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EAN : 9782859209544
99 pages
Le Castor Astral (22/08/2013)
4/5   1 notes
Résumé :
C’est de l’enfer dont il est question dans ces textes. La nouveauté est que la vision du lieu prolixement décrit par Dante revienne aujourd’hui, réadaptée à notre temps, de Chine. Double exotisme, en somme !
Luo Ying contredit l’expression classique de la sagesse taoïste, fondée sur un plus ou moins grand détachement vis-à-vis du pouvoir politique.
Sa version ironique de l’Enfer exprime une critique universelle de nos sociétés modernes, tous horizons ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La Chine contemporaine illustrant la dépravation du monde, voilà le propos implacable, lucide et sans concession de l'écrivain et poète chinois Luo YING. La Chine actuelle, c'est l'Enfer, tant le développement sur le modèle occidental se déroule à vitesse ultra-rapide, au mépris des traditions, du patrimoine et de la culture chinoise ancestrale. Et ça, notre auteur, ça lui fout la gerbe…et manifestement quelques insomnies. C'est par quelques nuits de fin d'été 2006, dans un grand hôtel de Los Angeles, qu'il a gratté quelques pages pour coucher sur le papier le saccage du monde ancien.

Rien que quelques pensées, où à la manière de petites fables où l'auteur convoque des bêtes sympathiques comme les rats, cafards, corbeaux, lapins, vers de terre…Ironiques, acides, ces textes de 3,4 pages ne placent pas le moindre espoir en l'homme. Pour lui, la catastrophe est arrivée, nous vivons immergés dedans au quotidien sans même qu'on s'en rende compte. C'est le monde des inégalités croissantes, pourri par l'argent, la société d'ultra-consommation et hyper-sexualisée, les constructions qui poussent inlassablement comme des champignons, la ville, tentaculaire et tentatrice, qui ont perverti les hommes.
Tour à tour, il s'adresse « A ceux qui meurent », évoque « deux arbres », « de la terreur », « la souffrance », « le penseur », fait la « critique de la sexualité », offre un « propos sur les cafards », un « propos sur les têtards », vise « le dernier homme », et énonce son « lapins, lapins » …Tout cela est énigmatique, parfois hermétique, toujours concis, tranchant comme une lame décidément bien aiguisée, impitoyable. Heureusement, tout s'éclaire dans l'épilogue, où l'écrivain nous livre son diagnostic sur l'humanité, clé qui relie toutes ces pages. le citer est encore le plus simple : « La fascination pour l'argent engendre une attitude servile envers la ville. Chaque ville ressemble au Diamant. C'est un énorme concentré d'énergie faisant se dresser les immeubles, avançant à grandes enjambées vers un avenir plus riche, plus prospère, plus conquérant, plus urbain. C'est le symbole de la force du XXIè siècle. Mais, vu sous un autre angle, en baissant les yeux, on se rend compte que dans l'histoire de l'humanité, les moyens de destruction n'ont jamais été aussi perfectionnés et que le fossé entre riches et pauvres se creuse. le paradis est de plus en plus élevé, l'enfer de plus en plus bas, si bien qu'une structure sociale calquée sur le modèle de l'entreprise pourrait acheter et élever des hommes qu'elle nommerait « force de production » pour un prix extrêmement bas. Rares sont ceux qui se préoccupent du sens de la grandeur de l'homme en tant qu'être humain. La peur de l'apocalypse affole ceux qui ont la passion de l'argent et n'éprouvent plus qu'indifférence et mépris pour les pauvres, comme si la seule chose qui compte était d'être le dernier homme à la fin du monde. »

Mais au-delà de la critique du monde actuel, il égratigne aussi vivement la caste des intellectuels qui ne s'indignent plus, corrompus par le système, et réfléchit à la mission de l'intellectuel, du penseur, du poète qu'il est : « Nous qui jouissons pleinement des biens matériels, nous, le poète oisif ou bien l'intellectuel, nous ouvrons sans cesse de nouveaux horizons pour l'imagination, et il nous est impossible d'abandonner la position d'interrogateur critique. Ce n'est que lorsque demain sera meilleur que nous retrouverons l'espoir ; il nous faut donc aujourd'hui interroger et critiquer en pensant à demain. Nous ne connaîtrons le vrai bonheur que lorsque chacun sera heureux, et quand bien même ne resterait-il qu'un seul mendiant, il nous faudrait poursuivre notre démarche critique (...) éblouis par l'argent et la prospérité matérielle, nous ne faisons plus l'effort de penser ; au fond de notre coeur, nous n'éprouvons plus le moindre respect à l'égard de la mort, nous ne ressentons plus la terreur car nous sommes devenus indifférents et insensibles. Autrement dit, le soi-disant intellectuel a succombé aux plaisirs charnels. Autour de moi, la plupart des poètes et des philosophes, et autres, se pressent pour s'asseoir à la table des riches et vendent leur esprit pour une cuillerée de soupe (...). Il est lamentable que tous les intellectuels, de tous les pays, de toutes les ethnies, se mettent à renier leur nature, tels des groupes de têtards qui, par inconscience collective, suivent le chemin tout tracé par les mots, ne pensant qu'à leur survie. »

L'auteur produit là un livre au ton franc, incisif, qui sur la forme revendique l'inspiration de la prose de la dynastie Han, afin de mettre en avant la spécificité de la poésie chinoise, en tant que représentation du mode d'existence réel du peuple à une époque donnée, son état d'âme et sa manière de l'exprimer.

Une découverte intéressante, rareté trouvée encore une fois à la médiathèque du coin, dans une édition bilingue parfaite pour poursuivre mon (lent et modeste) apprentissage du mandarin !
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Ceux qui copulent en plein air, au coin de le rue ou sous un pont, et prennent un plaisir furtif en réfrénant leurs cris, sont forcément considérés comme méprisables, ceux qui au dernier étage d'un hôtel peuvent exprimer, dans leur lit et à pleins poumons, la joie de l'orgasme, se trouvent forcément plus nobles. Tous sont dépravés, quoique clairement distingués en deux catégories, de sorte que toute révolte paraît impossible.
Est-ce là la fonction principale d'une ville, sa raison d'être ?
La ville est comme un drap sale qui nous enveloppe, nous garantit la possibilité de nous dépraver les uns les autres, sans d'ailleurs éprouver la moindre honte. S'insurger apparaîtrait nécessairement ignoble, un dévoiement encore plus radical.
Se livrer à la débauche au nom de la philosophie, au nom de la poésie, de la civilisation, de la folie, du sublime, de l'abject...
Se livrer à la débauche.
Se livrer à la débauche.
Se livrer à la débauche, la débauche, la débauche.
De sorte que, même si le soleil brille haut dans le ciel, il ne pourra pas empêcher que naissent ces images : cette ville épuisée est un monstre qui se déprave à sa guise, porte au paroxysme comme jamais auparavant le culte du phallus vieux de plusieurs milliers d'années, pratique l'adultère entre civilisation et barbarie, est l'enfant bâtard du paradis et de l'enfer, le refuge mental de tous ceux qui pratiquent ou subissent la dépravation.
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Le déclenchement d'une souffrance individuelle dissimule peut-être le fait qu'une ethnie s'est mise, depuis longtemps déjà, à se déprécier, à donner libre court à ses désirs, et qu'elle manifeste, au nom de la philosophie, de l'admiration pour cette folie collective qu'est la satisfaction immédiate des désirs matériels.
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