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sur 900 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Dix-huitième opus de la série des Rougon-Macquart, qui a pour personnage central Saccard, que l'on avait vu dans La Curée, accumuler des profits douteux dans la spéculation immobilière, opérations qui s'étaient retournées contre lui. Brouillé avec son frère ministre,, il conserve cependant des rêves de gloire et met sur pied une entité nébuleuse, la Banque Universelle, destinée à financer des travaux de grande envergure au Moyen-Orient. La machine est en route, Saccard attire dans ses filets des petits épargnants, en quête de profits faciles et rapides. Tout semble se dérouler sans obstacle, jusqu'à ce que Saccard pris d'une folie mégalomaniaque, gonfle artificiellement la valeur de ses actions en les achetant avec les fonds de la Banque (à l'aide d'un prête-nom, bien entendu). Même sans être un expert de la finance, on se doute bien de l'issue du processus.

Le peu recommandable Saccard traîne d'autres casseroles : ainsi ses instincts animaux l'avaient jetés sur une pauvre jeune fille, de façon si violente qu'il lui démit l'épaule. de cette agression naît un garçon, rapidement orphelin, et sorte de synthèse de l'hérédité délétère chère à Zola. Un couple d'usuriers tente de faire chanter celui qui signa une reconnaissance de dettes en faveur de la jeune mère sous le nom de Sicardot.

Au milieu de toute cette bassesse, se dresse le beau personnage de Caroline, secrètement éprise du sinistre Saccard, et prête à bien des actions en douce pour le sauver de ses propos démons.

Peu passionnée par le fonctionnement des finances et de la spéculation, j'ai cependant lu avec intérêt tout ce qui concerne l'addiction et l'appât du gain facile, et qui a entraîne vers la ruine toute une population d'épargnants modestes, perdant toute raison devant l'envolée des valeurs boursières. Zola s'est fortement inspiré de scandales réels de la fin du 19è siècle , juste avant le début de la guerre conte les Prussiens.

L'un des personnages, frère de l'usurier, est disciple convaincu de Karl Marx et est persuadé que la fin de ce système politique de croissance a fait son temps. Cent cinquante ans plus tard, on en est toujours là.


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"L'argent", dix-huitième volet des Rougon-Macquart, nous emmène dans le monde de la finance, où nous retrouvons Aristide Saccard, toujours aussi détestable. Dans "La curée", on avait déjà eu un avant-goût de cet être extravagant, qui n'a pas hésité à sacrifier sa famille pour arriver à ses fins. Dans "L'argent", il va beaucoup plus loin, lui qui se veut « le maître du monde », voulant anéantir « cette sale race juive », démontrer que lui aussi a cette « construction particulière de la cervelle, les mêmes aptitudes que la race juive ». D'une ambition à toute épreuve, il voit grand, trop sans aucun doute, en veut toujours plus alors que les millions de francs poussent comme une mauvaise herbe. Il veut la prospérité, la richesse, la reconnaissance, la célébrité. Et il les aura... avant de connaître la faillite et la ruine, sans oublier d'entraîner tout son petit monde avec lui (n'est pas Aristide Saccard qui veut !).

Pour la construction de son histoire, Émile Zola a suivi point par point le Krash de l'Union Générale (1881-1882), à l'issue duquel le banquier Bontoux, ruiné, a été condamné à cinq ans de prison. Mais ici, on ne parle pas de l'Union Générale, mais de la Banque Universelle. On ne parle pas des Rothschild, mais de Gundermann (banquier juif, ennemi juré de Saccard). Et évidemment, on ne parle pas non plus d'Eugène Bontoux, mais bel et bien d'Aristide Saccard. Il y est, comme le titre de cet ouvrage l'indique, uniquement question d'argent : tout se joue sur la place de la Bourse de Paris et tout tourne autour d'elle et des ambitions extravagantes de Saccard.

On baigne donc, tout au long de notre lecture, dans un milieu que je n'ai pas du tout trouvé attirant. Comme à son habitude, Zola connaît son sujet et nous le décrit superbement, toujours de manière très réaliste. Mais il a fallu que je m'accroche pour ne pas me perdre, même si l'auteur se répète souvent. Car il nous parle de spéculations, d'actions et de cotes boursières, de placements, de primes, d'intérêts, de liquidations, de crédits, de reports/déports, de transactions et de dividendes. Les nombreux personnages sont tour à tour banquiers, courtiers, agents de change, remisiers, commis, haussiers/baissiers, coulissiers, receveurs, coteurs, spéculateurs, liquidateurs, actionnaires, etc. de quoi se mélanger les pinceaux... Et je ne parle pas de toutes les magouilles, de l'achat de la presse et des politiques, tout comme de cette haine récurrente envers les Juifs.

Il est clair que je n'ai sans aucun doute pas tout compris à ce "jeu de la Bourse", passe-temps pour les uns, véritable addiction pour les autres. Ce milieu, dans lequel on achète et vend des actions avec facilité quand on a des milliers de francs plein les poches, met en avant des personnages abjects pour la plupart. Et pourtant, même si ce tome ne figurera pas dans mes préférés de la série, j'ai une nouvelle fois apprécié ma lecture.

"Plus on gagne d'argent, plus on en redemande" : c'est ce que Zola tient à démontrer dans son roman par le biais de ses personnages spéculateurs et/ou profiteurs, qui sont pour la plupart écoeurants. Pas la peine de préciser que je les ai détestés et qu'il me tardait les voir touchés par la faillite (oh que je suis méchante !)... Et pourtant, quelques-uns sortent du lot (comme Mme Caroline et son frère, la princesse Orvieda, ou encore M. Dejoie), et sans être attachants, on espère pour eux une fin moins dramatique (mais c'est mal connaître l'auteur...). Je constate que Saccard s'en sort bien, encore une fois, et c'est quelque peu enrageant...

La lecture fut donc un peu compliquée, à cause de tous ces termes spécifiques et le grand nombre de personnages. Mais j'ai finalement appris beaucoup, et l'auteur se répète souvent, nous permettant de mieux intégrer les différents procédés financiers. J'ai aimé suivre le déroulé des événements, les différentes étapes qui ont conduit d'abord à la prospérité et au succès, pour se terminer dans la faillite, pourtant prévisible dès le départ.
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Par rapport à d'autres tomes de la saga, j'ai trouvé que la mise en place du récit est quelque peu longue; mais quand l'action démarre, on est rapidement happé par le torrent de passions diverses qui enflamment tous les protagonistes. D'abord la folie des grandeurs de Saccard, une maladie profonde qui l'empêche même d'éviter les pièges qu'il connaît bien par ailleurs. Aveuglé par l'infime possibilité du coup d'éclat, insensible aux dommages irréversibles qu'il provoquera chez les investisseurs naïfs, il n'hésite pas une seconde à mentir sans vergogne, à trafiquer allègrement les comptes, à faire miroiter des chimères, bref à arnaquer tout le monde. Ses uniques succès proviennent soit de délits d'initiés, soit de manipulations machiavéliques bien qu'il se croit génial. Par contre ses insuccès ne sont jamais de sa faute. . . Personnalité narcissique dites-vous? Ou bien sociopathe, ou bien les deux, toujours est-il que l'ampleur de la dévastation qu'il laisse derrière lui est à la hauteur de sa propre ambition.

Les autres personnages ne sont pas en reste non plus. Valse-hésitation et grande culpabilité vont habiter Caroline, l'attrait du gain inespéré va transformer en spéculateurs voraces des citoyens par ailleurs normalement d'un naturel prudent. Les requins de la grande finance réaliseront de beaux profits, habiles qu'ils sont à louvoyer dans ces eaux troubles. J'ai apprécié ces déferlements de passions, moins aimé les conséquences néfastes des entourloupes de Saccard, a été agacé par les indécisions de Caroline et impressionné par la façon dont Zola conclut le tout. Un bon opus, au message clair, à la lecture addictive, bien qu'un peu technique par moments.
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L'Argent est le 18e roman du cycle des Rougon-Macquart, que je lis comme une poule qui picorerait sa mangeoire par intermittence, en sachant que le bon grain est là, qu'il m'attend et ne s'en ira pas. Quelques années ont passé depuis le dernier, mais j'ai retrouvé avec la même admiration, un plaisir jamais démenti, le réalisme de Zola. Il nous plonge dans la frénésie boursière, l'univers impitoyable des spéculateurs, la société sous Napoléon III dont il déroule des tranches choisies sans oublier la misère, le sordide et les destins tragiques. L'auteur s'est inspiré du scandale de la banque de Panama, qui défraya la chronique à la fin du 19e pour composer la trame de l'Argent. Il pourrait écrire le même livre aujourd'hui. Rien n'a changé. La spéculation domine le monde, l'explosion des bulles ruine et paupérise des millions de gens, la presse aux ordres de la finance participe du grand cirque. Les Saccard s'appellent Messier, les Gundermann Soros, mais les mêmes causes produisent les mêmes effets. Des sociétés sont valorisées à des montants faramineux qui ne reposent sur aucun actif tangible avant de se révéler des coquilles vides qui se brisent à la moindre pression sérieuse. En ce moment, les licornes drainent l'épargne des naïfs en quête d'une part du rêve promis. le système n'a rien appris de ce passé, ne veut pas se remettre en question malgré la certitude de la survenue de prochaines crises. Il continue à croire en la toute-puissance des marchés, en leur rationalité, en leur potentiel de développement, alors que tout montre l'inverse. Le veau d'or rend arrogant,sourd et aveugle. L'illustration de Zola emporte dans un voyage vers le futur. le mien sera celui d'un nouveau tome de sa série.

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Nous retrouvons Aristide Saccard qui avait brassé tant de millions dans La curée, largement cocu et en passe d'être ruiné à la fin du roman. Nous voici 12 ans plus tard : après de sérieux revers de fortune, Saccard a tout perdu et il a dû vendre son superbe hôtel de la rue Monceau pour payer ses créanciers. Mais la rage de réussir tenaille toujours l'ancien spéculateur immobilier et c'est vers la Bourse qu'il tourne des regards avides. Hélas, il se chuchote que l'Empire court à sa fin : de prochaines élections pourraient le renverser et la guerre menace. « Est-ce que cet empire qui l'avait fait, allait comme lui culbuter, croulant tout d'un coup de la destinée la plus haute à la plus misérable ? » (p. 12) Et la Bourse est très sensible au climat politique : y entrer demande des nerfs d'acier, une solide connaissance de l'actualité, mais aussi un goût pour le jeu et le pari, surtout s'il est fou, hors normes.

Sachant ne pouvoir compter que sur lui-même, et certainement pas sur Eugène Rougon, son ministre de frère, Saccard fait fi des menaces qui planent : il lance ses dernières économies et toute son énergie dans la création de la Banque universelle, société de crédit destinée à financer de grands projets en Orient. « Rien n'était possible sans l'argent, l'argent liquide qui coule, qui pénètre partout. » (p. 154) Pour constituer le capital, Aristide Saccard attire de pauvres gens aux maigres économies, des nobles déchus rêvant de gloire retrouvée et toute une traîne de profiteurs qui espèrent d'enrichir dans la juteuse affaire.

L'homme est convaincu de sa haute intelligence financière et persuadé de faire fortune, pour une fois de façon durable. Aux quelques amis qui lui recommandent la prudence, notamment parce qu'il joue avec l'argent des autres, il répond plein de morgue qu'il connaît son métier. « Non, vous pouvez être tranquille, la spéculation ne dévore que les maladroits. » (p. 166) Et les premiers temps, la Bourse semble lui donner raison : la valeur des actions de la Banque universelle ne cesse de monter et Saccard savoure sa victoire et sa domination retrouvée sur les autres financiers parisiens. Mais la fièvre le gagne : voulant sans cesse augmenter la valeur de ses actions, il achète ses propres titres en catimini pour faire croire à une demande incessante. La manipulation est habile, mais risquée puisque l'édifice bancaire risque alors de s'effondrer sur lui-même. À cela s'ajoute une sordide histoire d'enfant naturel qui ressurgir après des années de silence.

Après La curée qui dénonçait les pratiques frauduleuses des spéculateurs immobilières et La terre qui peignait un tableau sans concession de l'avarice paysanne, L'argent est le point d'orgue d'une fièvre de possession. Nullement échaudé ou guéri après ses premiers échecs, Saccard se laisse dominer par une obsession de richesse sans mesure. « L'argent, l'argent roi, l'argent Dieu, au-dessus du sang, au-dessus des larmes, adoré plus haut que les vains scrupules humains, dans l'infini de sa présence. » (p. 274) Dans le milieu boursier où l'argent ne se compte qu'à millions, rares sont ceux qui semblent capables de se maîtriser. Parmi eux, il y a les juifs qui, tout au long du roman, sont accusés des pires malversations et à qui l'on prête les pires desseins. Voilà hélas un cliché qui a la vie dure.

J'avais un peu peiné sur Son excellence Eugène Rougon et les longues considérations politiques sur le clientélisme. Ma lecture de L'argent a été encore plus difficile. Il faut tout de même relativiser puisque j'ai lu les 500 pages de ce volume en 3 jours, mais les descriptions de la Bourse et autres mécanismes financiers m'ont parfaitement barbée ! Heureusement, toujours aussi puissante et aiguisée, la plume d'Émile Zola sait emmener son lecteur dans une histoire où le sordide se dissimule souvent derrière les rideaux. Je ne suis pas déçue de cette lecture, mais j'en sors soulagée. Émile, mon chéri, entre amis, il ne faudrait jamais parler d'argent.
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Cet opus des Rougon-Macquart de Zola se concentre autour du personnage de Saccard, le personnage est animé par un désir profond de pouvoir, de puissance mais ce pouvoir passe par l'accumulation d'argent. Les batailles ont lieu à la bourse est non plus dans les prairies. La lutte virile contre son ennemi le banquier Gundermann anime Saccard. un temps on peut penser que le personnage est intéressé par l'accomplissement d'une mission chrétienne dans cette France encore première fille de l'Eglise, mais il s'agit d'un prétexte mensonger pour Saccard et un formidable argument de vente. Cela dit, peut être que les voeux de développement humain de la région du moyen orient ou de renaissance de la ferveur des croisades ne sont ils que des histoires que se racontent peut être chacun des personnages pour pouvoir masquer au monde et surtout à eux-même leur envie de s'enrichir par la spéculation, c'est à dire depuis leur séjour, leur divan (cela va de Madame de Beauvilliers à Mademoiselle Caroline Hamelin et son frère).

Un mot du style de Zola, l'inventeur du roman naturaliste, ce mouvement littéraire de la fin du XIXe siècle né dans le prolongement du réalisme entend faire du romancier un scientifique au plus proche de l'expérience du réel tout cela sans enjoliver le réel. le roman naturalisme prend les personnages tels qu'ils sont dans la vie et dépeint au plus près leurs traits, gracieux et disgracieux sans n'en rien épargner à la pudeur. Certes, Zola n'a pas la syntaxe de Flaubert, le verbe de Barbey d'Aurevilly ou le romanesque de Stendhal mais qu'importe. Il ne serait pas de bon ton d'opposer les auteurs car ce que Zola apporte est un air frais, venu d'en bas, venu du peuple sur le roman qui si souvent ne s'intéresse qu'au monde - souvent le même - dans lequel évolue son auteur. Alors à celles et ceux qui reprocheraient à Zola son manque de poésie, Hannah Arendt disait "on peut raconter des histoires et écrire des poèmes sur la vie, on ne peut rendre la vie poétique, la vivre comme si c'était une oeuvre d'art"; le prix à payer lorsque l'on veut (d)écrire au plus près ce que fut le réel.


Dans l'Argent, premier indice, nous sommes à la fin du second Empire, et des personnages réels tels que Bismarck apparaissent dans le roman, mais également nombre d'évènements de la vie politique de l'époque. Pour décrire le commerce de l'argent, l'auteur s'est beaucoup documenté, notamment pour dépeindre le mécanisme de ce “marché” pas comme les autres que constitue le marché boursier du XIXe siècle avec ces ordres, ces papiers, ces coulissiers, ces hommes de pailles etc.. mais également le fonctionnement des opérations de capital, les augmentations, les offres au public, les primes d'émissions, le code de commerce, habilement détourné par Saccard en faisant racheter par l'Universelle ses propres actions pour soutenir l'insatiable hausse du cours jusqu'à plonger les porteurs dans la ruine.
Mais au delà du détail, c'est l'atmosphère de la Bourse qui saisi le lecteur dans ses angoisses, ses fulgurances, ses émois et son éternel tumulte.
En plus de l'intérêt quasi-documentaire, le lecteur trouvera une réflexion littéraire sur l'argent et son impact à la fois sur la société, au travers de personnages comme Sigismond, le marxiste, qui promet sa disparition prochaine, mais également dans le coeur des hommes, avec les sentiments de Madame Caroline qui finit par y voir la corruption des coeurs et des âmes, de la Méchain et Busch qui le pourchasse sans jamais donner l'impression de le trouver. Chez les Maraud et autres joueurs et commentateurs qui se passionnent pour l'exaltation aléatoire du temple de la Bourse.
Et bien sur Saccard pour qui l'argent est la source de tout, dépassant ses rêves de gloire orientale et même son antisémitisme tenace, comme ivre de son pouvoir financier Saccard ne cesse d'appeler l'argent mais jamais ne profite de cet fortune amassée.
Etrangement, à la chute de l'Universelle, les réactions sont partagées, certains en veulent à Saccard d'avoir triché, de s'être noyé dans son avidité et sa quête folle de pouvoir au point d'oublier tous ceux qui lui avait fait confiance. D'autres en revanche gardent pour lui de la sympathie et même de la reconnaissance, prêts à lui faire confiance de nouveau tant la fulgurence de l'universelle reste un espoir à leurs yeux. Puis par contingence, Saccard a pu faire le bien, notamment pour Jordan et son épouse Marcelle.
Le personnage de Saccard suscite l'ambivalence, on aime à détester cet antihéros animé par peu de bons sentiments. Notre image du personnage est sans cesse questionné par le point de vue des autres personnages. Mais c'est peut être à Madame Caroline que nous devons le meilleur portrait de Saccard, personnification de l'argent comme un mal nécessaire.
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Aristide Saccard est un poète, est-ce possible? Oui, pour Emile Zola: "le poète du million, tellement l'argent le rend fou et canaille, canaille dans le très grand!".
Aristide Saccard, après une succession de mauvaises affaires, se relance de plus belle dans la spéculation avec la création de la luxueuse Banque Universelle destinée à financer des projets de mise en valeur du Moyen-Orient.
Tout est mis en oeuvre pour attirer grands et petits actionnaires, comme les articles de presse dans un journal "L'Espérance" que Saccard a acheté, les rumeurs et les communiqués bien contrôlés. "Une agitation épileptique" s'empare de tous les actionnaires, tandis que rien, à part l'argent " cette gaité de se battre et de vivre", ne semble vraiment intéresser Saccard: l'amour que lui porte la douce Mme Caroline, l'enfant, dont l'usurier Busch lui apprend l'existence, à qui il ne trouvera jamais le temps de rendre visite.
Saccard augmente de plus en plus le capital de la Banque Universelle, simule des versements non effectués et achète les actions de sa propre société.
"L'Argent" d'Emile Zola plonge le lecteur dans l'univers boursier, l'obssession croissante des actionnaires ,tout en montrant les inégalités sociales de cette époque, comme une folie grandissante et captivante qui semble ne jamais vouloir s'arrêter.
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Mai 1864. Saccard s'attable alors que le soleil réchauffe la place de la Bourse où l'omnibus de la Bastille fait un arrêt, où les fiacres s'enfilent les uns derrière les autres. Saccard, c'est Aristide Rougon que nous avons déjà rencontré. À cinquante ans, après avoir bien goûté à la richesse grâce à la spéculation immobilière pour remodeler le tout Paris, il tente de se remettre de sa dégringolade finale qui clôturait La Curée. Sa soif de triompher n'est pas encore éteinte et lui dessèche encore le gosier. Dans ce restaurant, les habitués de la Bourse, spéculateurs, remisiers, coulissiers, échangent avant l'ouverture de celle-ci et semblent battre froid à Saccard qui couve avec détermination le rêve de sa seconde ascension pour conquérir Paris.
Son appétit de fortune est intact, il veut tenter « le grand coup », une affaire échafaudée dans sa cervelle avide d'or, de millions et de pouvoir. Car déjà, avant la fin du Second Empire, l'argent, et ceux qui en jouent fébrilement à la Bourse, détiennent et activent les ficelles du pouvoir.
Vu de loin, des fourmis, silhouettes noires grouillantes sur les marches de l'édifice financier est une des images pleines d'évocation qui font tout l'enchantement des lectures zoliennes. Donc, pour avoir Paris et même le monde entier sous ses pieds, il suffit de contrôler toutes ces fourmis et prendre la place du tout puissant Gundermann, banquier roi, et qui, de par sa position, renferme ici toute la haine à venir du juif.
Voilà donc le grand projet de Saccard : créer une banque, la Banque universelle pour aller à l'assaut du monde. Finie la spéculation immobilière, place au jeu de la Bourse !
On se doute bien que l'ambition colossale de Saccard ne s'embarrassera pas des lois, ni ne s'inquiètera du frein de la morale pour apaiser sa fièvre.
Les magouilles financières ne datent pas d'hier, et celles d'aujourd'hui sont exactement similaires à celles décriées par Zola. Trouvons les fonds, faisons monter, par tous les moyens, le cours de l'action et fixons-nous un plafond dont l'unique objectif n'est pas de l'atteindre mais de le dépasser.

En périphérie des hausses, baisses, ordres d'achats fermes ou à terme, des titres qui virevoltent jusqu'à étourdissement, des cours qui s'accélèrent, élèvent puis précipitent les acquéreurs, Zola nous sert quelques personnages bien accommodés selon le rôle qu'il leur octroie. Il y a l'énorme Méchain, débordante de graisse, trimbalant son sac de cuir gonflé de valeurs déclassées de compagnies moribondes. L'image caricaturale du corbeau de la finance, avec son acolyte Busch, charognard chassant les débiteurs afin de recouvrer les créances non honorées.
Mais il y aussi une femme désirant redonner aux pauvres les millions acquis salement par son défunt mari et puis Mme Caroline, dont le désir de réveiller l'Orient enflamme les yeux de Saccard, imprimant sur ses rétines les milliards à la clé de ce développement.
En amour, en affaires, les infidélités courent et l'argent les talonne. Est-il maudit, pourri ou admirable ? N'a-t-il pas, à lui seul, la force d'améliorer de tristes conditions ? L'opinion de Caroline oscille et nous montre toute la complexité de ce questionnement.

Malgré la multiplicité des personnages, Zola se focalise sur cette puissance financière et laisse peu de répit au lecteur profane, oubliant ses habituelles envolées descriptives des alentours qui m'ont cruellement manqué dans cet opus des Rougon-Macquart. Les termes boursiers, heureusement repris dans un lexique pour éclairer faiblement mon ignorance en la matière, sont très, très présents et Zola en use et en abuse en les ramenant sur la scène moult et moult fois. Il n'en reste pas moins que je me sens toujours bien dans l'écriture de Zola, dans sa façon d'aller au fond des choses avec richesse et éclat.
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Ecriture magistrale comme toujours avec Emile Zola. Cependant, léger bémol personnel sur ce tome extrêmement ardu à lire pour une personne comme moi dont le cerveau rejette obstinément toutes les notions se rapportant à la Bourse, au monde de la Finance ou tout simplement aux Mathématiques.

Difficile, dans ces conditions, de saisir dans toute son intensité l'enjeu du récit qui est centré, comme son titre l'indique, sur l'argent. Je me souviens néanmoins avoir lu ce roman en 2008, juste après la Crise économique et je me rappelle avoir été douloureusement frappée par l'actualité du texte de Zola qui se calquait alors parfaitement à l'actualité mondiale.

Cependant, j'ai eu toujours autant de plaisir à découvrir les personnages, toujours aussi émouvants.
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Un entrepreneur mégalomane, une banque qui fait faillite à la suite de multiples fraudes, un krach boursier après une spéculation effrénée, des épargnants ruinés, des employés licenciés et une crise économique qui se prolongera plusieurs années… Vous avez dit « déjà-vu » ? Nous sommes le 2 février 1882 et l'Union Générale fait officiellement faillite après un essor fulgurant et une chute tout aussi spectaculaire.

Neuf ans plus tard (1891), Emile Zola publie l'Argent, roman naturaliste et dix-huitième volume de la série des Rougon-Macquart, qui s'inspire très largement du parcours de cette banque et de son fondateur Eugène Bontoux.

Le personnage principal est Saccart (largement inspiré de Bontoux), homme d'affaires quasiment ruiné après quelques mauvaises affaires immobilières qui rassemble un petit cercle d'investisseurs autour d'un projet financier et industriel : la création d'une banque (La Banque Universelle largement inspirée de l'Union Générale) dédiée aux financements de grands projets en méditerranée orientale : Rachat de compagnies maritimes, d'une mine d'argent, d'une banque turque, construction de lignes ferroviaires… Mais le but lointain et ultime, celui qu'on n'ose à peine murmurer et qui n'est évoqué d'un air entendu qu'entre les actionnaires les plus fervents est le rachat de Jérusalem à son actuel sultan pour l'offrir au pape et raviver de par le monde la flamme de la chrétienté. Dans un premier temps, l'Universelle cours de succès en succès, assoit son emprise dans l'orient tandis qu'à Paris Saccart et ses sbires font artificiellement monter le cours boursier via des manipulations comptables et des achats non déclarés de ses actions par l'entreprise elle-même. Une avidité euphorique s'empare des actionnaires grands et petits qui voient leur fortune augmenter de semaine en semaine. Devant cette fièvre spéculative, Gundermann, banquier juif parisien et éternel rival de Saccard, discret, puissant et flegmatique, commence son travail de sape et spécule à la baisse (usant de ce qu'on appellerait aujourd'hui la vente à découvert) contre la banque universelle. Finalement après de rudes batailles et à la suite de moult rebondissements et intrigues, le cours de l'action flanche, s'érode et s'effondre tandis que les manoeuvres illicites de Saccard sont révélées au grand jour. La déchéance succède à la gloire.

Vous l'aurez compris l'intrigue du livre fonctionne sur un rythme et un schéma simple mais efficace qui suit l'ascension de plus en plus rapide de Saccard puis sa chute vertigineuse. Tout juste un lecteur un peu chicaneur tel que moi peut-il regretter quelques arcs narratifs secondaires dont l'intérêt est plus relatif. Zola, qui, à son habitude, s'est largement documenté sur le milieu dans lequel il place son roman nous décrit avec brio le monde boursier de son époque, ses hiérarchies implicites, le palais Brongniart, ses marges et surtout l'atmosphère fiévreuse, la terrible alternance entre avidité et peur qui s'empare de la foule lors des échanges. Il décrit les séances boursières comme de véritables batailles militaires ou les millions remplacent les troupes. C'est un aspect que j'ai trouvé extrêmement réussi dans le roman.

Du coté des personnages, mon impression est plus mitigée : Si Saccard avec son caractère excessif et son ambition obsessive est particulièrement intéressant et que quelques protagonistes me paraissent réussis tel l'usurier Blusch, la plupart des personnages secondaires me paraissent souffrir d'un caractère trop monolithique pour être attachant ou véritablement intéressant. Ainsi Mme Caroline, d'un altruisme et d'une dévotion parfaite et sans faille souffre en parallèle d'une passivité et d'une naïveté assez navrante face à Saccard : on a dés lors davantage envie de la secouer que de compatir à ses malheurs.

Le livre est un roman honorable dont les quelques menus défauts (arcs narratifs et personnages secondaires sont un peu écrasés par l'exubérant Saccard et sa rocambolesque quête du profit) ne sont plus que compensés par ses qualités. Mais en dehors de l'aspect purement romanesque, j'ai surtout retenu l'intérêt historique du roman qui nous entraine dans cette histoire (finalement assez méconnue) des grands scandales financiers de la fin du XIXème siècle.

D'ailleurs, outre les aspects financiers du scandale de l'Union Générale (finalement assez semblable à bien d'autres), la banque est également un symbole politique et religieux : l'établissement est celui des conservateurs légitimistes et catholiques fédérés par Bontoux qui lors d'un procès retentissant n'aura de cesse d'accuser la "finance juive" (la banque Rothschild et le financier Jules Mirès ayant, parmi d'autres, spéculé sur la baisse de l'action) et sa prétendue alliée « la franc-maçonnerie gouvernementale » creusant un peu plus le fossé qui sépare les deux France qui s'affronteront quelques années plus tard lors de l'affaire Dreyfus.

Au travers de l'essor et de la chute de la banque Universelle, c'est également du rêve napoléonien et de sa terrible chute dont nous parle en creux Zola. L'ambition démesurée de Saccart, son rêve d'un orient fantasmé, ses premières batailles victorieuses, son sacre et son adulation par la foule des petits actionnaires, et puis ses excès de confiance, ses premières défaites et les trahisons de ses proches vont peu à peu pousser l'homme d'affaires vers la faillite, comme l'empereur également, il entrainera dans sa chute tous ceux qui croyaient en lui et laissera un souvenir doux-amer à ses fidèles.

Pour conclure, voici un livre qui vaut sans doute le détour à plus d'un titre que ce soit pour son récit grisant, sa trame historique passionnante ou pour la nostalgie de l'ambiance exaltée du palais Brongniart dans un temps lointain où les serveurs de données et les austères ordinateurs n'avaient pas encore remplacé la corbeille et son cortège agité d'agents de change.
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