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3,87

sur 900 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
L'argent... tiens, tiens, ça me dit quelque chose en ce moment... Un peu comme si une frénésie d'argent s'emparait de tout et de tout le monde avec des airs de jouer au ballon... Mais non, j'ai dû me tromper de sujet, il n'y a aucun rapport entre le sport et l'argent... Les joueurs ne sont pas une marchandise cotée en bourse... euh...

L'Argent, oui, nous y sommes en plein, L'Argent, un des plus magnifiques livres des Rougon-Macquart, selon moi, où l'on suivra cette fois Aristide Rougon, le frère du ministre, nommé Saccard, qu'on avait déjà vu à l'oeuvre dans La Curée, livre auquel je vous renvoie pour comprendre les raisons de ce changement de nom.

Ici seront moins détaillés les vices et les dérives du luxe comme dans La Curée (ou Nana) et l'angle de vue sera davantage focalisé sur les mécanismes financiers, un peu à la manière d'Au Bonheur Des Dames qui détaillait quant à lui la mécanique marchande.

Nous retrouvons Aristide, quelques années après ses déboires de la fin de la Curée, en pleine forme, as de la finance, mais emporté comme toujours par son euphorie du jeu et de l'argent facile sur un coup de dé. Il est sujet, dans sa frénésie du gain, à la perte totale de contrôle, quitte à faire tomber tout le monde dans son sillage. Cela ne vous rappelle pas certaines affaires récentes ou moins récentes et un certain Jérôme Kerviel (et tellement, tellement d'autres) ?

Dans ses tractations, le délit d'initié est roi. Cela ne vous rappelle pas l'affaire EADS (entre autres) ou plus anciennement Pechiney et son lien avec le pouvoir de l'époque (Mitterand). Ici, c'est Huret, l'homme de main du ministre et frère de Saccard (voir le n°6 Son Excellence Eugène Rougon).

Mais aujourd'hui il n'y a plus rien à craindre de ce genre puisqu'il n'y a plus aucun lien entre les hommes de pouvoirs et de finance (aucune élection qui soit pilotée, aux USA ou ailleurs, par des gros financiers, même pas un petit Sarkozy qu'on essaierait de caser, même pas le frère de l'ancien président à un poste important au MEDEF, rien, tout ça c'est du passé, maintenant tout est propre, à gauche comme à droite, l'intégrité fait loi !).

Bref, on est surpris de voir à quel point rien n'a changé, à quel point la finance était, est et restera une gigantesque magouille légale, qui fait ce qu'elle veut, et qui dicte aux politiques leur marche à suivre.

Saccard me fait penser à Jean-Marie Messier, génial tant qu'il gagnait, bon à jeter aux cochons quand l'empire s'écroula. Tous les rats de la bourse quittent évidemment le navire au premier tangage et seuls restent sur le carreau les petits actionnaires qui ont toujours une guerre de retard car ils ne jouent pas dans la même cour. Je le dis à tout hasard mais ça ne vous rappelle pas un scénario de 2008 ?

Le texte de Zola est extrêmement documentaire et décrit quasi intégralement le scandale de la banque Union Générale en 1882, désignée dans le roman sous le nom L'Universelle. Gundermann est le financier juif concurrent du fervent catholique et monarchiste Saccard. On reconnaît sans peine le portrait de James de Rothschild sous Gundermann et de Paul Eugène Bontoux sous Saccard même si historiquement, les deux hommes ne se sont jamais affrontés car James de Rothschild est mort avant même la création de la banque de Bontoux.

Autre personnage étrange du roman, Sigismond, le frère chétif du plus abject charognard du roman, communiste convaincu auquel Zola fait dire des tirades pleines d'utopie et qui annoncent déjà en quoi le communisme était voué à l'échec avant même d'avoir vu le jour.

C'est donc un chef-d'oeuvre visionnaire que vous avez là sous les yeux, un quasi essai, un texte, à beaucoup d'égards, plus journalistique et documentaire que romanesque. À lire absolument si l'on souhaite ouvrir un peu son regard sur la manière dont fonctionne le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui. Un monde qui, je crois, répond plus que jamais à cette description — cruellement réaliste —, mais ce n'est là que mon avis, à ne pas prendre pour argent comptant, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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♫ Argent, trop cher
Trop grand ♪
La vie n'a pas de prix, pas de prix ♬

Je continue de cheminer de manière chronologique dans la saga extraordinaire des Rougon-Macquart et me voici parvenu à présent au dix-huitième roman.
À l'entame de cet opus, je n'y allais pas avec le même enthousiasme ressenti au cours de mes précédentes lectures.
On le sait puisqu'il s'en est confié, Émile Zola s'est ici inspiré directement du krach de l'Union générale.
Malgré le sujet un peu austère et quelque peu rébarbatif a priori, - avouons-le ce thème pourrait éloigner la narration d'un récit romanesque, il y a cependant indubitablement une construction artistique qui fait de ce récit un très beau roman de Zola, un de ses meilleurs du reste, car le véritable thème de ce récit n'est pas l'argent mais tout ce qui imbrique autour de l'argent, personnages, intrigues, manoeuvres, désirs, passions, dérives abyssales...
C'est un roman sur la vie et qui vient faire sens avec le long cheminement qui serpente, couture l'oeuvre des Rougon-Macquart et visite le destin de ces deux familles. La vie, telle qu'elle est, dans sa force, dans sa violence et dans ses désillusions...
Zola ne fait pas de l'argent une cible sur laquelle il envisage de déverser sa bile. Ici, l'écrivain à aucun moment n'attaque ni ne défend l'argent, il se contente de décrire ses conséquences dans sa manière d'opposer les classes aisées aux classes pauvres et d'en tresser des histoires. La question sociale vient forcément, inévitablement, s'entrelacer dans l'intrigue du récit.
Ici, comme toujours, ce roman peut être lu pour la première fois sans tenir compte de la genèse qui porte l'ampleur de l'oeuvre des Rougon-Macquart. Cependant et je vous le conseille, si vous avez suivi les précédents volumes, vous reconnaîtrez le personnage principal dans sa fourberie, sa cupidité, son avidité de fortune, son hypocrisie, sa manière de sans cesse se retourner, s'esquiver dans une situation délicate ou dangereuse, j'ai nommé Aristide Saccard, frère du ministre Eugène Rougon, qu'on avait déjà vu amasser une fortune colossale dans La Curée. Après une succession de mauvaises affaires, il doit repartir de zéro, mais son ambition est demeurée intacte. Entre temps, il a retrouvé fortune, - ces gens-là ont une capacité à rebondir qui m'a toujours sidéré -, loue deux étages d'un hôtel particulier à Paris où il installe sa banque qu'il vient de créer et qu'il nomme la Banque Universelle, destinée à financer des projets de mise en valeur du Moyen-Orient. Tout est fait pour attirer petits et moyens épargnants, auxquels on promet des gains faciles et rapides. Mais voilà, on ne se refait pas, Aristide Saccard a l'idée de pousser son désir d'enrichissement un peu plus loin en rachetant des actions émises par sa propre banque, qu'il rachète sous un autre nom, tout ceci construit un édifice de sable qui ne tardera pas à s'écrouler.
Il faut lire ce roman mal-aimé comme un récit dramatique, disant du monde de la Bourse ce qu'est peut-être le monde qui tournoie autour de nous, tente de nous gouverner, malgré nos rêves et les papillons qui frétillent dans nos ventres.
Zola décrit ici des scènes saisissantes de réalisme ou la Bourse devient une arène à l'image d'une Rome antique, ce sont des fauves dans l'arène qui se jettent en pâture sur les plus faibles.
Puis vient forcément le moment fatidique...
Derrière l'histoire d'une ascension vertigineuse, effroyable, sans scrupules, celle d'un homme avide de tout, vient s'entremêler plusieurs narratifs, dont celui de l'antisémitisme dans la concurrence financière qui s'affronte sous ce Second Empire. Je retrouve ici l'écrivain que j'aime tant, peintre de l'âme humaine, fidèle aux faits, attentionné aux valeurs qui l'ont toujours guidé, toujours prenant le pouls de son temps pour nourrir son dessein qui demeure universel encore à mes yeux.
Les personnages, puisqu'il m'est permis dans dire deux ou trois mots, sont comme toujours ciselés à merveille, jamais manichéens. Émile Zola nous permet d'approcher certaines facettes improbables et nuancées d'Aristide Saccard dont j'ai apprécié l'ambivalence tout en détestant le personnage, sous le regard étonné, épris d'une certaine Caroline, magnifique personnage féminin du roman qui lui donne de la lumière, touchante à bien des moments, que j'ai parfois trouvé cependant bien naïve et trop complaisante avec le sieur Saccard, mais l'amour a ses raisons... Si c'était si lisse, y aurait-il des romans ? Elle aide cependant par son regard à questionner sans cesse le personnage principal et je reconnais que ce procédé habile est une prouesse littéraire à mettre à l'actif de l'auteur.
Pour donner envie aux amateurs de Zola et qui seraient quelque peu freiné par le thème, je rapprocherai volontiers cet opus de celui du Bonheur des dames, on y retrouve le même cheminement, ici l'emprise financière remplace le besoin de consommation, le décor change, les acteurs changent, mais l'axe narratif reste inchangé. de l'excellent Zola !
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L'Argent de Zola : une nouvelle preuve que la saga des Rougon Macquart fait oeuvre de marqueur intemporel de l'évolution des sociétés humaines !
Nous voilà revenus, après la Curée, dans l'univers de l'argent. le gros argent, celui de la Bourse, que l'on fait couler à flot pour le seul plaisir de le sentir couler, quitte à dévaster dans son sillage tout ce qui l'a fait naître et grossir, les projets économiques viables et utiles comme les illusions des petites gens.
C'est cette soif inaltérable qui fait vibrer Saccard, filou magnifique, financier véreux, et qui le pousse à prendre appui sur les projets de développement en Orient de Hamelin et sa soeur, madame Caroline, pour faire sur la place de Paris la démonstration de sa puissance à travers la création de la Banque Universelle. Faisant peu de cas des quelques malversations nécessaires à son essor, il n'a de cesse de la pousser haut, toujours plus haut, entrainant avec lui dans un mouvement croissant d'hystéries collectives argentiers, entrepreneurs, nobles et politiciens corrompus, et surtout tout une kyrielle de petits porteurs d'abord sages puis rendus fous par l'appât du gain, jusqu'à l'effondrement final.

A travers le récit de la naissance à la mort de cette banque fondée sur une vision de prospérité saine mais viciée dès l'origine par des appétits démesurés, ce n'est pas seulement sous l'angle de la spéculation, de l'avidité, de la corruption et de la griserie du jeu que Zola nous présente l'argent ; en fin analyste et habile conteur, l'auteur met en regard de ces noirs aspects, grâce à une fantastique galerie de personnages de tous milieux, ce que l'argent apporte de positif aux hommes et aux sociétés : progrès économique et social, carburant pour employer les énergies créatives, recul de la misère. Utopies balayées au final, dans une scène paroxystique de débandade à la corbeille dont tant ressortiront rincés, finis, sauf ceux qui, tels Madame Caroline, restent riches de leurs valeurs.

J'ai dévoré cet opus trépidant et édifiant des Rougon, parfait de bout en bout, pour lequel je regrette juste le développement inabouti du personnage de Victor, fils caché de Saccard qui aurait pu mieux éclairer en creux et le caractère de son père, et celui de l'époque.



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Ce roman de Zola porte sur la Bourse, sur la vie politique à la fin du second Empire et sur les journaux. L'argent fait le bonheur? Pour certains peut-être, pour d'autres, c'est moins sûr. Mais une chose est certaine, mon papa me disait que la Bourse, ce n'est pas un jeu et que ceux qui disent que si, ben, ce sont des joueurs…
«ll est là pour les clients de sa maison, ce qui est bien naturel. Et il y est aussi pour son propre compte, car il doit jouer.»

Mon quatrième tome des Rougon-Macquart et toujours aussi emballée. Cette lecture commune d'un groupe me soutient car qui lit Zola de nos jours sinon des mordus de littérature et des amoureux de la langue française qui aiment renouer avec l'histoire et les fondations de la France actuelle.

Zola nous amène au coeur des tractations boursières avec Aristide Rougon, surnommé Saccard, qui met tout en oeuvre pour créer sa propre banque : la Banque Universelle. Celui-ci, appâté par le gain, entraine son entourage dans son aventure jusqu'à la mise en abîme et le malheur de son entourage. Un entourage qui le soutient malgré son ego démesuré et son amour de l'argent.
« Par l'argent, il avait toujours voulu, en même temps que la satisfaction de ses appétits, la magnificence d'une vie princière; et jamais il ne l'avait eu assez haute. »
Il avait la chance d'être aimé par madame Caroline, remplie de qualités, qui l'appréciait à sa juste valeur. Jusqu'à son apothéose qu'il vécu seul, sans recourir à ses compétences. L'art de se mettre dans le trouble les yeux fermés, Saccard le maîtrise vraiment bien.
« Aussi arriva-t-elle a ne plus vouloir le juger, en se disant, pour mettre en paix sa conscience de femme savante, ayant trop lu et trop réfléchi, qu'il y avait chez lui, comme chez tous les hommes, du pire et du meilleur. »

Il y a plusieurs personnages dans ce roman. Sa lecture demande concentration et le plaisir est certain. Mais le protagoniste le plus important à mon sens est la Bourse, héroïne de ce roman, qui sait faire palpiter les coeurs et vider les bourses. Et les journaux, personnages secondaires mais pourtant si importants car manipulateurs de premiers ordres. L'être humain ne demande que d'être orienté vers le bonheur et la vie facile…
Il y aurait tant à écrire sur ce livre, mais bon, je ne fais pas une thèse de maîtrise, je lis pour le plaisir. Alors au galop, je fonce vers le prochain Zola, au risque de faire une overdose. Qui ne risque rien, n'a rien…
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Saccard, frère d'Eugène Rougon, monte un projet boursier, se liant avec l'ingénieur Hamelin et sa soeur Caroline, qui devient aussi sa maîtresse. Les voisines, les Beauvilliers, nobles et ruinées, mettent tout leur argent à sa disposition. Il lance, ni plus ni moins, la Banque Universelle, catholique, contre l'argent juif. C'est tout d'abord un succès. Saccard entretient une liaison avec la baronne Sandorff, croise des grands personnages dans les salons. Busch, rude créancier, veut exploiter contre lui une vieille dette liée à un enfant naturel. Caroline s'interpose. Puis meurt Sigismond, frère de Busch, socialiste utopiste qui déteste l'argent. L'ultime projet de Saccard est de s'attaquer à la plus grande puissance de la bourse, le Juif Gundermann. En plein succès, il manque son objectif : Daigremont se retire, Gundermann gagne la bataille. C'est la débandade. Mazaud, l'agent de change, se suicide, les associés quittent le navire avec Daigremont, Victor, l'enfant naturel, violent la fille des Beauvilliers. Mais Saccard veut monter une nouvelle affaire et il a en lui une force qui lui permet d'espérer.
Thème éponyme du roman, l'argent à une force ambivalente. D'une part il génère constamment l'espoir, comme Saccard, d'autre part la plus grande malhonnêteté et le malheur sont ses fruits (comme Saccard ?)
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"Après la débâcle qui, en octobre, l'avait forcé une fois de plus à liquider sa situation, à vendre son hôtel du Parc Monceau pour louer un appartement"...Aristide Saccard (personnage balzacien indélicat déjà croisé dans La curée et frère du ministre Rougon), malgré les têtes qui se détournent sur son passage, ambitieux et revanchard, réunit un "syndicat d'amis, de banquiers,d'industriels" pour établir une ligne de chemin de fer près de Beyrouth et monter une "banque universelle".
"Ah! l'argent, cet argent pourisseur,empoisonneur qui desséchait les âmes" affirme Emile Zola à travers ses personnages.
Ecrit, suite à des faits historiques véridiques:le krach de l'Union générale catholique en 1882 (qui a provoqué une crise du crédit et de nombreuses faillites) ce roman, sociologique et psychologique, analyse, dépeint,décortique le capitalisme, tout en montrant la banque comme une ogresse qui se développe comme un énorme piège qui n'en finit pas.
Outre ses réflexions sur l'univers manichéen de cette société capitaliste du XIX° siècle, L'argent, roman naturaliste de Zola, 18° volume des Rougon-Macquart, brosse un fort portrait d'homme: celui de Saccard: passionné,jouisseur,intuitif,cynique,violent,impatient,roublard, prêt à tout pour réussir même s'il lui faut contourner les lois en dépouillant les plus crédules, en évinçant les "Juifs féroces" ses ennemis ou en abandonnant son propre enfant né d'amours adultérines.
Autour de lui gravitent l'économe qui s'engraisse,le boursier aux dents aiguisées,le spéculateur délicat,le panier percé,le rancunier malchanceux,le casse-cou,le grippe-sous,le joueur enfiévré.....et l'honnête, paisible,intelligente M° Caroline, sa gouvernante et tendre amante qui l'admire et jalouse en secret ses multiples rivales.
Sur fond de duplicité et de trahison,les grandes fortunes s'amassent, mais en un jour tout peut s'écrouler entrainant ruine,arrestation, procès et suicides pour les ruinés par trop dépressifs.
A l'époque où Karl Marx, de son côté écrit le capital, Emile Zola annonce les débuts du socialisme mais voulant rester objectif affirme:
"Je n'attaque ni ne défends l'argent, je le montre comme une force nécessaire jusqu'à ce jour,comme un facteur de progrès".
Ainsi, Saccard, l'indomptable remettra sa belle énergie dans d'autres entreprises d'envergure!
Quel talent ce Zola!
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L'Argent est le dix-huitième épisode de la saga des Rougon-Macquart, paru en 1891.

Emile Zola y décrit par le menu les mécanismes de la spéculation boursière, à partir d'un fait historique survenu entre 1878 et 1882, le krach de L'Union Générale, banque catholique appuyée par les conservateurs qui connut une faillite retentissant sur toutes les places financières européennes et favorisa grandement l'expansion de l'antisémitisme en France.

Emile Zola replace cet épisode à la fin du Second Empire : La Banque Universelle se donne l'objectif de développer des investissements immenses au Moyen-Orient (Compagnie de Paquebots, Mine d'argent, Banque Nationale Turque) et a en ligne de mire secret la remise des Lieux-Saints de Jérusalem au Pape. le personnage principal est Aristide Saccard, frère d'Eugène Rougon, ministre de Napoléon III, avec lequel il est brouillé. Saccard rencontre l'ingénieur polytechnicien naïf Hamelin, qui vit avec sa soeur, madame Caroline, belle femme de 36 ans, qui refuse le malheur et irradie le roman de sa sage bonté. Saccard est un aventurier de la finance, il s'est déjà effondré une première fois, il veut une revanche éclatante sur la haute banque juive, personnifiée par Gundermann.

Quelques bobards organisés en fuite, une information dévoilée par fraude, des ordres répartis entre des hommes de paille, puis l'engouement des petits épargnants vont porter l'Universelle aux sommets les plus fous, au mépris de la valeur intrinsèque de la société qui rachète à tout va ses propres actions pour soutenir son cours. La bataille sera épique, laissant sur le carreau des milliers de ruinés : des aristocrates, des petits bourgeois, des pauvres même qui restent criblés des dettes contractées pour acheter des actions au prix fort juste avant l'effondrement. Un carnage. Comme dans le cas de L'union générale, les directeurs feront quelques mois de prison puis s'enfuiront à l'étranger …pour recommencer !

Le roman est très long, mais l'intérêt ne faiblit pas, tant à travers des scènes de Bourse admirablement décrites que des personnages secondaires foisonnants et passionnants. A la fin, il y aura des déchéances, des suicides, des triomphes placides, des hommes qui ne rêvent que de remettre ça pour retrouver les sensations de puissance inabordables autrement.

Rien finalement ne change : souvenons-nous de l'éclatement de la bulle internet, de la crise des sub-primes, de Jean-Marie Messier surnommé « Moi, Maître du Monde », de l'affaire Madoff, du scandale Enron….Les techniques s'affinent, mais la soif du gain spéculatif, la passion du jeu l'emporte. Les krach boursiers jalonnent la marche inexorable du progrès technique.

Ce qui met vraiment mal à l'aise cependant, c'est la cruauté de Zola. Si l'on ne savait pas le rôle éminent qu'il a joué, au mépris de sa liberté – et certains disent de sa propre vie – dans la défense du Capitaine Dreyfus "J'accuse", publié par l'Aurore, on pourrait se poser la question : Zola pourrait-il être antisémite ? En effet, on rete surpris de la violence des propos "Est-ce qu'on a jamais vu un juif faisant oeuvre de ses dix doigts ? est-ce qu'il y a des juifs paysans, des juifs ouvriers ? Non, le travail déshonore, leur religion le défend presque, n'exalte que l'exploitation du travail d'autrui".

Cette violence atteint un sommet — difficilement supportable — lorsque Zola décrit les "pieds humides", qui est la petite bourse des valeurs déclassées : "Il y avait là, en un groupe tumultueux, toute une juiverie malpropre, de grasses faces luisantes, des profils desséchés d'oiseaux voraces, une extraordinaire réunion de nez typiques, rapprochés les uns des autres, ainsi que sur une proie, s'acharnant au milieu de cris gutturaux, et comme près de se dévorer entre eux.".

Pas de confusion. Zola est un grand romancier. Lorsqu'il décrit un antisémite, il en reprend tout le caractère avec la puissance d'un grand écrivain. le résultat fait froid dans le dos, c'est cela le talent. Zola a également publié dans le Figaro le 16 mai 1896 un article intitulé "Pour les Juifs" qui déclenche la fureur des antisémites. le texte est une condamnation ferme — et même violente — de l'antisémitisme : "Depuis quelques années, je suis la campagne qu'on essaye de faire en France contre les Juifs, avec une surprise et un dégoût croissants. Cela m'a l'air d'une monstruosité, j'entends une chose en dehors de tout bon sens, de toute vérité et de toute justice, une chose sotte et aveugle qui nous ramènerait à des siècles en arrière, une chose enfin qui aboutirait à la pire des abominations, une persécution religieuse, ensanglantant toutes les patries. Et je veux le dire."

Derrière l'Argent, il y a en effet des clés : Saccard, c'est Eugène Bontoux, le repreneur de la banque lyonnaise, Hamelin, l'ingénieur plein de rêves, est Feder, la Princesse d'Orviedo qui se ruine en fondations de bienfaisance et logements pour les pauvres est Madame Jules Lebaudy qui expie les manipulations de son défunt mari, et Gundermann est celui qui met à genoux à coup de millions la banque catholique, l'"ex-Prussien" Rotschild accusé de souhaiter la victoire du voisin belliqueux.

Au passage, tout de même, Zola souligne que des ces aventures financières désastreuses demeurent des investissements extraordinaires : chemins de fer, villes et voies nouvelles, assainissements de régions entières comme les Landes, ouverture de pays arriérés à la civilisation.

Il s'inscrit enfin en faux contre l'illusion marxiste, à travers les regrets du jeune Busch qui réalise au seuil de la mort l'impossibilité de son rêve de société sans argent et sans classes.
Lien : http://www.bigmammy.fr
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Quel plaisir à chaque fois de replonger dans les romans de Zola, de retrouver un de mes personnages favoris, Aristide Rougon, dit Saccard.
C'est dans le Paris des années 1890 que se passe l'histoire, Saccard se lance dans la Bourse, crée sa société de banque, la Banque Universelle. Nous trouvons Paris, où l'Argent devient LE besoin élémentaire, on veut toujours plus, gagner plus, seulement est ce vraiment le bonheur ?
Avec plaisir nous retrouvons son fils Maxime, ainsi que Victor son fils naturel, caché et vivant dans la misère.
Comme nous l'avons vécu en 2008, ce monde boursier s'écroulera...
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Zola fait partie des écrivains que je relis avec plaisir et dont je redécouvre les romans avec bonheur. le lecteur explorant aujourd'hui l'Argent, publié en 1891, est nourri de similitudes troublantes. Tout y annonce, dans ce XIXème siècle finissant, les grands changements qui vont bouleverser le XXème, et qui se poursuivent au XXIème.
L'héroïne du livre est la Bourse bien sûr. Aristide Rougon, dit Saccard, que nous retrouvons ici après "La Curée" en est son instrument.
Si les bourses de valeur sont connues depuis l'Antiquité, la révolution industrielle du XIXème siècle va être le détonateur des grandes opérations boursières et de la spéculation à grande échelle. Les moyens peuvent paraître encore archaïques : les ordres inter-bourses sont transmis via télégraphe et pigeons-voyageurs, et sur place, ils se font à la criée ; il y a des heures d'ouverture et de fermeture ; les opérations sont nécessairement comptabilisées chaque jour. le trader d'aujourd'hui peut sourire, pour autant, les ressorts qui sous-tendent ces opérations sont et demeurent tout bonnement humains, ce sont la soif de l'enrichissement rapide, les relations de pouvoir, et le sexe.
Spéculations multiples sur les chemins de fer, sur les grands travaux, internationaux et nationaux. Spéculation, qui peut enrichir ou ruiner tout aussi soudainement, notamment les petits épargnants français habitués aux rentes constituées et aux obligations
L'Argent, c'est la fin d'un monde, celui des grandes terres, les grands domaines seigneuriaux sont démantelés et ne valent plus rien. C'est un début, celui de la ruée vers l'Orient, qui ne peut être qu'une "vieille terre, endormie sous les civilisations mortes", où une ville pousse en quatre ans sur les sables. de fait, c'est la programmation annoncée d'un désastre sur les paysages et les modes de vie, l'annonce d'un environnement chaque jour dégradé.
L'Argent, c'est la lutte entre le banquier juif, Gundermann, et le catholique, Saccard. le soupçon de cette époque à l'égard des juifs français est d'avoir aidé le vainqueur prussien de 1870 (voir La Débâcle de Zola). Pour nous qui connaissons la suite de l'histoire, quel poison en germe, quelles moissons futures funestes.
L'Argent, c'est la description de l'émergence du concept d'une société égalitaire, sans propriété privée ; le communisme marxiste devient au début de XIXème siècle une composante du socialisme.
L'Argent, c'est une galerie de personnages, de situations et de lieux, décrits avec le sens du détail et la méthode propres à Zola, écrivain naturaliste. Il écrit comme on peint, évoque la lumière, les couleurs, les formes. Il use et abuse avec bonheur d'adjectifs évocateurs, de comparaisons audacieuses.
L'Argent, un mal nécessaire ? La question reste grande ouverte et n'est pas conclue par Zola au terme du livre, qui se termine par la description de Mme Caroline, grande amie de Saccard qui, enivrée par le renouveau du printemps après l'hiver tragique, reprend espoir et martèle le pavé parisien de son petit pas ferme. "La vie telle qu'elle est, dans sa force, si abominable qu'elle soit, avec son éternel espoir" !

Lien : https://www.etudes-litterair..
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Le titre expose le sujet : ici, on va parler de pognon, d'oseille, de pèze, de flouze, de grisbi… pas tellement des picaillons, des piécettes ou de la mitraille qui traînent (quand il y en a) au fond du porte-monnaie de Gervaise, mais de la richesse, des actions, des placements et des opérations financières qui font la raison de vivre de certains « hommes d'affaires ». On va parler d'argent au sens général du terme : celui qui combiné au sexe et au pouvoir, tient les rênes du monde.
Zola a déjà abordé ce thème dans plusieurs romans : dans « La Curée », le dénommé Saccard (déjà lui) nous démontrait comment on bâtit une fortune. Dans « Au bonheur des dames », Octave Mouret nous expliquait une des façons de la faire fructifier. Et la plupart des autres romans, inversement, nous égrenaient les mille et une façons de s'en passer.
« L'Argent » nous place au coeur du sujet : la Bourse est le temple de ce nouveau dieu, et Saccard est son grand-prêtre. Saccard, vous vous en souvenez, c'est Aristide Rougon, le frère d'Eugène, le ministre ; comme beaucoup de personnages de la série (surtout dans ce milieu), il n'est pas d'une moralité exemplaire, il a autant de scrupules que moi j'ai de billets de 200 euros (et même 100, d'ailleurs), il multiplie les bonnes conquêtes et les mauvais coups, bref, un seigneur.
Son nouveau truc, c'est de créer une nouvelle banque, la Banque Universelle (rien que ça, mais ça situe l'ampleur du projet), destinée à financer des investissements au Proche-Orient. (Oui, en 1864, le Proche-Orient était déjà attractif). Notre ami Saccard, déjà rompu dans toutes les manigances financières, nage là-dedans comme un poisson dans l'eau. Il a pourtant fort à faire avec des concurrents aussi requins que lui, comme le banquier Gutterman, l'affairiste Busch, ou des aventurières du tapis vert comme la baronne Sandorff, Les femmes, ce n'est pas un problème, tôt ou tard elles finissent dans son lit, au grand dam de sa maîtresse du moment, Caroline. Tous les coups sont permis, y compris ceux qui touchent à la vie privée (quelle époque ! ce n'est pas aujourd'hui qu'on verrait des choses comme ça !) Saccard triomphe, mais plus dure sera la chute…
Saccard tient le premier rôle dans cette pièce plutôt noire que rose. Mais en fait le héros du roman, c'est l'argent : c'est lui qui est à l'origine de tout, et qui commande à la manoeuvre. Zola, a accumulé pour ce livre plus de documentation que pour ses autres romans (et ce n'est pas peu dire). Il s'est inspiré de tous les scandales financiers de son époque, et particulièrement du krach du Comptoir National d'Escompte de Paris, en 1889, et plus encore celui de l'Union Générale dix ans plus tôt (1881-1882). Tous les mécanismes boursiers sont décryptés, même et surtout les plus illégaux (comme aujourd'hui, le délai d'initié faisait alors florès). L'argent est donc au centre du roman : la Bourse devient comme le Voreux de « Germinal » une espèce de Moloch qui réclame des victimes. du reste tout n'est pas négatif, Zola montre aussi le bon côté des investissements, pour un bien-être de la population, et un accroissement général des fortunes (même s'il est réservé à des particuliers), il place même un discours socialisant dans la bouche de militants marxistes (utopie, quand tu nous tiens…)
Un roman très technique donc, mais dont les personnages, particulièrement bien dessinés, font un drame bourgeois où, comme souvent chez Zola, la vie privée se mêle à la vie publique, suivant une courbe montante puis descendante, culminant en apogée à la corbeille et finissant en catastrophe. Pas pour tout le monde d'ailleurs : les mauvaises herbes repoussent toujours (nous en avons des exemples tous les jours dans nos soi-disant procès politiques) …

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