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Clément Baude (Traducteur)
EAN : 9782253129455
512 pages
Le Livre de Poche (31/03/2010)
  Existe en édition audio
4.1/5   1170 notes
Résumé :
"Deviens qui tu es."
Venise, 1882. La belle et impétueuse Lou Salomé somme le Dr Breuer, l'un des fondateurs de la psychanalyse, de rencontrer Friedrich Nietzsche. Encore inconnu du grand public, le philosophe traverse une crise profonde due à ses relations orageuses avec Lou Salomé.
Entre Nietzsche et le Dr Beuer se noue un pacte secret sous le regard du jeune Sigmund Freud. Tout est là pour une magistrale partie d'échecs entre un patient extraordinai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (167) Voir plus Ajouter une critique
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Quelle idée géniale : faire se rencontrer Friedrich Nietzsche et Josef Breuer. L'un n'est encore qu'un philosophe en herbe qui n'a écrit que « humain, trop humain » et « le gai savoir ». L'autre est un médecin célèbre, reconnu par ses pairs à Vienne. Il s'intéresse à l'hypnose, et ébauche une technique qui deviendra la cure par la parole. Ils auraient pu se rencontrer, car les dates coïncident. Cette rencontre fictive est un pur bonheur.

Josef Breuer ne sait comment aborder ce personnage énigmatique, secret qu'est Nietzsche qui ne laisse transparaître aucune émotion, signe de faiblesse pour lui. Il a une idée : demander à Nietzsche de l'aider car il serait victime d'obsession de type sexuelle vis-à-vis d'une de ses patientes. On assiste à des échanges pudiques de la part des deux hommes, Breuer se livrant avec sincérité à Nietzsche pour que celui-ci baisse sa garde et avoue le désespoir qui le mine.

Ils vont parler de tout ensemble, des femmes, du désir sexuel, de la vie, de la mort, ou de la solitude, chacun avançant ses pions et ses pièces maitresses comme dans un jeu d'échecs qui se déroulerait dans la réalité. (Breuer joue très bien aux échecs).

Breuer est un clinicien hors-pair ; son examen minutieux de Nietzsche est extraordinaire, inenvisageable à l'heure actuelle par nos médecins trop pressés par le temps : à l'époque la clinique primait, il n'y avait pas toute la batterie radiologique, biologique qui existe maintenant donc, pas d'interrogatoire précis, pas d'examen rigoureux, pas de diagnostic, tout cela impliquait : pas de traitement efficace.

Friedrich Nietzsche est passionnant dans ce roman : il a une santé vraiment précaire, souffre de migraines épouvantables, sa vue est très affectée. Il consomme beaucoup de médicaments : chloral, véronal, morphine Haschich. Il est lucide, il sent bien que ses souffrances sont réelles et qu'il ne peut se réfugier encore longtemps derrière ses préceptes philosophiques car il nierait ainsi ses émotions, les refoulant.

Nietzsche est englué aussi dans son éducation chrétienne qu'il rejette tout autant, ce qui donne lieu à des échanges savoureux, lui tentant de tout expliquer par la philosophie, l'autre sentant que les émotions refoulées ont un impact puissant sur l'individu, pouvant déclencher des maladies. D'un côté la maîtrise de soi, de l'autre la libération des émotions par la catharsis. Irvin Yalom nous explique ainsi les premières réflexions qui aboutiront à une oeuvre importante qui dans la réalité est en gestation à cette époque de la vie du philosophe. Je veux parler bien-sûr de « Ainsi parlait Zarathoustra ».

La médecine et surtout la psychiatrie sont mon domaine depuis longtemps et j'étais comme un poisson dans l'eau, en lisant ce livre, j'étais dans le bureau de Breuer, dans son fiacre lorsqu'il se rendait chez ses patients. Je parcourais les rues de Vienne dans son ombre. Je l'entendais discuter avec Freud, exprimant les premières ébauches de ce qui allait devenir la psychanalyse. On parle alors de "Ramonage de cheminée"

Il est de bon ton de s'en prendre à Freud à notre époque, il n'y a qu'à voir le nombre d'ouvrages qui tentent de le démolir en commençant par Ernest Jones, le biographe de Freud qui a jeté le discrédit sur Breuer pour qu'il ne fasse pas de l'ombre au grand Sigmund, jusqu'à récemment Michel Onfray dans « le crépuscule d'une idole » , ou l'ouvrage collectif sous la direction de Catherine Meyer : « le livre noir de la psychanalyse », ou Jacques Bénesteau avec « Mensonges freudiens » qui parle de désinformation, voire de propagande. C'est tellement tentant de tout expliquer par la neurobiologie, dans une société où la spiritualité a laissé la place au matérialisme. On brûle ce qu'on a adoré, c'est connu. La vérité est entre les deux, la voie du milieu, diraient les Bouddhistes.

Je suis attirée par Nietzsche depuis très longtemps, je collectionne ses citations, et jusqu'ici, j'avais peur d'ouvrir un de ses livres, d'étudier vraiment sa pensée car je ne suis pas très branchée philosophie, je l'ai déjà dit. Je pars du principe que je ne vais rien comprendre car cela vole trop haut pour moi. Je pense que je ne le verrai plus jamais comme un géant inabordable, hermétique. J'ai déjà « le gai savoir » et « Ainsi parlait Zarathoustra » dans ma bibliothèque, et au passage, j'ai ressorti « Etudes sur l'hystérie » coécrit par Freud et Breuer car envie de relire le cas « Anna O. »

Irving Yalom, en échangeant les rôles, décrit le patient et le thérapeute, laisse deviner ce qu'on appellera plus tard, le Moi, le ça et le surmoi, mais aussi le transfert, le contre transfert. La neutralité bienveillante par contre n'est pas encore de mise, chacun des protagonistes échangeant sur leurs vies personnelles ou du moins leurs idées. Mais, ce sont les balbutiements d'une technique qu'on appellera la Psychanalyse.

J'ai adoré ce livre car il est consacré avec brio à une période de l'Histoire et à des hommes et des femmes qui m'intéressent depuis longtemps, à la médecine, la philosophie (Breuer s'intéressait beaucoup à la philosophie, tout comme Irvin Yalom). Ce livre m'a accompagnée cet été, pendant une période très difficile où je souffrais beaucoup et il m'a nourrie. Je l'ai lu et relu, avec des retours en arrière, il est rempli de passages surlignés. En le refermant, j'ai continué à m'intéresser aux protagonistes, je suis revenue sur certains passages. Il ne s'agit pas d'un polar qu'on laisse une fois l'énigme résolue. L'auteur a ouvert une porte et j'ai bien l'intention de lire, dévorer ses autres livres.

Vous l'avez deviné je suis tombée sous le charme de l'auteur, et devenue « Yalomaniaque », tant ce livre est savoureux et« Mensonges sur le divan » m'attend déjà dans ma bibliothèque et ensuite à moi ses autres livres (« le problème Spinoza », « La méthode Schopenhauer » …).

Il a 505 pages et on ne voit pas le temps passer, il n'y a pas de redites, l'auteur ne délaye pas mais étudie en profondeur ses personnages, son sujet. Brillant.
Note : 9,5/10

challenge destination PAL été 2015
challenge ABC
Challenge Pavés

Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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Et si Nietzsche avait rencontré le Docteur Breuer à Vienne dans les Années 1880 et avait essayé de le soulager de son désespoir... n'auraient-ils pas tous les deux inventé la psychanalyse ?

La relation imaginaire entre ces deux génies bien réels est assez savoureuse : à tâtons, ils se dissimulent et se dévoilent tour à tour, comme dans un grand jeu de dupes. Entourés, conseillés ou manipulés par d'autres personnalités comme Freud ou Lou Salomé, ils évoquent dans leurs longues conversations l'amour, la mort, la solitude, l'oeuvre, la douleur, la liberté, mais aussi le sexe ou les migraines...

Il est des livres qui nous donnent de l'énergie et l'envie de faire et de découvrir plein de choses. 'Et Nietzsche a pleuré' a été pour moi l'un de ceux-là : j'ai cherché sur le web des infos sur Lou Salomé et Josef Breuer, je voudrais me plonger dans le Zarathoustra de Nietzsche et pourquoi pas commencer une psychanalyse... Rien que pour ça, je suis contente de ma lecture.

En outre, elle a été très agréable en elle-même, grâce aux dialogues souvent brillants, aux anecdotes amusantes et à l'ambiance viennoise désuète. L'alternance des points de vue (Nietzsche, Breuer, Freud, Max, Lou...) et des modes de narration (discussions, extraits de correspondance, journaux intimes, récits simples, rêves et transes) rend l'ensemble tout à fait passionnant.

Challenge Pavés de Gwen21 14/xx
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Lu dans le cadre du Challenge ABC

Nous voici à Vienne en automne 1882, à l'aube de la psychanalyse. Ceci est une fiction, mais dont les personnages ont existé : la jeune et fatale Lou Salomé force la main du Dr Josef Breuer, éminent médecin, pour qu'il s'occupe du « cas » de Friedrich Nietzsche. Celui-ci a une santé fragile, pour ne pas dire précaire, tant physiquement que mentalement, et, ce qui complique les choses, un caractère qu'on qualifierait aujourd'hui d'imbuvable. Son état inquiète son entourage, qui met secrètement au point un stratagème consistant à amener Nietzsche à consulter le Dr Breuer de sa propre initiative.
La partie d'échecs mentale peut alors commencer entre ces deux esprits brillants, Breuer feignant le désespoir pour amener Nietzsche à se confier, mais se prenant à son propre jeu. On observe l'un mettant en place « in vivo » les bases de la « cure par la parole », l'autre testant les prémices de sa pensée philosophique. Qui manipule qui, qui est le cobaye ? Lequel guérira l'autre ?

A la recherche d'un roman dont le nom de l'auteur commencerait par Y (pour le Challenge ABC de Babelio), voilà que je tombe à la librairie sur les livres de I. Yalom. Au hasard, je choisis Et Nietzsche a pleuré. Je l'ai entamé avec un peu d'appréhension, craignant que les considérations sur la philo et la psychanalyse ne soient trop ésotériques pour la commune mortelle que je suis.
Fi donc de ces alarmes inutiles ! A mon grand étonnement, ces pages se sont révélées tout à fait lisibles, et même réellement captivantes. Ce n'est sans doute pas idéal pour une lecture de plage ou de métro (surtout si dans votre wagon se trouve un groupe de scouts en partance pour le camp ou un violoneux écorchant « La chanson de Lara »), mais l'analyse et les descriptions psychologiques sont fines et intelligentes (le contraire serait un comble, l'auteur étant psychiatre). Ce livre m'a interpellée à plusieurs reprises (cf les citations que j'en ai extraites), d'autant plus que je suis en pleine phase de réorientation professionnelle. Il m'a renvoyé sa question centrale, celle du libre choix de sa propre vie. Il m'a permis aussi d'aborder la pensée de Nietzsche d'une façon non rébarbative, d'explorer le fonctionnement tortueux du mental.
Au final, c'est drôlement intéressant (même si l'humour n'est pas si présent que ça), au point de me donner envie de lire d'autres livres de Yalom. C'est une lecture largement abordable, sauf si les mots « philosophie » ou « psychanalyse » provoquent chez vous larmes et hystérie…

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Irvin Yalom, un écrivain américain professeur de psychiatrie, est coutumier des fictions mettant en scène un géant de la philosophie. Bien avant le problème Spinoza, que j'ai lu et apprécié il y a quelques années, il avait publié ce livre au drôle de titre : Et Nietzsche a pleuré. de quoi s'agit-il : d'un roman historique ou d'une chronique sur un épisode particulier de la vie de Friedrich Nietzsche ?

Ce n'est ni l'un ni l'autre. Dans sa postface, l'auteur cite André Gide, pour qui un roman est « de l'histoire qui aurait pu être ». Et Nietzsche a pleuré est le récit d'une rencontre, en 1882, entre le philosophe et un éminent médecin viennois nommé Joseph Breuer. Une rencontre qui aurait pu avoir lieu, mais une rencontre fictive, imaginée par l'auteur.

Avant tout, je voudrais dissiper les inquiétudes que pourraient susciter le nom de Nietzsche et la réputation d'hermétisme que traîne son oeuvre. La lecture du livre est facile et captivante. J'y reviendrai, mais pour l'instant, transposons-nous dans le contexte. Vienne, capitale de l'Empire austro-hongrois, est alors une grande ville moderne. Ses intellectuels et ses scientifiques, parmi lesquels de nombreux Juifs, rayonnent sur l'Europe en dépit d'un antisémitisme très ancré.

Joseph Breuer est un médecin réputé, à Vienne et au-delà, pour la pertinence de ses diagnostics. C'est un grand bourgeois quadragénaire, marié et père de famille, qui, bien qu'athée, observe quelques traditions juives. Il a aussi mené des expériences d'hypnose sur l'hystérie – le cas d'Anna O. –, sur lesquelles se fondera plus tard un jeune médecin ami de la famille, un certain Sigmund Freud, qui bâtira sa légende de père de la psychanalyse.

Friedrich Nietzsche est encore quasiment inconnu. Il est malade, souffre de migraines foudroyantes, de nausées épouvantables, de crises de cécité. C'est un homme desséché, solitaire, sauvage, pathologiquement misogyne. Son désespoir, abyssal, est à l'origine de ses malaises. Il travaille jusqu'à l'épuisement à une théorie philosophique qui, selon lui, ne pourra être comprise avant un siècle. Elle est fondée sur une quête absolue de la vérité, une élévation de la pensée, supposant de renoncer à toute emprise sentimentale, synonyme de faiblesse coupable.

La rencontre entre Nietzsche et Brauer est organisée par Lou Salomé, une jeune femme russe d'une grande beauté, dont l'aura plane sur le livre. Elle est fascinée par l'esprit de Nietzsche et voudrait qu'il soit soigné par Brauer, dont elle connaît la réputation. Lou Salomé s'illustrera plus tard par ses talents de poétesse et de psychanalyste. Elle sera aussi la muse du célèbre poète allemand Rainer Maria Rilke. Pour l'heure, elle a vingt-et-un ans et un aplomb étonnant. Elle aura chamboulé la tête des deux principaux personnages.

Breuer se laisse convaincre de soigner les tourments de Nietzsche, à l'insu du plein gré du philosophe, pourrait-on dire. Après une première rencontre au cabinet du médecin, les deux hommes ont plusieurs entretiens, se découvrent progressivement. Mais malgré les tentatives discrètes et rusées de Breuer, Nietzsche ne livre pas les secrets qui le rongent. C'est Breuer qui en arrive à s'interroger sur lui-même ; des obsessions personnelles remontent à la surface et le plongent dans l'angoisse.

S'engage alors entre les deux hommes une relation de la dernière chance, pour l'un comme pour l'autre…

Les échanges prennent une tournure dramaturgique, une sorte de joute verbale, un jeu d'échiquier virtuel entre les deux protagonistes. L'un pourrait-il mettre l'autre échec et mat ? Avec quelles conséquences concrètes ? Les discussions sont passionnantes, l'incertitude est suffocante.

Il ne faut toutefois pas se leurrer et prendre l'ouvrage pour une initiation à la philosophie nietzschéenne ou à la future psychanalyse freudienne. Les dialogues sont prodigieux, les personnages sont tous exceptionnels, mais les conclusions de la double « cure par la parole » suscitent le doute ; les obsessions amoureuses des deux hommes semblent ridicules. Ce serait si facile !

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La psychanalyse et la philosophie seraient-elles les deux réponses essentielles à la compréhension du monde, à la compréhension de notre monde intérieur ?
J'ai découvert Irvin Yalom au détour d'un livre qui d'entrée de jeu n'aurait pas retenu mon attention ou serait resté muet à mon univers.
C'était : la méthode Schopenhauer, un livre qui m'a été donné de façon fortuite, j'en ai commencé la lecture sans rien en attendre, presque avec un certain ennui.
Oui, la philosophie pour moi, rimait avec cette classe de terminale sans fin et ce bac littéraire.
Irvin Yalom, est un homme très fort et passionnant, il sait intéresser ces lecteurs, les immerger dans le monde des idées, de la philosophie et de la psychanalyse en nous contant la vie des philosophes.
Après la méthode Schopenhauer, j'ai dévoré le cas Spinoza qui naturellement m'a conduit à ce titre: Et, Nietzche à pleuré.
S'inspirant de personnages réels, se campant dans cette Vienne tourbillonante et foisonnante des années 1880.
Il nous convie à des échanges, certes fictionnels mais tellement vraisemblables entre le docteur Breuer, l'un des fondateurs de la psychanalyse et le grand philosophe Nietzche, via des personnages exceptionnels comme Lou Andrea Salomé et le jeune Sigmund Freud.
Un débat passionnant sur la vie, la mort, le destin, le pouvoir s'instaure entre les deux hommes. D'ailleurs, qui soigne qui ?
La philosophie sombre et lucide de Nietzche ou la psychanalyse naissante de Breuer.?
En tout cas, on est séduit par ce roman, on se prend à rêver que tous ces gens sont nos " amis" et somme toute nous parle des mystères de la vie qui nous attirent tant.
En 2015, un film documentaire est sorti sur Irving Yalom qui s'appelle : La thérapie du bonheur, certainement disponible en dvd.
Une révélation sur Irving Yalom qui se livre en toute simplicité sur son expérience de psychothérapeute, sur les interrogations existentielles de la vie. Irving Yalom avec sa voix grave nous transporte, nous inspire et nous offre littéralement ce que peut-être la thérapie du bonheur.
A voir sans aucun doute, quand aux livres d'irving Yalom, ils sont tous à dévorer à pleines dents.
Admirative de cet homme, qui a su me faire découvrir les portes de la philosophie sans jamais m'ennuyer.
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Citations et extraits (378) Voir plus Ajouter une citation
- Malgré tout, Josef, vous fuyez ma question. Avez-vous vécu votre vie ? Ou bien est-ce votre vie qui vous a vécu ? L’avez-vous choisie ? Ou avez-vous été choisi par elle ? L’avez-vous aimée ? Ou la regrettez-vous ? Voilà ce que j’entends lorsque je vous demande si vous avez vécu jusqu’au bout. […]
« Ces questions… Mais vous en connaissez la réponse ! Non, je n’ai pas choisi ! Non, je n’ai pas vécu la vie que j’ai voulue ! J’ai vécu celle que l’on m’a donnée. J’ai été, moi, le vrai moi… j’ai été enfermé dans ma propre vie.
- Et c’est là, Josef, j’en suis persuadé, la cause première de votre angoisse. Cette pression précordiale que vous ressentez est tout simplement due au fait que vous débordez d’une vie non vécue. Et votre cœur bat à l’unisson du temps qui passe, de ce temps qui ne cesse d’être vorace, qui engloutit, mais ne rend jamais rien. Qu’il est terrible de vous entendre dire que vous avez vécu la vie qu’on vous a donnée ! De vous voir affronter la mort sans avoir jamais réclamé votre liberté, si dangereuse fût-elle ! »
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Pour établir une relation avec autrui, il faut d'abord établir une relation avec soi-même. Si nous sommes incapables d'affronter notre propre solitude, nous ne faisons qu'utiliser les autres comme des boucliers.


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[Breuer] médita sur son propre cas. Ses états d'esprit les plus fluctuants, il les avait connus avec des femmes. Certains jours il se sentait fort et protégé : ce jour précis, à l'abri de la forteresse qu'était son cabinet de consultation, en faisait partie. Dans ces moments-là, il voyait les femmes telles qu'elles étaient : des créatures en quête de reconnaissance qui luttaient face aux difficultés sans fin de la vie quotidienne ; il voyait également la nature profonde de leurs seins : des amas de cellules mammaires flottant dans des lacs de lipides. Il connaissait leurs écoulements, leur problèmes dysménorrhéiques, leurs sciatiques, leurs diverses excroissances anormales – matrices et vessies effondrées, hémorroïdes bleuâtres et varices.

Mais, à d'autres moments, il était enchanté, captivé par des femmes hors du commun, dont les seins gonflaient pour former des globes à la fois puissants et magiques, submergé par un formidable désir de se mêler à leur corps, de lécher leurs tétons, de se glisser dans leur chaleur et leur moiteur. Cet état d'esprit pouvait se révéler absolument implacable et bouleverser toute une vie. Dans son travail avec Bertha, cela avait même failli lui faire perdre tout ce à quoi il tenait.

Tout était question de perspective, de passage d'un état mental à l'autre. S'il pouvait apprendre aux patients la manière de faire cela sur commande, par la seule volonté, alors il pourrait, en effet, devenir ce que Mlle Salomé cherchait : un médecin du désespoir.
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Allons, disséquez encore un peu plus vos raisons profondes! Vous découvrirez que personne n'a jamais, jamais, agi entièrement pour les autres. Tout acte est dirigé vers soi, tout service ne sert que soi, tout amour n'aime que soi. (...) Vous paraissez surpris par mes propos? Peut-être songez-vous aux êtres que vous aimez. Creusez plus profondément, et vous verrez que vous ne les aimez pas. Ce que vous aimez, ce sont les petites sensations agréables qu'un tel amour suscite en vous! Vous aimez le désir, et non l'être désiré.
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Malgré mes belles paroles, malgré ma posture de philosophe posthume, malgré la certitude que mon heure viendra, malgré enfin ma théorie de l'éternel retour, j'ai une peur terrible de mourir seul. Savez-vous ce que c'est de savoir qu'une fois mort, on ne découvrira pas votre corps avant des jours, des semaines peut-être, jusqu'à ce que l'odeur intrigue enfin quelque étranger de passage ? J'essaie de me rassurer. Souvent, au plus fort de mon isolement, je me mets à parler tout seul. Pas trop fort, cependant, car j'ai peur de mon propre écho caverneux.
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Vidéo de Irvin D. Yalom
Irvin Yalom a consacré sa carrière à conseiller ceux qui souffrent d'anxiété et de chagrin et à aider à faire face à l'idée de la mort. Lorsque sa femme Marilyn, écrivaine elle-même, a été atteinte d'un cancer très grave, il s'est trouvé en situation de l'accompagner face à la maladie, à la perspective de la mort et dans son choix de décider elle-même du moment de la fin. Ils ont alors décidé d'écrire à deux sur l'amour, le couple, la fin de vie jusqu'à ce que la mort les sépare et qu'Irvin continue seul. Avec une très grande sincérité, dans cette chronique d'une mort annoncée à deux voix, chacun son tour livre ses réflexions sur le combat contre la maladie, l'acceptation, le regard sur leur histoire commune et ce que sera la vie d'Irvin sans la femme de sa vie pendant 65 ans. La seule voix d'Irvin poursuit pendant les premiers mois de son deuil, En n'ayant rien perdu de la chaleur des adolescents qu'ils étaient lorsqu'ils se sont connus, avec la sagesse de ceux qui ont réfléchi profondément, qui ont mûri puis vieilli ensemble, et la sérénité que donne le sentiment d'avoir pleinement vécu, tous deux abordent la question de l'intimité, de l'amour et du chagrin. Et ils nous offrent avec ce livre inoubliable un éclairage rare sur la finitude et la perte de l'être aimé.
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