La peinture française débute aux premiers temps de notre histoire nationale. Les Francs eux-mêmes avaient une peinture, inspirée sans doute de l'art gallo-romain. Dès le temps de Childebert, les murs de Saint-Germain des Prés étaient couverts de peintures. Bientôt, l'usage de peindre les églises devint universel, et Charlemagne le rendit obligatoire dans ses Capitulaires. Aujourd'hui encore, quelques églises conservent des traces de fresques, c'est-à-dire de peintures exécutées directement sur leurs murs : et ces rares vestiges suffisent à faire voir l'incessant effort du génie français pour se dégager des influences byzantines, des formules anciennes et des types convenus, pour marcher vers un art plus libre, plus mouvementé et plus expressif.
Un peintre d'un incomparable génie occupe, avec Le Sueur, le premier rang dans cet art classique du dix-septième siècle. NICOLAS POUSSIN naquit aux Andelys en 1594. A Paris, il fréquenta d'abord les cours d'un portraitiste flamand; mais ses maîtres véritables furent dès le début Raphaël et Jules Romain, dont il copiait assidûment les dessins. Un jeune gentilhomme du Poitou s'intéressaà lui, lui prêta de l'argent, et plus tard l'emmena dans son château ; mais comme les parents de son protecteur le traitaient à la façon d'un domestique, Poussin s'enfuit, reprit le chemin de Paris, vendant le long de la route les tableaux qu'il confectionnait.
EUSTACHE LE SUEUR (1617-1655), était né à Paris d'une famille de pauvres artisans. L'humilité de son origine et la modicité de ses ressources ne lui permirent pas de se rendre en Italie, comme faisaient tous les jeunes peintres de son temps. Il entra dans l'atelier de Vouet, y resta plusieurs années, puis se mit à étudier avec passion les ouvrages de Raphaël et du Poussin. Chargé bientôt de quelques commandes, notamment des deux
séries de tableaux qui composent la Vie de saint Bruno et la suite des Compositions mythologiques, il put échapper à la misère : mais il ne semble pas qu'il soit parvenu jamais à la, fortune, ou même à une aisance relative. Il s'occupa, dit-on, jusqu'aux dernières années de sa courte vie, à composer des dessins pour orner des titres de livres, des diplômes, etc., besogne meurtrière et indigne de lui, qui lui était imposée par le besoin de gagner quelque argent.
Mais ce qui caractérise surtout Poussin, et ce qu'il a particulièrement développé dans ses derniers ouvrages, c'est le souci d'une composition pour ainsi dire philosophique : il voulait que l'arrangement de ses figures et du paysage correspondît exactement au sens intime des scènes représentées. L'ordonnance des lignes, les expressions, le choix des nuances étaient entièrement différents suivant qu'il avait à peindre les sombres épisodes du Déluge ou les joyeux ébats des pâtres : ces manières diverses de peindre, ces différentes symphonies de lignes et de couleurs,
Poussin les appelait ses « modes », par analogie avec l'esthétique musicale des Grecs. Mais l'appropriation de tous les détails à l'émotion générale du sujet s'accompagnait toujours chez lui d'un naturel noble et réservé, d'une élégance sans affectation et d'un sentiment tout à fait original de la beauté.
Le Poussin, profitant, comme il convient, des enseignements de l'antiquité, avait conduit la peinture française aux dernières limites de l'expression; il l'avait amenée au plus haut degré de la noblesse sagement pondérée par la grâce. Il n'eut pas d'école proprement dite, mais son influence fut grande sur la plupart des peintres du dix-septième siècle.