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4,15

sur 7511 notes
(...) Pourquoi lire ce livre?

Pour commencer, l'auteur fait la part belle aux femmes et à une femme en particulier, Denise, qui va grandir et s'affirmer en temps que personne à part entière, avec ses idées et ses espoirs. Pour ce qui la concerne, Au Bonheur des Dames est un roman initiatique qui la fait évoluer de jeune fille inexpérimentée et ignorante à femme consciente des malheurs de sa classe et libre de ses choix. Pour toutes les femmes de l'histoire, c'est la libération – toute relative – de certaines d'entre elles qui est mise en exergue face à l'asservissement des autres, que ce soit dans la sphère privée ou la sphère professionnelle toute nouvelle qui s'ouvre à elles.

De nombreux autres thèmes sont abordés dans le roman. Retenons en particulier la critique plus ou moins acerbe de la société de l'époque et la mise en parallèle de la riche bourgeoisie oisive et des travailleurs vivant dans la misère; la réflexion sur l'évolution du commerce, encore d'actualité aujourd'hui s'agissant de la comparaison entre la qualité des produits des petits artisans et ceux de la grande distribution; la modernisation et l'urbanisation effrénée de Paris sous la poigne du baron Haussmann; les idées du socialisme naissant prônées par Zola; etc, etc.

Tout ceci contribue à faire de ce roman une oeuvre à la fois classique et novatrice pour son époque, toujours d'actualité aujourd'hui, que ce soit pour le propos social qui y est développé ou pour l'histoire personnelle de Denise. Les personnages sont fouillés, intéressants tout autant par leurs actes que par leurs contradictions. le contexte social et l'environnement qui forment le décor du récit sont décrits avec précision sans jamais être ennuyeux ou abscons. Pour finir, la plume de Zola est superbe, fluide, et entraîne le lecteur dans un tourbillon d'évènements, d'énumérations et de rebondissements qui maintiennent en haleine jusqu'à la fin, bien qu'il ne s'agisse par d'un roman d'action.

Bref, vous voulez découvrir un roman de Zola, celui-ci est l'un des plus vivants et des plus faciles d'accès de l'auteur.
(...)
Lien : https://bienvenueducotedeche..
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C'est l'histoire de l'essor des grands magasins face au petit commerce, à grands coups de réclames, de promotions et d'innovations commerciales. C'est aussi l'histoire de l'amour pur, tendre et puissant d'Octave et Denise. C'est enfin l'histoire d'un livre qui a été pendant des années parmi mes favoris, que j'ai lu et relu à l'infini...

Et que je viens de relire encore une fois. Bien sûr, j'ai été séduite par la splendeur des soieries et des dentelles, la profusion de marchandises chatoyantes dans les vitrines et toutes les idées neuves d'Octave Mouret pour faire rêver (et acheter) les femmes. de même, j'ai été impressionnée par les personnages, tous plus vrais les uns que les autres, des employés mesquins et comploteurs aux grandes bourgeoises pédantes ou hystériques, sans oublier les commerçants traditionnelles, victimes désespérées mais dignes.

J'aime toujours autant Denise pour sa bienveillance, son courage, sa gentillesse envers ses frères, sa force tranquille et sa fierté farouche. J'aime toujours autant Octave pour son génie des affaires, son dynamisme, son charisme, son regard qui ne s'arrête pas aux apparences et ses sentiments profonds pour Denise. Leur histoire m'a émue à nouveau, des frémissements de tendresse initiaux au joyeux happy end, en passant par leurs tourments et jalousies.

Mais j'avoue que l'adulte féministe que je suis devenue est plus choquée que l'adolescente que j'étais par l'idee d'un happy end qui passe forcément par un mariage, qui plus est entre une employée pauvre et son patron tout-puissant... ou par l'image générale que ce roman donne des femmes, frivoles, faibles, niaises, volages, soumises. Bref, pour apprécier ma lecture, j'ai du oublier qu'on était au XXIe siècle.
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Denise, 20 ans, son frère Jean 16 ans et Pépé, le plus petit arrivent à Paris quelques mois après la mort de leur père.
Nous sommes en octobre 1864.
Ils espèrent être accueillis chez le frère de leur père, l'oncle Baudu, patron d'un magasins de draps rue de la Michodière.
Hélas, celui-ci fait de mauvaises affaires à cause d'un grand magasin installé en face "Au bonheur des dames". le patron en la personne d'Octave Mouret, vend les marchandises à un meilleur prix et la clientèle se détourne des petits établissements moins attrayants aussi.
Le grand magasin engage et Denise va y travailler comme vendeuse. Jean sera apprenti chez un ébéniste et Pépé sera gardé en pension.
Hélas, en été, Denise sera licenciée, devra reprendre le petit Pépé et habiter dans une mansarde dont le propriétaire est marchand de parapluies. Elle travaillera dans sa boutique.
En 1866, elle parvient à se faire engager chez Robineau qui tente de monter un grand magasin capable de concurrencer "Au bonheur des dames".
Peine perdue pour Robineau.
Entretemps, Denise rencontre Octave Mouret aux Tuileries, il la réengage et commence entre eux une histoire d'amour mais je résume car ce n'est pas aussi simple. Beaucoup de jalousies naissent et des embûches sèment le chemin de Denise qui tient à se faire respecter.
Très beau roman de la série des Rougon-Macquart écrit en 1883, presque 20 ans après le temps du roman qui s'étale de 1864 à 1869, avec une analyse sociale et économique du début du capitalisme, avec certes, certaines longueurs dues à la façon d'écrire de l'époque et au thème abordé.
Zola avait eu une idée de génie de faire traverser les années aux membres de cette famille de Plassans et de leur faire revêtir les différents rôles de l'époque.
J'ai toujours été étonné du terme employé pour son oeuvre : le naturalisme.
Actuellement, on parlerait certainement de romans sociologiques.
Ma préférence va à "La bête humaine" et à "Germinal" où les faits humains occupent plus de place mais celui-ci est bien intéressant.


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Un véritable coup de cœur!!! Ça cogne, cogne très fort...on n'expire qu'au dernier mot du livre!!!
Faisant une suite directe du Dixième tome Pot-Bouille, Zola nous ramène effectivement en grande pompe Octave Mouret dans ce onzième opus, on retrouve une fois de plus en cet homme ambitieux la fougue à étendre la vie, à développer des initiatives, à se créer un royaume où il est le seul roi à accéder à son harem, il traine avec lui le vent de la nouveauté, la soif du modernisme et aussi la folie des grandeurs, broyer aussi lentement et surement tous ceux qui entravent à ses impulsions, c'est le souffle du second empire qui respire en ce personnage, le souffle qui va s'abattre sur Paris, déraciner des anciennes battisses et emporter les vieilles toitures, concasser les vieilles mœurs...

En effet, on découvre d'entrée de jeu un Octave veuf, régnant seul au bonheur des dames où sa puissance est redoutable, sa créativité est une révolution pure et simple du commerce moderne, un grand travailleur et aussi un grand viveur, les femmes ça tombe du bout des doigts...Mais surprise!!! L'argent n'achète pas tous les cœurs!

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Denise Bandu arrive à Paris après la mort de ses parents. Elle est accompagnée de ses jeunes frères, Jean et Pépé. La jeune fille croit trouver de l'aide auprès d'un vieil oncle, marchant de tissu. Mais la boutique du commerçant fait lentement faillite sous la poussée vorace du Bonheur des Dames, immense magasin de nouveautés qui s'installe peu à peu et étouffe les petits commerces du quartier. Denise trouve une place de vendeuse dans cette immense machine commerciale. Mais sa gaucherie et sa douceur la desservent grandement auprès des vendeuses, archétypes des petites Parisiennes fortes en mots. À force de patience et grâce, la jeune et blonde Denise attire l'attention d'Octave Mouret, le propriétaire du magasin.

Revoilà donc Octave que l'on avait croisé dans La conquête de Plassans et suivi dans Pot-Bouille. À la fin de ce volume, il épousait Caroline Hédouin, propriétaire d'un commerce en plein essor. Rapidement veuf, mais vite consolé par le Bonheur des Dames qui était apporté dans la corbeille de mariage, Octave se montre un entrepreneur ambitieux et innovant. Il ne croit plus au petit magasin solitaire et spécialisé dans une gamme d'articles. « le petit commerce y laissera encore une aile. Enterrés, tous ces brocanteurs qui crèvent de rhumatismes, dans leurs caves ! » (p. 52) Dans son énorme temple des emplettes, Octave décide de vendre de tout, du simple lacet aux meubles en passant par les casseroles. Vous voulez une robe ? Montez à l'entresol, au rayon de la confection. Il vous faut des mouchoirs ? C'est au rayon lingerie, mais gare aux querelles entre les vendeuses ! Entre publicité sans cesse étendue et primes aux meilleurs vendeurs, Octave Mouret invente le commerce moderne. Zola avait parfaitement compris les nouveaux rouages de la consommation : flatter les clientes (oui, évidemment, il n'y a que les femmes qui se laissent aller aux achats compulsifs…), promettre moins cher pour vendre plus, jouer sur l'offre et la demande, etc. Et surtout, écraser la concurrence, ne lui laisser aucune chance. « Partout, le Bonheur des Dames rachetait les baux, les boutiques fermaient, les locataires déménageaient. » (p. 233)

On l'avait vu dans Pot-Bouille, Octave Mouret est un homme à femmes. Dans l'immeuble du précédent volume, il avait une maîtresse à chaque étage. Ici, d'aucuns s'accordent à penser qu'il y a une fille à chaque rayon. Il semble bien impossible d'attacher ce jeune veuf, un rien joyeux. « Après la mort de Mme Hédouin, il avait juré de ne pas se remarier, tenant d'une femme sa première chance, résolu désormais à tirer sa fortune de toutes les femmes. » (p. 438) C'est par sa douceur victorieuse et fière que Denise fait plier ce galant homme. L'auteur offre une vision moderne, et un peu mercantile, du conte de fées : la provinciale sans le sou qui résiste aux expédients faciles et même à l'homme qu'elle aime parce qu'elle se juge indigne de lui, le riche patron dompté par la blonde innocence d'une ingénue, pas de doute, c'est la version 19° siècle de la bergère et du Prince. Toujours dans l'optique de son étude sociale et morale d'une famille sous le Second Empire, Émile Zola fait entrer du sang neuf et pur dans une branche de la lignée des Rougon-Macquart. Visiblement, la famille ne trouvera son salut que par l'extérieur.

L'exposition au Musée d'Orsay sur les impressionnistes et la mode fait la part belle à ce roman de Zola. Pour ma part, il s'agit d'une relecture. Et comme toujours, c'est un grand plaisir de suivre les descriptions de l'auteur. La lutte des petits commerces devant les grands magasins, voilà bien une question d'actualité. Pour ne prendre qu'un seul exemple, voyons le triste sort des petites librairies qui craquent et résistent si mal sous les coups de boutoir des grands distributeurs de culture. Chez Zola, les gourmets vont vers le ventre de Paris et les coquettes vont Au Bonheur des Dames. C'est le même étalage de marchandises et les secondes ne sont pas moins périssables que les premières. Les débordements d'étoffes rappellent les écroulements de saucisses et de pâtés dans la boucherie de la belle Lisa. Dans le grand magasin de nouveautés, Émile Zola nous chatouille d'un froufrou de mots et nous enveloppe de la soie de son style. Nous voilà habillés par les mots de l'auteur et c'est avec bonheur que je me suis glissée dans le costume sur mesure qu'il tenait à ma disposition du bout de sa plume.
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Magnifique, c'est un peu court et pourtant, comment décrire une lecture si riche, si vivante, où le merveilleux sans cesse renouvelé côtoie si bien les jalousies les plus basses.
Magnifique, toujours, cette plume qui s'élève, se déchaîne dans un océan de toiles, de dentelles, de soie, se distrait parfois dans quelques dialogues bien sentis d'une société bien choisie où tous les genres se retrouvent.
Magnifique, cette montée en puissance qui de pages en pages s'envole en lumière vers l'apothéose tandis qu'autour c'est la débandade, tout s'effiloche, tout meurt dans l'obscurité la plus noire.
Magnifique, ces personnages si bêtes, si méchants, si pleins de cette envie humaine de toujours manger l'autre, le plus haut, le plus puissant pour être finalement à leur tour mangés.
Magnifiques, ces femmes si naïves, si avides, si avisées parfois qu'un bibelot met en transe, qu'un calicot transporte, qu'un arc-en-ciel de couleurs émerveille, que le mot solde rend folles.
Magnifique, ce bazar qui grandit au fil des pages, qui se modernise même dans ses cuisines et qui, de petite boutique spécialisée se transforme en un monstre magnifique dédié à la femme et ses envies toujours changeantes, toujours renouvelées.
Magnifique enfin, cet amour impossible, unique et pur qui s'épanouit lentement aux détours des comptoirs, des escaliers, des ponts volants et ce, malgré la médisance, les ragots malsains et les vilenies les plus basses.
Magnifique aussi ce travail de recherche de l'auteur, pour être au plus près de cette révolution commerçante que sont l'éclosion des bazars au détriment des petits commerces dédiés. Sans nous noyer dans des détails superflus, il nous expose froidement le calcul de la réussite tout en nous dévoilant avec la palette infinie de la poésie la beauté époustouflante qui se dégage de l'art de la présentation qui éblouit et excite toutes les femmes au point parfois de leur faire perdre la tête.
Magnifique, cette explosion d'odeurs, de couleurs, de sentiments et d'images dans lequel ce roman m'a tout entière plongée au point que le mot fin m'a semblé trop rapide, j'en voulais encore...

Pour le plaisir, je ne peux m'empêcher de vous faire partager ces quelques mots de Zola concernant ce roman :

« Là apparaît le côté poème du livre : une vaste entreprise sur la femme, il faut que la femme soit reine dans le magasin, qu'elle s'y sente comme dans un temple élevé à sa gloire, pour sa jouissance et pour son triomphe. La toute-puissance de la femme, l'odeur de la femme domine tout le magasin. Et l'idée commerciale d'Octave est là, plus ou moins consciente et affichée. »

Et c'est parfaitement réussi, un vrai coup de coeur, j'ai adoré :-)
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Cet Octave Mouret est-il vraiment quelqu'un de recommandable, lui qui a mis au point les méthodes modernes de vente, celles qui poussent à la consommation compulsive même ceux qui devraient consacrer leurs ressources à des dépenses moins futiles.
Celui-là même que Zola décrit en ces termes :
« Cette lutte devenait du reste entre ses mains la formule favorite, le principe d'organisation qu'il appliquait constamment. Il lâchait les passions, mettait les forces en présence, laissait les gros manger les petits, et s'engraissait de cette bataille des intérêts. »
On voit où cela nous a mené !
« mécanisme qui avait bouleversé les nouveautés, qui créait entre les commis une lutte pour l'existence, dont les patrons bénéficiaient. »
Délation organisée et rémunérée
« J'ai envie de donner aux employés du bureau de défalcation une petite prime, pour chaque erreur qu'ils relèveront dans les notes de débit, en les collationnant…»
Mouret est cynique et en est fier
«Il se mit à rire, pendant que l'autre le regardait d'un air d'admiration. Cette application nouvelle de la lutte pour l'existence l'enchantait, il avait le génie de la mécanique administrative, il rêvait d'organiser la maison de manière à exploiter les appétits des autres, pour le contentement tranquille et complet de ses propres appétits. »
Denise, l'héroïne va entrer dans cet enfer commercial et financier que certains prennent pour un paradis.
Bonne chance à elle !
« (...) quand la première eut répondu qu'elle se présentait comme vendeuse, Bourdoncle, avec son dédain de la femme, fut suffoqué de cette prétention.
– Allons donc ! murmura-t-il, c'est une plaisanterie ! Elle est trop laide. »
Denise persiste oubliant qu'elle est venue à Paris pour travailler avec son oncle Baudu le propriétaire du magasin de tissus le Vieil Elbeuf, « elle songeait qu'elle aurait dû supplier son oncle de la garder »
La concurrence des autres vendeuses qui adoptent les postures et la morale de leurs riches clientes est impitoyable pour la nouvelle recrue :
« Denise avait encore pâli, au milieu de tout ce monde qui se moquait. Elle se sentait violentée, mise à nu, sans défense. Quelle était donc sa faute, pour qu'on s'attaquât de la sorte à sa taille trop mince, à son chignon trop lourd ? »
Elle n'est pas au bout de ses peines. Elle résiste de tout son corps à la charge des lourds ballots de tissus, elle résiste mais « Au martyre physique s'ajoutait la sourde persécution de ses camarades. » et de cette souffrance elle ne sait pas s'en défaire.
« Presque toutes les vendeuses, dans leur frottement quotidien avec la clientèle riche, prenaient des grâces, finissaient par être d'une classe vague, flottant entre l'ouvrière et la bourgeoise. »
Elle échappe aux dégraissages de personnel de la saison d'été, Mouret semble avoir des vues sur elle :
« Il s'agissait maintenant de diminuer les frais, en rendant au pavé un bon tiers des commis, les faibles qui se laissaient manger par les forts. »
Roman réaliste dans lequel les rouages impitoyables de la recherche du profit et de l'exploitation des employés sont mis à nu.
Du grand Zola
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Depuis le temps que je repousse ce moment d'ouvrir ce bonheur, il était temps. Et quel bonheur de se délecter de cette plume incomparable, ô combien délicieuse, riche, ciselée, qu'aucun auteur ne peut l'égaler de nos jours.
Le bonheur des dames est une petite révolution et les prémices de notre société de consommation actuelle. Emile Zola avait déjà tout compris, décrypter et je conseille à tout étudiant en commerce de passer outre les frais exorbitants pour faire une école, lisez donc Au bonheur des dames et vous avez là la base du commerce. Rions rions donc à gorge déployée, car c'est bien là le génie de ce Mouret, il avait la bosse du commerce.

Au delà du fil rouge, il y a une autre toile de fond très touchante avec cette petite Denise si humble si fragile si dévouée et l'amour qui germe, grandit, meurtrit. Jusque la dernière page, elle a tenu bon la petite Denise, oulala je me suis demandée si aller flancher avant. Crénom de nom ! Elle a tenu bon !
Je n'ai pas lu tous les Zola, loin de là, mais je suis bien heureuse d'avoir celui ci à mon actif, il fallait le détour.
Et bien voilà l'année 2020 qui commence fort bien, je pense bien ouvrir un autre Zola d'ici la fin de cette dernière.
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Quel bonheur de lecture ! Ce roman est un chef d'oeuvre. Je l'avais commencé en 2015 mais, pour une raison qui m'échappe aujourd'hui, j'avais arrêté ma lecture au début du deuxième chapitre. Sans doute que ce n'était alors pas le bon moment. Et tant mieux peut-être car j'ai pu l'apprécier d'autant plus.

En lisant Au Bonheur des Dames, j'ai été prise entre deux feux. J'ai éprouvé de l'empathie, de la tristesse pour les petits commerces anciens qui plient, puis rompent, lentement mais sûrement, face au monstre, face à l'arrivée inexorable du « progrès » dans le quartier. Mais j'ai également ressenti de l'admiration pour le génie d'Octave Mouret, pour ses idées, lui qui règne, tel un despote, sur « son peuple de femmes » au milieu des flamboiements de son grand magasin. Et le Bonheur des Dames incarne le nouveau commerce, cette machine lancée à pleine vitesse, à telle vitesse qu'elle renverse tout sur son passage et notamment ceux qui tentent de lui barrer la route. Ceux qui s'écartent, sans résister, sur son passage, effrayés par ce « monstre », ne sont pas plus épargnés que les autres : la machine a tellement de vitesse et de force qu'elle les souffle au passage. le Bonheur des Dames est le symbole du consumérisme, de la société de consommation : on vend, presque à perte, pour vendre, on permet désormais les retours, on invente, on se renouvelle constamment… pour faire consommer ! le génie de Mouret affole, provoque presque des émeutes les jours de présentation des nouveautés, attire les kleptomanes de tous les milieux, entraîne ce qu'on appelle aujourd'hui les achats compulsifs, comme chez cette pauvre Mme Marty qui est incapable de résister devant les calicots et les babioles du Bonheur. Et autour de ce temple de la consommation, les petites boutiques de l'ancien commerce se meurent parce qu'elles n'ont pas su se renouveler, se réinventer…

Mais, surtout, au milieu de ces milliers, de ces centaines de milliers, de ces millions de francs, il y a cette jeune fille, droite dans ses sabots – si abimés soient-ils – puis dans ses bottines, cette Denise qui, elle, plie mais ne rompt pas, jamais, même sous les moqueries, les privations et les humiliations. Celle qu'on appelle d'abord « la mal peignée » a un courage à toute épreuve. Enfin, il y a cette histoire d'amour qui, elle aussi, est inexorable.

Ce roman est un délice, une merveille, un bonheur pour toutes ces raisons. A plusieurs reprises, je me suis arrêtée sur des phrases de Zola, magnifiques. Cela a déjà été dit mais les descriptions sont superbes et jamais superflues, au contraire. Tout cet étalage de soies, de lainages, de dentelle, de linge, d'indiennes, de manteaux, de robes, de gants, de tissus, ce foisonnement de blanc et de couleurs donnent tout son sel au roman : le magasin croule sous l'abondance. Par ailleurs, les personnages sont tous intéressants : les Baudu et leur boutique sombre (l'antithèse du Bonheur), ces dames (Mmes de Boves, Marty, Desforges, etc.), les commis et inspecteurs du Bonheur et, bien sûr, Denise et Octave. Enfin, les détails de l'extension du magasin, la vie parisienne de l'époque et les conditions de vie et de travail (certains éléments sont édifiants) sont également passionnants. Il y aurait bien d'autres choses à ajouter sur ce roman mais je vais arrêter là en soulignant simplement une dernière chose : ce livre fait désormais partie de ceux que j'emmènerais sur une île déserte. C'est à ce point que je l'ai aimé.
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J'ai été :

- happée par les mâchoires de ce monstre parisien où la femme est élevée à la position de reine pour pouvoir profiter ensuite de sa fièvre d'achats multiples et compulsifs.

- sidérée par les ruses et tactiques commerciales déjà en vigueur à cette époque et qui déployaient une ingénuité manipulatrice extraordinaire visant à attirer l'acheteur dans ses rets.

- peinée par l'inéluctable désoeuvrement de tous les petits commerces qui ne pouvaient rivaliser avec la machine et sa soif de tout engloutir. L'avenir du commerce était en marche.

- révoltée par l'ampleur des insinuations perfides, par le poids des commérages sournois et mensongers, au sein de la rue mais aussi et surtout du beau monde !

- écoeurée par les rivalités et les jalousies permanentes dans les relations humaines.

- charmée par la douce et insignifiante Denise, par son courage et sa force qui illuminent tout ce roman.

- amusée de constater que Zola, dans ses envolées lyriques qui décrivent tout cet univers de chiffons, ne m'a jamais lassée sur plus de 500 pages, quel talent !

- subjuguée par la force de cette écriture qui anime tous les étages, et même les sous-sols, de ce grand magasin.

Je suis restée trop longtemps sans lire Zola mais c'était une grave erreur. C'est tout de même grandiose !
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