Le millionnaire modèle

Voici cinq nouvelles, ou plutôt cinq contes poétiques écrits par Oscar Wilde et traduits par François Dupuigrenet Desroussilles.

Nous entrons dans un univers onirique et cruel, dans lequel les fleurs et les feux de Bengale ont une âme et s'expriment. L'amoureux y côtoie l'indifférent ; les hiérarchies sociales y règnent en maître. S'il arrive qu'un roi soit accessible à la pitié envers ses sujets déshérités, ce n'est pas la règle, loin de là : la bienveillance est rare et semble attribuée à certains par une main désinvolte. Il n'y a pas de règle immuable pour régir les conséquence des actes, mais parfois (rarement) une transcendance se manifeste et récompense la bonté.

Force est de constater pourtant que dans ce monde à moitié païen, la voix de Dieu souvent se tait.

- "Le millionnaire modèle" met en scène un jeune homme désargenté qui ne peut épouser son aimée, faute de revenus. Attendri par la misère du modèle d'un ami peintre, il lui fait en cachette une aumône . Qu'adviendra-t-il ?

- "Le rossignol et la rose" est la nouvelle la plus connue du recueil : on y lit une merveilleuse histoire d'amour, mais qui ne se trouve pas là où on s'attendrait à la trouver. On se dit à première lecture que la générosité et le don de soi sont mal récompensés ; puis on se demande si avoir éprouvé dans sa vie un amour intense et désintéressé n'est pas une récompense en soi ;

- "L'insigne Pétard" nous permet d'écouter les dialogues des pièces du feu d'artifice qui devra être donné pour le mariage du fils du roi. Chaque pièce (le feu de Bengale, l'aurore boréale, le marron, le serpentin, la girandole, la chandelle romaine) y vont de leur caquetage. le Pétard est bouffi d'orgueil. "La seule chose qui nous soutienne à travers l'existence est la conscience de l'immense infériorité d'autrui", soutient-il. Il restera fidèle à ce qui peut ressembler à son immense bêtise, à moins que la fin de ses aventures ne permette d'en tirer une toute autre morale...

- "Le jeune roi" met en scène un fils de roi qui a été élevé par d'humbles roturiers et qui, réhabilité dans ses droits, va être sacré dans de somptueux costumes, comme l'exige la tradition. Dans des sortes de rêves sacrés préalables à la cérémonie, il visite les corps de métiers chargés de la fabrication de ses richissimes atours. Ces "visitations" vont être à l'origine d'une véritable révélation. Comment va-t-elle se manifester ?

- "L'anniversaire de l'infante" est le plus cruel des cinq contes, car il est difficile d'y trouver une interprétation qui ne soit pas désespérée. Un nain difforme, et qui ignore sa disgrâce, tombe amoureux de la fille du roi d'Espagne. Il aperçoit soudain son image dans un miroir et meurt sur le champ, terrassé de chagrin et d'horreur. L'infante, dépitée par la défection de son jouet, ordonne que désormais ses amuseurs soient dépourvus de coeur.

Le style d'Oscar Wilde est parfaitement adapté à ce type de récit : simple, intemporel, fluide et poétique.

L'écriture est si dépouillée qu'on peut ne pas se rendre compte de sa maîtrise.