MALAISE
C'est le premier mot qui me vient à l'esprit lorsque je referme Un tramway nommé Désir. Un malaise car on sait que Blanche n'est pas toute blanche, mais…
Mais l'on sait également qu'elle a eu à subir, et à subir beaucoup. Alors, son truc à elle, c'est de se bâtir un monde qui convient mieux à ses attentes. Bien sûr, elle fait quelques entorses à la réalité parfois, même, de très grosses entorses… Bon d'accord, elle est complètement mytho…
Mais à sa façon, elle est sincère. Elle ment sa vie juste pour la rendre vivable. Et, de mensonge en mensonge, de sparadrap en sparadrap pour colmater les plaies de l'existence, celle-ci n'est plus qu'un immense pansement. Elle vit dans son imaginaire.
Oui, mais le problème, c'est que dès lors qu'elle débarque chez sa jeune soeur Stella à la Nouvelle-Orléans, son très pragmatique beau-frère, Stanley aura tôt fait de faire tomber les masques et de dépendre le décor.
Lui est explosif, macho, terre à terre face à elle, romantique, éthérée (éthylique même parfois), pleine de rêves de petite fille. Leur relation tourne vite à la confrontation. Au milieu d'eux, Stella fait le tampon tandis qu'elle est enceinte.
Je n'ai pas à en dire davantage, sans doute en ai-je déjà trop dit. Difficile d'évoquer cette grande pièce de Tennessee Williams sans faire référence au film d'Elia Kazan qui en est issu, lequel réalisateur avait déjà créé la pièce quelque années auparavant.
Difficile, lorsqu'on a vu le film d'imaginer Stanley autrement que sous les traits de Marlon Brando qui, sincèrement, crève l'écran et efface même la pourtant exceptionnelle Vivian Leigh. La légende Brando est née ici, par cette pièce d'abord (rôle qui l'a révélé au théâtre) puis par le film (rôle qui l'a révélé au cinéma). J'imagine combien cela doit être difficile pour les acteurs à présent de reprendre ce rôle mythique après le grand Marlon.
On connaît par ailleurs la polémique que suscita le gain de l'Oscar de la meilleure actrice par Vivian Leigh tellement son appropriation du rôle de Blanche semble une simple mise à l'écran des propres désordres psychiques et non tant une géniale performance d'actrice. Je vous laisse en juger par vous-même.
Bon, bon, bon, mais fi des potins autour d'un film, car c'est le texte de Tennessee Williams et la tension narrative créée qui doit nous intéresser ici. Oui, effectivement, il le revendiquait mais c'est vrai, il y a vraiment un parfum de Tchékhov là-dedans. Tchékhov, le maître incontesté des ambiances de plomb entre personnes qui se détestent enfermées dans une même pièce.
Et ici, comme si l'ambiance de plomb, au sens métaphorique ne suffisait pas, l'auteur y adjoint l'ambiance de plomb au sens littéral, c'est-à-dire physique, la chaleur, la moiteur, la transpiration dans cette Nouvelle-Orléans de fin d'été, dans cette ambiance de délabrement propre à cette ville, jadis florissante.
Tout le sud croulant des États-Unis, admirablement rendu par William Faulkner se retrouve ici, dans la baraque de Stella et Stanley. Mais ce n'est pas tout, il y a ce titre, cette animalité contenue dans le titre et qui transpire, elle aussi de la pièce, le désir, sous toutes ses formes, le désir de Mitch, le désir de Stella, le désir de Stanley ou le désir de Blanche.
Sans oublier votre désir, j'espère, je venir goûter à cette pièce. Une pièce qui met mal à l'aise car elle aborde encore bien d'autres aspects que la faible recension que j'en ai faite, les abus subis par les personnes souffrant de désordres psychiatriques, le rejet des homosexuels et de ceux qui les ont côtoyés, etc., etc. En outre, ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
P. S. : Je soupçonne — sans preuve aucune, juste à l'intuition — que le sulfureux refrain « Voulez-vous coucher avec moi, ce soir » du sulfureux titre de Christina Aguilera pour le film Moulin Rouge soit un clin d'œil à peine déguisé à l'une des répliques de Blanche, où elle prononce en français précisément cette même réplique à Mitch qui, n'étant pas francophone, ne comprend pas, évidemment.
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Sourd malaise en ressortant de ce huit-clos moite, torride et étouffant, et c'est presque avec soulagement que l'on sent l'atmosphère s'alléger quand les médecins emportent la déglinguissime Blanche vers l'asile.
Ce malaise, Blanche l'avait d'emblée installé dès son arrivée dans le petit appartement miteux que sa soeur partage avec son mari dans le quartier français de la Nouvelle Orléans. Elle vient déranger l'ordonnancement brut et sensuel de ces deux-là : Evanescente, exaltée et capricieuse, elle envahit l'espace de ses malles, de ses crises et de ses mensonges. Des mensonges auxquels Stanley le mari ne croit pas ; il prend en grippe cette femme mythomane enfermée dans ses illusions de grandeur façon Scarlett O'Hara et ses dérisoires tentatives de manipulation. Entre eux, la tension électrique qui monte inexorablement ne peut qu'exploser…
La sexualité animale mâtiné de folie de ce drame sudiste exhale à chaque réplique, exacerbée par l'exiguité des lieux et les nombreuses (presque trop dans la mesure où elles ont un peu gêné ma lecture) indications scéniques de mouvements et de lumières.
Vite, revoir le film !
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Ce qui est vrai pour toutes les pièces, à savoir qu'il vaut bien mieux les voir que les lire, est sans doute particulièrement souhaitable pour "Un tramway nommé désir" tant Tennessee Williams donne en didascalies de longs détails sur les nombreux mouvements des acteurs. C'est bien sûr avec l'œil du metteur en scène que le dramaturge brosse ses scènes ce qui donne sur les planches un rendu énergique mais qui, sur les pages, alourdit le texte et plombe quelque peu le rythme.
Cet aspect pratique mis à part reste une belle oeuvre dont les personnages forts ne peuvent laisser le lecteur/spectateur indifférent. "Mensonges, sexe et trahison" aurait été un titre moins subtil et moins énigmatique mais aurait tout aussi bien transcrit les douloureux thèmes de la pièce.
Blanche, Stella, Stanley et Mitch, pour ne citer que les rôles principaux, évoluent dans plusieurs espaces, du plus privé - la salle de bains - au plus public - la rue. La différence de classe sociale entre les femmes et les hommes, la dissimulation de Blanche, la mesquinerie de Stanley, la naïveté de Stella et la veulerie de Mitch composent un cocktail amer à avaler, et pourtant addictif.
Il me tarde désormais de découvrir l'adaptation cinématographique d'Elia Kazan avec la superbe Vivien Leigh et le beau ténébreux Marlon Brando dans les rôles clefs.
Challenge MULTI-DÉFIS 2018
Challenge ATOUT PRIX 2018
Challenge 1914/1989 - Edition 2018
Challenge ABC 2018 - 2019
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Dans la chaleur moite de la Nouvelle-Orléans, Blanche, un personnage excentrique mais perdu, se rend chez sa soeur et son beau-frère avec qui l'entente ne sera pas au rendez-vous, leur relation se developpant entre haine et violence, sentiments qu'accompagne une musique de fond en accord, sans cesse présente.
Je ressors de cette lecture complètement chamboulée. N'ayant jamais vu le film (ce que je compte changer rapidement), j'avoue que ce n'est pas du tout le type d'histoire ou de sujet auquel je m'attendais. La frivolité et l'excentricité de Blanche qui agace dans un premier temps fini par être remplacé par de la pitié, et la brutalité de Stanley laisse par moments entrevoir une vraie tendresse et surtout un grand amour pour sa femme. Entre les deux, Stella, déchirée par l'amour qu'elle leur porte.
Je confirme le sentiment de malaise qui nous envahi à la fin de la pièce, on ne sait plus trop quoi ressentir pour chacun d'entre eux, c'est dur et malsain, pour les personnages et pour nous lecteurs.
L'écriture a aussi certainement joué un grand role car une fois ouvert, je n'ai pas pu le lacher. Je n'ai pas été dérangée par les descriptions qui je trouve permettaient de parfaitement s'imaginer la scène, le cadre, les sons voire les odeurs, je les ai trouvées particulièrement immersives.
Je pense que je tiens là un autre coup de coeur pour cette année 2019, encore une fois pour un livre que je n'imaginais pas voir atteindre de si hautes marches dans mon coeur de lectrice.
Club de lecture pioche dans ma pal
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Quelle peste cette Blanche Dubois! C'est une nana de la pire espèce, transmettant son malheur à tout le monde qu'elle rencontre. Pourtant, celle dont l'avenir paraissait prometteur, une famille aisée, un bon métier (enseignante), un mari,... a vu tout à coup sa vie s'écrouler comme un château de cartes.
Tout n'est pas de sa faute, certes, mais quand même, Blanche a une fâcheuse tendance à la jalousie et à la manipulation. Et à force de mentir, elle finit par se trouver dos au mur.
Et c'est là qu'on la trouve, au début de la pièce, arrivant comme un volcan chez Stanley Kowalsky, l'ami de sa soeur Stella à la Nouvelle Orléans.
Et quelle surprise ce fut pour Blanche d'arriver dans cet appartement glauque, elle qui avait l'habitude de lieux plus fastueux. Et que d'inquiétude de voir sa soeur, enceinte, vivre avec pareil type, tout juste débarqué en Amérique, violent et vulgaire à souhait.
Dans cette vie où Stella a trouvé un relatif équilibre, grâce à son amour immodéré pour Stanley, Blanche va arriver ici comme dans un jeu de quilles.
Cette pièce de théâtre, bien connue pour son interprétation au cinéma, n'est pas toujours aisée à lire (au vu des nombreuses didascalies) , mais elle apporte sa quantité d'émotions.
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