Née Gabrielle Wiart, elle ajouta son nom de dame mariée à son nom de jeune fille et obtint ainsi Gabrielle Wiart-Bodart, appelée à la célébrité sous le pseudonyme très masculin de
Guy Wirta.
C'est tout ce que j'ai trouvé sur la page Wikipédia en langue lusitanienne car Wirta, en dépit de sa nombreuse production à la "Maison de la Bonne Presse", n'a pas eu les honneurs qu'Internet consacre à Delly ou encore
Max du Veuzit.
Pour les amateurs, elle reste l'auteur de deux romans très connus dans la littérature sentimentale : "
Ninon-Rose" qui date de 1923 et "Le Roi Jack", publié deux ou trois ans après. Nous n'évoquerons aujourd'hui que le premier dont voici l'une des jaquettes d'époque - qui n'est pas celle de l'édition que je possède :
Vous pouvez la voir en suivant ce lien : http://notabene.forumactif.com/t29516-guy-wirta
Auteur très catholique, comme d'ailleurs tous ceux qui connurent les rotatives de "La Maison de la Bonne Presse", Wirta situe son action dans la Vendée de l'époque, au sein de la prestigieuse et antique famille des ducs de Servane dont les ancêtres chouannèrent avec ruse et ardeur. Avec le temps, un certain courant d'athéisme souffla sur la famille et divisa les deux cousins, Jacques, le futur duc, et Jean, de la branche cadette. Celui-ci, comble du comble, alla jusqu'à épouser une jeune roturière mais attention, une jeune roturière très jolie et surtout très croyante.
Et puis, ce sont malheureusement des choses qui arrivent, à peine eurent-ils le temps d'avoir un bébé, la petite
Ninon-Rose - prénom très coté chez les Servane - qu'ils moururent dans un accident. La tutelle de l'enfant revint à Mme de Bréval, qui n'était autre que la marraine de la petite mais, à sa majorité, il était entendu que
Ninon-Rose reviendrait se placer sous l'aile hautaine mais protectrice de son oncle, le duc Jacques de Servane.
C'est à ce moment que débute ce petit roman qui fit les délices de tant de jeunes filles romanesques et qui se lit toujours avec plaisir, j'ose l'avouer. (Oui, je peux aimer Céline et
Guy Wirta, je ne vois pas où est le problème : une certaine
Marguerite Duras n'adorait-elle pas, quand elle était jeune fille, les oeuvres de Delly - ce qu'elle n'osa jamais avouer, d'ailleurs, en public ?)
Dans la famille de Servane, on trouve le duc, la duchesse, qui a au moins treize ans de moins que lui et aime mener la vie à fond de train avec étalage de bijoux, casinos et "jours de réception" dans son grand hôtel parisien, Gérard, leur fils, futur héritier du titre et de la fortune et Thérèse, brune, hiératique et aussi orgueilleuse que sa mère. Les termes du testament de cet oncle qu'ils n'ont pas connu, Jean de Servane, ne leur plaisent guère mais enfin, il faut s'exécuter. La petite cousine est attendue, guettée, épiée, comme on attendrait un phénomène de foire.
Et voilà que les Servane, un peu interloqués tout de même, voient débarquer une jeune fille adorable, avec des cheveux d'un "blond mousseux" (je cite), ayant reçu visiblement une éducation parfaite mais ayant su garder également une certaine simplicité. En plus, tous les dimanches, figurez-vous qu'elle va à la messe , "comme nos ancêtres", fait-elle remarquer respectueusement, mais fermement, à son oncle qui cherche à la tancer sur ce point et qui, plus jamais, n'évoquera la chose avec elle.
De nature espiègle et, nous l'avons dit, très jolie fille, elle finit très vite par retenir l'attention - en tout bien tout honneur tout d'abord - de son cousin Gérard qui, pourtant, la reçoit tout d'abord plus que fraîchement - à vrai dire "comme un iceberg" serait une meilleure comparaison. Après une multitude de petites piques et un "accrochage" qui risque de mal tourner pour elle dans la forêt de Servane, ils deviennent bons camarades.
De même, Ninon fait la conquête de Thérèse, d'une manière il est vrai très différente. Les deux jeunes filles tombent amoureuses du même homme, le vicomte Bernard de Bervys, et Ninon, une fois qu'elle comprend la passion éprouvée par sa cousine envers leur beau voisin vendéen (beau mais un peu insipide, à mon sens ), s'efface et trame même un vrai complot pour favoriser le mariage d'où naîtra une petite fille, Roselle, délicate attention de Thérèse puisque la mère roturière de Ninon portait le même prénom.
Il n'y a guère que la duchesse qui demeure aussi froide. Il faut dire qu'elle songe à divorcer de son époux - qu'elle juge désormais trop vieux et surtout trop grognon - projet qui horrifie autant ses enfants que sa nièce, mais, d'aventure en aventure, comme dit la chanson ...
Voici, en gros, l'intrigue de "
Ninon-Rose", de
Guy Wirta - et oui, je vous rassure, à la fin du livre, Ninon épouse bien sûr son cousin, le beau et élégant Gérard, avec sa fine moustache à la Guy Williams (l'interprète du "Zorro" de Disney pour ceux qui l'ignorent).
Alors, comment expliquer ce charme qui vous emporte dans ce petit livre à l'intrigue somme toute banale ? Essentiellement par le sens de l'humour de son auteur qui s'en donne ici à coeur joie (ce qui ne sera pas toujours le cas avec, par exemple, "Le Fardeau", roman beaucoup plus grave sur les mariages consanguins et les enfants qui peuvent en naître). "
Ninon-Rose", ce n'est pas seulement un roman "pour jeunes filles de bonne famille", c'est aussi et paradoxalement une coupe de champagne, et un champagne de qualité : dialogues qui font mouche, peu ou pas de prêchi-prêcha, simplicité dans l'expression des croyances religieuses, rappel, si lointain soit-il, de l'une des pages les plus glorieuses de l'Histoire française et des plus sinistres de la République, héros qui paraissent au début stéréotypés et qui, peu à peu, se détachent habilement de leurs modèles initiaux pour se démener allègrement sous une plume fine et juste (ne sommes-nous pas en pleines "Années Folles" ? )
A lire, donc. Mais il vous faudra attendre quelque temps avant d'en avoir quelques extraits dans la rubrique adéquate parce que je ne sais plus du tout où j'ai rangé mon pauvre et pourtant toujours tant aimé "
Ninon-Rose." (Je crois que c'est sur le meuble du salon, remarquez ... ) Allez, un peu de patience ...
Aux nostalgiques, bonne lecture ! ;o)