Citations sur Les Rougon-Macquart, tome 13 : Germinal (274)
Jamais la mine ne chômait, il y avait nuit et jour des insectes humains fouissant la roche, à six cents mètres sous les champs de betteraves.
en voila encore des idees!est-ce que vous avez besoin d'un bon dieu et de son paradis pour etre heureux?est-ce que vous ne pouvez pas faire vous-meme le bonheur sur terre
Maintenant, en plein ciel,le soleil d’avril rayonnait dans sa gloire, échauffant la terre qui enfantait. Du flanc nourricier jaillissait la vie, les bourgeons crevaient en feuilles vertes, des champs tressaillaient de la poussée des herbes. De toutes parts, des graines se gonflaient, s’allongeaient, gerçaient la plaine, travaillées d’un besoin de chaleur et de lumière. Un débordement de sève coulait avec des voix chuchotantes, le bruit des herbes s’épandait en un grand baiser. Encore, encore de plus en plus distinctement, comme s’ils se fussent rapprochés du sol, les camarades tapaient. Aux rayons enflammés de l’astre, par cette matinée de jeunesse, c’était de cette rumeur que la campagne était grosse. Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissait pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt éclater la terre.
Alors, sur le terri ébranlé, Souvarine se leva. Il avait reconnu la Maheude et Zacharie, sanglotant en face de cet effondrement, dont le poids pesait si lourd sur les têtes des misérables qui agonisaient au fond. Et il jeta sa dernière cigarette, il s'éloigna sans un regard en arrière, dans la nuit devenue noire. Au loin, son ombre diminua, se fondit dans l'ombre. C'était là-bas qu'il allait à l'inconnu. Il allait de son air tranquille, à l'extermination, partout où il y aurait de la dynamite pour faire sauter les villes et les hommes. Ce sera lui, sans doute, quand la bourgeoisie agonisante entendra, sous elle, à chacun de ses pas, éclater le pavé des rues.
Ils étaient là-bas à bonne école pour savoir se résigner; on pouvait se serrer le ventre pendant huit jours, lorsqu'on avalait le feu et l'eau depuis l'âge de douze ans; et leur dévouement se doublait ainsi d'un orgueil de soldats, d'hommes fiers de leur métier, ayant pris, dans leur lutte quotidienne contre la mort, une vantardise du sacrifice.
Il n'y a pas d'autre arrangement possible, il faut que le travail soit payé pour être fait...
« Voilà la liberté du travail ! » s'écria M. Hennebeau.
Alors, on revint sur la grève, on lui demanda son opinion.
« Oh ! répondit-il, nous en avons vu d'autres... Ce sera une semaine, une quinzaine au plus de paresse, comme la dernière fois. Ils vont rouler les cabarets ; puis, quand ils auront faim, ils retourneront aux fosses. »
Deneulin hocha la tête.
« Je ne suis pas si tranquille... Cette fois, ils paraissent mieux organisés. N'ont-ils pas une caisse de prévoyance ?
- Oui, à peine trois mille francs : où voulez-vous qu'ils aillent avec ça ?... [...] N'importe, dans huit jours, la moitié des hommes redescendra, et dans quinze, les dix mille seront au fond. »
Jamais vous ne serez dignes du bonheur, tant que vous aurez quelque chose à vous, et que votre haine des bourgeois viendra uniquement de votre besoin enragé d'être des bourgeois à leur place.
Peu à peu, la nuit se noyait, la pluie tombait maintenant, lente, continue, abîmant ce néant au fond de son ruissellement monotone tandis qu'une seule voix s'entendait encore, la respiration grosse et lente de la machine d'épuisement, qui jour et nuit soufflait.
Et les idées semées par Étienne poussaient, s'élargissaient dans ce cri de révolte. C'était l'impatience devant l'âge d'or promis, la hâte d'avoir sa part du bonheur, au-delà de cet horizon de misère, fermé comme une tombe. L'injustice devenait trop grande, ils finiraient par exiger leur droit, puisqu'on leur retirait le pain de la bouche. Les femmes surtout auraient voulu entrer d'assaut, tout de suite, dans cette cité idéale du progrès, où il n'y aurait plus de misérables. Il faisait presque nuit, et la pluie redoublait, qu'elles emplissaient encore le coron de leurs larmes, au milieu de la débandade glapissante des enfants.