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sur 915 notes
L'Argent de Zola : une nouvelle preuve que la saga des Rougon Macquart fait oeuvre de marqueur intemporel de l'évolution des sociétés humaines !
Nous voilà revenus, après la Curée, dans l'univers de l'argent. le gros argent, celui de la Bourse, que l'on fait couler à flot pour le seul plaisir de le sentir couler, quitte à dévaster dans son sillage tout ce qui l'a fait naître et grossir, les projets économiques viables et utiles comme les illusions des petites gens.
C'est cette soif inaltérable qui fait vibrer Saccard, filou magnifique, financier véreux, et qui le pousse à prendre appui sur les projets de développement en Orient de Hamelin et sa soeur, madame Caroline, pour faire sur la place de Paris la démonstration de sa puissance à travers la création de la Banque Universelle. Faisant peu de cas des quelques malversations nécessaires à son essor, il n'a de cesse de la pousser haut, toujours plus haut, entrainant avec lui dans un mouvement croissant d'hystéries collectives argentiers, entrepreneurs, nobles et politiciens corrompus, et surtout tout une kyrielle de petits porteurs d'abord sages puis rendus fous par l'appât du gain, jusqu'à l'effondrement final.

A travers le récit de la naissance à la mort de cette banque fondée sur une vision de prospérité saine mais viciée dès l'origine par des appétits démesurés, ce n'est pas seulement sous l'angle de la spéculation, de l'avidité, de la corruption et de la griserie du jeu que Zola nous présente l'argent ; en fin analyste et habile conteur, l'auteur met en regard de ces noirs aspects, grâce à une fantastique galerie de personnages de tous milieux, ce que l'argent apporte de positif aux hommes et aux sociétés : progrès économique et social, carburant pour employer les énergies créatives, recul de la misère. Utopies balayées au final, dans une scène paroxystique de débandade à la corbeille dont tant ressortiront rincés, finis, sauf ceux qui, tels Madame Caroline, restent riches de leurs valeurs.

J'ai dévoré cet opus trépidant et édifiant des Rougon, parfait de bout en bout, pour lequel je regrette juste le développement inabouti du personnage de Victor, fils caché de Saccard qui aurait pu mieux éclairer en creux et le caractère de son père, et celui de l'époque.



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Cet opus des Rougon-Macquart de Zola se concentre autour du personnage de Saccard, le personnage est animé par un désir profond de pouvoir, de puissance mais ce pouvoir passe par l'accumulation d'argent. Les batailles ont lieu à la bourse est non plus dans les prairies. La lutte virile contre son ennemi le banquier Gundermann anime Saccard. un temps on peut penser que le personnage est intéressé par l'accomplissement d'une mission chrétienne dans cette France encore première fille de l'Eglise, mais il s'agit d'un prétexte mensonger pour Saccard et un formidable argument de vente. Cela dit, peut être que les voeux de développement humain de la région du moyen orient ou de renaissance de la ferveur des croisades ne sont ils que des histoires que se racontent peut être chacun des personnages pour pouvoir masquer au monde et surtout à eux-même leur envie de s'enrichir par la spéculation, c'est à dire depuis leur séjour, leur divan (cela va de Madame de Beauvilliers à Mademoiselle Caroline Hamelin et son frère).

Un mot du style de Zola, l'inventeur du roman naturaliste, ce mouvement littéraire de la fin du XIXe siècle né dans le prolongement du réalisme entend faire du romancier un scientifique au plus proche de l'expérience du réel tout cela sans enjoliver le réel. le roman naturalisme prend les personnages tels qu'ils sont dans la vie et dépeint au plus près leurs traits, gracieux et disgracieux sans n'en rien épargner à la pudeur. Certes, Zola n'a pas la syntaxe de Flaubert, le verbe de Barbey d'Aurevilly ou le romanesque de Stendhal mais qu'importe. Il ne serait pas de bon ton d'opposer les auteurs car ce que Zola apporte est un air frais, venu d'en bas, venu du peuple sur le roman qui si souvent ne s'intéresse qu'au monde - souvent le même - dans lequel évolue son auteur. Alors à celles et ceux qui reprocheraient à Zola son manque de poésie, Hannah Arendt disait "on peut raconter des histoires et écrire des poèmes sur la vie, on ne peut rendre la vie poétique, la vivre comme si c'était une oeuvre d'art"; le prix à payer lorsque l'on veut (d)écrire au plus près ce que fut le réel.


Dans l'Argent, premier indice, nous sommes à la fin du second Empire, et des personnages réels tels que Bismarck apparaissent dans le roman, mais également nombre d'évènements de la vie politique de l'époque. Pour décrire le commerce de l'argent, l'auteur s'est beaucoup documenté, notamment pour dépeindre le mécanisme de ce “marché” pas comme les autres que constitue le marché boursier du XIXe siècle avec ces ordres, ces papiers, ces coulissiers, ces hommes de pailles etc.. mais également le fonctionnement des opérations de capital, les augmentations, les offres au public, les primes d'émissions, le code de commerce, habilement détourné par Saccard en faisant racheter par l'Universelle ses propres actions pour soutenir l'insatiable hausse du cours jusqu'à plonger les porteurs dans la ruine.
Mais au delà du détail, c'est l'atmosphère de la Bourse qui saisi le lecteur dans ses angoisses, ses fulgurances, ses émois et son éternel tumulte.
En plus de l'intérêt quasi-documentaire, le lecteur trouvera une réflexion littéraire sur l'argent et son impact à la fois sur la société, au travers de personnages comme Sigismond, le marxiste, qui promet sa disparition prochaine, mais également dans le coeur des hommes, avec les sentiments de Madame Caroline qui finit par y voir la corruption des coeurs et des âmes, de la Méchain et Busch qui le pourchasse sans jamais donner l'impression de le trouver. Chez les Maraud et autres joueurs et commentateurs qui se passionnent pour l'exaltation aléatoire du temple de la Bourse.
Et bien sur Saccard pour qui l'argent est la source de tout, dépassant ses rêves de gloire orientale et même son antisémitisme tenace, comme ivre de son pouvoir financier Saccard ne cesse d'appeler l'argent mais jamais ne profite de cet fortune amassée.
Etrangement, à la chute de l'Universelle, les réactions sont partagées, certains en veulent à Saccard d'avoir triché, de s'être noyé dans son avidité et sa quête folle de pouvoir au point d'oublier tous ceux qui lui avait fait confiance. D'autres en revanche gardent pour lui de la sympathie et même de la reconnaissance, prêts à lui faire confiance de nouveau tant la fulgurence de l'universelle reste un espoir à leurs yeux. Puis par contingence, Saccard a pu faire le bien, notamment pour Jordan et son épouse Marcelle.
Le personnage de Saccard suscite l'ambivalence, on aime à détester cet antihéros animé par peu de bons sentiments. Notre image du personnage est sans cesse questionné par le point de vue des autres personnages. Mais c'est peut être à Madame Caroline que nous devons le meilleur portrait de Saccard, personnification de l'argent comme un mal nécessaire.
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Un roman toujours très symétrique dans sa conception mais efficace et d'une grande puissance.
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Zola fait partie des écrivains que je relis avec plaisir et dont je redécouvre les romans avec bonheur. le lecteur explorant aujourd'hui l'Argent, publié en 1891, est nourri de similitudes troublantes. Tout y annonce, dans ce XIXème siècle finissant, les grands changements qui vont bouleverser le XXème, et qui se poursuivent au XXIème.
L'héroïne du livre est la Bourse bien sûr. Aristide Rougon, dit Saccard, que nous retrouvons ici après "La Curée" en est son instrument.
Si les bourses de valeur sont connues depuis l'Antiquité, la révolution industrielle du XIXème siècle va être le détonateur des grandes opérations boursières et de la spéculation à grande échelle. Les moyens peuvent paraître encore archaïques : les ordres inter-bourses sont transmis via télégraphe et pigeons-voyageurs, et sur place, ils se font à la criée ; il y a des heures d'ouverture et de fermeture ; les opérations sont nécessairement comptabilisées chaque jour. le trader d'aujourd'hui peut sourire, pour autant, les ressorts qui sous-tendent ces opérations sont et demeurent tout bonnement humains, ce sont la soif de l'enrichissement rapide, les relations de pouvoir, et le sexe.
Spéculations multiples sur les chemins de fer, sur les grands travaux, internationaux et nationaux. Spéculation, qui peut enrichir ou ruiner tout aussi soudainement, notamment les petits épargnants français habitués aux rentes constituées et aux obligations
L'Argent, c'est la fin d'un monde, celui des grandes terres, les grands domaines seigneuriaux sont démantelés et ne valent plus rien. C'est un début, celui de la ruée vers l'Orient, qui ne peut être qu'une "vieille terre, endormie sous les civilisations mortes", où une ville pousse en quatre ans sur les sables. de fait, c'est la programmation annoncée d'un désastre sur les paysages et les modes de vie, l'annonce d'un environnement chaque jour dégradé.
L'Argent, c'est la lutte entre le banquier juif, Gundermann, et le catholique, Saccard. le soupçon de cette époque à l'égard des juifs français est d'avoir aidé le vainqueur prussien de 1870 (voir La Débâcle de Zola). Pour nous qui connaissons la suite de l'histoire, quel poison en germe, quelles moissons futures funestes.
L'Argent, c'est la description de l'émergence du concept d'une société égalitaire, sans propriété privée ; le communisme marxiste devient au début de XIXème siècle une composante du socialisme.
L'Argent, c'est une galerie de personnages, de situations et de lieux, décrits avec le sens du détail et la méthode propres à Zola, écrivain naturaliste. Il écrit comme on peint, évoque la lumière, les couleurs, les formes. Il use et abuse avec bonheur d'adjectifs évocateurs, de comparaisons audacieuses.
L'Argent, un mal nécessaire ? La question reste grande ouverte et n'est pas conclue par Zola au terme du livre, qui se termine par la description de Mme Caroline, grande amie de Saccard qui, enivrée par le renouveau du printemps après l'hiver tragique, reprend espoir et martèle le pavé parisien de son petit pas ferme. "La vie telle qu'elle est, dans sa force, si abominable qu'elle soit, avec son éternel espoir" !

Lien : https://www.etudes-litterair..
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L'argent n'est pas, et loin s'en faut, le plus aimable des Rougon-Macquart.

Le sujet en est aride et le traitement fouillé à l'extrême, comme toujours chez Zola. Ce qui fait que le lecteur profane que je suis, qui ni ne lit "Les Échos", ni ne fait partie du fan-club de Jean-Pierre Gaillard, s'y est perdu souvent en conjectures.

L'argent, splendeur et misère(s) des boursicoteurs, c'est le retour sur le devant de la scène d'Aristide Saccart : après avoir tout perdu (cf. La curée), son appétit de revanche est immense. Il va donc refaire fortune et devenir l'un des maîtres de la Bourse.

Il crée la Banque universelle, utilise la presse, triche un peu, beaucoup puis passionnément, monte au firmament de la gloire et de la puissance avant de chuter et d'entraîner avec lui dans le caniveau une foule de braves gens trop crédules.

Saccart est charismatique, certes, mais Zola ne lui donne jamais vraiment la parole : c'est plus un "type" qu'un personnage. Cependant, le romancier a créé autour de son héros une foule de comparses, dont certains sont inoubliables.

On se souviendra avec émotion de la déchéance d'une fin de race, la Comtesse de Beauvilliers et du viol salace de sa fille Alice, du suicide de Mazaud, l'agent de change, trop honnête pour survivre au déshonneur ou des délires de Sigismond Busch, utopiste phtisique.

Mais Zola, comme souvent, excelle dans l'ignoble et ses deux plus sombres créatures sont l'infâme Busch l'aîné, usurier et trafiquant de valeurs dépréciées (je n'ai pu m'empêcher de penser au Jéricho de Pierre Renoir) et sa complice la Méchain, affreuse crapaude, marchande de sommeil et charognarde.

Enfin il y a d'abord et surtout, Caroline Hamelin, belle étude de femme forte et pleine de vigueur : son optimisme raisonné transcende tout le roman et empêche celui-ci de trop verser dans la noirceur.

Toujours d'actualité (les affaires Tapie-Crédit Lyonnais ou Kerviel-Société Générale le prouvent), L'argent, s'il n'a pas fait mon bonheur, y a contribué...
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Monde de finance et monde de rues.

Rues en émoi et en révoltes sourdes.

Intérêts des uns aux profits ourdis de ces autres sans considérations pour cette société exsangue.

Regards d'une nation aux chemins se construisant à l'aune d'un siècle en devenir.
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Un des meilleurs volumes des Rougon-Macquart ! Cette histoire de spéculation, de bourse, de faillites et de succès financiers est passionnante jusqu'à la dernière ligne. Tout y est : les personnages, la documentation de Zola, toujours impeccable, le scénario, l'étude des moeurs, des milieude largent. du grand art.
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L'Argent est le 18e roman du cycle des Rougon-Macquart, que je lis comme une poule qui picorerait sa mangeoire par intermittence, en sachant que le bon grain est là, qu'il m'attend et ne s'en ira pas. Quelques années ont passé depuis le dernier, mais j'ai retrouvé avec la même admiration, un plaisir jamais démenti, le réalisme de Zola. Il nous plonge dans la frénésie boursière, l'univers impitoyable des spéculateurs, la société sous Napoléon III dont il déroule des tranches choisies sans oublier la misère, le sordide et les destins tragiques. L'auteur s'est inspiré du scandale de la banque de Panama, qui défraya la chronique à la fin du 19e pour composer la trame de l'Argent. Il pourrait écrire le même livre aujourd'hui. Rien n'a changé. La spéculation domine le monde, l'explosion des bulles ruine et paupérise des millions de gens, la presse aux ordres de la finance participe du grand cirque. Les Saccard s'appellent Messier, les Gundermann Soros, mais les mêmes causes produisent les mêmes effets. Des sociétés sont valorisées à des montants faramineux qui ne reposent sur aucun actif tangible avant de se révéler des coquilles vides qui se brisent à la moindre pression sérieuse. En ce moment, les licornes drainent l'épargne des naïfs en quête d'une part du rêve promis. le système n'a rien appris de ce passé, ne veut pas se remettre en question malgré la certitude de la survenue de prochaines crises. Il continue à croire en la toute-puissance des marchés, en leur rationalité, en leur potentiel de développement, alors que tout montre l'inverse. Le veau d'or rend arrogant,sourd et aveugle. L'illustration de Zola emporte dans un voyage vers le futur. le mien sera celui d'un nouveau tome de sa série.

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Zola nous plonge dans ce tome dans le royaume du pouvoir car l'argent c'est le pouvoir, quand on tombe dans ses mailles au point d'en faire un acquis, on voudra toujours, encore et encore
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L'Argent ou le retour de Saccard. Nous avions laissé le frère de son excellence Eugène Rougon ruiné à la fin du troisième tome, La curée. Dans cet antépénultième volume des Rougon-Macquart, nous retrouvons l'insatiable Aristide Rougon, dit Saccard, enrageant à la Bourse de ses mésaventures, jurant de dominer de nouveau Paris.
La chance lui sourit : au-dessus de chez lui vivent l'ingénieur Hamelin et sa soeur, Mme Caroline. Ensemble, ils ont visité tout l'Orient et, de ses années de voyage, l'ingénieur est revenu avec de nombreux plans pour exploiter les richesses de ces pays. Pour Saccard, c'est le déclic ! On allait créer une banque afin de financer la mise en place de la Compagnie générale des Paquebots réunis, de la Société des mines d'argent du Carmel, d'une route entre le Carmel et Saint-Jean-d'Acre, d'un système de chemin de fer traversant l'Asie Mineure et, enfin, ce que personne n'osait dire, on rendrait Jérusalem au Pape si un jour les Italiens le chassait de Rome : ainsi naquit l'Universelle.

Je ne m'étendrai pas ici sur ce que Saccard fit de sa banque. L'homme dévoreur de millions n'avait qu'une obsession : que les actions dépassent le cours de trois mille. Il mit tous les moyens en oeuvre pour y parvenir, quitte à faire acheter les titres par des prête-noms. Ce roman reprend l'affaire de l'Union générale en 1882 et semble, à notre époque, rappeler les évènements de 2009.
Zola décrit ici très précisément le fonctionnement de la Bourse, comment on peut perdre ou gagner des millions en quelques heures. Pour cela aussi, ce roman m'a beaucoup intéressée. L'édition le livre de poche comprenait par ailleurs un dossier expliquant les termes techniques employés par l'auteur, le krach de l'Union générale, les réglementations financières de la fin du XIXème, etc afin de faciliter la compréhension.
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