin que le lecteur « goûte un peu de la saveur venue directement de la terre première » et puise dans la souplesse de ces lignes le plaisir fondamental que la nature inspire.

Ce qui fait l'originalité de l'ouvrage, c'est son relief vallonné et ondulant, changeant et capricieux comme une rivière serpentine, passant ça et là de la narration d'un quotidien fait de petits riens (refaire la toiture, dormir à la belle étoile, cueillir des champignons), à la description des autochtones (portraits hauts en couleur des paysans du coin), à la célébration de haïkus et de pensées orientales et au récit d'anciennes légendes, d'histoires locales ou d'anecdotes, puisées dans des lectures ou dans des souvenirs personnels.
Tout cela forme une composition vivante et joyeuse, comme un tableau sans cadre qui se peindrait au-delà des limites de sa surface, au gré de l'itinéraire spirituel de l'auteur. Et puis toujours cet émerveillement constant, jour après jour, face aux richesses du ciel et de la terre, de l'eau et de la nature, face à cette beauté pure qui transcende l'être qui sait regarder autour de lui, qui sait contempler et boire à la source de la vie.
« Une merveilleuse luminescence émanait des arbres, de la pierre, du ciel et de tout le visible. Et le grand vent soufflait… »
Pour Kenneth White, Gourgounel était « un lieu de l'esprit, situé partout et nulle part ».

Parce qu'il est avant tout un passant dans ce monde, un marcheur, un voyageur, l'auteur a poursuivi d'autres itinéraires et parcouru bien d'autres lieux de l'esprit, en France, en Europe, en Extrême-Orient... Ces voyages ont fait naître d'autres ouvrages, « Les cygnes sauvages », « La route bleue », « Atlantica »…
Aujourd'hui, on associe généralement les termes de « nomadisme intellectuel » et de « géopoétique » à cet écrivain, penseur et poète qui n'a cessé depuis lors d'essayer d'entretenir et d'enrichir « le rapport Homme-Terre » dans tous les domaines de la vie.
A l'heure où la Terre va de plus en plus mal, il est à souhaiter que son message n'ait pas fini de résonner en nous…
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Kenneth White, doux poète écossais, peut-être le plus important de la deuxième moitié du XXème siècle, aimait la France. Ses villes, mais aussi et surtout ses régions perdues où le temps semble s'être arrêté, comme on en trouvait encore un peu partout dans les années 70. Les résidus de ce que la grande guerre n'avait pas irrémédiablement dépeuplé, et dont la mondialisation ne fit qu'une bouchée. Mais peut-on reprocher aux gens de vouloir rouler sur des routes bitumées au lieu de marcher des heures durant, remplacer leur faux par un tracteur et uniformiser de formica leur cuisine à la place des lourds meubles de bois ? Ce qui est pittoresque est bien souvent spartiate…

Un poète comme Kenneth White ne souligne pas ces contrastes. Il s'y immerge. Il achète une maison abandonnée au milieu de nulle part, environnée de châtaignés et de terrasses aux cultures en friche. le plus proche voisin est à une bonne demi-heure de marche. Seul le facteur passe, de temps en temps. Une cheminée. Un tas de paille. Une pile de livre. Il n'en faut pas plus à ce poète à la fibre lacédémonienne, capable d'abjurer le confort le plus basique pour goûter plus pleinement la sagesse augustinienne et les paraboles taoïstes.

Se succèdent réflexions, parfois d'apparence volontairement futiles, et anecdotes sur sa vie de tous les jours et celle de ses distants voisins. Ces derniers sont bels et bien les derniers. Tous les jeunes partent en plaine trouver une place – aux postes, en usine, en mairie, en atelier… Seuls restent les vieux, les malades, et les éternels célibataires à la tête un peu dérangée, dont la seule conversation est celle du carnier et des bolets. Parfois, les trombes d'un orage s'abattent. Avez-vous déjà écouté les terribles colères de la nature malmener un toit qu'on sait solide, enfoui dans une couverture, un livre à la main ? Si ce n'est pas le cas je vous le souhaite, car je ne connais pas de plus grand confort dans la vie.

Un court opus chargée de la sagesse des gouttes d'eau sur les feuilles vertes après la pluie, des pieds douloureux après une longue journée de marche alors que la maison est encore loin, et de l'agonie des civilisations qui, des siècles durant, arrachèrent leur vie à l'âpre terre des montagnes. Montagnards de tous les pays unissez-vous !
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J'ai lu ce livre en français, mais si vous voulez le lire, je vous recommande la version anglaise (originale). Kenneth White est un poète, la prose de ce livre est très poétique, et de nombreux poèmes sont également cités. Il est alors préférable de disposer de la version originale.


Kenneth White
Né en Écosse en 1935 de parents d'ascendance simple. Kenneth White avait obtenu très tôt des diplômes de français et d'allemand, puis il a fait un doctorat à la Sorbonne. C'était un poète. Après, il a acheté la maison à Gourgounel, au milieu de nulle part dans l'Ardèche. Par la suite, il est devenu professeur, parfois en France, parfois en Angleterre, mais il a toujours continué à voyager et à écrire, il est un "nomade intellectuel" qui veut ajouter toutes les bonnes choses des autres cultures à la nôtre, afin que notre culture puisse se rafraîchir - en 1989, il a fondé l'Institut de géopoésie. Dans son travail, la nature et les influences orientales ont une grande importance.


Gourgounel
Après avoir étudié en Angleterre et en France, Kenneth White en a eu assez de la vie urbaine trépidante. Imaginez, en 1962 déjà, White a écrit ceci :

"Fuir la tyrannie des stimuli et des influences qui nous condamne à dépenser notre énergie en réactions, et ne nous permet plus de nous laisser accumuler jusqu'à l'activité spontanée. "


1962, et les gens fuyaient déjà les trop nombreuses incitations. Rien n'a changé, les gens se sont habitués. le monde a continué à s'emballer et, avec tous les téléphones portables et les réseaux sociaux, nous sommes tous en proie à un "burnout mondial" (il existe même une expression pour cela).

White a donc dit adieu aux universités et aux villes (il pouvait se le permettre pendant les étés et les automnes). Il a trouvé une maison à Beaumont en Ardèche, très isolée, au sommet d'une montagne, seulement accessible par un chemin de chèvres. La maison avait trois étages, la propriété 2 ha, il y avait une belle vue sur les vallées et d'autres montagnes. Mais la maison devait être rénovée, et c'est un euphémisme ! Heureusement, ce type avait 26 ans, était dans la force de l'âge et fortement musclé, très vital et bricoleur. Sans cette vigueur juvénile, comment pourrait-on transporter 500 tuiles sur un sentier de chèvres ?


Style
Kenneth White veut écrire de manière poétique, mais aussi claire, pour que l'on soit immédiatement dans le paysage, et même aussi un peu brutalement, car cela exprime la vie qu'il mène à Gourgounel. Il a particulièrement bien réussi à faire tout cela. Il est lui-même allé à Gourgounel pour trouver la paix, et cette paix rayonne de ce livre.

L'humour anglais est également présent. En décrivant simplement les choses comme elles sont arrivées, le livre est devenu extrêmement drôle. Comment il découvre la garde-robe de l'occupant précédent dans toutes les fissures des murs, parfois trois paires de pantalons dans une seule fissure. Et un jour, le sable dont il avait vraiment besoin pour imperméabiliser ses murs a été emmené vers la rivière lors de pluies abondantes et incessantes. Il a crié et râlé furieusement contre les nuages, le ciel, la pluie... les limites de son amour pour la nature sont proches de celles de ses propres nécessités.

C'est un humour subtil qui est constamment présent, dans la description de sa propre vie et de celle des autres villageois. Kenneth White est un homme joyeux.

Parfois, le professeur en lui refait surface. Il raconte des mythes sur les mauvaises herbes, ou l'histoire des gens. Pour moi, l'élément poétique se perd pendant ces moments, même si les anecdotes sont dignes d'intérêt et bien écrites.

White cite aussi régulièrement des poètes de l'Orient, ou des maîtres zen. Parfois superflu (à mon avis), parfois très agréable (à mon avis).

La paix !

Dans la préface de l'édition française de 1978, Kenneth White déclare :

"Comment donc qualifier l'espace de ce livre ? Je n'en sais trop rien. J'aimerais seulement qu'on y trouve la saveur du réel, et une poésie rude, sans affectation, sans complication inutile."



Beaucoup de nature et de poésie, des philosophies sensées et de belles histoires sur des villageois, des animaux, une maison... Pour une fois, un livre qui ne parle pas d'âmes psychologiquement tourmentées, n'est pas un thriller ou un policier, n'a pas besoin de critique sociale pour avoir beaucoup de profondeur.
C'est un livre qui m'a permis de me sentir très calme.
Ceux qui aiment la nature, ou les philosophis de l'Orient, ou le silence et la tranquillité, ont de la chance avec ce livre.
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Récit composé dès 1962 dans la ferme de Gourgounel située dans la vallée de la Beaume, reliée au massif du Tanargue, lui-même inclus dans la géographie tourmentée des montagnes ardéchoises, Les Lettres de Gourgounel composent un voyage immobile et profond, atemporel mais contemporain qu'on peut lire et relire sans lassitude en suivant le parcours intérieur évoqué en filigrane par Kenneth White et les multiples rencontres faites sur le terrain. Son regard neuf posé sur une monde rural en sursis est empreint d'empathie et teinté d'amusement. Les portraits s'ébauchent à travers des descriptions brèves et vives et des conversations enlevées, Madame Tauleigne, « véritable Gibraltar de chair », le vieux Paudevigne « qui se contente d'aller dans son jardin et le temps passe », Martin Martinesche, le facteur dont « la soûlographie n'atteint jamais l'agressivité ni la stupidité », Madame Teston et « son rabâchage calamiteux », etc. Toute une époque faite de croyances, d'us et coutumes d'un autre temps se réactive avec verve et grandeur. La découverte de Gourgounel, son achat et son occupation par Kenneth White conserve son pouvoir d'évocation intact : « Nous y voilà… et voici que les narcisses sont tout autour de nous, luisant sous la pluie et doucement bercés par le vent ». le nouvel occupant va devoir apprivoiser les fantômes et assimiler son environnement qui le fait paniquer car au début tout lui est étranger. Il reconstitue l'histoire de ses prédécesseurs, le Marseillais Camossetto, naïf et pathétique dans sa solitude et ses rêves échoués mais à son corps défendant franchement drôle dans ses tentatives d'enrichissement et de séduction, la sorcière, guérisseuse versée dans la connaissance des plantes, adepte du Petit Albert, livre de magie absconse. Enfin il s'attelle au grand nettoyage par le vide en creusant un trou dans son terrain et en y versant les vieilleries entassées puis il entreprend de rénover la toiture car des orages homériques et des pluies diluviennes couvent dans les cieux ardéchois. le temps file magnifiquement en compagnie de l'Ecossais partout chez lui, invité bienvenu, lisant, écrivant, conversant, humant, dégustant, enregistrant mentalement un monde allant s'éboulant : « Heureux d'être dehors dans la clarté ! ».
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La vie d'un écrivain voyageur dans un village perdu de l'Ardèche dans les années 60 : un regard tendre et poétique, une rencontre de sagesses universelles. En attendant la fin des orages étourdissants, lectures de textes bouddhiques de l'Inde, de la Chine et du Japon...
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Premier livre de prose que j’ai écrit, ces Lettres de Gourgounel furent composées dans une ferme de la montagne ardéchoise en 1962. Publié à Londres en 1966, le livre fut reçu comme étant tout à fait en dehors des normes de la littérature contemporaine : une anomalie et un anachronisme. Ce n’était pas pour me déplaire.
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A mon arrivée à la ferme, je remarquai ce que, dans ma hâte, je n'avais pas vu en montant : les matériaux destinés aux réparations que je projetais d'effectuer dans la maison (une pièce à crépir) étaient arrivés : les sacs de ciment se trouvaient dans la grange et le sable avait été déversé en tas sur l'herbe.
Mais il avait tellement plu qu'à présent des ruisseaux venus de partout se précipitaient tous vers la rivière, et deux d'entre eux emportaient mon sable dans leur course.
J'aurais bien transporté le sable ailleurs avec une pelle, même sous ce déluge. Mais la ferme des Teston était déserte et la cabane à outils fermée à clef.
Le tas de sable s'était déjà effondré ; de grands pans s'en étaient détachés, et des ruisseaux gloutons l'entraînaient à toute vitesse vers sa perte.
Je me mis à construire une digue avec des pierres pour tenter de dévier les flots (...)
Rien à faire. J'espérais que, du moins, la plus grande partie du sable me resterait.
La pluie m'avait trempé jusqu'aux os. (...)
je fis le bilan. L'idée que le sable fichait le camp me rendait malade. Je maudis la pluie. La rivière gronda. Je vociférai des injures à l'encontre de la rivière, je hurlai aux nuages.
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