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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
J'ai beaucoup d'admiration pour Lianke Yan, son courage, son esprit rebelle... "Bons baisers de Lénine" et "le rêve du village des Ding" sont pour moi des modèles d'oeuvres dissidentes. Ces romans étaient forts, durs, prenant pour sujets des thèmes graves. Au contraire de ces récits, "servir le peuple" a un ton léger, souriant et grivois. Ce qui n'atténue en rien la force du propos. S'il n'a pas la charge émotionnelle des romans dramatiques de l'auteur, s'il ne suscite pas le même sentiment de colère, "servir le peuple" est un jeu de massacre jubilatoire.

Wu Dawang est ordonnance et cuisinier au service d'un colonel de l'armée. Lorsque ce dernier s'absente, Wu Dawang et la fmme du colonel, Liu Liang, vont entamer une liaison passionnée. Première offense envers l'establishment chinois : le slogan maoïste "servir le peuple" est détourné, prenant ici le sens de devoir satisfaire sexuellement la femme du colonel. Par la suite, le couple illégitime découvre, en cassant par accident un tableau de citations du grand timonier que ce geste quasi-blasphématoire enflamme leurs sens, décuple l'intensité de leurs ébats et de leur plaisir. S'ensuit un passage très drôle où le cuisinier tout en besognant fougueusement sa partenaire, piétine avec tout autant d'ardeur le tableau de citations. Et Lianke Yan ne s'arrêtera pas à cette scène. le lecteur sera abasourdi par un chapitre hallucinant où les amants pris d'une frénésie érotico-destructrice saccagent tout ce que la caserne peut contenir d'objets en rapport à Mao. Tout y passe, les portraits ont les yeux crevés, les sculptures ont le nez défoncé, les bols et assiettes arborant les slogans du régime sont brisés, les pages des livres d'aphorismes arrachées... On imagine bien la jubilation de l'auteur lorsqu'il a écrit ces cinq pages délirantes. Bien entendu, ces outrages ont valu au livre d'être interdit en Chine.

Le reste du récit est plus sage. "Servir le peuple" n'a pas la force émotionnelle des drames de Lianke Yan mais rien que pour l'audace et la folie de ces passages à rendre dingues les membres du parti communiste chinois, rien que pour saluer le courage de cet homme qui fut militaire et écrivain officiel de l'armée avant de devoir s'exiler, ce roman mérite le détour.

Challenge Multi-défis 2016 - 50 (un livre dont le titre contient un verbe à l'infinitif)
Challenge ABC 2016-2017 - 8/26
Challenge Petits plaisirs 2016 - 47
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Servir le peuple !, mot d'ordre de la Révolution culturelle voulue par Mao, et de ce roman pour le moins provocateur et dérangeant pour le Parti…Car Lianke Yan n'y va pas de main morte pour tourner le slogan en complète dérision. Wu Dawang, soldat méritant de 28 ans, a été choisi par le colonel commandant son régiment pour cumuler des fonctions d'ordonnance et cuisinier. Et chez le colonel, au centre de toutes les attentions, une pancarte scandant « Servir le peuple ! ». Voilà la solennelle consigne qui lui est laissée lorsque le colonel part en mission pendant deux mois…laissant le « petit Wu » entre les mains, qui vont bientôt se montrer expertes, de sa jeune et ravissante épouse de 32 ans, Liu Lian. Car pour elle, « Servir le peuple », c'est venir lui donner du plaisir sexuel. C'est qu'elle se sent bien frustrée, car « le colonel n'est pas un homme » : quinquagénaire passe encore, mais il a eu le malheur de prendre une balle dans les noix au cours de sa prestigieuse carrière. Wu est d'abord troublé, mais ne résiste pas bien longtemps lorsque la belle prend le pli de déposer au sol la fameuse pancarte pour lui signifier la montée de désirs impératifs...dès lors, il ne peut que rappliquer du potager pour la gâter.
Et Wu s'acquitte si bien de sa tâche que des sentiments ne tardent pas à naître entre lui et la maîtresse des lieux (« sa grande soeur »), au point que les différences sociales s'effacent. C'est le début d'une véritable passion. Les deux ne pensent plus qu'à s'étreindre, et ça devient délirant ! Après avoir cassé accidentellement une statuette en plâtre de Mao, ils vont, après avoir tremblé deux secondes devant les conséquences, s'en donner à coeur joie pour bousiller et piétiner toutes les figures et symboles du pouvoir. En plus, la mise à sac se fait à poil, les deux amants ayant décidé de passer en permanence leur dernière semaine avant le retour du colonel dans la tenue d'Eve et Adam. Mais tout cela va bientôt devoir prendre fin…Wu Dawang est malheureux, mais comme il est raisonnable et ambitieux, espère que sa protectrice tiendra sa promesse de lui donner comme cadeau d'adieu une sécurité de situation pour lui et sa famille (car il est marié et a un enfant, le bougre !).
Mais qu'y a-t-il dans le coeur et l'esprit de la femme de pouvoir Liu Lian, et quel destin attend ces personnages dans les changements qu'apportera la Révolution culturelle ?

Une histoire contée avec rythme, sans temps mort, que l'auteur mène en sachant maintenir le suspense, en maniant un humour provocateur qui n'a évidemment pas fait plaisir aux autorités chinoises…car Mao et sa Révolution culturelle, y sont moqués assez explicitement. Cependant, ce roman m'aura moins séduit que l'émouvant et dur « Les jours, les mois, les années », et même que la fable assez ésotérique « Un chant céleste ». En effet le style m'a parfois paru un peu lourd, les adjectifs qualificatifs employés très communs, même s'il y a par moment de belles séquences. L'auteur-narrateur prend le parti du conteur qui interpelle directement le lecteur, en anticipant toujours la suite, du style « Et que croyez-vous qu'il arriva »… « mais ce que Wu ne savait pas c'est que… ».

Un bon Lianke Yan quand même, dont le ton me rappelle une fois de plus Mo Yan. Ce ton est plus corrosif chez Lianke, qui place le curseur plus loin dans la violation du politiquement correct.
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8 septembre 1944, devant le comité central du PC. le grand camarade Mao Zedong prononça une allocution, devenue célèbre depuis, sur le thème « Servir le peuple », le leitmotiv de la révolution culturelle. Je résume, je fais court, j'extrapole : les chinois sont un grand peuple et s'ils sont aussi grand, c'est parce qu'ensemble, ils avancent, ensemble ils s'entraident, ensemble ils se soutiennent. Ensemble, ils vivent et s'effacent pour servir les autres, servir le peuple. C'est sur ce précepte que la Chine pourra s'élever, grandir et devenir puissante, que la Chine pourra construire des jouets en plastique pour 12.5 centimes de € ou des tee-shirts à l'effigie du maître spirituel (Camarade Mao, pas camarade Dalaï-Lama) pour 0.5 $. Depuis, ce texte est devenu aussi sacré que les sutras des moines bouddhistes exilés sur les sommets enneigés de l'Himalaya. Il s'affiche sous les bustes du camarade Mao, Il s'affiche sur les murs de chaque édifice public, des casernes, des restaurants ou des maisons de plaisir.

Wu Dawang est cuisiné dans l'armée. C'est par sa motivation et son implication dans la devise « Servir le peuple » que Wu grimpera grades et échelons sociaux de la grandeur chinoise. Tellement zélé, il s'aventurera sans retenue dans les propositions indécentes de Liu Lian – la femme du colonel ! Baiser la femme du colonel étant bien évidemment une application très stricte de « servir le peuple ». Je ne peux même pas en vouloir à camarade Wu, Tante Liu étant si belle, si jeune, même nue ! « Même nue, elle gardait la pureté et la noblesse d'un Bouddha. » Franchement, ça donne envie ! D'autant plus que Grande Soeur Liu a un appétit féroce et insatiable. Pauvre Wu !

Yan Lianke se(r)vit ici une lecture politiquement incorrecte, totalement subversive et franchement jubilatoire par moment. Je ne résiste pas aux plaisirs de la chaire, alors lorsque les ébats peuvent servir de cause politique, mon esprit de la compassion va en ce sens. Oui pour servir le peuple. Oui à faire l'amour. J'en deviens même addictif à cette devise : faire l'amour pour servir le peuple, voilà la devise que j'affiche chez moi. Vive le Camarade Mao !

J'adresserai un dernier message aux Camarades Babeliennes féminines : Toutes à poil. C'est pour le bien de la révolution. La révolution ne passera que par le SEXE. Brulez le petit livre rouge et déshabillez-vous !

[...]
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Dans Servir le peuple, un jeune homme de l'Armée populaire de libération est mis au service de la femme d'un grand colonel. Il doit être aux petits soins pour elle, s'occuper de l'intérieur de la maison, cuisiner… Mais quand le mari part en mission, ce jeune soldat va servir d'une bien autre manière cette épouse. Et oui, le fameux slogan de Mao "servir le peuple" va prendre une toute autre dimension sous la plume de Yan Lianke. Les deux amants vont d'ébats en ébats, quand ils brisent malencontreusement un objet représentant Mao, et ils se rendent compte qu'agir en contre-révolutionnaires les émoustille encore plus et s'amusent avec ce jeu de rôle.

Avec ce roman, Yan Lianke se moque de certains concepts de Mao, il tourne en dérision le jusqu'au boutisme de certains slogans et actions communistes. Avec sa plume acérée, il manie l'ironie et l'humour noir à merveille et on ne peut que lire certains passages avec un rictus aux lèvres. Ce qui m'impressionne, c'est de savoir que ce livre a quand même réussi à être édité dans une revue, qu'elle a pu franchir les portes d'une imprimerie et être diffusée alors que la Chine a une politique de censure très active dans le milieu de l'édition. C'est seulement lors de la publication et de la diffusion de l'ouvrage que le bureau de la censure s'est rendu compte du contenu très sexuel du livre et des propos contre-révolutionnaires qu'il contenait, et qu'il a demandé le retrait de la circulation des dizaines de milliers d'exemplaires de ce magazine.
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Quel livre ! Il fallait oser le faire. Et oui, Yan Lianke détourne un slogan de Mao Zedong utilisé pendant la révolution (objet immédiat de censure d'ailleurs) pour en faire un appel au sexe.
Le personnage est drôle, on le sent perdu à maintes reprises, il ne comprend pas ce qu'il fait mais il le fait quand même, puisque ce sont des ordres donnés par des supérieurs. Tiens tiens, Yan Lianke ne se moquerait-il pas de milliers de gens qui ont fait des choses sans les comprendre également sous Mao ?
Ce livre est satirique à souhait, l'auteur a une plume acérée et un humour mordant que j'aime beaucoup. Certains de ses autres livres sont très bien également, mais ils n'ont plus ce côté humoristique.
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184 pages, c'est la longueur de Servir le peuple. Rien d'un pavé, donc, laissez lui sa chance même si le style vous déboussole un peu au début, sans parler du sujet.
L'histoire de ces deux amants qui massacrent des bustes de Mao en guise de préliminaires,avouez que ce n'est pas courant!! C'est certainement plus marquant pour un lecteur qui en sait plus que moi sur la Chine révolutionnaire, il y a apparemment pas mal d'endroits où par exemple des slogans révolutionnaires sont parodiés. Néanmoins, même avec mon peu de connaissance, une fois que je me suis habituée au style un peu fleuri, j'ai pu apprécier l'ambiance iconoclaste et ironique très sympathique.
Une petite découverte plaisante, n'hésitez pas à tenter!
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Un petit livre audacieux, porté par un humour mordant, sur la société communiste chinoise grâce au détournement d'une citation de Mao : servir le peuple. Wu Dawang, ordonnance d'un colonel, est monté difficilement dans la hiérarchie militaire à force de récitations et de cirage de bottes, c'est un soldat modèle. Alors quand l'épouse de son supérieur l'invite à coucher avec lui, son mari étant absent pour deux mois, il prend peur, et refuse. Grave erreur! Car ne pas servir la femme de son supérieur, c'est ne pas servir la peuple. Ironie totale, Wu Dawang va donc cocufier le colonel d'abord par devoir, puis par plaisir! Une fois les bornes franchies, difficile de savoir jusqu'où les deux amants pourront aller...
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Opus incontournable pour qui aime la Chine et son histoire.
YAN Lianke est un auteur essentiel à la compréhension de l'attitude semi-contestataire des élites chinoises.
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Avec un ton assez léger, voire même grivois, Servir le peuple désacralise l'armée, la révolution, et même l'image de Mao.

Si l'histoire elle-même ne m'a pas vraiment passionnée, je suis impressionnée par l'audace de l'auteur, qui refuse de s'autocensurer. Privé de passeport, livres censurés en Chine, il continue néanmoins à critiquer, dans ses écrits, le communisme et les dirigeants et de mettre en lumière la folie des hommes.
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