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4,29

sur 1100 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'avoue ! Avoir pris tout mon temps pour le lire ce roman, pour me promener sur internet et trouver les photos, les blogs qui évoquent les sites et les temples qui ponctuent le parcour et de Musashi, et d'Otsu, et de Matahachi et d'Osugi !
Premier observation qui m'a interpellée, en Europe c'était aussi l'époque des duels et l'honneur bafoué était vite sur toutes les lèvres. Au japon aussi l'épiderme était ...chatouilleux, sauf qu'on y défendait plus une école qu'un hypothétique affront ! Mais tout de même, ce fut une époque où on risquait vite sa vie !
Autre observation : bizarre conception de l'honneur et du courage, qui ne se reconnaît jamais battu et arme une armée contre un seul homme, en accusant ce dernier de la pire lâcheté ! Etonnant et déroutant. Mais les vendettas capables de décimer des familles entières ne relèvent-elles pas du même processus mental ?
Dans plusieurs critiques, j'ai lu l'etonnement que les protagonistes se croisent si facilement sur les routes. D'une part le Japon est tout de même d'une superficie nettement inférieure à celle de la France, et les voyageurs utilisaient les mêmes routes, s'arrêtaient dans les mêmes auberges et trouvaient réfuges dans les mêmes temples. Il est fait allusion à la foule qui se retrouve sur un certain pont un jour de premier de l'an.

Alors, ce roman, qu'est-ce qui en fait sa propriété ?
La fluidité du récit ; il se lit avec facilité, à condition d'être attenif aux patronymes. C'est certainement là, une difficulté une difficulté pour s'y retrouver, mais beaucoup de romans policiers nous inondent aussi de personnages, ce qui ne nuit pas au plaisir de la lecture.
L'excellente idée de commencer par le désastre d'une défaite, et en contrepartie suivre l'évolution de deux jeunes têtes brulées. L'un est nanti d'une famille respectée, déjà promis à une vie stable puisqu'il est fiancé et l'autre est un chenapan, rejeté par sa mère, opprobe de son village. Et pourtant le courage n'est pas des deux côtés : si le premier choisi la facilité, le second s'engouffrera dans un chemin particulièrement difficile.
Ce que j'aime chez Takezo/Musashi c'est l'obstination humble qu'il mettra a dominer sa force brute par son intellect, son application à admirer, réaliser des oeuvres de ses mains maladroites mais dans lesquelles il est capable d'y mettre toute sa générosité. En s'isolant, d'abord au fin fond d'un château comme un ermite , puis en contact avec la nature, c'est son sang-foid qu'il développe avec un sens de l'observation et des réflexes exascerbés, bien utiles dans son apprentissage de samouraï.
Le côté fortement inspiré de la réalité historique, donne une dimension sereine au récit : certes les exploits ont été enjolivés mais ils ont rééllement eu lieu.
Un bon équilibre des personnages secondaires qui fonctionnent en couple-miroir, comme Otsu et Akemi, ou Osugi et Jotaru, et rappelle qu'il n'y a pas une seule vérité, une seule réalité.
Les combats sont décrits avec fougue et flamboiement sans jamais s'enliser dans le barbare et le trivial.
La poésie des descriptions qui dévoile, la beauté des paysages, l'ancienneté du raffinement des arts de vivre, l'osmose avec la nature est un autre attrait de ce récit et non le moindre.

Un très beau roman qui donne quelques clés ...
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Ah le Japon ! Il y a un certain fantasme pour les occidentaux que nous sommes pour ce pays si lointain. Il est vrai que depuis quelques décennies nous sommes bercés par les dessins animés ou jeux vidéos. Mais il serait bien trop réducteur que de limiter le Japon à ces distractions. Bien plus qu'une culture, c'est avant tout un peuple fier où tout repose sur l'honneur. Oui, le Japon fascine tant il est aux antipodes de notre civilisation. C'est là un autre mode de vie avec des croyances, des mythes, une cuisine et bien plus encore. Pourtant, j'abhorre certaines traditions qui se perpétuent dans le Pacifique. On ne peux pas fermer les yeux sur le massacre de dauphins, baleines et requins. Mais là n'est pas le sujet, puisque ce qu'il nous intéresse ici, c'est le roman de Eiji Yoshikawa san.
Je connais peu des personnages emblématiques du Japon, ces héros dont leurs histoires sont racontées de générations en générations. Il y eut le forgeron Masamune dont la légende dit que les lames qu'il confectionna, était tellement acérées qu'elles pouvaient tout transpercer.
Dans « La pierre et le sabre », nous suivons un autre personnage de légende. Il s'agit d'un samouraï. Il se nommait Musashi Miyamoto. Même après plusieurs siècles suivant sa mort, il inspira beaucoup de monde dans les différents arts (peintures, théâtres, romans, films, animes, mangas et même jeux vidéos). Il est bien évident qu'il ne s'agit pas là d'une biographie, mais d'un roman inspiré. D'ailleurs, deux siècles les séparent.

« La pierre et le sabre » est la première partie de l'intégrale des romans (édition française) parut sous forme d'épisodes au Japon (7 livres au total). Ce livre regroupe les 4 premiers épisodes (Terre, Eau, Feu, Vent). « La parfaite lumière » étant sa suite (Ciel, Soleil et Lune, Parfaite lumière). le tout donnant un épais bouquin intitulé Musashi.
J'avais peur avant de débuter ce monstrueux pavé de huit-cents et quelques pages – que l'on peut multiplié par deux si on veut lire la suite. Hé bien, quelle surprise ! J'ai trouvé la lecture assez facile, dans le sens où tout s'enchaîne parfaitement, tout est fluide. Il est vrai que je suis habitué – plus ou moins – aux noms nippons. Pourtant, j'ai trouvé que je lisais moins rapidement et avec plus de difficulté ce roman qu'un autre typé occidental.
Ce livre, m'ayant donné envie de connaître le Japon médiéval et cette époque, je me suis amusé à faire quelques recherches. Merci au passage l'invention de l'Internet qui favorise bien des choses. Pour bien comprendre, il faut savoir qu'à l'époque, le pays était divisé en plusieurs provinces. le Shogun souhaitait réunifier ces peuples. Il est intéressant de constater qu'il existe un Empereur, mais son pouvoir est moindre que le Shogun. de 1639 à la fin des années 1800, le pays était fermé aux étrangers où seuls les contrées asiatiques pouvaient faire du commerce. Une époque nommé Edo – Edo étant la capitale du Japon qui sera renommé par la suite Tokyo. (Événements relatés dans « l'avant-propos » au début du livre par Edwin O. Reischauer – que j'ai lu après le roman)

C'est une magnifique odyssée où chaque personnage cherche à réussir leur quête personnelle. Nous avons une multitude d'individus plus ou moins important dans l'histoire dont nous suivrons un certain nombre charismatique.
Tout commença par un champs de bataille de Sekigahara où deux amis ayant combattu ensemble se retrouve unique survivant. L'un est Takezo et l'autre Matachi, l'un est méprisé par son village l'autre étant un fils d'une haute famille bourgeoise.
Après de nombreuses épreuves, Takezo qui deviendra un samouraï redouté et changera de nom Musashi. Ce qui est marrant dans l'histoire c'est que les deux noms (Takezo et Musashi) s'écrive de la même manière en Kanji (武蔵). Une gloire qui laissera Matachi jaloux – personnage méprisable qui m'a énervé de plus en plus lors de l'avancée dans le livre (et sa garce de mère).
Et puis, il y a la romance, un amour impossible entre Musashi et Otsù. La jeune étant promise à Matachi s'éprend du samouraï mais ce dernier reste fidèle à sa lame et peut-être à son ami.
Il serait dérisoire de parler laconiquement de chaque personnage tant leur personnalité est très bien travaillée. Pour ma part, j'ai beaucoup apprécié le duo Musashi/Otsû, son jeune disciple Jôtarô mais également l'adolescent rebelle (Kojirô) qui intervient qu'à partir du troisième livre.


L'histoire se concentre essentiellement sur une infime partie du Japon, celle du centre avec les villes tel que Kyoto. Ainsi nos personnages se croiserons à de multiples reprises par monts et vallées, sur les routes ou dans les maisons de thé.

Il y a tant à dire sur cet ouvrage. Je pourrai m'étaler sur les différents personnages. Je pourrai également parler de la culture de l'honneur mis en avant, où la mort est la meilleure des finalités lors des combats. Mais également l'histoire mit en avant par l'auteur. Et puis, il y a la croyance au bouddhisme (très peu Shintoïsme), le Japon et la Chine ayant eu de nombreux conflit dans leur passé. Mais le mieux est lire ce magnifique livre.
Pour finir, je dirai que c'est un excellent roman pour qui s'intéresse à l'histoire du Japon, avec des personnages historiques et d'autres inventés. L'histoire d'amour entre le quatuor Musashi / Otsû / Matachi / Akemi est parfois un peu trop présent surtout à la fin. Bien que se soit un beau pavé, je n'ai pas trouvé trop de longueur, qui m'a fait voyagé dans un pays que je connais pas à une époque intéressante. Me reste plus qu'à lire « La parfaite lumière ». Je vais sûrement faire une petite pause avant.

ありがとう 英二 吉川 氏 (Arigatô Monsieur Eiji Yoshikawa)
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Plus de 10 ans ont séparés l'achat de ce livre, suite à la lecture du Gorin no sho, et sa lecture.
Que je le regrette ! Ce premier tome de biographie consacré à Musashi est une merveille !
Mais commençons par ce qui fâche: pourquoi lui donner un titre ésotérique alors que l'auteur l'avait sobrement intitulé "Musashi" ?
Faut-il que cela sonne japonisant pour que ça se vende dans la tête des éditeurs ?
Bon, pour le texte en lui même, comme je l'ai dit, c'est du très bon, tour à tour haletant, réflexif, contemplatif, émotionnant, romantique, cruel.
Ces 850 pages passent fort vite et l'ont a tout de suite envie de passer à la suite !
On assiste aux destins croisés de nombreux personnages, Musashi bien sûr, mais aussi son ami d'enfance et sa mère ainsi que la promise de ce dernier, plus certaines personnalité de ce temps.
Car c'est aussi une chronique de cette époque, à savoir le début de l'ère Tokugawa, quand la paix n'est pas encore bien assurée, mais que le pays commence à se transformer avant de se replier sur lui même pour 250 ans...
Et ce n'est rien de dire qu'Eiji Yoshikawa excelle dans ce style, mêlant la grande histoire à la petite, invention et éléments historiques, histoire des moeurs et réflexion philosophique.
Sur ce point j'adresse un sérieux coup de chapeau à l'auteur qui vulgarise parfaitement les réflexions que suit le héros et ses amis, notamment le moine zen, truculent personnage excellemment mis en scène !

Enfin bref, je me suis régalé, j'ai hâte de lire la suite, dès que j'irai le chercher dans ma librairie !
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Voici une lecture énergisante ! Ultimement un roman de cape et d'épées à la sauce asiatique, ''La pierre et le sabre'' est une fabuleuse plongée dans le Japon du XVIIe siècle, celui des samouraïs.

On suit plusieurs personnages principaux dont les routes sont destinées à se croiser maintes fois dans des situations diverses. Musashi, véritable personnage historique devenu légendaire et mythique, entreprend la voie du sabre menant à la sagesse et la grandeur après une enfance quelque peu dissolue. En chemin, il fait le malheur de ses ennemis et souvent aussi de ses amis.

Voyages, combats au sabre, leçons de vie, moeurs et coutumes des différentes classes sociales, dialogues truculents, confrontations multiples, les attraits de ce livre sont innombrables. Le côté mystique des arts martiaux est très bien rendu. Volumineux mais d'une écriture imagée et amusante d'une fluidité exemplaire, je plonge sans escale dans la suite directe : ''La parfaite lumière''.
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Un très long et magnifique voyage dans le Japon médiéval en compagnie d'un personnage en quête de vérité et d'humanité.
Livre puissant, rédempteur. .... et culte au Japon.
Il est étudié en classe comme on étudie chez nous Hugo, Zola.... Rien d'étonnant.
J'ai adoré !
La suite est La parfaite lumière.
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Bien que lu il y a presque 20 ans, "La pierre et le sabre" est un de mes livres préférés ! Je pourrai même l'emporter sur une île déserte , surtout qu'il s'agit d'un pavé et qu'il constitue la première partie du récit.
Roman d'initiation et d'aventure, mais en version japonaise du Moyen Age, c'est le Japon ancien que l'on découvre ici, avec de belles descriptions tellement précises qu'il est facile de s'en créer des images. Les personnages attachants, les paysages somptueux, l'art du combat, tout les ingrédients sont présents pour passer un long bon moment.
Un beau voyage dans le temps et dans une culture aux codes différents.
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Alala qu'est ce que ça a été bon!
Presque 3 semaines que j'étais accrochée à ce bouquin de plus de 800 pages matin et soir dans le train. Et pour expliquer un peu mon état d'esprit :c'était vraiment dur de l'abandonner, j'en ai même loupé ma station plusieurs fois.



C'est l'histoire romancée de Musashi Miyamoto, figure emblématique du samourai au Japon, ayant vécu au 17e siecle.
Musashi (Takezo de son vrai nom) a 17 ans quand il part participer à la grande bataille de Sekigahara qui verra triompher le camp adverse: les Tokugawas.
Rejeté par son village il decide alors de consacrer sa vie à son sabre et de suivre la voie du samourai.
Ce livre est une grande saga ou son personnage est lié à de nombreux autres (historiques pour la plupart).
Mais il s'agit avant tout de la quête de Musashi pour atteindre une parfaite maitrise de son art et de soi.

Alors avant toute chose: je suis totalement amoureuse de Musashi! (désolée Bibi!)
Il est beau, il est fort, il est ultra stylé (mais non c'est pas lui sur la pochette du livre).
Bon il fait visiblement pas bon être amoureuse de lui (il aime un peu trop son sabre!) mais pas grave, je l'aimerai sans fin!

Ensuite c'est un livre au style très agréable à lire. On dévore littéralement les pages sans s'en rendre compte.



L'histoire, certes romancée, de réels personnages historiques permet de se construire une petite culture de référence, ce qui, pour une inculte comme moi est non négligeable...
On y découvre le Japon traditionnel au quotidien: arts, thé, religion... ce qui le rend très riche culturellement parlant.

On découvre des petits trucs marrant comme par exemple que le jeu Pierre/Papier/Ciseaux que je croyais bien traditionnel de nos cours d'école occidentales est en fait un très vieux jeu chinois (ensuite importé au Japon et bien bien plus tard exporté en Europe )


De plus, ce bouquin nous plonge totalement dans l'esprit sans concession du samourai et c'est passionnant et abhérant à la fois.

Pour finir, de ces 800 pages il n'y a pour moi, rien à jeter! Pas de longueurs, que du condencé, que du bon.

Pour toutes ces raisons ce livre atteint la belle note de 5/5: chef d'oeuvre

ET la bonne nouvelle dans tout ça c'est que....c'est pas fini:
J'attaque le deuxième et dernier tome demain
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On dit d'ordinaire que Musashi est le "d'Artagnan japonais".

Ce premier tome (suivi par "la parfaite lumière") narre l'apprentissage de la maîtrise de soi d'un jeune homme fougueux.
Cette quête est d'autant remarquable que, par sa force, rien ne devrait lui résister, et rien ne lui résiste...à part lui-même.

Aux ferrets de la Reine Anne et des complots de Richelieu, Rochefort, de Milady, c'est-à-dire de l'affrontement entre D Artagnan et le monde, Yoshikawa décrit au contraire le domptage de ce qui pourrait opposer le héros à l'univers, le domptage de son monde intérieur.

Bien sûr, il y a des scènes de bataille, il y a de la bravoure, mais il y a surtout la recherche du geste parfait, non pas en tant que technique, mais en tant qu'art de vivre.
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Un roman qui compte dans la littérature japonaise. Je le conseille tout particulièrement à ceux qui veulent découvrir ce pays ou approfondir leurs connaissances historiques. le récit est facile , le style simple.La seule difficulté réside d'une part dans le nom des personnages et des lieux, d'autre part dans la nécessité d'avoir un minimum de culture sur le Japon.C.'est un livre d'aventures à l'époque médiévale .Cela se lit lentement.Je conseille de se renseigner sur le contexte historique car il s.'agit d'une période importante dans l'Histoire du pays et vous aurez plus de plaisir à la lecture si vous placez le texte dans ce contexte .
Ce livre est une porte ouverte sur la découverte du Japon, des ses traditions, de ses croyances, de ses valeurs. Prenez le temps de faire quelques recherches pour éviter de rester sur les clichés classiques , complètement stéréotypés d'un point de vue occidental , notamment au cinéma
À commencer plusieurs semaines avant de partir au Japon ou à relire tranquillement au retour mais toujours en prenant son temps.
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Hasards du calendrier : pour ma dernière chronique de 2018, il n'est pas exclu que je vous cause du roman que j'ai le plus adoré cette année – un livre dont je repoussais depuis bien trop longtemps la lecture en raison de son volume intimidant, et qui s'est avéré, comme on me le disait de toutes parts, un sommet dans son genre, le roman-feuilleton historique avec des samouraïs dedans.



Il me faut pourtant préciser d'emblée que La Pierre et le sabre est en fait quelque chose comme un « demi-roman » : le roman originel, sobrement titré Musashi, est extrêmement long, et a été scindé en français dans une édition en deux tomes (qui énervera sans doute un peu moins que les découpages, au hasard, du « Trône de Fer » par Pygmalion, tant le volume est effectivement conséquent) – le premier est donc La Pierre et le sabre, qui pèse dans les 860 pages, et le second La Parfaite Lumière, dans les 700 pages avec une police un peu moins riquiqui : Musashi, c'est l'ensemble (il existe au moins une édition en un seul volume, mais manier le pavé revient probablement à faire un exercice de musculation à chaque séance de lecture). Au début, j'envisageais du coup de faire une chronique commune des deux volumes français, mais, de crainte de trop repousser, j'ai finalement choisi de chroniquer chaque tome séparément.



Adonc, un roman-feuilleton, publié dans le fameux journal Asahi Shinbun entre 1935 et 1939 – et un feuilleton au succès colossal, d'abord au Japon comme de juste, puis dans le reste du monde, le roman s'étant vendu à des dizaines de millions d'exemplaires. L'auteur, Yoshikawa Eiji (1892-1962), à la carrière prolifique, prisait par-dessus tout les récits anciens et notamment épiques, de la tradition japonaise (il a livré « sa » version du Dit des Heiké), mais aussi chinoise, avec pour modèle, qui ressort particulièrement ici, les grands romans-fleuves du type Au bord de l'eau.



Avec Musashi, il livre une biographie romancée (très romancée…) d'un fameux personnage de l'histoire japonaise, à savoir Miyamoto Musashi (1584-1645), présenté comme le plus grand sabreur de tous les temps, celui qui n'a jamais perdu un duel, et par ailleurs l'auteur du fameux Traité des Cinq Roues, que j'avais chroniqué sur ce blog il y a quelque temps de cela (parce que s'y référer peut se montrer utile, j'ai complété cette vieille chronique par une vidéo, au cas où). Un sujet épique pour un livre épique, mais qui a bien d'autres choses à offrir également…



Résumer une histoire aussi colossale s'annonce compliqué, sinon vain : Musashi est un roman-feuilleton, avec de très nombreux personnages, de très nombreux décors (on navigue dans tout Honshû, à la campagne comme dans les grandes villes, Kyôto, Ôsaka dont la fortune est encore assez récente, Edo qui commence tout juste à émerger des marécages), au fil d'un récit qui s'étend sur des années (au début du XVIe siècle, et donc de l'ère Edo) ; les personnages, tous autant qu'ils sont, sont emportés dans une ronde infernale, ils se poursuivent, ils se fuient, ils se croisent par hasard, ils parviennent à se manquer quand tout les incitait à se trouver… le destin et le hasard alternent leur domination sur les événements, et les quiproquos sont de la partie, de même que les rumeurs qui, très souvent, les fondent. Dans ces conditions, résumer La Pierre et le sabre n'aurait en fait pas de sens.



Donnons seulement quelques grandes lignes. le livre s'ouvre sur une scène qui a tout du traumatisme : au lendemain de la bataille de Sekigahara (20-21 octobre 1600), qui a vu l'armée de l'est emmenée par Tokugawa Ieyasu triompher de ses ennemis et lui assurer le shogunat, une des batailles les plus importantes de l'histoire du Japon, deux jeunes gens s'éveillent au milieu des cadavres – l'arrogant Takezô, et son compère hautement influençable Matahachi ; deux imbéciles bouseux jouant aux samouraïs, qui pensaient que participer à la bataille leur procurerait immanquablement la gloire et un office bien rémunéré auprès d'un daimyô… Cela n'a pas été le cas – d'autant qu'ils ont combattu pour le mauvais camp.



Revenir au pays, dans ces conditions, est problématique – il faut dire que le volage Matahachi a été séduit par le frais minois d'Akemi, une jeune femme dépouillant les cadavres, et qui remplacera utilement dans son coeur la naïve Otsû qu'il était supposé épouser au village. Aussi, quand Takezô rentre à Miyamoto, seul, et pourchassé par les sbires des Tokugawa, il rencontre bien vite un autre problème de taille : Osugi, la mère de Matahachi, est convaincue que son fils est mort à cause de Takezô – et elle associe bientôt au jeune criminel une complice de choix, Otsû, qui était supposée devenir sa bru… mais qui serait un peu trop compatissante envers Takezô ?



Débute le jeu du chat et de la souris – qui se poursuivra donc tout au long du roman. Mais cette première étape est assez rapidement conclue, en somme : Takezô ne coupe pas au châtiment, mais le bonze zen Takuan fait en sorte qu'il en tire d'utiles leçons – et c'est ainsi que, supplicié puis enfermé dans un château, le jeune homme décidera de changer de vie : il lira, beaucoup, et il pratiquera l'escrime – il fera sienne la voie du sabre, et deviendra le meilleur dans son art. Un tel changement de vie justifie bien un changement de nom : lisant les kanjis de son prénom à la chinoise, Takezô devient Musashi – et il prend la route, bien décidé, non pas à se mettre à l'école des plus grands maîtres d'escrime du temps, mais à les affronter tous, où qu'ils se trouvent à travers le Japon, et à les vaincre.



Cependant, Musashi n'est pas le seul à prendre la route. La douce Otsû fait de même, qui doit bien admettre qu'elle est amoureuse de ce garçon autrefois si détestable, et qui le piste, alors même qu'il la fuit terrorisé. Osugi également, qui hait Musashi et Otsû de toutes ses forces, dans un délire paranoïaque de mère plus qu'envahissante, un tourbillon qui bat la campagne l'arme en main afin de réclamer justice pour le sort de son fils, se répandant partout en calomnies sur le compte de Musashi et de l'infidèle Otsû. Or Matahachi est toujours vivant, si dans un état lamentable, et navigue lui aussi au gré des événements à travers tout le pays, figure tragique de la déchéance, et en même temps bouffon plus qu'à son tour… Akemi aussi voyage beaucoup, et sa mère Okô – tout aussi infréquentable. Takuan également, à l'autre bout du spectre de la vertu, encore qu'à sa manière si… déconcertante : un kôan fait homme !



Puis il y a ceux que l'on croise en route : par exemple, l'enfant infernal Jôtarô, qui veut devenir samouraï. Mais aussi un rival de taille pour Musashi, un autre jeune sabreur, du nom de Sasaki Kojirô – porteur d'une épée démesurée, créateur de son propre style, et assurément arrogant, mais plus qu'assez compétent pour s'autoriser ces vantardises… Et, sur la route, il y a tout le Japon : paysans miséreux, bourgeois à la morale douteuse, prostituées par dizaines, rônins qui sont avant tout brigands, et quantité de samouraïs de premier ou surtout de second ordre, fils de sans l'aura de leurs ancêtres et membres d'autant d'écoles qui ne sauraient tolérer que ce Musashi humilie ainsi leurs enseignements et leurs personnes…



Au fil du récit, tous ces personnages occupent tour à tour le premier plan : Musashi a beau donner son nom au roman, on ne l'abandonne pas moins pendant des dizaines de pages, çà et là – il est un héros, mais Otsû aussi, et Osugi à sa manière, ou même Matahachi ou Sasaki Kojirô, ou les samouraïs défiés par Musashi…



La Pierre et le sabre est un roman-feuilleton – et un modèle dans son genre. Il bénéficie d'un souffle épique remarquable, et abonde en rebondissements, parfois très tordus, mais toujours savoureux, toujours palpitants, d'autant que l'auteur, assez pince-sans-rire parfois, joue avec ses personnages comme avec ses lecteurs : il y a une certaine complicité ludique dans le déroulement de cette trame très complexe, qui prend sans cesse le lecteur à partie, et c'est tellement bon de se faire ainsi balader…



De fait, et ç'a été pour moi une sacrée surprise, je ne m'y attendais pas spécialement au regard du très digne sujet du roman, et de son caractère épique qui plus est, La Pierre et le sabre est aussi un récit très drôle ! Il abonde en scènes comiques, dont certaines sont proprement hilarantes, dans des registres très divers – cela va des reparties spirituelles mais parfois sacrément incongrues, en apparence du moins, de Takuan, aux quiproquos quelque peu bouffons impliquant Matahachi et Sasaki Kojirô, en passant par le très amusant autant que délicieusement insupportable personnage d'Osugi, furie et belle-mère toute japonaise, jamais à court de reproches à l'encontre du monde entier, ou par le naturel irrévérencieux de la petite teigne Jôtarô, qui assène ses quatre vérités à des adultes ébahis de tant d'insolence. Et, bien sûr, il faut y ajouter tous ces samouraïs qui n'ont que l'honneur à la bouche, quand leur conduite est tout sauf honorable : leurs ridicules, et il y en a, sont impitoyablement raillés par Yoshikawa Eiji – parfois simplement en les confrontant à un Musashi naïf et qui ne comprend pas bien ce qui se passe autour de lui… Oui, c'est un roman palpitant, mais aussi très drôle !



Mais il a un autre atout dans son personnage principal, bien sûr – et qui, là encore, peut surprendre ? C'est que, dans cet itinéraire martial autant que spirituel qui fonde et justifie le roman, Musashi n'a pas toujours le beau rôle, loin de là. Ce n'est certainement pas un héros monolithique, par essence parfait : c'est bien au contraire un homme éveillé à son imperfection et qui souhaite y remédier – sa dévotion à la voie du sabre n'est pas seulement de l'ordre de la performance martiale, elle est en même temps essentiellement éthique. Cependant, en chemin, il ne se montre pas toujours très sympathique… et parfois, il a même quelque chose de foncièrement repoussant. Takezô, initialement, n'a à vrai dire rien d'un héros : c'est une petite brute, un adolescent porté à tyranniser ceux de son village, au seul argument de sa force supérieure – et il n'est pas très malin, à vrai dire, ainsi qu'en témoigne son idée absurde d'aller chercher de la gloire à Sekigahara, avec les conséquences que l'on sait. Si Osugi en fait trop quand il retourne à Miyamoto, et qu'elle s'en prend à lui pour de mauvaises raisons, pour des fantasmes totalement infondés, on comprend sans peine qu'il est d'autant plus aisé pour les villageois de le haïr qu'il a tout fait pour cela dans les années précédant le drame – Otsû, qui tombe pourtant amoureuse du jeune homme, parce qu'elle sent un changement en lui, et peut-être aussi parce que Takuan est là pour, à sa manière si étrange, faire en sorte que les deux jeunes gens s'améliorent, Otsû donc ne fait pas mystère qu'elle détestait initialement Takezô, pour avoir fait plus qu'à son tour, petite fille, les frais de sa brutalité. Certes, Takezô devenu Musashi a changé : son châtiment lui a été bénéfique, et il entend dès lors se montrer vertueux – il devient, progressivement, un héros. Mais c'est bien cette idée de devenir qui compte : Musashi est imparfait, et entend se perfectionner – ce qui va bien au-delà du seul art du sabre. En matière d'escrime, il apprend assez vite de ses erreurs – mais il y a toutes celles d'un autre ordre, et elles sont nombreuses, que ce personnage… un peu psychopathe, parfois, car cela va au-delà de la naïveté à ce stade, a du mal à seulement entrevoir. Lors d'une scène incroyablement épique vers la fin du volume, durant laquelle Musashi se bat seul contre des dizaines de samouraïs furieux, nous le voyons tuer (parmi tant d'autres, et délibérément) un enfant incapable de se battre véritablement, et ne pas être en mesure de comprendre que ce qu'il a fait était « mal » ! de même quand il « réalise » qu'Otsû ne le laisse pas indifférent, après tout… À vrai dire, toujours quelque peu arrogant, même s'il est sur la bonne voie, Musashi n'est pas totalement étranger aux ridicules de ses adversaires obsédés par l'honneur de leur école. Enfin, Musashi, si brave quand il se confronte à des sabreurs… est d'une incroyable lâcheté et puérilité quand il s'agit pour lui de faire face aux plus redoutables des adversaires : les femmes ! Otsû comme Osugi ou Akemi… Et cela participe de la dimension comique du roman, d'ailleurs !



Mais La Pierre et le sabre est bien un roman épique, et d'aventure – de cape et d'épée, dirait-on par chez nous ; de kimono et de sabre, quoi. Et dans ce registre également, bien sûr, Yoshikawa Eiji fait des merveilles. Son art consommé de la narration passe aussi par la mise en scène de faits d'armes stupéfiants, racontés avec un brio impressionnant. Moi qui, souvent, peine un peu devant les scènes de combat interminables (j'aime bien Robert E. Howard, mais il m'a infligé quelques suées dans ce domaine), j'ai toujours été emballé, ici, par les nombreux affrontements auxquels prend part Musashi tout au long de ces 850 pages environ – et il y en a, même s'il n'y a pas que de ça non plus, loin de là : en fait, les batailles peuvent être séparées par des dizaines voire des centaines de pages pas moins stimulantes et palpitantes, avec des dialogues virtuoses et des situations savoureuses. Mais, quand il y en a... C'est puissant, époustouflant, cela devrait parfois être grotesque, comme la bataille ahurissante mentionnée précédemment, qui aurait été à sa place dans un Baby Cart, et pourtant c'est toujours juste ; en même temps, l'humour comme la figure du rônin pouilleux mais habile, chez Musashi comme chez certains de ses ennemis, anticipe peut-être plutôt Yôjimbô, tandis qu'en fait de Baby Cart la dimension spirituelle du récit, même sur un ton moins cruel, évoque peut-être davantage les plus belles réussites de Lone Wolf and Cub. Quoi qu'il en soit, c'est parfait dans son genre.



Un dernier mot, enfin, sur la dimension spirituelle de cette épopée : elle est remarquablement adéquate. Ce contenu est toujours là, sous-jacent, mais jamais démonstratif, et en tout cas jamais sentencieux : l'itinéraire spirituel de Musashi est palpable, mais avec une certaine subtilité, et Yoshikawa Eiji ne donne pas dans la pseudo-sagesse si fréquente dans ce registre, et qui rend, pour en rester au Japon mais cela va bien au-delà, certains mangas comme certains films de sabre ou de yakuzas pénibles à force de mystique à dix yens, a fortiori quand elle est associée à des postures badass sous la pluie, etc. On devine pourtant, derrière chaque bataille, le Traité des Cinq Roues en train de s'inscrire, dans l'étude, l'expérimentation et la méditation, mais jamais cela ne se montre lourdement démonstratif et pédant.



C'est toujours essentiellement naturel – ou faussement naturel, sans doute. Ce qui caractérise aussi le style de ce roman, très fluide, un régal de simplicité apparente, qui ressort bien dans le texte français : la traduction de Léo Dilé me paraît très bonne à cet égard, si elle a peut-être un peu vieilli à l'occasion dans la manière d'exprimer certaines références à la culture japonaise, moins connue en France à l'époque, peut-être.



Oui, La Pierre et le sabre est un modèle de roman-feuilleton – un chef-d'oeuvre dans ce registre, et probablement le roman qui m'a le plus enthousiasmé durant toute cette année 2018. À la hauteur de sa réputation, chaudement recommandé.



Et à un de ces jours pour la suite et fin, La Parfaite Lumière
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