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EAN : 9782322474691
154 pages
Books on Demand (20/05/2023)
4.79/5   7 notes
Résumé :
Dans son Salon de 1866 pour le journal l'Événement, Émile Zola est enthousiaste : "J'avoue que la toile qui m'a le plus arrêté est la "Camille" de M. Monet. Je venais de parcourir ces salles si froides et si vides, las de ne rencontrer aucun talent nouveau, lorsque j'ai aperçu cette jeune femme traînant sa longue robe et s'enfonçant dans le mur, comme s'il y avait eu un trou... La robe traîne mollement, elle vit, elle dit tout haut qui est cette femme".
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
J'avais beaucoup apprécié Que les blés sont beaux – L'ultime voyage de Vincent van Gogh, roman de Alain Yvars qui retraçait les derniers mois du peintre à Auvers. Aussi, quand ce dernier m'a proposée la lecture de Camille muse de Claude Monet, naissance de l'impressionnisme, c'est avec enthousiasme que j'ai accepté sa proposition !
La couverture représentant La femme à l'ombrelle (1875) sur laquelle on découvre la gracieuse Camille qui regarde sans doute son Claude penché sur sa toile est une superbe invitation. Une invitation à découvrir ce mouvement pictural apparu en France dans les années 1860, l'impressionnisme, qui vise à représenter l'instantanéité, la fugacité des choses, le caractère éphémère de la lumière et ses effets sur les couleurs et les formes. Une invitation également à découvrir comment elle, Camille Doncieux, délicate jeune fille de dix-huit ans, récemment arrivée à Paris avec sa famille rencontre en cet été 1865, le peintre Claude Monet alors âgé de vingt-cinq ans, et comment après avoir posé pour lui, elle devient très vite son modèle préféré, sa muse et sa nouvelle compagne.
Alain Yvars, avec toujours autant de délicatesse, de poésie et surtout une grande connaissance de la peinture, nous fait revivre les difficultés et les joies qu'ont connues Claude et Camille de l'été 1865 au 5/9/1879, date du décès de Camille.
C'est grâce à Eugène Boudin que Claude avait eu une révélation : il avait compris la brièveté du temps, compris la nature et appris à l'aimer, goûté à la liberté procurée par la peinture en plein air et était devenu peintre à dix-sept ans.
Converti à la peinture en plein air tout comme ses amis Frédéric Bazille, Auguste Renoir et Alfred Sisley, que rejoint bientôt Camille Pissarro, Claude Monet, lorsqu'il rencontre Camille est emporté par sa fièvre créatrice et la peint avec fougue dans tous ses tableaux.
Lors du salon annuel parisien de 1866, il présente Camille ou La Femme à la robe verte. Un article élogieux et enthousiaste paraîtra alors dans le journal « L'Événement » signé Émile Zola !
Mais l'année suivante, ses Femmes au jardin ne sont pas acceptées par le jury du salon. Une douzaine de ses amis sont également refusés. Cette nouvelle manière de peindre est incomprise et ne plaît pas au monde poussiéreux du Salon et au public. Ils choisiront donc ensuite, d'exposer en marge du Salon officiel et c'est en avril 1877 que l'exposition prendra le titre de « Exposition des Impressionnistes ».
Des difficultés financières importantes les obligeant à des privations, des déménagements répétitifs de même que la désapprobation familiale pour leur liaison jalonneront la vie du couple. Mais la douce et bienveillante muse Camille est là, encourageant et réconfortant son compagnon dans ses moments d'abattement et ces moments de tendresse le réconfortent de tous les déboires qu'il subit dans son art, nous donnant à découvrir de belles scènes pleines de sensualité.
Si ce sont bien des années de galère qu'ils vivent, qu'ils doivent surmonter, et qui sont bien évidemment évoquées dans le livre, c'est avant tout la beauté des tableaux de Claude Monet, son avant-gardisme, son opposition à l'art académique, et l'importance qu'a eu la présence de Camille dans son oeuvre que Alain Yvars relate dans ce livre.
Outre son rôle essentiel dans l'oeuvre de Monet, Camille pose également pour Édouard Manet, La famille Monet au jardin, 1874, entre autres, et Auguste Renoir, Portrait de madame Claude Monet, 1872, le plus célèbre.
À chaque page, chaque ligne presque, éclatent les couleurs, jaillit la lumière, surgissent les reflets. Intimité, sensualité, vibrations, frémissements imbibent le texte. Mais que serait le texte sans les vingt-huit tableaux montrant la compagne de l'artiste qui sont insérés au fil des chapitres.
Plus qu'une autobiographie romancée, Camille Muse de Claude Monet peut être assimilé à un livre d'art, le livre étant édité sur papier photo pour une meilleure qualité des couleurs.
Découvrir la genèse, la composition et l'analyse de tableaux et ce dans un contexte romancé, et en même temps pouvoir le contempler est à mes yeux ce qu'il y a de mieux.
Je connaissais, mais bien imparfaitement, l'oeuvre de Claude Monet, chef de file de l'impressionnisme. Grâce à Alain Yvars que je remercie sincèrement, j'ai beaucoup appris et passé de merveilleux et doux moments auprès de Camille et Claude savourant avec eux des moments délicieux dans cette nature que Claude a magistralement magnifiée avec la présence de Camille.
Impossible pourtant de terminer sans évoquer la mort à l'âge de trente-deux ans de Camille et cette toile ô combien belle mais douloureuse qui ouvre et clôt l'ouvrage : Camille Monet sur son lit de mort (1879).

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En couverture dans le tableau La promenade, elle semble avoir soudain pris conscience de notre présence et, dans un mouvement vif, se retourne pour nous fixer, comme par-delà le temps. Claude Monet l'a saisie il y a un siècle et demi en ce bref instant suspendu : va-t-elle ensuite poursuivre son chemin, sa silhouette dansante s'amenuisant peu à peu dans le lointain, ou nous attendra-t-elle pour nous donner le bras le temps d'un bout de chemin en sa compagnie ? Alain Yvars a pris les devants. C'est lui qui nous convie à une promenade auprès de l'ombre fugace de Camille, le temps de retracer son parcours d'épouse et de muse du grand peintre, comme l'on feuilletterait un album dont les photographies ne seraient autres que les tableaux qu'elle inspira.


D'emblée l'émotion est au rendez-vous, avec pour première image Camille peinte sur son lit de mort, ombre déjà floutée par les tonalités pâles et bleutées du tableau, tout enveloppée d'un flot de tulle comme une mariée. Nous voilà ramenés au cycle de toute vie humaine, qui finit là où elle a débuté, avec cette universelle question : « se pouvait-il qu'un grand bonheur puisse s'envoler, cesser d'exister ? » Dès lors, le récit s'engage dans une rétrospective intime, remontant là où tout a commencé, quand Camille n'avait que dix-huit ans et rencontrait Monet, balayant une décennie conjugale ponctuée de deux enfants et de bien davantage de chefs d'oeuvre picturaux, et revenant boucler le cycle avec les obsèques de la jeune femme, morte à trente-deux ans d'un cancer.


Hormis les tableaux où elle figure, peints par Monet mais aussi par Renoir et Manet, presque rien ne subsiste de Camille Doncieux, la jalousie d'Alice Hoschedé, la seconde épouse Monet, ayant mené à la destruction des lettres, photos et documents la concernant. Mais quels plus beaux souvenirs que cette série d'innombrables portraits, où elle paraît d'ailleurs parfois sous plusieurs personnages à la fois, et qui jalonnent l'essor artistique d'un peintre dont elle ne cessa de soutenir le génie trop novateur pour leur éviter la misère. Peintre lui-même, passionné éclairé et solidement documenté, Alain Yvars fait revivre le couple Monet aussi bien dans son intimité que face à son siècle, analysant avec sensibilité cette peinture du fugitif et de l'instantané qui fut une si grande révolution et qui nous restitue si bien la vie au travers de ses motifs.


Après Que les blés sont beaux, Conter la peinture et Deux petits tableaux, l'auteur nous régale à nouveau d'un ouvrage aussi intéressant qu'émouvant, luxueusement illustré de reproductions sur papier photo, pour une immersion si naturelle dans l'univers de Camille et Claude Monet qu'elle nous fait oublier l'immense travail de documentation qui la rend possible.


Bravo à Alain, alias Jvermeer, pour cette belle réalisation et un grand merci pour son partage.

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Dieu sait comme j'aime la peinture pour m'envoyer un ami aussi précieux qu'Alain Yvars qui me parlera des tableaux sans contrainte, sans le côté pédantesque des albums vendus dans les boutiques des musées. Lisant ses descriptions, on croit deviner Claude qui enseigne l'art pictural à Camille, sa muse ineffable, dans les jours bruineux !
L'art divinise. J'avoue ne m'être jamais intéressée à un modèle quelle que soit l'oeuvre où il figure, comme si l'être humain n'était qu'une ombre insignifiante, anonyme, de sa représentation artistique, sublimée, la seule digne à demeurer. Donc, doublement bravo à Alain Yvars pour son humble dévouement à la petite Camille. Il la devine, il la devine petit à petit, il la devine espièglement, non dans la nuit mais dans la Lumière. Il lui insuffle la vie. Camille devient ensuite son fil d'Ariane pour développer une réflexion généreuse sur le maître absolu de la peinture qui est Claude Monet. le peintre ne m'a jamais été aussi proche, nu dans ses hésitations, déboires, exaltations. Je ne sais plus à quand remonte ma visite à sa grandiose exposition au Grand Palais, cette visite aussi euphorique qu'héroïque, précédée d'une queue de deux heures et demie, par un soir sibérien. J'ai l'impression que la lecture d'Alain Yvars ferme dans mon esprit une jolie boucle.
Au-delà des toiles d'où elle nous sourit, on sait fatalement peu de choses sur Camille Doncieux (1847-1879). Monet consent à détruire toute la correspondance de sa première femme, ses photos, ainsi que tout élément qui aurait pu nous renseigner sur sa famille d'origine, à la cruelle demande de sa seconde épouse, Alice Hoschedé. Une unique photographie de Camille, prise en Hollande en 1871, échappe à cette rivalité destructrice, simplement parce qu'Alice Hoschedé en ignorait l'existence.
Dans ce livre, Monet est d'abord l'audacieux, l'ambitieux, pour devenir le génial que nous admirons tous. Il est celui qui épouvante les jurys ! le commencement dépouillé de l'ouvrage ressemble, à mes yeux, aux débuts précaires de l'artiste, marqués par la faim, les moqueries des critiques, le mépris des familles respectives du couple non régularisé. Puis, les descriptions des toiles, l'histoire de leur genèse, deviennent de plus en plus voluptueuses et enivrantes. Et là, que d'images dispendieuses de la Seine, des embarcations de plaisance, de bateau-atelier, de talus herbeux, de la neige, des plis de chiffons élégants, nous donne Alain Yvars !
Camille Doncieux, un modèle modèle, parfait en son genre. Elle est belle, douée pour prendre la pose, patiente, loyale. Elle lui apporte non seulement l'extase du corps, car pour elle, il lâche parfois sa palette, mais aussi le réconfort, et même le conseil. Monet la peint « dans des fatigues de bonheur », jaloux à l'idée qu'un autre peintre pourrait la déshabiller. Comment ne pas penser à Les Rougon-Macquart, tome 14 « L'Oeuvre » de Zola : « Et elle [Christine], ayant tué la peinture, heureuse d'être sans rivale, prolongeait les noces » ?… Camille est non moins rongée de jalousie s'imaginant son Claude avec d'autres modèles, des demi-mondaines… Est-ce pour cela que chacune des toiles représentant Camille semble une variation sur la volupté ?
Alain Yvars parle de l'importance du souffle de Jongkind et de Boudin dans le développement de Monet. Il consacre également les pages tendres et parfois soudainement tragiques aux amis fidèles de Monet : Bazille, Renoir, Zola. Monet connaît la solidarité des artistes exilés à Londres, Daubigny et Pissarro. Durant ses années à Argenteuil, il est soutenu par Gustave Caillebotte, peintre et mécène…
Les deux coloristes, Monet et Renoir, passent l'été à peindre ensemble le restaurant flottant de la Grenouillère, l'îlot appelé « camembert » ! À cette occasion, Alain Yvars nous offre une comparaison détaillée de leurs oeuvres, différentes et très proches en même temps, alors que les peintres sont en train de créer une nouvelle conception : la vision spontanée du plein air. Ah, ces tableaux nous donnent réellement faim et soif ! Ils portent un toast infini aux vibrations lumineuse de l'eau et du ciel !
La guerre, déclarée en 1870 entre la France et la Prusse, arrache à Claude son ami Bazille, le témoin de ses débuts parisiens, l'homme au chapeau melon du « Déjeuner sur l'herbe » et le parrain de son fils Jean. Monet entreprend un voyage pour la Hollande.
Il voyage, il déménage, les toiles naissent de son quotidien, ressuscitent le terre-à-terre éphémère. « Ce qui intéresse le peintre n'est pas le visage, ni les mains de la jeune femme, mais tous ces coloris qui éclatent sur elle, s'entrechoquent, vibrent. »
Néanmoins en 1877, Monet change son comportement envers Camille. Il éprouve de l'attirance pour Alice Hoschedé, la châtelaine, coquette menant grand train, mais aussi femme intelligente et très cultivée.
Le livre s'ouvre et se ferme par des scènes à la maison de Vétheuil, où Camille s'éteint à trente-deux ans, à la suite d'un cancer, et où Monet peint son visage glacé par la mort. Il peint puis cache le portrait.
L'immense Monet, qu'est-il sans Camille ? Camille, est-elle morte d'amour, de cette jalousie qui en est la composante intrinsèque, de chagrin ? Je n'ai qu'une envie : revoir Monet, armée de détails qu'Alain Yvars m'a soufflés !
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Et me voici partie une nouvelle fois au pays des peintres et de leurs oeuvres grâce à Alain Yvars.
Alain possède cette sensibilité, cette connaissance de la peinture (peintre amateur lui-même) qui lui permet cette empathie et cette compréhension des oeuvres et des peintres. Ainsi son intérêt pour ce modèle, Camille Doncieux, muse et femme de Monet donne lieu à une biographie romancée.
Le 5 septembre 1879, Camille meurt et Monet sait qu'il ne peindra plus jamais de personnages avec la même tendresse.
Camille se promène, Camille lit, Camille au jardin, Camille et Jean, Camille, Camille… Elle est sa muse et Monet la peint encore et toujours pour notre plus grand bonheur. le moindre de ses gestes est un tableau.
Renoir qui le connaissait bien disait de lui : « Son seul maître, c'est l'amour, l'amour de ce qu'il a sous les yeux et qui est beau. »
Parfois il sera infidèle à la douce Camille pour peindre d'autres sujets : nature, Hollande, gares, etc…
« La sensation. Elle est essentielle dans la peinture, loin devant la forme, la matière, la description, que les maîtres nous apprennent. Un tableau doit reproduire tes émotions, ta scène intérieure, ton ressenti visuel face au spectacle qui s'offre à toi. La touche hachée, épaisse ou mince, ne doit pas être léchée. »
Monet explique sa passion à sa muse qui deviendra sa femme Camile.
Monet et Camille connaitront une vie difficile car leurs familles respectives ne les aident pas, bien souvent il fera appel au peintre Bazille de temps à autres.
Le contexte historique français (une guerre, la commune, une crise économique…) est loin d'être propice aux artistes, de plus Monet et ses amis sont les précurseurs de l'Impressionnisme.
«En ce mois de Juillet 1870, pendant qu'ils sont en vacances, la France a déclaré la guerre à la Prusse. Les amis, Manet, Degas, Renoir et Bazille sont aux armées. Napoléon III, très impopulaire, croyait son armée supérieure à celle des Prussiens. L'aventure allait tourner court dans un affrontement éclair voyant la capitale rapidement encerclée. le désastre de Sedan défait l'empereur et c'était bientôt la capitulation suivie de la proclamation de la République. »
Malgré leurs ennuis financiers, la famille Monet s'exile en Angleterre ce qui ne sera pas si mal car elle y rencontrera Sisley et un marchand d'art Durand-Ruel qui leur permettra de subvenir à leurs besoins. Monet visitera les musées, retrouvera Daubigny et Pissaro. le pauvre Bazille mourra au front.
Puis c'est le retour en France, toute la famille s'installe à Argenteuil Monet peint, Camille pose et s'occupe de son petit Jean. Et l'argent manque à nouveau. Il va renconter Ernest Hoshédé qui achète ses toiles et la femme de ce dernier.
Alice Hoshédé fera disparaître tout ce qui concerne sa rivale à ses yeux (Camille est morte d'un cancer à trente deux ans, laissant deux petits garçons).
Il est dit que ce qui doit être révélé finit toujours par se savoir, grâce à Alain , Camille a pris vie à mes yeux et peut-être bientôt aux vôtres.
Voir tous les magnifiques portraits de cette jeune femme est un beau cadeau car Alain a apporté un soin tout particulier au choix des tableaux afin que nous puissions les apprécier. Certains sont très connus d'autre moins. Manet et Renoir sont de la partie aussi.
J'aime beaucoup Camille sur la plage de Trouville et La femme à l'ombrelle.
« Depuis ses débuts en peinture et son apprentissage avec Boudin et Jongkind, Monet interroge l'éphémérité des choses : ce moment imperceptible qui passe et s'efface. Sa peinture capte les infimes modifications de la lumière qu'il poursuit sans cesse. »
Ces deux tableaux me font particulièrement ressentir cette éphémérité.
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Camille, muse de Claude MonetAlain Yvars*****
lecture printemps – été 2023

Ce que le peintre passionné donne à la peinture, elle le lui rend au centuple : amour immense, construit jour après jour et nourri d'autant de joies que de douleurs, de passion brûlante, désespérante et vitale et la récompense, bonus souvent absent au rendez-vous.
Claude Monet, l'Impressionnisme, l'époque pendant ces années du XIXe siècle, un rare sens de l'amitié ne demeurent plus inconnus pour ceux qui aiment la peinture dans ce qu'elle a de plus miraculeux : à chaque regard elle se dévoile autrement, nous offre du nouveau, une découverte inespérée, un petit détail surpris d'avoir été déniché si tard, à chaque fois un émerveillement.
L'oeil d'Alain Yvars, peintre lui-même, nous invite et nous accueille dans la vie de Claude Monet pendant quelques années de sa jeunesse qu'il avait vécues à côté de Camille, sa femme, sa muse, son appui, dans des moments de tendresse, d'exaltation et d'abîme. Les grands peintres de l'époque sont tous présents, en tant qu'amis, copains, camarades de galère ou partageant la joie, et Camille les réunit par une touche délicate, très précieuse. Elle est sensible, fidèle, inspiratrice, toujours là, devinant l'exigence du moment et offrant la tendresse, les paroles, l'encouragement, l'éclat et le souffle que son mari et peintre génial ne savait pas toujours demander ou apprécier mais dont il se sentait comblé.
La construction que Alain Yvars nous propose pour ces années de lumière, de combat, d'enthousiasme, d'espoir et d'échecs est celle d'un cercle qui contient en lui-même son début et sa fin, source et infini, l'éternel retour, le temps en cycles permanents. le début du roman est une fin et sa fin un nouveau commencement, et de la première page à la toute dernière Camille est esprit nourricier, présence presque éthérée, impalpable, fugitive, essence dont avait besoin l'esprit fougueux du jeune Monet.
Les chapitres marquent l'histoire de Claude Monet et Camille comme des mémentos sensibles, sensations, impressions, parfums, éclats de lumière, souvenirs , notes de l'éphémère à attraper au vol, commencement et épilogue, et l'« adieu » de la fin arrive comme pour annoncer la continuation, toujours sans fin.
Camille est un moment de lecture de grande finesse qu'Alain Yvars nous offre avec l'oeil du peintre et la passion du coeur, pour les avertis comme pour les débutants ou les novices. Les pages décrivant les sensations, l'impression, la lumière, la vibration et qui reviennent d'une manière presque obsessionnelle dans le travail de Claude Monet,  ont la richesse et l'exaltation des moments que j'ai passés devant des toiles que je connais bien et que je découvre à chaque instant,  ces pages sont en même temps une belle et inspirante leçon de peinture. La qualité remarquable des reproductions complète le bonheur de la lecture par une visite au musée où chaque touche et couleur se dévoile généreusement sans la pression de la foule ni du temps.
Quand il parle de la peinture, Alain Yvars est complètement dedans, et en sort pour partager avec son lecteur ce nouveau langage pictural, lui faire reconnaître la composition, les coups de pinceau, les couleurs et leur harmonieux agencement :
« une conception nouvelle du plein air : vision spontanée, capture des changements de lumière et d'atmosphère au fur et à mesure de l'avancement de la journée, juxtaposition de couleurs vives sans mélange en touches larges posées librement, sans contrainte. Leur technique pour rendre les effets miroitants de l'eau, ses scintillements, sa mobilité incessante les oblige à adapter constamment la touche : virgules, points, taches. Les couleurs s'interpénètrent, s'entremêlent avec le ciel, les pontons, les barques. Leurs oeuvres présentent un aspect inachevé qui les satisfait. » p.60
Camile  c'est un livre sur la peinture de Monet et la peinture impressionniste qui prend naissance chaque jour, vibre, respire, s'émeut, se libère du leste de la "perfection" mal comprise, elle a la beauté de la vie et de toutes ses imperfections :
« La lumière avait jailli de la palette. Une révélation ! Il venait de faire connaissance avec la peinture de l'instantanéité, de la fugacité des choses, de la brièveté du temps. En quelques jours il avait compris la nature et appris à l'aimer. Il était devenu peintre à dix-sept ans.. » p.65
En léger retrait, Alain Yvars observe, relate faits, événements, s'approche de Camille sans toucher ou à peine effleurer le voile qui nous sépare d'elle mais nous fait partager son parfum délicat de mimosa. Camille reste plutôt inconnue dans les archives, mais dans le livre elle ressort comme La Muse, comme passion, soutien, énergie, vitalité, Amour, tout ce qui alimente et fait jaillir la création.
La présence de Camille, un croquis, inachevé, en train de se faire, une aquarelle lumineuse et fragile, elle écoute, absorbe et se délecte comme moi lectrice à écouter Monet parler de la couleur : « une couleur simple est plus intense qu'une teinte composée. Une touche de bleu et une touche de rouge, posées pures près l'une de l'autre, donnent un violet. Il faut regarder le tableau à bonne distance pour que le mélange des tons s'effectue dans l'oeil du spectateur, la rétine réalisant le travail de recomposition. » p.68. «La sensation. Elle est essentielle dans la peinture, loin devant la forme, la matière, la description » p. 69
Le succès, les déceptions, l'amour, l'exaltation font partie du mouvement dont se définit la vie et nos sens s'éveillent à chaque fois touchés par une nouvelle sensation. Camille, muse, femme, mère, soutien, force vitale, elle est l'inspiration, la source, lui c'est la création, le fleuve.
A la fin du livre l'interrogation de Monet, et de nous tous d'ailleurs, le bonheur est-il éphémère ? a une réponse pour le moins évidente, Monet a cherché cet éphémère dans un éclat de lumière l'espace d'un moment... et sa peinture continue de vivre avec ses éclats.

Merci encore une fois, Alain, pour le bonheur que j'ai connu dans la lecture et la relecture de ton livre à côté de Camille et de Claude Monet.
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Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
Le peintre se surprend à noter machinalement la dégradation des teintes du beau visage rigidifié dans la mort. Un choc de couleurs. Il voit des tonalités de bleu, jaune, gris, mauve. Il estime les ombres, les endroits précis où la lumière se dépose sur le visage, le voile, le lit. Il perçoit la successions des valeurs. La face ravagée de Camille devient une réflexion picturale. C’est plus fort que lui, malgré sa honte, un besoin organique qu’il ne maîtrise pas le submerge.
Il prend une toile vierge suffisamment grande dans le sens de la hauteur ainsi que son équipement de peintre. […] C’est le plus beau portrait qu’il ait fait d’elle…
[…] Sous son voile transparent, Camille lui souriait…
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Depuis ses débuts en peinture et son apprentissage avec Boudin et Jongkind, l’éphémérité des choses interroge Monet : ce moment imperceptible qui passe et s’efface. Sa peinture capte les infimes modifications de la lumière qu’il poursuit sans cesse. Il songe souvent au jour de sa rencontre avec Camille. Elle avait surgi en forêt dans un rayon de soleil, de la même façon que cette vision fugace du port du Havre au petit matin. Sept années d’un bonheur constant s’étaient écoulées à l’aimer et à la peindre. Il ne pouvait envisager que ce bonheur puisse être tout aussi éphémère qu’une source lumineuse se dissipant dans la brume. Il avait tellement besoin d’elle, de ses sourires, de ses caresses, de leurs instants de volupté… Se pouvait-il qu’un grand bonheur puisse s’envoler, cesser d’exister ?
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Le public perdure à bouder cette peinture que les journalistes et critiques continuent de moquer. Les gens se tordent et s’appellent devant chaque toile, les mots d’esprit circulent. Albert Wolff, dans le Figaro, n’a pas désarmé et sort un article dévastateur : « Après l’incendie de l’Opéra, voici un nouveau désastre qui s’abat sur le quartier. On vient d’ouvrir chez Durand-Ruel une exposition qu’on dit être de peinture. Le passant inoffensif, attiré par les drapeaux qui décorent la façade, entre, et à ses yeux épouvantés s’offre un spectacle cruel : cinq ou six aliénés, dont une femme, un groupe de malheureux atteints de la folie de l’ambition, s’y sont donné rendez-vous pour exposer leurs œuvres. Il y a des gens qui pouffent de rire devant ces choses. Moi, j’en ai le coeur serré. »
La « femme aliénée » est Berthe Morisot… Monet présente une vingtaine de toiles.
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Monet n'avait pas vu le temps passer depuis son arrivée à Paris : trois années déjà depuis ses débuts d'apprenti peintre dans l'atelier de Charles Gleyre. Sa vision était bien différente de celle du maître dont il supportait mal la tutelle de peintre établi qui lui répétait sans cesse de se « souvenir de l'antique », il l'avait quitté assez vite. Le passage chez Gleyre lui avait permis de sympathiser avec trois camarades de l'atelier : Frédéric Bazille, Auguste Renoir et Alfred Sisley. La même génération tous les trois. Le grand escogriffe de Frédéric Bazille, un Méditerranéen, à peine plus jeune, était le plus proche de lui. Il avait la particularité, pour plaire à ses parents, d'étudier la médecine en même temps que l'art.
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Envoûtés, les deux artistes (Renoir et Monet) se doutent-ils qu’ils sont en train de créer un langage pictural, une conception nouvelle du plein air : vision spontanée, capture des changements de lumière et d’atmosphère au fur et à mesure de l’avancement de la journée, juxtaposition de couleurs vives, sans mélange, en touches larges posées librement, sans contrainte. Leur technique pour rendre les effets miroitants de l’eau, ses scintillements, sa mobilité incessante, les oblige à adapter constamment la touche : virgules, points, taches. Les couleurs s’entremêlent avec le ciel, les pontons, les barques.
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