Rosenberg allemand demeurant en Estonie, élève obnubilé par les idées aryennes, passionné par les thèses de
Chamberlain sur la prétendue supériorité de la race aryenne, confirme à ses professeurs atterrés : « Je crois que si nous ne sommes pas vigilants, la race juive aura raison de nous. Ce sont des faibles. Des parasites. L'éternel ennemi, la race qui s'oppose à la culture des valeurs allemandes »
Que faire face à cette conviction d'infériorité de la race juive ??? Les professeurs, sachant que le jeune Rosenberg vénère
Goethe, lui vouant une admiration sans limites, décident de l'obliger à lire
Spinoza, en reprenant l'autobiographie de
Goethe et en travaillant sur les passages où il évoque son inspirateur
Spinoza. C'est ainsi que débute ce roman,
Irvin Yalom, subtil comme à son habitude, essaie de démontrer comment un anti-juif virulent se trouve confronté à la pensée du juif Baruch
Spinoza.
De nouveau, et sans verser dans l'uchronie, il met en parallèle deux esprits diamétralement opposés, en mettant face à face leurs raisonnements, et en réalisant une psychanalyse fictive des deux protagonistes. (Rosenberg par un certain Friedrich Pfister et
Spinoza par le penseur van den Enden) :
- Baruch (Bento)
Spinoza, milieu du 17ème siècle, rebelle au sein de la communauté juive des Pays-Bas, haut lieu d'accueil des marranes portugais et espagnols ayant fui leurs pays.
Spinoza homme incarnant le courage et l'intégrité. On lui propose de garder ses idées, de ne pas les divulguer, contre une pension conséquente et un avenir prometteur en tant que leader spirituel.
Spinoza décide de subir l'excommunication (le Herem) et l'exclusion afin de ne pas renier ses idées. Parmi ses questionnements : Comment Moise aurait pu écrire un livre relatant sa propre mort ? Avec qui les enfants d'Adam et Ève se sont-ils mariés ? Pour lui, Dieu se confond avec la Nature et que par-là, Dieu n'est que Nature. La religion doit être écartée de la politique, et ce n'est que de la superstition manipulée par des religieux
-et Alfred Rosenberg, 1918, construisant lentement mais surement son idéologie Nazie. Confronté à un épineux problème de conscience : admirer un philosophe juif, épouser la pensée d'une race inférieure n'est pas compatible avec son idéal aryen. Rosenberg était dépressif, mal-aimé et tourmenté, recherchant en permanence l'approbation des autres et dépendant affectivement d'un petit caporal, qui deviendra le führer. Ce dernier l'utilise plus qu'il ne l'apprécie. Malheureusement, et l'histoire le démontre, la lecture d'un philosophe éclairé n'a jamais contrecarré l'obscurantisme des esprits bornés. Fait réel, Rosenberg a fait confisquer la bibliothèque de
Spinoza après l'invasion des Pays-Bas. Dans les archives de l'époque, on fait référence au « problème
Spinoza »…
Il est à noter que
Yalom, n'est pas tombé dans le cliché du gentil et du méchant, chose que j'ai fort probablement mal retranscrite dans cette critique, mais…
S'il y a une phrase à retenir de ce livre, c'est celle-ci : « La force d'une conviction est sans rapport avec sa véracité » Baruch
Spinoza
Annexe du livre : « J'ai voulu écrire un roman qui aurait pu se produire. En restant aussi proche que possible des événements historiques, je me suis servi de mon expérience professionnelle de psychiatre pour imaginer le monde intérieur de mes protagonistes, Bento
Spinoza et Alfred Rosenberg. Afin de donner accès à leur âme, j'ai inventé deux personnages, Franco Benitez et Friedrich Pfister, et toutes les scènes les impliquant relèvent, naturellement de la fiction. »
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