L'argent n'est pas, et loin s'en faut, le plus aimable des Rougon-Macquart.
Le sujet en est aride et le traitement fouillé à l'extrême, comme toujours chez
Zola. Ce qui fait que le lecteur profane que je suis, qui ni ne lit "Les Échos", ni ne fait partie du fan-club de
Jean-Pierre Gaillard, s'y est perdu souvent en conjectures.
L'argent, splendeur et misère(s) des boursicoteurs, c'est le retour sur le devant de la scène d'Aristide Saccart : après avoir tout perdu (cf. La curée), son appétit de revanche est immense. Il va donc refaire fortune et devenir l'un des maîtres de
la Bourse.
Il crée la Banque universelle, utilise la presse, triche un peu, beaucoup puis passionnément, monte au firmament de la gloire et de la puissance avant de chuter et d'entraîner avec lui dans le caniveau une foule de braves gens trop crédules.
Saccart est charismatique, certes, mais
Zola ne lui donne jamais vraiment la parole : c'est plus un "type" qu'un personnage. Cependant, le romancier a créé autour de son héros une foule de comparses, dont certains sont inoubliables.
On se souviendra avec émotion de la déchéance d'une fin de race, la Comtesse de Beauvilliers et du viol salace de sa fille Alice, du suicide de Mazaud, l'agent de change, trop honnête pour survivre au déshonneur ou des délires de Sigismond Busch, utopiste phtisique.
Mais
Zola, comme souvent, excelle dans l'ignoble et ses deux plus sombres créatures sont l'infâme Busch l'aîné, usurier et trafiquant de valeurs dépréciées (je n'ai pu m'empêcher de penser au Jéricho de Pierre Renoir) et sa complice la Méchain, affreuse crapaude, marchande de sommeil et charognarde.
Enfin il y a d'abord et surtout, Caroline Hamelin, belle étude de femme forte et pleine de vigueur : son optimisme raisonné transcende tout le roman et empêche celui-ci de trop verser dans la noirceur.
Toujours d'actualité (les affaires Tapie-Crédit Lyonnais ou Kerviel-Société Générale le prouvent), L'argent, s'il n'a pas fait mon bonheur, y a contribué...