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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Deux petits tableaux, Si les oeuvres parlaient… Plus que le titre du livre d'Alain Yvars, c'est le sous-titre qui fournit la clé du livre, c'est lui qui dévoile l'ambition, à la fois modeste et folle, qui l'anime : faire parler les oeuvres de quelques uns des plus grands peintres de l'histoire de l'art en onze récits, onze courtes nouvelles suggestives plutôt qu'explicatives, onze rêveries, onze évocations savoureuses… en se glissant dans le tableau.
Alain est tour à tour danseur, bohème, chien de compagnie, servante, muse et peintre, et nous voici transportés dans une guinguette en bord de Seine au milieu des rires des cousettes et des interpellations des canotiers, ou à Auvers-sur-Oise face au chevet d'une église « enveloppée d'un lourd manteau sombre qui la fait ployer », ou dans l'intimité d'une chambre à coucher inondée d'une lumière dorée, ou bien encore au pied de la montagne Sainte-Victoire reposant lascivement sous un soleil brûlant.
Qui n'a pas rêvé, en contemplant un paysage d'été, une partie de campagne, une scène de bal aux couleurs chatoyantes, d'entrer dans un Renoir? Qui n'a pas rêvé de se fondre dans les camaïeux de bleu d'un Van Gogh? Dans la lumière orangée et provençale d'un paysage de Cézanne? Dans les délicieuses scènes d'intérieur, paisibles et douillettes, d'un Vermeer?
Moi, j'en rêve depuis toute petite, depuis que, après être tombée par hasard chez un bouquiniste sur un lot de revues éditées dans les années soixante — Chefs-d'oeuvre de l'art - Grands peintres — ma mère m'a mis entre les mains les plus merveilleux des livres d'images. Des livres souples, peu épais mais solides, que je pouvais manipuler facilement sans les abîmer, que j'ai contemplés des dizaines, des centaines de fois sans jamais me lasser, attentive, réceptive comme seuls les enfants savent l'être. Sans préjugés, sans idées préconçues, sans volonté particulière, sans plan pré-établi, sans objectif à remplir. J'étais une page vierge, un oeil neuf, et ces peintures que des mains inconnues avaient tracées des dizaines d'années ou des siècles plus tôt, s'imprimèrent à jamais dans ma rétine. Les toits rouges de Pissarro, le mystère insondable des portraits de Manet, les aplats maritimes de Marquet, les cyprès tortueux de van Gogh, l'infinie délicatesse de la dentelière de Vermeer, les clairs-obscurs énigmatiques de Georges de la Tour, le monstrueux bestiaire de Jérôme Bosch, m'étaient aussi familiers que la vue que j'avais chaque jour sous les yeux depuis la fenêtre de ma chambre. En parcourant le livre d'Alain, j'ai renoué avec la sorte d'enchantement qui m'enveloppait, enfant, quand, me glissant dans les fabuleuses images, je découvrais des mondes si différents du mien, m'imprégnant de leur beauté, de leur poésie, de leur étrangeté sans le vouloir ni même le savoir.

« Grâce à l'art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier, et autant qu'il y a d'artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition, plus différents les uns des autres que ceux qui roulent dans l'infini et, bien des siècles après qu'est éteint le foyer dont il émanait, qu'il s'appelât Rembrandt ou Vermeer, nous envoyant encore leur rayon spécial. »

Frappée par le rayon spécial qu'évoque Proust dans le temps retrouvé, j'ignorais alors combien ces artistes, combien leur regard allaient profondément et durablement modifier le mien. Les champs de coquelicot de Monet, les cyprès de van Gogh, les noirs de Soulages, les pins parasol de Cézanne…tout se passe encore aujourd'hui comme si leur vision, en se sur-imprimant à la réalité que j'ai sous les yeux, venait l'enrichir, la poétiser, la transcender. Grâce à eux, il m'arrive parfois, souvent, de voir la vie en vers et non plus seulement en prose.
Il m'arrive parfois, souvent, de penser que sans l'art, sans ceux qui le servent avec une humilité et une obstination sans pareille, sans la beauté qu'ils apportent au monde, la vie ne vaudrait pas d'être vécue.

« Il n'y a aucune raison dans nos conditions de vie sur cette terre que nous nous croyions obligés à faire le bien (...) ni pour l'artiste athée à ce qu'il se croie obligé de recommencer vingt fois un morceau dont l'admiration qu'il excitera importera peu à son corps mangé par les vers, comme le pan de mur jaune que peignit avec tant de science et de raffinement un artiste à jamais inconnu, à peine identifié sous le nom de Vermeer. »
Marcel Proust, La prisonnière
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Après l'édition l'an dernier de son premier recueil de nouvelles « Conter la peinture », Alain Yvars récidive, pour notre plus grand plaisir, avec onze petits textes additionnels, chacun consacré à une oeuvre majeure qui a marqué son parcours d'amateur d'art.


Cézanne, Chardin, Delacroix, Manet, Renoir, Toulouse-Lautrec, van Eyck et Van Gogh… Un pas devant tous ces maîtres, c'est Vermeer qui préside cet ouvrage, lui offrant son titre et sa couverture, et nous introduisant dans le musée personnel de l'auteur où il semble occuper la place d'honneur, à la faveur d'une émotion et d'une fascination inversement proportionnelles à la si petite taille de ses deux tableaux visibles au Louvre. La balade se poursuit de toile en toile avec la même force émotionnelle, et surtout en procurant la sensation magique de pénétrer à l'intérieur de chaque tableau, dans une scène rappelée à la vie le temps de quelques pages.


Invité à guincher au bord de l'eau ou au bal du Moulin de la Galette, enveloppé de l'odeur de poudre flottant sur les barricades, engourdi par les séances de pose où, pour quelques heures, se figent muses et modèles, le lecteur voit soudain les tableaux s'animer, leurs sujets reprendre vie et l'accueillir dans une tranche d'existence saisie sur le vif. Les fidèles d'Alain Yvars retrouveront un des plus beaux passages de son roman « Que les blés sont beaux », lorsque l'église d'Auvers se met à vibrer sous le pinceau de van Gogh. Je me suis personnellement attardée avec curiosité dans l'intérieur bourgeois des si désassortis époux Arnolfini, intriguée par les multiples lectures possibles de cette scène truffée de messages codés. Enfin, l'on sourit du texte de clôture, où le peintre amateur – alter ego de l'auteur ? - , se sent si petit face à ces géants de l'art.


Soulignons l'agréable toucher peau de pêche de la couverture et la qualité des reproductions en couleurs qui font de cette lecture un petit moment de bonheur, et il ne reste plus qu'à mentionner le reversement des droits de l'auteur à l'association Rêves qui soutient les enfants gravement malades, pour vous convaincre de découvrir ce petit ouvrage plein de charme.


Un grand merci à Alain Yvars pour la découverte de son dernier-né.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Une jolie couverture au touché peau de pèche et une émotion intense à la vue de la Dentellière ont accompagné ma découverte du dernier livre d'Alain Yvars, « Deux petits tableaux », qui fait suite à « Conter la Peinture ». Vermeer ouvre majestueusement la visite du musée intime que nous propose l'auteur. Fascinante « Dentellière » qui crée un désir de méditation devant tant de délicatesse et de sérénité et qui ouvre la porte sur onze petites chroniques en relation, chacune, avec une toile de Maître.

Il appartient à la lectrice ou au lecteur de prendre, tout simplement, le temps de s'asseoir confortablement et de s'offrir le luxe de tourner les pages doucement, d'admirer les toiles qui sont illustrées et de se laisser porter par la voix du narrateur que l'on perçoit du plus profond de soi. Chaque tableau bénéficie d'un récit en corrélation avec l'oeuvre qui se trouve sous nos yeux et sous la plume d'Alain Yvars, les personnages s'animent, la magie opère, la mélodie narrative nous les rend plus consistants, plus proches de nous. Nous sautons les époques subrepticement et pénétrons auprès d'eux dans le tableau. Mais ce joli récit possède aussi une vertu pédagogique. Je ne pourrai plus admirer certaines toiles sans être accompagnée du texte d'Alain Yvars. Il sait nous enseigner à la fois l'histoire mais aussi la technique sous l'apparence d'un récit imaginaire sorti tout droit de son esprit vagabond. Il nous fait partager son regard d'initié.

Certaines toiles nous sont familières selon nos préférences comme celle de Delacroix « La Liberté guidant le peuple » ou Berthe Morisot et son extraordinaire sensibilité qui nous est devenue si proche au fil du temps ou encore « le bal sur la butte » de Renoir. Comment ne pas se laisser bouleverser à la vue de l'Église d'Auvers-sur-Oise de Vincent van Gogh. L'auteur qui le connait si bien, le laisse exprimer sa souffrance dans une très émouvante citation. Vincent se confie. Les mots, les pensées qui lui sont prêtés sous la plume de l'auteur, nous le rendent tellement accessible !

Mais la leçon que je reteindrai, c'est le mystérieux « Mariage italien à Bruges – le portrait des époux Arnolfini» de van Eyck. Au premier abord, ce n'est pas une toile qui m'attire mais à bien y regarder, avec le livre d'Alain sous le bras, moult détails et symboles apparaissent et c'est passionnant de découvrir le langage pictural de ce peintre flamand.

L'auteur nous offre une magnifique promenade au Louvre avec ce recueil. La Beauté nous a été refusée pendant tout ce temps où les musées nous étaient fermés, nous étions en manque, nous étions les orphelins de la Lumière « L'Art est la preuve que la vie ne suffit pas » - Cesare Pavese. Aussi, ouvrir ce recueil, c'est se laisser emporter là où les sentiments négatifs n'existent pas, c'est entrer en contact avec ses propres émotions, retrouver sa propre créativité, s'éveiller à son propre imaginaire.

Je remercie chaleureusement Alain Yvars de nous offrir un si beau voyage au pays de l'Art pictural sans oublier que ce dernier reverse ses droits d'auteur à l'association Rêves qui permet aux enfants gravement malades de vivre le plus beau jour de leur vie.

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J'avais adoré la manière apparemment simple ( toujours se méfier de ce qui paraît simple,)d'Ivan Yvars alias jvermeer de nous « Conter la peinture ». Dans « Deux petits tableaux », il réitère avec modestie.
Les deux petits tableaux sont petits en taille, effectivement, et cependant inoubliables par la manière moderne de peindre de Vermeer, oublié longtemps, ayant peu produit, redécouvert au 19 ·siècle : la Dentellière, « d'une simplicité grandiose », irriguée de fines gouttes de lumière, les complémentaires discrètes du bleu du coussin et du jaune de la blouse, ainsi que du rouge des fils qui se déversent sur le vert du tapis de table, des gouttelettes de peinture essaimant les fils rouges et blancs ainsi que le col du corsage . La même harmonie de bleu et jaune se trouve dans « l'Astronome », une vision de l'intimité spéciale, et différente des autres peintres intimistes hollandais, nous explique Alain Yvars, par le flou et les petites taches de lumière pointillées parsemées sur l'habit du savant, ainsi que sur le globe céleste.

Aussi, lorsque l'auteur, dans le Rijksmuseum d'Amsterdam, devant la Laitière, entend un grand brun binoclard pavoiser devant sa compagne, une jolie blonde, en lui expliquant que Vermeer n' était pas un précurseur de l'impressionnisme, il s'insurge et rétablit la vérité en détaillant les petits points de blanc et d'ocre par touches fragmentées sur le pain, ce qui, vu de près, est presque abstrait.
Que le binoclard aille se rhabiller et revenons à Vermeer, au petit pan de mur jaune, et donc à Proust : « laissons les jolies femmes aux hommes sans imagination. »

L'auteur, lui, en a, de l'imagination, comme par exemple lorsqu'il fait parler le petit chien du tableau de Jan van Eyck, le portrait des époux Arnolfini. le chien aime sa maitresse, mais pas l'époux trop triste, pour un italien ultra riche, il a l'air d'un misérable vêtu de noir, maigrelet, pas franc du collier…. Il donne la main gauche à sa femme, curieuse manière de paraître s'engager.
En notant ces détails qui révèlent, Alain Yvars nous fait voir non seulement la technique de la peinture, le bleu outremer et prusse des ciels de van Gogh mais aussi le propos du peintre : Dans La laitière, que nous voyons chaque jour sur les emballages des yaourts, un petit carreau est cassé. Dans le bal au Moulin de la galette, le modèle Estelle avec sa robe à rayures blanc et bleu voit avec envie sa copine Margot danser collé serré avec Solares. Elle s'offre, cette Margot, l'homme l'étreint, merci Alain de nous présenter en gros plan la figure ravie de Rose, une autre modèle de Renoir, ravie par le bonheur de vivre, de danser et d'aimer.
Petit coquin d'Alain, qui nous fait entrer dans le tableau, non plus comme spectateur, mais comme participant. En faisant parler les personnages peints, que ce soit le petit chien des Arnolfi, les modèles de Renoir, ou Berthe Morisot, on est dans la toile, à l'intérieur d'elle, elle parle.
Ainsi, cette dernière assiste avec douleur aux obsèques d'Edouard Manet, le noir des robes lui rappelant le noir joyeux avec lequel le peintre la mettait en scène. Vélasquez et Goya sont présents dans l'esprit de Manet, ses portraits de Berthe dont le bouquet de violette, ou le balcon rappellent Goya.
Pour moi, c'est pour cela que je ferai lire ce livre à mes petites filles : « si les oeuvres parlaient » soupire jvermeer, dans son titre eh bien il les fait parler, les oeuvres, on danse avec Rose, on peint avec un pastelliste du dimanche amoureux de Chardin, on savoure d'avance le bon lait frais de la Laitière, on danse , on danse et on s'étreint dans la danse.
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Avec Alain Yvars, c'est toujours l'heure du goûter, il nous offre ses petites madeleines et malicieusement nous convie à des petites balades colorées et savantes en bonnes compagnies artistiques. On savoure, on sourit, on s'attriste un peu aussi parfois...
mais surtout on y prend goût !
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« Si les oeuvres parlaient...», une hypothèse, un désir, un début de réalité, sous la plume toujours sérieuse et gaie à la fois d'un auteur attachant, ébloui et généreux qui ne rêve que partage et échappées vers un monde plus joli.

Sous sa plume, se retrouvent dans un improbable lieu de rencontre les talents les plus confirmés de l'art pictural. Des tableaux célèbres sont ainsi subitement pris d'un désir de s'animer sous notre regard étonné. La jolie Rose de Renoir danse en plein ravissement dans les bras vigoureux de son amant, Estelle se remet de longues heures de pose, assise sur un banc de Bougival tandis que virevoltent les danseurs de la guinguette. de son côté Berthe Morisot est faussement confortablement assise au balcon du théâtre, en réalité souffrant des exigences de Manet.

Plus sérieux, ce couple de mariés italiens, bien mal assortis si on en croit le commentaire acéré du spectateur qu'on aurait tendance à négliger (à savoir ce chien posé au tout premier plan, à peine visible et à la langue venimeuse!). Un reflet dans un miroir de sorcière laisse deviner le peintre (on pense à Vélasquez dans les Ménines), les symboles de la peinture flamande sont décryptés par l'auteur, alternant sérieux et malice dans la même approche du tableau.

Et puis bien sûr le petit chef d'oeuvre qui bouleverse toujours autant : la Dentellière, à elle seule justifierait l'existence du livre.

Cette collection originale ouvre un regard inattendu sur l'art, le rendant à la fois familier, émouvant et toujours indispensable. La présence de reproductions des oeuvres, avec les difficultés que cela suppose, sont un plus précieux.

Un grand merci à Alain Yvars pour ce partage.
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