AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,86

sur 897 notes
L'argent... tiens, tiens, ça me dit quelque chose en ce moment... Un peu comme si une frénésie d'argent s'emparait de tout et de tout le monde avec des airs de jouer au ballon... Mais non, j'ai dû me tromper de sujet, il n'y a aucun rapport entre le sport et l'argent... Les joueurs ne sont pas une marchandise cotée en bourse... euh...

L'Argent, oui, nous y sommes en plein, L'Argent, un des plus magnifiques livres des Rougon-Macquart, selon moi, où l'on suivra cette fois Aristide Rougon, le frère du ministre, nommé Saccard, qu'on avait déjà vu à l'oeuvre dans La Curée, livre auquel je vous renvoie pour comprendre les raisons de ce changement de nom.

Ici seront moins détaillés les vices et les dérives du luxe comme dans La Curée (ou Nana) et l'angle de vue sera davantage focalisé sur les mécanismes financiers, un peu à la manière d'Au Bonheur Des Dames qui détaillait quant à lui la mécanique marchande.

Nous retrouvons Aristide, quelques années après ses déboires de la fin de la Curée, en pleine forme, as de la finance, mais emporté comme toujours par son euphorie du jeu et de l'argent facile sur un coup de dé. Il est sujet, dans sa frénésie du gain, à la perte totale de contrôle, quitte à faire tomber tout le monde dans son sillage. Cela ne vous rappelle pas certaines affaires récentes ou moins récentes et un certain Jérôme Kerviel (et tellement, tellement d'autres) ?

Dans ses tractations, le délit d'initié est roi. Cela ne vous rappelle pas l'affaire EADS (entre autres) ou plus anciennement Pechiney et son lien avec le pouvoir de l'époque (Mitterand). Ici, c'est Huret, l'homme de main du ministre et frère de Saccard (voir le n°6 Son Excellence Eugène Rougon).

Mais aujourd'hui il n'y a plus rien à craindre de ce genre puisqu'il n'y a plus aucun lien entre les hommes de pouvoirs et de finance (aucune élection qui soit pilotée, aux USA ou ailleurs, par des gros financiers, même pas un petit Sarkozy qu'on essaierait de caser, même pas le frère de l'ancien président à un poste important au MEDEF, rien, tout ça c'est du passé, maintenant tout est propre, à gauche comme à droite, l'intégrité fait loi !).

Bref, on est surpris de voir à quel point rien n'a changé, à quel point la finance était, est et restera une gigantesque magouille légale, qui fait ce qu'elle veut, et qui dicte aux politiques leur marche à suivre.

Saccard me fait penser à Jean-Marie Messier, génial tant qu'il gagnait, bon à jeter aux cochons quand l'empire s'écroula. Tous les rats de la bourse quittent évidemment le navire au premier tangage et seuls restent sur le carreau les petits actionnaires qui ont toujours une guerre de retard car ils ne jouent pas dans la même cour. Je le dis à tout hasard mais ça ne vous rappelle pas un scénario de 2008 ?

Le texte de Zola est extrêmement documentaire et décrit quasi intégralement le scandale de la banque Union Générale en 1882, désignée dans le roman sous le nom L'Universelle. Gundermann est le financier juif concurrent du fervent catholique et monarchiste Saccard. On reconnaît sans peine le portrait de James de Rothschild sous Gundermann et de Paul Eugène Bontoux sous Saccard même si historiquement, les deux hommes ne se sont jamais affrontés car James de Rothschild est mort avant même la création de la banque de Bontoux.

Autre personnage étrange du roman, Sigismond, le frère chétif du plus abject charognard du roman, communiste convaincu auquel Zola fait dire des tirades pleines d'utopie et qui annoncent déjà en quoi le communisme était voué à l'échec avant même d'avoir vu le jour.

C'est donc un chef-d'oeuvre visionnaire que vous avez là sous les yeux, un quasi essai, un texte, à beaucoup d'égards, plus journalistique et documentaire que romanesque. À lire absolument si l'on souhaite ouvrir un peu son regard sur la manière dont fonctionne le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui. Un monde qui, je crois, répond plus que jamais à cette description — cruellement réaliste —, mais ce n'est là que mon avis, à ne pas prendre pour argent comptant, c'est-à-dire, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          1305
Dix-huitième opus de la série des Rougon-Macquart, qui a pour personnage central Saccard, que l'on avait vu dans La Curée, accumuler des profits douteux dans la spéculation immobilière, opérations qui s'étaient retournées contre lui. Brouillé avec son frère ministre,, il conserve cependant des rêves de gloire et met sur pied une entité nébuleuse, la Banque Universelle, destinée à financer des travaux de grande envergure au Moyen-Orient. La machine est en route, Saccard attire dans ses filets des petits épargnants, en quête de profits faciles et rapides. Tout semble se dérouler sans obstacle, jusqu'à ce que Saccard pris d'une folie mégalomaniaque, gonfle artificiellement la valeur de ses actions en les achetant avec les fonds de la Banque (à l'aide d'un prête-nom, bien entendu). Même sans être un expert de la finance, on se doute bien de l'issue du processus.

Le peu recommandable Saccard traîne d'autres casseroles : ainsi ses instincts animaux l'avaient jetés sur une pauvre jeune fille, de façon si violente qu'il lui démit l'épaule. de cette agression naît un garçon, rapidement orphelin, et sorte de synthèse de l'hérédité délétère chère à Zola. Un couple d'usuriers tente de faire chanter celui qui signa une reconnaissance de dettes en faveur de la jeune mère sous le nom de Sicardot.

Au milieu de toute cette bassesse, se dresse le beau personnage de Caroline, secrètement éprise du sinistre Saccard, et prête à bien des actions en douce pour le sauver de ses propos démons.

Peu passionnée par le fonctionnement des finances et de la spéculation, j'ai cependant lu avec intérêt tout ce qui concerne l'addiction et l'appât du gain facile, et qui a entraîne vers la ruine toute une population d'épargnants modestes, perdant toute raison devant l'envolée des valeurs boursières. Zola s'est fortement inspiré de scandales réels de la fin du 19è siècle , juste avant le début de la guerre conte les Prussiens.

L'un des personnages, frère de l'usurier, est disciple convaincu de Karl Marx et est persuadé que la fin de ce système politique de croissance a fait son temps. Cent cinquante ans plus tard, on en est toujours là.


Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          824
"L'argent", dix-huitième volet des Rougon-Macquart, nous emmène dans le monde de la finance, où nous retrouvons Aristide Saccard, toujours aussi détestable. Dans "La curée", on avait déjà eu un avant-goût de cet être extravagant, qui n'a pas hésité à sacrifier sa famille pour arriver à ses fins. Dans "L'argent", il va beaucoup plus loin, lui qui se veut « le maître du monde », voulant anéantir « cette sale race juive », démontrer que lui aussi a cette « construction particulière de la cervelle, les mêmes aptitudes que la race juive ». D'une ambition à toute épreuve, il voit grand, trop sans aucun doute, en veut toujours plus alors que les millions de francs poussent comme une mauvaise herbe. Il veut la prospérité, la richesse, la reconnaissance, la célébrité. Et il les aura... avant de connaître la faillite et la ruine, sans oublier d'entraîner tout son petit monde avec lui (n'est pas Aristide Saccard qui veut !).

Pour la construction de son histoire, Émile Zola a suivi point par point le Krash de l'Union Générale (1881-1882), à l'issue duquel le banquier Bontoux, ruiné, a été condamné à cinq ans de prison. Mais ici, on ne parle pas de l'Union Générale, mais de la Banque Universelle. On ne parle pas des Rothschild, mais de Gundermann (banquier juif, ennemi juré de Saccard). Et évidemment, on ne parle pas non plus d'Eugène Bontoux, mais bel et bien d'Aristide Saccard. Il y est, comme le titre de cet ouvrage l'indique, uniquement question d'argent : tout se joue sur la place de la Bourse de Paris et tout tourne autour d'elle et des ambitions extravagantes de Saccard.

On baigne donc, tout au long de notre lecture, dans un milieu que je n'ai pas du tout trouvé attirant. Comme à son habitude, Zola connaît son sujet et nous le décrit superbement, toujours de manière très réaliste. Mais il a fallu que je m'accroche pour ne pas me perdre, même si l'auteur se répète souvent. Car il nous parle de spéculations, d'actions et de cotes boursières, de placements, de primes, d'intérêts, de liquidations, de crédits, de reports/déports, de transactions et de dividendes. Les nombreux personnages sont tour à tour banquiers, courtiers, agents de change, remisiers, commis, haussiers/baissiers, coulissiers, receveurs, coteurs, spéculateurs, liquidateurs, actionnaires, etc. de quoi se mélanger les pinceaux... Et je ne parle pas de toutes les magouilles, de l'achat de la presse et des politiques, tout comme de cette haine récurrente envers les Juifs.

Il est clair que je n'ai sans aucun doute pas tout compris à ce "jeu de la Bourse", passe-temps pour les uns, véritable addiction pour les autres. Ce milieu, dans lequel on achète et vend des actions avec facilité quand on a des milliers de francs plein les poches, met en avant des personnages abjects pour la plupart. Et pourtant, même si ce tome ne figurera pas dans mes préférés de la série, j'ai une nouvelle fois apprécié ma lecture.

"Plus on gagne d'argent, plus on en redemande" : c'est ce que Zola tient à démontrer dans son roman par le biais de ses personnages spéculateurs et/ou profiteurs, qui sont pour la plupart écoeurants. Pas la peine de préciser que je les ai détestés et qu'il me tardait les voir touchés par la faillite (oh que je suis méchante !)... Et pourtant, quelques-uns sortent du lot (comme Mme Caroline et son frère, la princesse Orvieda, ou encore M. Dejoie), et sans être attachants, on espère pour eux une fin moins dramatique (mais c'est mal connaître l'auteur...). Je constate que Saccard s'en sort bien, encore une fois, et c'est quelque peu enrageant...

La lecture fut donc un peu compliquée, à cause de tous ces termes spécifiques et le grand nombre de personnages. Mais j'ai finalement appris beaucoup, et l'auteur se répète souvent, nous permettant de mieux intégrer les différents procédés financiers. J'ai aimé suivre le déroulé des événements, les différentes étapes qui ont conduit d'abord à la prospérité et au succès, pour se terminer dans la faillite, pourtant prévisible dès le départ.
Commenter  J’apprécie          617
♫ Argent, trop cher
Trop grand ♪
La vie n'a pas de prix, pas de prix ♬

Je continue de cheminer de manière chronologique dans la saga extraordinaire des Rougon-Macquart et me voici parvenu à présent au dix-huitième roman.
À l'entame de cet opus, je n'y allais pas avec le même enthousiasme ressenti au cours de mes précédentes lectures.
On le sait puisqu'il s'en est confié, Émile Zola s'est ici inspiré directement du krach de l'Union générale.
Malgré le sujet un peu austère et quelque peu rébarbatif a priori, - avouons-le ce thème pourrait éloigner la narration d'un récit romanesque, il y a cependant indubitablement une construction artistique qui fait de ce récit un très beau roman de Zola, un de ses meilleurs du reste, car le véritable thème de ce récit n'est pas l'argent mais tout ce qui imbrique autour de l'argent, personnages, intrigues, manoeuvres, désirs, passions, dérives abyssales...
C'est un roman sur la vie et qui vient faire sens avec le long cheminement qui serpente, couture l'oeuvre des Rougon-Macquart et visite le destin de ces deux familles. La vie, telle qu'elle est, dans sa force, dans sa violence et dans ses désillusions...
Zola ne fait pas de l'argent une cible sur laquelle il envisage de déverser sa bile. Ici, l'écrivain à aucun moment n'attaque ni ne défend l'argent, il se contente de décrire ses conséquences dans sa manière d'opposer les classes aisées aux classes pauvres et d'en tresser des histoires. La question sociale vient forcément, inévitablement, s'entrelacer dans l'intrigue du récit.
Ici, comme toujours, ce roman peut être lu pour la première fois sans tenir compte de la genèse qui porte l'ampleur de l'oeuvre des Rougon-Macquart. Cependant et je vous le conseille, si vous avez suivi les précédents volumes, vous reconnaîtrez le personnage principal dans sa fourberie, sa cupidité, son avidité de fortune, son hypocrisie, sa manière de sans cesse se retourner, s'esquiver dans une situation délicate ou dangereuse, j'ai nommé Aristide Saccard, frère du ministre Eugène Rougon, qu'on avait déjà vu amasser une fortune colossale dans La Curée. Après une succession de mauvaises affaires, il doit repartir de zéro, mais son ambition est demeurée intacte. Entre temps, il a retrouvé fortune, - ces gens-là ont une capacité à rebondir qui m'a toujours sidéré -, loue deux étages d'un hôtel particulier à Paris où il installe sa banque qu'il vient de créer et qu'il nomme la Banque Universelle, destinée à financer des projets de mise en valeur du Moyen-Orient. Tout est fait pour attirer petits et moyens épargnants, auxquels on promet des gains faciles et rapides. Mais voilà, on ne se refait pas, Aristide Saccard a l'idée de pousser son désir d'enrichissement un peu plus loin en rachetant des actions émises par sa propre banque, qu'il rachète sous un autre nom, tout ceci construit un édifice de sable qui ne tardera pas à s'écrouler.
Il faut lire ce roman mal-aimé comme un récit dramatique, disant du monde de la Bourse ce qu'est peut-être le monde qui tournoie autour de nous, tente de nous gouverner, malgré nos rêves et les papillons qui frétillent dans nos ventres.
Zola décrit ici des scènes saisissantes de réalisme ou la Bourse devient une arène à l'image d'une Rome antique, ce sont des fauves dans l'arène qui se jettent en pâture sur les plus faibles.
Puis vient forcément le moment fatidique...
Derrière l'histoire d'une ascension vertigineuse, effroyable, sans scrupules, celle d'un homme avide de tout, vient s'entremêler plusieurs narratifs, dont celui de l'antisémitisme dans la concurrence financière qui s'affronte sous ce Second Empire. Je retrouve ici l'écrivain que j'aime tant, peintre de l'âme humaine, fidèle aux faits, attentionné aux valeurs qui l'ont toujours guidé, toujours prenant le pouls de son temps pour nourrir son dessein qui demeure universel encore à mes yeux.
Les personnages, puisqu'il m'est permis dans dire deux ou trois mots, sont comme toujours ciselés à merveille, jamais manichéens. Émile Zola nous permet d'approcher certaines facettes improbables et nuancées d'Aristide Saccard dont j'ai apprécié l'ambivalence tout en détestant le personnage, sous le regard étonné, épris d'une certaine Caroline, magnifique personnage féminin du roman qui lui donne de la lumière, touchante à bien des moments, que j'ai parfois trouvé cependant bien naïve et trop complaisante avec le sieur Saccard, mais l'amour a ses raisons... Si c'était si lisse, y aurait-il des romans ? Elle aide cependant par son regard à questionner sans cesse le personnage principal et je reconnais que ce procédé habile est une prouesse littéraire à mettre à l'actif de l'auteur.
Pour donner envie aux amateurs de Zola et qui seraient quelque peu freiné par le thème, je rapprocherai volontiers cet opus de celui du Bonheur des dames, on y retrouve le même cheminement, ici l'emprise financière remplace le besoin de consommation, le décor change, les acteurs changent, mais l'axe narratif reste inchangé. de l'excellent Zola !
Commenter  J’apprécie          5228
Par rapport à d'autres tomes de la saga, j'ai trouvé que la mise en place du récit est quelque peu longue; mais quand l'action démarre, on est rapidement happé par le torrent de passions diverses qui enflamment tous les protagonistes. D'abord la folie des grandeurs de Saccard, une maladie profonde qui l'empêche même d'éviter les pièges qu'il connaît bien par ailleurs. Aveuglé par l'infime possibilité du coup d'éclat, insensible aux dommages irréversibles qu'il provoquera chez les investisseurs naïfs, il n'hésite pas une seconde à mentir sans vergogne, à trafiquer allègrement les comptes, à faire miroiter des chimères, bref à arnaquer tout le monde. Ses uniques succès proviennent soit de délits d'initiés, soit de manipulations machiavéliques bien qu'il se croit génial. Par contre ses insuccès ne sont jamais de sa faute. . . Personnalité narcissique dites-vous? Ou bien sociopathe, ou bien les deux, toujours est-il que l'ampleur de la dévastation qu'il laisse derrière lui est à la hauteur de sa propre ambition.

Les autres personnages ne sont pas en reste non plus. Valse-hésitation et grande culpabilité vont habiter Caroline, l'attrait du gain inespéré va transformer en spéculateurs voraces des citoyens par ailleurs normalement d'un naturel prudent. Les requins de la grande finance réaliseront de beaux profits, habiles qu'ils sont à louvoyer dans ces eaux troubles. J'ai apprécié ces déferlements de passions, moins aimé les conséquences néfastes des entourloupes de Saccard, a été agacé par les indécisions de Caroline et impressionné par la façon dont Zola conclut le tout. Un bon opus, au message clair, à la lecture addictive, bien qu'un peu technique par moments.
Commenter  J’apprécie          360
L'Argent de Zola : une nouvelle preuve que la saga des Rougon Macquart fait oeuvre de marqueur intemporel de l'évolution des sociétés humaines !
Nous voilà revenus, après la Curée, dans l'univers de l'argent. le gros argent, celui de la Bourse, que l'on fait couler à flot pour le seul plaisir de le sentir couler, quitte à dévaster dans son sillage tout ce qui l'a fait naître et grossir, les projets économiques viables et utiles comme les illusions des petites gens.
C'est cette soif inaltérable qui fait vibrer Saccard, filou magnifique, financier véreux, et qui le pousse à prendre appui sur les projets de développement en Orient de Hamelin et sa soeur, madame Caroline, pour faire sur la place de Paris la démonstration de sa puissance à travers la création de la Banque Universelle. Faisant peu de cas des quelques malversations nécessaires à son essor, il n'a de cesse de la pousser haut, toujours plus haut, entrainant avec lui dans un mouvement croissant d'hystéries collectives argentiers, entrepreneurs, nobles et politiciens corrompus, et surtout tout une kyrielle de petits porteurs d'abord sages puis rendus fous par l'appât du gain, jusqu'à l'effondrement final.

A travers le récit de la naissance à la mort de cette banque fondée sur une vision de prospérité saine mais viciée dès l'origine par des appétits démesurés, ce n'est pas seulement sous l'angle de la spéculation, de l'avidité, de la corruption et de la griserie du jeu que Zola nous présente l'argent ; en fin analyste et habile conteur, l'auteur met en regard de ces noirs aspects, grâce à une fantastique galerie de personnages de tous milieux, ce que l'argent apporte de positif aux hommes et aux sociétés : progrès économique et social, carburant pour employer les énergies créatives, recul de la misère. Utopies balayées au final, dans une scène paroxystique de débandade à la corbeille dont tant ressortiront rincés, finis, sauf ceux qui, tels Madame Caroline, restent riches de leurs valeurs.

J'ai dévoré cet opus trépidant et édifiant des Rougon, parfait de bout en bout, pour lequel je regrette juste le développement inabouti du personnage de Victor, fils caché de Saccard qui aurait pu mieux éclairer en creux et le caractère de son père, et celui de l'époque.



Commenter  J’apprécie          343
L'Argent est le 18e roman du cycle des Rougon-Macquart, que je lis comme une poule qui picorerait sa mangeoire par intermittence, en sachant que le bon grain est là, qu'il m'attend et ne s'en ira pas. Quelques années ont passé depuis le dernier, mais j'ai retrouvé avec la même admiration, un plaisir jamais démenti, le réalisme de Zola. Il nous plonge dans la frénésie boursière, l'univers impitoyable des spéculateurs, la société sous Napoléon III dont il déroule des tranches choisies sans oublier la misère, le sordide et les destins tragiques. L'auteur s'est inspiré du scandale de la banque de Panama, qui défraya la chronique à la fin du 19e pour composer la trame de l'Argent. Il pourrait écrire le même livre aujourd'hui. Rien n'a changé. La spéculation domine le monde, l'explosion des bulles ruine et paupérise des millions de gens, la presse aux ordres de la finance participe du grand cirque. Les Saccard s'appellent Messier, les Gundermann Soros, mais les mêmes causes produisent les mêmes effets. Des sociétés sont valorisées à des montants faramineux qui ne reposent sur aucun actif tangible avant de se révéler des coquilles vides qui se brisent à la moindre pression sérieuse. En ce moment, les licornes drainent l'épargne des naïfs en quête d'une part du rêve promis. le système n'a rien appris de ce passé, ne veut pas se remettre en question malgré la certitude de la survenue de prochaines crises. Il continue à croire en la toute-puissance des marchés, en leur rationalité, en leur potentiel de développement, alors que tout montre l'inverse. Le veau d'or rend arrogant,sourd et aveugle. L'illustration de Zola emporte dans un voyage vers le futur. le mien sera celui d'un nouveau tome de sa série.

Commenter  J’apprécie          340
Nous retrouvons Aristide Saccard qui avait brassé tant de millions dans La curée, largement cocu et en passe d'être ruiné à la fin du roman. Nous voici 12 ans plus tard : après de sérieux revers de fortune, Saccard a tout perdu et il a dû vendre son superbe hôtel de la rue Monceau pour payer ses créanciers. Mais la rage de réussir tenaille toujours l'ancien spéculateur immobilier et c'est vers la Bourse qu'il tourne des regards avides. Hélas, il se chuchote que l'Empire court à sa fin : de prochaines élections pourraient le renverser et la guerre menace. « Est-ce que cet empire qui l'avait fait, allait comme lui culbuter, croulant tout d'un coup de la destinée la plus haute à la plus misérable ? » (p. 12) Et la Bourse est très sensible au climat politique : y entrer demande des nerfs d'acier, une solide connaissance de l'actualité, mais aussi un goût pour le jeu et le pari, surtout s'il est fou, hors normes.

Sachant ne pouvoir compter que sur lui-même, et certainement pas sur Eugène Rougon, son ministre de frère, Saccard fait fi des menaces qui planent : il lance ses dernières économies et toute son énergie dans la création de la Banque universelle, société de crédit destinée à financer de grands projets en Orient. « Rien n'était possible sans l'argent, l'argent liquide qui coule, qui pénètre partout. » (p. 154) Pour constituer le capital, Aristide Saccard attire de pauvres gens aux maigres économies, des nobles déchus rêvant de gloire retrouvée et toute une traîne de profiteurs qui espèrent d'enrichir dans la juteuse affaire.

L'homme est convaincu de sa haute intelligence financière et persuadé de faire fortune, pour une fois de façon durable. Aux quelques amis qui lui recommandent la prudence, notamment parce qu'il joue avec l'argent des autres, il répond plein de morgue qu'il connaît son métier. « Non, vous pouvez être tranquille, la spéculation ne dévore que les maladroits. » (p. 166) Et les premiers temps, la Bourse semble lui donner raison : la valeur des actions de la Banque universelle ne cesse de monter et Saccard savoure sa victoire et sa domination retrouvée sur les autres financiers parisiens. Mais la fièvre le gagne : voulant sans cesse augmenter la valeur de ses actions, il achète ses propres titres en catimini pour faire croire à une demande incessante. La manipulation est habile, mais risquée puisque l'édifice bancaire risque alors de s'effondrer sur lui-même. À cela s'ajoute une sordide histoire d'enfant naturel qui ressurgir après des années de silence.

Après La curée qui dénonçait les pratiques frauduleuses des spéculateurs immobilières et La terre qui peignait un tableau sans concession de l'avarice paysanne, L'argent est le point d'orgue d'une fièvre de possession. Nullement échaudé ou guéri après ses premiers échecs, Saccard se laisse dominer par une obsession de richesse sans mesure. « L'argent, l'argent roi, l'argent Dieu, au-dessus du sang, au-dessus des larmes, adoré plus haut que les vains scrupules humains, dans l'infini de sa présence. » (p. 274) Dans le milieu boursier où l'argent ne se compte qu'à millions, rares sont ceux qui semblent capables de se maîtriser. Parmi eux, il y a les juifs qui, tout au long du roman, sont accusés des pires malversations et à qui l'on prête les pires desseins. Voilà hélas un cliché qui a la vie dure.

J'avais un peu peiné sur Son excellence Eugène Rougon et les longues considérations politiques sur le clientélisme. Ma lecture de L'argent a été encore plus difficile. Il faut tout de même relativiser puisque j'ai lu les 500 pages de ce volume en 3 jours, mais les descriptions de la Bourse et autres mécanismes financiers m'ont parfaitement barbée ! Heureusement, toujours aussi puissante et aiguisée, la plume d'Émile Zola sait emmener son lecteur dans une histoire où le sordide se dissimule souvent derrière les rideaux. Je ne suis pas déçue de cette lecture, mais j'en sors soulagée. Émile, mon chéri, entre amis, il ne faudrait jamais parler d'argent.
Commenter  J’apprécie          324
Cet opus des Rougon-Macquart de Zola se concentre autour du personnage de Saccard, le personnage est animé par un désir profond de pouvoir, de puissance mais ce pouvoir passe par l'accumulation d'argent. Les batailles ont lieu à la bourse est non plus dans les prairies. La lutte virile contre son ennemi le banquier Gundermann anime Saccard. un temps on peut penser que le personnage est intéressé par l'accomplissement d'une mission chrétienne dans cette France encore première fille de l'Eglise, mais il s'agit d'un prétexte mensonger pour Saccard et un formidable argument de vente. Cela dit, peut être que les voeux de développement humain de la région du moyen orient ou de renaissance de la ferveur des croisades ne sont ils que des histoires que se racontent peut être chacun des personnages pour pouvoir masquer au monde et surtout à eux-même leur envie de s'enrichir par la spéculation, c'est à dire depuis leur séjour, leur divan (cela va de Madame de Beauvilliers à Mademoiselle Caroline Hamelin et son frère).

Un mot du style de Zola, l'inventeur du roman naturaliste, ce mouvement littéraire de la fin du XIXe siècle né dans le prolongement du réalisme entend faire du romancier un scientifique au plus proche de l'expérience du réel tout cela sans enjoliver le réel. le roman naturalisme prend les personnages tels qu'ils sont dans la vie et dépeint au plus près leurs traits, gracieux et disgracieux sans n'en rien épargner à la pudeur. Certes, Zola n'a pas la syntaxe de Flaubert, le verbe de Barbey d'Aurevilly ou le romanesque de Stendhal mais qu'importe. Il ne serait pas de bon ton d'opposer les auteurs car ce que Zola apporte est un air frais, venu d'en bas, venu du peuple sur le roman qui si souvent ne s'intéresse qu'au monde - souvent le même - dans lequel évolue son auteur. Alors à celles et ceux qui reprocheraient à Zola son manque de poésie, Hannah Arendt disait "on peut raconter des histoires et écrire des poèmes sur la vie, on ne peut rendre la vie poétique, la vivre comme si c'était une oeuvre d'art"; le prix à payer lorsque l'on veut (d)écrire au plus près ce que fut le réel.


Dans l'Argent, premier indice, nous sommes à la fin du second Empire, et des personnages réels tels que Bismarck apparaissent dans le roman, mais également nombre d'évènements de la vie politique de l'époque. Pour décrire le commerce de l'argent, l'auteur s'est beaucoup documenté, notamment pour dépeindre le mécanisme de ce “marché” pas comme les autres que constitue le marché boursier du XIXe siècle avec ces ordres, ces papiers, ces coulissiers, ces hommes de pailles etc.. mais également le fonctionnement des opérations de capital, les augmentations, les offres au public, les primes d'émissions, le code de commerce, habilement détourné par Saccard en faisant racheter par l'Universelle ses propres actions pour soutenir l'insatiable hausse du cours jusqu'à plonger les porteurs dans la ruine.
Mais au delà du détail, c'est l'atmosphère de la Bourse qui saisi le lecteur dans ses angoisses, ses fulgurances, ses émois et son éternel tumulte.
En plus de l'intérêt quasi-documentaire, le lecteur trouvera une réflexion littéraire sur l'argent et son impact à la fois sur la société, au travers de personnages comme Sigismond, le marxiste, qui promet sa disparition prochaine, mais également dans le coeur des hommes, avec les sentiments de Madame Caroline qui finit par y voir la corruption des coeurs et des âmes, de la Méchain et Busch qui le pourchasse sans jamais donner l'impression de le trouver. Chez les Maraud et autres joueurs et commentateurs qui se passionnent pour l'exaltation aléatoire du temple de la Bourse.
Et bien sur Saccard pour qui l'argent est la source de tout, dépassant ses rêves de gloire orientale et même son antisémitisme tenace, comme ivre de son pouvoir financier Saccard ne cesse d'appeler l'argent mais jamais ne profite de cet fortune amassée.
Etrangement, à la chute de l'Universelle, les réactions sont partagées, certains en veulent à Saccard d'avoir triché, de s'être noyé dans son avidité et sa quête folle de pouvoir au point d'oublier tous ceux qui lui avait fait confiance. D'autres en revanche gardent pour lui de la sympathie et même de la reconnaissance, prêts à lui faire confiance de nouveau tant la fulgurence de l'universelle reste un espoir à leurs yeux. Puis par contingence, Saccard a pu faire le bien, notamment pour Jordan et son épouse Marcelle.
Le personnage de Saccard suscite l'ambivalence, on aime à détester cet antihéros animé par peu de bons sentiments. Notre image du personnage est sans cesse questionné par le point de vue des autres personnages. Mais c'est peut être à Madame Caroline que nous devons le meilleur portrait de Saccard, personnification de l'argent comme un mal nécessaire.
Commenter  J’apprécie          297
Malgré les abondantes études qu'Emile Zola consacra à la question sociale et au marxisme en amont de l'écriture de ce volume, le roman de L'Argent ne permet pas de saisir d'un coup d'oeil la nature du système économique de la fin du 19e siècle. 400 pages de réflexion dans ses brouillons seront réduites à un feuillet dans le roman ; pour le reste, Emile Zola connaissait mal la Bourse. Sa vie durant, il n'eut jamais à gérer ses finances. Son éditeur Fasquelle lui tenait lieu de banquier et Zola lui demandait à mesure les sommes dont il avait besoin, sans qu'il ne lui soit nécessaire de se préoccuper plus attentivement des mécanismes de la banque.


C'est tant pis mais c'est aussi tant mieux : nous n'apprendrons peut-être pas grand-chose de surprenant concernant les processus déjà avides qui fondent le système bancaire à la fin de ce siècle (les processus de notre époque, bien plus abstraits et enchevêtrés, seraient une source mille fois plus prodigue en étonnement et consternation) mais nous suivrons avec émotion la démonstration dressée par Emile Zola pour traduire ce que suscita peut-être son étude préalable : le grand scandale selon lequel la misère n'est pas provoquée par l'argent mais par l'accaparement de l'argent dans une société qui se fonde sur l'exploitation des multitudes par quelques privilégiés.


L'intrigue s'inspire de l'affaire Bontoux qui suscita le Krach de l'Union générale en janvier 1882. Cette déconfiture fut ensuite utilisée pour accuser, entre autres, les juifs et les francs-maçons. Ce roman traduit d'ailleurs très bien l'antisémitisme naissant et relié aux envies, aux jalousies et aux ambitions folles dont la source est la concurrence économique. le discours d'Emile Zola est intelligent et mesuré. Il aurait été facile de blâmer uniquement l'argent et d'en faire l'image d'un dieu avilissant qui soumet une population d'êtres humains purs par nature, mais Emile Zola préfère souligner la culpabilité de l'homme dans l'établissement d'un système dominé par l'argent. A cause de l'homme, l'argent est devenu sale : il a tout souillé, même, et surtout, le désir. Et dans cette décrépitude du lien, de l'estime et de la dignité, que devient l'amour ?


A travers L'Argent, Emile Zola s'est posé beaucoup de questions qui ont le mérite de l'intemporalité. Saurons-nous jamais créer quelque chose de noble avec et malgré l'argent, ou notre nature même nous en empêchera-t-elle toujours ?
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
Commenter  J’apprécie          260




Lecteurs (3334) Voir plus



Quiz Voir plus

Les personnages des Rougon Macquart

Dans l'assommoir, quelle est l'infirmité qui touche Gervaise dès la naissance

Elle est alcoolique
Elle boîte
Elle est myope
Elle est dépensière

7 questions
592 lecteurs ont répondu
Thème : Émile ZolaCréer un quiz sur ce livre

{* *}