Sombre Dimanche raconte la vie d'une famille Hongroise avec des allers et retours à connotation historique.
Les Mandy habitent depuis quatre générations dans la même maison en bois au bord des rails, prés de la gare de Nuygati, à Budapest.
Tous travaillent à la gare centrale, les hommes portent le même prénom: Imre, comme l'arriére grand- père, bâtisseur de la maison,tous sauf Pal, le père du jeune Imre, qui grandit dans cette maison, entouré d'un grand- pére rempli de haine, : "Je croyais quand j'étais plus jeune, qu'en vieillissant on arrive à la sagesse mais c'est des conneries. On arrive à rien qu'à vieillir",d'un pére silencieux ,fragile, triste et résigné,muet et mélancolique....d'une mère aimante disparue trop tôt,et de sa soeur Agi.
A la chute du mur de Berlin,Imre arrête ses études, trouve du travail dans un...sex - shop et rencontre Kirstin, une jeune Allemande dont il tombe amoureux...
Le jeune Imre, le héros,grandit dans une famille résignée, engluée dans la solitude, dans un monde opaque où les non- dits et les secrets familiaux sont légion, où la vie en commun manque pour le moins d'harmonie et de chaleur humaine....
Un roman familial incarnant " la petite histoire " dans la " grande" , c'est le côté passionnant et instructif, les sursauts de la Hongrie avant et aprés le communisme, du communisme au consumérisme via le quotidien tout à fait immobile et plombé de quatre personnes solitaires, figées dans l'inéluctable, le mutisme , l'incompréhension, la tristesse, le doute, le flou....excepté le grand- pére, farouchement anti stalinien, dont la jambe a été arrachée lors de l'insurrection de 1956 ,Pal, le pére,Agi, la soeur, Imre junior,le héros, fils , petit fils et frére ne sont que les témoins totalement passifs d'un destin national joué sans eux, dont ils observent l'enlisement progressif, quoiqu'il arrive,- un pays sans âme, un pays perdu-.
Ils ne réagissent pas, bougent peu, pourtant ils habitent près d'une gare....
Chacun porte en lui, un drame, le flou de ses doutes, chacun s'en débrouille silencieusement....Imre est une espéce de perdant romantique , attachant, naïf,rêveur, sensible, inquiet, apeuré, il incarne une société qui n'attend strictement rien de l'avenir, comme des fantômes qui regardent les trains passer...
Alice Zeniter dresse sans pathos avec une grand maitrise, en jouant avec habileté de la chronologie, avec justesse, une atmosphère triste, désespérée, d'êtres pris dans un destin qui les dépasse, tous inaptes au bonheur,frustrés, mélancoliques, englués dans leurs contradictions et leur fragilité...
Une fascinante saga tout en clair obscur, attachante et désespérante où les douleurs, les rancoeurs, les pertes familiales, amicales ou amoureuses se révèlent au sein d'une famille désanchantée par ses regrets et ses secrets...on referme cet ouvrage sensible, fluide, bien mené où l'écriture est précise et non dénuée d'humour presque avec soulagement tellement cette famille où la petite histoire côtoie la grand histoire incarne une telle fatigue d'exister et une telle inaptitude au bonheur qu'elle nous attriste malgré nous!
Un livre nostalgique sur l' espoir éteint et la culpabilité à jamais tue,ô combien désespérant!