Novices en littérature japonaise, réticents à l'idée de tomber sur des descriptions interminables de cerisiers en fleurs et de reflexions philosophiques en bambou zen, sachez qu'il n'en est rien dans ce tout petit livre de nouvelles d'
Yoshimura Akira.
Une première pour moi dans le monde de la littérature japonaise ; une rencontre avec un style d'écriture très riche, aux termes parfaitement choisis et à la traduction très réussie.
La 1ère nouvelle nous transporte dans le corps d'une jeune fille et nous fait vivre et ressentir tout ce qu'il va subir. Sa position est à la fois en dehors de et dans son corps. C'est donc, en quelque sorte son âme qui nous parle.
Ce jeune et joli corps - de son cerveau, aux organes, de ses veines à sa peau - sera ouvert, découpé, dépossédé de son contenu, coloré par des produits, objet de travail pour de jeunes médecins en apprentissage. Voilà précisément ce à quoi sont destinés les corps légués à la science. L'écriture d'
Akira Yoshimura nous ouvre cette porte de mystère, avec une extrême finesse et un réalisme parfait. On frémit en s'imaginant certains actes, mais l'auteur a l'immense mérite de ne jamais franchir la frontière du dégoutant ou du choquant ; ce qui m'aurait amené à fermer ce livre, ce qui ne fut pas le cas, bien au contraire, moi, petite âme sensible, je fus captivée.
En parallèle de cette partie de la nouvelle dédiée au devenir du corps, l'auteur nous livre également tout un pan de culture japonaise, teintée de pauvreté, d'inexpressivité des émotions, où la rigueur et la dignité prônent au détriment de l'amour et de la compassion. Les parents de la jeune fille, leurs réactions face à la mort de leur fille, puis le rapport monétaire qui s'y substitue, sont tout autant déstabilisants. Mais le contexte culturel étant incroyablement bien posé par l'auteur, on ne porte pas de jugement, on ne les comprend pas non plus, on les observe. La jeune fille elle-même, en s'attribuant une part de responsabilité dans sa propre mort (dûe à'une maladie foudroyante), en culpabilisant des conséquences morales et financières de sa mort sur la situation de ses parents, nous offre une manière autre de se remettre en question, à mille lieux de nos comportements et de nos valeurs d'européens.
La deuxième nouvelle « le sourire des pierres » n'a aucun lien, ni thématique en commun avec la première. Il s'agit, comme le résumé l'indique, de retrouvailles de deux jeunes garçons, dont un à la personnalité étrange. Celui-ci a pour première occupation de voler des statuettes mortuaires dans les cimetières, pour les revendre. Sa deuxième raison de vivre est celle d'être aimer jusqu'à l'extrème, également par le biais, parfois, de ces statuettes. Dans ce texte – probablement trop subjuguée par la première nouvelle – je n'ai pas retrouvé la finesse des mots de l'auteur, ni le réalisme des descriptions. Mais les personnalités des deux garçons et de leur entourage et les images de la culture japonaise décrites par l'auteur restent captivantes. Nous rencontrons dans cette nouvelle, Sone, un jeune homme extrêmement malin, macabre et manipulateur.
Prenez le temps de le lire et de découvrir cet auteur….et continuez donc votre chemin avec un autre tout petit livre d'un autre auteur japonais…. "
Sommeil " de d'
Haruki Murakami.