Sans doute le projet de
Mo Yan, à la rédaction de cet ouvrage, était-il ambitieux. Cet imposant roman couvre en effet six décennies de l'existence d'un village du district de Gaomi, dans le nord de la Chine. Et pour nous servir de guide tout au long de ces quelques soixante années qui aboutirent à faire de la Chine l'une des plus grandes puissances économiques mondiales,
Mo Yan a choisi Ximen Nao, un riche propriétaire terrien qui, au lendemain de la proclamation par Mao de la République Populaire, fit les frais de la justice expéditive de ses concitoyens, qui l'occirent sans plus de cérémonie.
Alors... tout est déjà terminé, me direz-vous ?
Eh bien justement, non, tout ne fait commencer !
En effet, après deux ans de purgatoire, Ximen bénéficie de la relative clémence du Roi des Enfers, qui le renvoie dans le monde des vivants, réincarné en âne !
Le lieu de cette résurrection n'est pas anodin, puisqu'il renait au sein même de son ancienne famille, qui a quelque peu évolué... Ses deux concubines occupent la vaste maison dont a été chassée son épouse. Elles se sont respectivement remariées, l'une avec le chef de la milice populaire qui a abattu Ximen, l'autre avec le valet que ce dernier avait, de son vivant, recueilli et élevé comme un fils...
Au fil de réincarnations successives, qui vont tour à tour le transformer en boeuf, en cochon, en chien ou en singe, Ximen est ainsi un témoin privilégié des événements qui troublent le quotidien de son village.
Bénéficiant, en tant qu'animal, d'une sorte d'impunité, il assiste aux mutations qui bouleversent la Chine rurale de la seconde moitié du XXème siècle sous l'impulsion de
Mao Zedong, avec tous les dommages collatéraux que cela implique, si tant est que l'on puisse qualifier de collatérale la grande famine, entre autres, qui fit presque trente millions de morts...
En même temps, il est l'observateur des destins individuels des êtres humains qui l'entourent, ces membres de son ex famille qui s'adaptent plus ou moins bien aux mouvements de l'Histoire, et dont le quotidien est rythmé par les contraintes de leur mode de vie agricole.
La vie du village, avec ses traditions séculaires auxquelles viennent se greffer les nouvelles "coutumes" liées au régime maoïste, est ainsi comme la scène d'un théâtre sur laquelle s'agitent des personnages représentatifs de la palette variée des comportements et des sentiments humains. Les opportunistes les plus cyniques y côtoient de braves gens simples et généreux, la compassion des uns parvient parfois à faire oublier la cruauté des autres... Celui qui détient le pouvoir peut, du jour au lendemain, devenir un paria, et les amis d'hier sont susceptibles se révéler vos pires ennemis.
Offrir comme narrateur à la majeure partie de son histoire un individu changé en animal était sans doute une idée judicieuse.
Elle permet à
Mo Yan de doter son héros d'un statut grâce auquel il peut porter sur ses contemporains un regard tour à tour acéré et attendri, et relativiser l'importance qu'ils accordent à leurs piètres existences.
C'est aussi l'occasion de dépeindre des situations cocasses, Ximen subissant les aléas de sa condition d'animal en les analysant avec ses émotions d'homme.
Seulement... elles ne m'ont pas personnellement portée à rire. Comme dans "
Le chantier", j'ai trouvé que l'écriture de
Mo Yan avait quelque chose de poussif, une fadeur qui ne s'accorde pas avec la tonalité burlesque dont il veut parer son texte.
Et puis, "
La dure loi du karma" compte à mon avis trop de digressions inutiles, de descriptions dispensables.
Ce roman a la longueur et la prétention d'une fresque épique dont il n'atteint pas la dimension et dont il ne possède pas le souffle.
Une deuxième expérience qui, par conséquent, me convainc de ne pas pousser plus loin la découverte de cet auteur par ailleurs nobellisé, et dont de nombreux lecteurs pensent beaucoup de bien...
A vous de voir...
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