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4,15

sur 7532 notes

Les héros de cette histoire, Octave et Denise, hantent toujours mon imaginaire... Et voilà un des rares tomes des Rougon-Macquart qui se termine bien, c'est à noter!

Magistral et prenant , ce sont les adjectifs qui me viennent à l'esprit pour qualifier ce livre.

" Je veux faire le poème de l'activité moderne". Ainsi Zola définissait-il le projet de son roman. Et je dis: pari gagné !

Car d'abord, poétique, cette oeuvre l'est: les descriptions des vitrines du grand magasin sont à elles seules un déferlement d'images toutes aussi belles et envoûtantes les unes que les autres." La cendre fine des dos de petit-gris, la neige pure des ventres de cygnes", " les bleus se décolorant en pâleurs d'une tendresse infinie", cela fait rêver...

Et quel visionnaire que l'auteur! A une époque où le principe des réclames n'était encore que balbutiant et assez rudimentaire, il envisage déjà l'avenir, à travers l'esprit novateur et bouillonnant d'Octave, devenu patron d'un grand magasin, après la mort de sa femme, propriétaire du lieu. Changer les produits de place, renouveler régulièrement les articles, faire des vitrines un tableau attractif, solder, introduire le luxe dans la décoration, autant d'initiatives géniales de sa part, pour conquérir la femme.Et faire acheter, encore et encore!

Car la femme est au centre de tout cet univers commercial. On retrouve ici le Zola mêlant l'érotisme au sujet, la femme étant mangée de désir pour " le bonheur des dames"... Et cette dimension féminine est aussi incarnée, dans sa version douce, têtue et émouvante, dans sa timide obstination, par Denise, simple vendeuse qui gravira les échelons et saura conquérir un coeur...

La chute irrémédiable des petites échoppes est vraiment bien décrite, symbolisée par la boutique de Baudu, l'oncle de Denise, qui n'a pas su ni pu suivre le mouvement de la modernisation.

Une page enthousiasmante de cette fresque familiale, dominée par un Octave fantaisiste, audacieux, intuitif, et une Denise, dont on aime la force patiente , sous son apparente fragilité, et dont on suit avec intérêt la transformation au fil du roman.

Un bonheur pour le lecteur !
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Où Octave triomphe. Il est, grâce à son mariage avec la patronne devenue veuve, et qui meurt opportunément à son tour, le grand maitre de ce magasin, qu'il va transformer selon de toutes nouvelles méthodes.
On y voit en effet apparaîtrent
- la lumière grâce à de grandes ouvertures et les vitrines, auparavant petites et sombres,
- la diversification,
- la publicité,
- la vente par correspondance,
- l'objet d'appel,
- Etc.

Son audace séduit un banquier qui lui prêtera l'argent nécessaire aux plus gros agrandissements. Mais si ces grands magasins prospèrent, c'est en ruinant les petits commerces. Comme le Vieil Elbeuf situé en face ou celui de Bourras, marchand de cannes et parapluies qui préfère la ruine à toutes les propositions de rachat d'Octave. Et son pouvoir s'étend de rue en rue, D'autant que l'idée est dans l'air du temps et que d'autres grands magasins ont envahi les quartiers avoisinants.
C'est dans cette atmosphère que Denise, petite provinciale orpheline, arrive à Paris avec ses deux jeunes frères pour travailler dans le magasin de son oncle Baudu, propriétaire du Vieil Elbeuf qu'il entend transmettre à son commis et à sa fille promis l'un à l'autre, tel qu'il l'a reçu. Denise est très attirée par ces nouveaux magasins qui représentent l'avenir. Son oncle ne pouvant vraiment l'employer, elle s'y présentera et y connaitra un dur apprentissage. Toutefois sans le chercher et modestement (comme il sied à une femme), elle va grimper les échelons jusqu'à régner à la fois sur le magasin et sur Octave. Ceci malgré l'animosité de quelques employés et son départ avant un retour où sa position est consolidée.
Tout n'est pas pourtant simple dans la vie de la jeune fille. le plus grand de ses deux jeunes frères entre en apprentissage, mais se dévergonde dans ses heures de loisirs et c'est encore le rôle de sa soeur de se sacrifier pour lui, repoussant le moment d'acheter ce qui lui est nécessaire pour satisfaire ses caprices.
Malgré tout mon respect, toute mon admiration pour Zola, je m'interroge sur sa constance à vouloir que les femmes se sacrifient, ce qu'elles font dans ses livres (entre autres) tout naturellement sans se plaindre. Je sais que l'époque veut cela mais j'aurais aimé qu'il s'élève un peu contre. Et pourtant on en verra encore bien d'autres avant la fin des Rougon.
Un de ceux que je préfère. D'abord parce qu'il n'est pas sordide, même s'il est dur. Ensuite parce que Zola ne cherche pas à tout prix à asséner ses théories sur l'hérédité, car si je trouve l'idée bonne, je le trouve parfois un peu lourd dans ce domaine. Enfin parce qu'il est profondément vivant. On déambule sans peine au milieu des autres clientes, des employés, des surveillants, on touche les étoffes, on est ébloui par les lumières...
Aussi pour sa vérité. Tous les ressorts de la séduction du consommateur, enfin la consommatrice sont parfaitement décrits. Zola fait parfaitement sentir la dualité de ces nouveaux commerces, où d'une part contrairement aux vieilles boutiques, l'acheteuse peut toucher, comparer, où elle a le choix non seulement d'acheter ou pas puisqu'elle circule au milieu des marchandises, mais de choisir entre de nombreux articles équivalents. Et où d'autre part elle est en réalité capturée, entrée juste pour voir, ou pour acquérir un seul article elle est harponnée par le foisonnement de couleurs, de sensations tactiles, et ne sait plus ce qu'elle voulait. Les articles, moins chers que dans les boutiques, il lui semble économique de les acheter, bien qu'elle n'en ait pas eu l'intention auparavant. Seule une des clientes habituelle, mère de famille sait parfaitement en tirer parti sans se laisser prendre à la séduction des amoncellements d'articles.
La vie des employés est également expliquée, la hiérarchie et la compétition qui existent entre eux, la précarité de leur statut, lorsque les ventes baissent de façon saisonnière ils sont remerciés.
A mon avis un grand Zola, très accrocheur.

Challenge pavés 2014-2015
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N'est-il pas présomptueux de ma part d'oser donner un avis sur un roman de Zola qui est à mes yeux l'auteur le plus magistral de tous les temps ?

Comment en parler lorsque l'on a comme moi, fait aucune étude littéraire ?
Comment trouver les mots pour exprimer mon ressenti sur cette oeuvre unique que constitue les « Rougon-Macquart » ?

En choisissant de relire « le bonheur des dames » j'ai eu envie de redécouvrir un livre d'une étonnante modernité.
On y assiste à l'avènement des grands magasins, à la montée en puissance du capitalisme faisant naître une véritable société de consommation entraînant malheureusement la déchéance des petits commerces.

Il est intéressant également de noter l'attention que l'auteur porte à la condition féminine en nous montrant les prémices de son émancipation.
De plus en plus, les femmes sortent sans leur mari pour se retrouver entre elles et se livrer avec délectation à des séances de shopping, toujours à l'affût des bonnes affaires.


Lire « le bonheur des dames », c'est se laisser envoûter par la majesté d'une écriture unique, c'est se promener dans les allée d'un grand magasin, c'est palper les étoffes chatoyantes au son de leur frou-frou, c'est se perdre dans un maelstrom de sensations, de bruits, d'odeurs, jusqu' à en perdre la notion du temps.

Lire « le bonheur des dames », c'est être heureux, tout simplement !
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Ah mais quel beau tome de cette saga !!! Je crois bien qu'il détrône le ventre de Paris, que j'avais pourtant adoré. Dans ce tome, nous suivons Denise Bandu, qui arrive à Paris avec ses deux frères. Confiante qu'elle trouvera de l'aide auprès de son oncle, elle déchante. C'est que le magasin de son oncle doit déposer le bilan : le Bonheur des Dames, grand magasin de nouveautés, a raison du petit commerce de quartier. Elle n'aura d'autre choix, pour subvenir aux besoins de ses frères et elle, que de trouver une place de vendeuse au Bonheur des Dames.
À force de persévérance, elle attirera l'attention d'Octave Mouret, que nous avons suivi dans Pot-Bouille, propriétaire du magasin. Et sa réputation d'homme à femmes l'a suivi dans ce tome. Autant Mouret avait une maîtresse à chaque étage dans Pot-Bouille, autant ici, on dit qu'il a une maîtresse dans chaque rayon… Mais évidemment que ce ne sera pas si simple… Denise vient brouiller les cartes, et l'homme pourrait bien avoir trouvé sa perle, même s'il avait juré de ne jamais se remettre avec une femme.
Bref, encore un tome riche, une plume dénonciatrice, des descriptions de grand intérêt, des personnes plus vrais et plus vivants que jamais. du grand Zola, qui réjouit et fait du bien. J'attaque de suite le prochain tome… question de rester dans l'ambiance de ce grand auteur.
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Un roman qui raconte la lutte féroce (mais sans espoir) des petits commerces de proximité contre les grandes enseignes. Non, ça ne faisait pas partie de la dernière rentrée littéraire, mais c'est bel et bien un roman écrit à la fin du XIXe siècle.

Et ça interpelle, forcément. Car le lecteur moderne ne sera pas dépaysé par les thèmes abordés : les petites boutiques qui voient avec aigreur leurs plus fidèles clients les quitter pour des marchandises uniformes et sans art, la terrible pression sur les prix, ou encore l'exploitation du personnel qui sue sang et eau pour gratter un peu plus de marge sur les ventes pour se faire quand même renvoyer du jour au lendemain à cause d'un froncement de sourcils mal interprété.

Plus surprenant encore pour moi, les mécanismes de manipulation sont également très bien décrits par Zola : publicités, mises en scène grandiose des marchandises, promesse de retour gratuit si le produit se convient finalement pas, mise à disposition de boissons, de salons… Tout y est merveilleusement disséqué et analysé, ce qui est d'autant plus impressionnant que ces sujets n'étaient à ma connaissance pas encore théorisés ni étudiés à son époque.

La lecture de ce roman est une curieuse expérience : on a l'impression de revivre un combat actuel dans un cadre du passé. le Bonheur des dames est décrit comme un monstre insatiable, qui dévore tout, marchandises, employés et clients, sur son passage, incapable de s'arrêter même s'il le voulait. de l'autre côté, on voit les petites boutiques s'assombrir, s'enlaidir, se faire ronger par l'humidité, comme si elles voulaient disparaître d'elles-mêmes, conscientes d'être désormais anachroniques.

Autant dire que quand je suis ressorti dans la rue, j'étais surpris d'en voir encore quelques unes debout !
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C'est mon 2ème "Zola" après « l'Assommoir»: j'ai adoré
Au bonheur des dames" est un bonheur de lecture: les descriptions sont très vivantes et le sujet reste toujours actuel. C'est intéressant et bien documenté sur l'époque relatant la naissance des grands magasins au XIXe siècle et toutes les implications qui en découlent. Il nous livre une analyse terriblement actuelle de la guerre qui oppose les grandes enseignes aux petits commerces et ceci tout en oscillant entre l'admiration et la critique du nouveau commerce (vols, conditions de travail, licenciements, puissance de la hiérarchie….).
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Quelle oeuvre magistrale ! Une peinture d'une finesse incroyable d'une société en pleine mutation, tant au niveau économique qu'au niveau social. En effet, quand le grand patron du Bonheur s'amourache d'une jeune employée sans le sou, tout un monde est ébranlé. En même temps, les petits commerces font les frais de cette nouvelle économie basée sur la puissances des grands et leur sens du marketing...
Parfois criant d'actualité, ce roman de Zola est pour l'instant mon préféré des Rougon-Macquart car on y sent une profonde affection de l'auteur pour ses personnages, quels qu'ils soient, y compris les cocottes gâtées, les maris trompeurs, les petits commerçants aigris... On sent une profonde compréhension de chacun, sans jugement...
Et quel suspense ? La jeune fille cèdera-t-elle aux avances du patron ? Une belle histoire d'amour impossible...
Bref, un chef d'oeuvre comme on les aime !
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♬ Ma petite entreprise connaît pas la crise... ♬
Oh non, pas de crise pour Octave Mouret, directeur du magasin "Au bonheur des dames" !
Avec un sens aigu des affaires, il sait offrir à sa clientèle les produits qui vont lui plaire.
Et comme vendre selon les goûts et les besoins des clients ne suffit pas, il sait comme personne faire naître d'irrépressibles envies d'acheter à peu près tout.
Mouret est un as de la vente.
Un entrepreneur de génie !

C'est la société de consommation qui est décrite dans ce livre : la façon dont le commerce s'y prend pour créer des besoins qui n'en sont pas.
Mouret déploie sans cesse de nouvelles astuces, des procédés originaux pour vendre toujours plus.
Il invente le marketing avant que le mot ne soit créé.

Dans le roman, les clients sont des clientes : ce sont les femmes qui se pressent dans le magasin et dépensent au-delà du raisonnable.
Elles sont parfois accompagnées de leurs maris, mais ces pauvres hommes sont traînés et entraînés par des épouses qui dirigent tout en matière d'achats. Ils souffrent de la frénésie de ces dames, mais restent relativement passifs.
On sent que Zola prend beaucoup de plaisir à souligner que ce sont les femmes qui achètent et qui sont le jouet des techniques de vente de Mouret. Les maris, eux, sont victimes par ricochet.
En fin de compte, personne n'est épargné : les unes sont naïves et manipulées, les autres sont faibles et subissent les fièvres acheteuses de leur femme sans oser s'opposer.

Zola dépeint formidablement la double folie du "toujours plus".
D'un côté, un directeur qui n'a jamais l'air comblé par des chiffres de ventes pourtant en perpétuelle croissance. Si hauts soient-ils, la satisfaction n'est qu'éphémère et c'est une course sans fin entraînée par une cupidité sans limites.
De l'autres côté, les clientes n'en ont jamais assez. Elles ne sont jamais rassasiées. Si elles parviennent à assouvir leur besoin d'acheter et se montrent parfois repues, ce n'est que momentané. À leur prochain passage dans le magasin, elles sont à nouveau prises d'envies frénétiques d'acquérir de nouveaux articles.
Toujours plus !
Ce double processus est sans fin, et d'autant plus pernicieux que les deux aspects s'entretiennent mutuellement et créent une double dépendance : Mouret dépend de ses clientes, et celles-ci dépendent de lui.
La relation n'est toutefois pas vraiment symétrique : les clientes se ruinent tandis que le directeur s'enrichit à leurs dépens. Et non content de les exploiter, il se moque d'elles car sous un charme de façade pour les séduire, il les méprise.
C'est totalement hypocrite : il flatte ces dames, les reçoit avec égard, mais ne s'intéresse qu'à leur porte-monnaie.
Pour Mouret, son flot de clientes n'est qu'un troupeau qu'il entend mener où il veut et qu'il manipule pour en retirer le plus d'argent possible. Il ironise volontiers sur "toute la passion de la femme pour la dépense et le chiffon".
En privé, il ne cache pas ses véritables pensées : "Ayez donc les femmes, dit-il tout bas au baron, en riant d'un rire hardi, vous vendrez le monde !".
Un peu plus loin, quand Mouret songe, Zola évoque "son peuple de femmes" au sujet duquel il écrit : "il les tenait à ses pieds, sous l'éblouissement des feux électriques, ainsi qu'un bétail dont il avait tiré sa fortune."
Voilà qui est clair !
Et terriblement cynique !
Mouret n'a aucune considération pour ses clientes, il n'en a que pour leur argent.
Zola est cruel dans toutes ces pages, et j'ai cru sentir une certain jubilation à montrer les femmes sous un jour peu flatteur.
Alors, attention : ne mettons pas ce livre entre les mains de pseudo féministes, elles hurleraient à la misogynie et réclameraient son interdiction. Réservons-le, plus prudemment, aux lecteurs possédant un peu plus que deux neurones à peine connectés.

Zola nous entraîne dans un merveilleux récit dans lequel il raconte comment le directeur développe au fur et à mesure son entreprise.
C'est David contre Goliath : Au bonheur des dames prend de plus en plus de place dans le quartier et acquiert un poids financier de plus en plus important, causant la ruine des petits commerces.
Certains capitulent rapidement, d'autres tentent de résister, mais tous seront engloutis par "le monstre". C'est implacable et le lecteur rempli de compassion pour les petits commerçants ne peut que constater le désastre.

Réfléchissons un peu.
Ce onzième volume du cycle des Rougon-Macquart a été écrit en 1883. Et pourtant...
Une grande enseigne puissante et aux méthodes agressives qui fait mourir les petits commerces... ça ne vous rappelle rien ?
Allez, un petit effort : le nom commence par A et finit par N.
Vous y êtes, là ?

Écrit il y a bien plus d'un siècle, ce roman, placé dans un contexte social et historique différent de celui d'aujourd'hui, reste d'une formidable modernité.
Une preuve de plus du talent de son auteur, qui a si bien su décrire son époque, mais plus encore, dépeindre les hommes dans ce qu'ils ont d'intemporel.
Ici, c'est la cupidité, le cynisme et la manipulation qui sont à l'honneur... si j'ose dire.

Ce livre est une merveille. Tout y est réussi : l'intrigue, les personnages, le décor.
L'intrigue ?
Ne comptez pas sur moi pour vous la dévoiler.
Les personnages ?
À part Mouret dont j'ai abondamment parlé, ils sont nombreux, à commencer par le personnel du Bonheur et ceux qui tiennent les petites boutiques du quartier. Toute une galerie à qui Zola donne merveilleusement vie.
Le décor ?
Presque toutes les scènes se passent dans le magasin qui fournit un cadre fabuleux à l'histoire, tellement important qu'il en devient presque le personnage principal.
Ça grouille de vie à chaque étage, à chaque rayon, dans chaque recoin, selon une incroyable organisation : le magasin est presque un organisme vivant avec ses organes et ses fonctions.
Zola nous offre des descriptions éblouissantes : un régal de lecture pour qui apprécie son génie dans ce domaine.

Au bonheur des dames m'a enchantée, et si ce Bonheur ne fait pas vraiment celui de ses clientes, il a fait le mien !
Ce tome onze des Rougon-Macquart est une immense réussite, et je formule le voeu qu'au-delà du plaisir littéraire le lecteur en retire le précepte suivant à garder en tête : si j'achète un objet dont je n'ai pas besoin, ce n'est jamais une "bonne affaire". Quel qu'en soit le prix, c'est de l'argent gaspillé, c'est tout. La "bonne affaire" n'est bonne que pour le vendeur.

Au bonheur des dames est disponible ou à commander dans toutes les bonnes librairies... et pas sur le site dont le nom commence par A et finit par N.
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Me voilà bien embêtée : J'avais sous-entendu, dans ma chronique sur « l'Assommoir », que s'il ne fallait lire qu'un seul des Rougon-Macquart, c'était celui-là. Mais ça, c'était avant de relire « Au Bonheur des Dames » ! et il va me falloir faire une petite place sur le podium à ce monument-là.
Doublement monumental, ce monument : l'oeuvre, et le magasin, le second offrant à la première prétexte à une prose somptueuse, plus vivante que la vie, impressionnante de mouvement, de superbe et d'industrie, qui porte en elle tout le bouillonnement de cette fin de siècle parisien emportée dans les flots de l'argent roi et le tumulte du commerce de masse naissant.
Nous sommes au théâtre, et c'est le décor qui tient le premier rôle dans ce texte où les descriptions, pourtant longues et répétées, fascinent et emmènent le lecteur plus loin que nulle part ailleurs. Jamais je n'ai lu de texte descriptif avec les yeux si grand ouverts, au point que consulter des gravures d'époque est bien peu au regard de la puissance d'évocation du Bonheur des Dames et de son luxe, ses rayons plantureux, ses agencements calculés, son activité industrieuse, sa croissance exponentielle, son rayonnement létal sur le petit commerce de rue, sa puissance d'attraction de toutes les classes sociales autour de la consommation.
Gravitant autour de ce temple, les personnages principaux et secondaires, animés par un Zola au sommet de son art, l'ancrent dans son axe : la société fortement hiérarchisée populaire et petit bourgeoise salariée du magasin, tendue vers ses aspirations individuelles d'ascension sociale ; la masse hystérisée à chaque nouvelle collection des clients ; ou plutôt des clientes, ces femmes, toutes classes confondues, par lesquelles Mouret le commerçant visionnaire et bouillonnant arrive et qu'il tient dans sa main, sauf une : la tendre mais inébranlable Denise, pierre angulaire de l'édifice bien qu'hermétique à son chant de sirène.
Et Zola de parfaire le tableau avec un contrepoint à cette incandescence dans l'évocation des pauvres Baudu qui moisissent dans leurs draps invendus, Bourras le résistant brandissant ses parapluies que les clients dédaignent, tous cette misérable société de petits commerçants d'un temps révolu, sacrifiés sous les ors du Bonheur.
Pas une ligne de trop, pas une seconde d'ennui, pas une scène qui ne soit réussie ; leçon d'économie, précis de sociologie parisienne, traité d'architecture, chef d'oeuvre de romantisme et de naturalisme : aucun doute, « l'Assommoir » va devoir se serrer pour faire une place à son glorieux pendant !
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Une lecture que j'ai abordé avec un peu d'appréhension : après les chefs d'oeuvre que sont Germinal, L'Assommoir ou Nana, que j'avais lus et relus, j'avais l'impression que le risque d'être déçue était immense. Pourtant je me suis encore une fois régalée même si ce volume pourrait se résumer en la banale histoire d'une jeune fille pauvre de province qui tente sa chance à Paris, avec histoire d'amour à la clé. Dit comme ça, ce n'est guère tentant. Mais le sujet n'est pas là, comme dans tous les tomes des Rougon-Macquart, Zola dresse une peinture saisissante de son époque, et il s'arrête ici sur un moment important : la naissance des grands magasins à Paris. On y voit l'apparition des techniques de marketing et de la publicité ainsi que la concurrence acharnée avec les petits commerçants dans toutes les branches de l'habillement, des tissus et jusqu'à l'ameublement. Et le lecteur actuel sait que cela aboutira à la naissance de la grande distribution au siècle suivant, avec la disparition de pratiquement tous les autres commerces. Au fil du roman nous observons cette longue et lente lutte, perdue d'avance, mais sans que les perdants ne le réalisent, sans qu'ils ne perçoivent ni n'admettent que cette évolution est inéluctable. Denise, témoin de l'intérieur de ce changement, est d'emblée sympathique, d'autant que son ascension sociale commence mal et est semée d'embûches. Il n'y a pas de personnages foncièrement mauvais dans ce tome, plutôt des individus qui n'ont guère d'autre choix que d'être odieux pour s'en sortir, leur méchanceté est rarement gratuite. Reste que les rapports sociaux sont rudes, même si Zola n'égratigne guère le patron, Octave Mouret, d'autant moins que comme il le dit, si ce n'était lui qui avait fondé ce grand magasin, ce serait un autre. Tout sonne juste, tout est finement observé, jusqu'aux balbutiements de la vente par correspondance, l'apparition de la kleptomanie ou encore l'évolution du statut des femmes avec la possibilité d'être indépendante sans être considérée comme «de mauvaise vie», voire même de gagner plus d'argent que leur mari. La lecture est aisée avec un bon équilibre entre descriptions, actions et dialogues, sauf dans la dernière partie avec la semaine du Blanc. Bref, c'est encore un roman très réussi. Peut-être vais-je me décider enfin à lire les Rougon-Macquart dans l'ordre !
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