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3,87

sur 900 notes
Cette fois c'est l'argent le héro étudié, caricaturé, grossi, tourmenté, sali...
On l'avait déjà abordé avec Saccard dans le tome 2 mais c'était la motivation sourde et Zola traitait plutôt de la course à la construction parisienne et de l'inceste.
Là on retrouve notre cher Saccard ruiné mais fou qui profite des gens et est persuadé de son bon droit, continue à les embobiner, avec altruisme pourtant, et folie.
Comme toujours on coule doucement et inévitablement vers le drame, c'est ça, l'art de Zola.
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« Il faut tuer l'argent ». La phrase est dite tant ce dernier détruit les existences des riches ou des pauvres.
Il y aurait des analyses à faire sur cet ouvrage qui parle du cynisme des puissants qui écrasent sans scrupules les gens du peuple, ceux qui qui sont considérés par ces mêmes puissants comme comme des êtres insignifiants.
La démonstration de Zola est intéressante même si elle ne touche pas au coeur comme d'autres romans puissants. Mais elle résonne comme une thèse ma foi bien actuelle…
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L'ARGENT de Emile Zola "Charpentier éditeur 1891" 542,- pages

https://www.babelio.com/livres/Zola-Les-Rougon-Macquart-tome-18--LArgent/911688
https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/29513


Saccard (que nous avons découvert dans LA CUREE) revient sur le devant de la scène. Il considère que l'argent est le moteur de toute chose. Si le principe de l'offre et de la demande est probablement la première règle de l'histoire de l'humanité, la seconde serait sans doute que chaque chose n'a pour valeur que celle qu'on lui donne... et c'est bien là le principe universel de "la bourse". Saccard l'a compris, et en créant la banque universelle, il se couvre de publicités et de dorures qui vont lui donner une crédibilité et motiver l'appétit des acheteurs. Finalement Zola nous décrit avec un siècle d'avance le crash boursier de Wall Street de 1929 et celle des subprimes de 2007.
Il est donc une troisième loi. Elle ne fut pas dictée sur le Mont Sinaï mais elle s'inscrit dans la logique : tout ce qui monte finit par descendre. Il suffit donc de savoir attendre.

Le roman est bien construit. Les personnages se croisent avec intelligence ; le bien et le mal se côtoient (comme dans la vraie vie).
Dans le cas Saccard, son contraire est tout désigné. Une femme qui ressemble à un ange. Elle se nomme Caroline Hamelin. Pieuse, douce, probe et profondément bonne... et pourtant elle deviendra sa maîtresse et son ouvrière.
Ce dix huitième opus n'est pas le meilleur mais il croise une réalité avec brio.
L'écriture de ce texte précède de plus de cinq ans l'affaire Dreyfus, Zola a toujours dénoncé avec force l'anti sémitisme et dans « l'argent » les propos envers les juifs sont sévères, Saccard d'ailleurs fait presque de sa lutte une guerre de religion, il est vrai que le personnage ne s'embarrasse d'aucun scrupule pour en arriver à ses fins.

LES PERSONNAGES PRINCIPAUX

SACCARD.
Aristide Rougon, dit Saccard, né en 1815 ; épouse en 1836 Angèle Sicardot, calme et rêveuse, fille d'un commandant ; en a un fils en 1840 et une fille en 1847 , et perd sa femme en 1854 ; a eu en 1853 un fils adultérin d'une ouvrière, Rosalie Chavaille, qui comptait des phtisiques et des épileptiques dans son ascendance ; se remarie en 1855 avec Renée Béraud du Châtel, qui meurt sans enfants en 1864.
Aristide s'enrichit par l'expropriation, la démolition, la construction, la spéculation. Il est intermédiaire dans les emprunts de la ville. Mais sa fortune n'est pas stable. Comme M. Haussmann, Aristide a le luxe inutile, et garde la misère réelle. Il a tenté les grandes aventures, il est le type des grandes dépenses, du luxe étalé dans les maisons neuves, tout en façade. Aristide est administrateur, agioteur, entrepreneur. Il doit, mais il jouit, il intéresse ses créanciers à ses succès, etc. ; il leur fait voir des fantasmagories de calcul. Et au dernier moment liquidation, expiation.
Un homme emporté par une idée fixe : faire une grande fortune. Un homme enjambant tous les obstacles, ne s'arrêtant en chemin que pour jouir. Brutal, allant droit au but. Une volonté en somme, dans le mal, dans la coquinerie, volonté privée de sens moral et acceptant tout.
Donc en 1864, Saccard a 49 ans. – Au physique, c'est un petit homme noirâtre très vif. Tenant de sa mère, la cigale. Traits creusés, un Thiers accentué. Mais je ferai que l'âge ne mord pas sur lui. Pas un cheveu blanc, cheveux très touffus ; pas de barbe ni de moustaches, il a l'air, rasé, d'avoir toujours trente-cinq ans. Nez pointu, flairant. Yeux très vifs, luisant, fouillant. Et une maigreur, une vivacité de jeune homme. Pas beau, mais s'arrangeant presque avec l'âge : un véritable charme, par cette conservation. La jeunesse, cette activité de gestes et de paroles prodigieuses. On comprend qu'une femme puisse s'intéresser à lui.
Un Saccard nouvelle forme. L'hôtel du parc Monceau a été vendu, dans une débâcle que je dirai brièvement. Pris dans un écroulement d'une spéculation sur les terrains. Il a toujours eu des hauts et des bas ; même au sommet du succès, lorsqu'on le croyait très riche, sa caisse souvent était vide. Il a donc un bas terrible. Puis, lui donner l'amour du changement. Il en a assez, du parc Monceau. Il veut recommencer, faire autre chose. Et le premier étage de l'hôtel d'Orviedo, qu'il loue dans un quartier que je choisirai. Il est venu là parce qu'il connaissait la princesse (il s'est occupé de ses affaires, révolté de voir qu'on la volait, et il ne lui prend pas un sou). Donc, leur connaissance datant de loin déjà, il a eu l'idée de venir occuper l'appartement du premier qu'elle avait fermé, ne recevant plus, s'étant réfugiée au second, dans les logements des domestiques. Il paie un loyer, assez fort : six mille francs, ce qui n'est pas cher, car cela en vaudrait le double. Mais il est venu ici avec un plan : l'idée d'épouser la princesse, de se faire épouser plutôt, lorsqu'il vivrait dans son intimité. Et l'idylle grandiose qu'il fait : devenir le propriétaire de l'immense fortune, un milliard, dit-on, pour le rendre aux pauvres ; car il ne serait que le gérant de cette fortune, il étonnerait le monde par le faste de ses oeuvres. Quelque chose de royal dans l'aumône. C'est la connaissance de la princesse qui lui a tourné la tête. Dans la charité comme il a été dans le vol, géant, d'une activité homérique, d'un désir de jouissance illimité. Et il présente ça à la princesse comme une bonne affaire pour elle : on ne la volerait plus. Mais elle ne veut pas. Elle n'a besoin de personne. Il me faut le faire irrité de cela, il comprend, il continue de l'aider pour sa petite oeuvre, ne pouvant faire le bruit colossal qu'il rêvait. Tripoter dans la charité, mais sans détourner un sou des pauvres. le voilà donc forcé de faire autre chose, et la fièvre le reprend. C'est à ce moment que commence mon livre.
Gagner de l'argent, pourquoi ? Pas comme Grandet, pour l'enfouir. D'abord, passion de l'agio, car Saccard a tripoté de tout temps. Plusieurs fois il a touché la puissance par l'argent, mais jamais il ne l'a eue solide, définitive, et il ne l'aura jamais. Donc, de là un enragement, fureur de conquérir, d'autant plus violente que la conquête reste à faire. – Il veut, il est vrai avoir de l'argent, pour l'assouvissement, jouissance du luxe et de la femme, surtout pour être le maître de Paris, l'aveugler, le noyer d'une pluie d'or. Donc tous ces appétits. Mais plus haut, la joie pure de se battre, la conquête pour la conquête, la joie en elle-même du joueur, qu'il gagne ou qu'il perde. Il est là dans son élément, il y vit davantage. – Enfin, la joie de l'action se double de ce qu'il a des vengeances à exercer. Gundermann l'a volé, l'a blessé. – Plus tard il se grise, croit qu'il fera sauter Gundermann. – La veille des armes, la veille du jour où Saccard va engager l'action, la veille d'une grande journée à la Bourse. – Il voit Gundermann, en 1er, et peut-être est-ce lui qu'il vient chercher. Non, j'aimerais mieux l'agent de change. Gundermann passerait. Oh ! l'abattre ! – Enfin, dans la psychologie de Saccard : faire qu'il soit perdu par son luxe, surtout par la Sandorff qu'il a désirée : la punition est dans l'abus de la faute, le ver est dans le fruit. Sa perte doit venir des mécanismes de sa passion. La passion l'élève et le mange. Il s'en rend compte à la Conciergerie. Il regrette surtout que la princesse d'Orviedo n'ai pas voulu se marier. Cette idylle aux millions ; et il s'attendrit. Il aurait pu reconquérir la Palestine peut-être, mettre le pape là-bas. Un rêve de gloire. Il faudra que plusieurs fois, il veuille mettre la princesse dans l'affaire de l'Universelle. Mais elle a juré de ne plus laisser son argent tripoter. – À la fin, il regrette de n'être pas comme le juif, froid, entasseur, sans passion, un coquin qui triomphe par son absence de vie. Gredinerie césarienne. Saccard succombe parce que passionné, jouisseur, emballé. Son frère Rougon le lui disait , tu veux te mettre trop vite à table. »

CAROLINE HAMELIN
Soeur de l'ingénieur Georges Hamelin. Orpheline à dix-huit ans, elle a donné des leçons, soutenant son frère entré à Polytechnique, l'adorant, faisant le rêve de ne le quitter jamais. La bonne grâce et l'intelligence de la jeune fille ont conquis Durieu, un brasseur millionnaire ; il l'a épousée, mais au bout de quelques années de mariage, elle a dû exiger une séparation pour ne pas être tuée par ce mari qui buvait et la poursuivait, avec un couteau à la main, dans des crises d'imbécile jalousie. Elle avait alors vingt-six ans et s'est retrouvée pauvre, n'ayant voulu recevoir aucune pension de l'homme qu'elle quittait. Rendue ainsi à son frère, elle est partie avec lui pour l'Égypte, et a donné des leçons à Alexandrie pendant qu'il parcourait la contrée ; ils sont allés de là en Syrie, ont visité les Lieux Saints et sont enfin revenus en France, lui avec un portefeuille débordant d'idées et de plans, elle avec des aquarelles sans prétention où elle avait fixé des vues de là-bas, tous deux frémissants d'enthousiasme pour les pays traversés. Et ils se débattent à Paris, victimes d'une malchance noire, échoués dans un petit appartement de l'hôtel d'Orviedo, où ils vont se lier avec Aristide Saccard.


LISTE COMPLETE DES PERSONNAGES


Amadieu
Beaudouin
Beauvilliers (Alice de)
Beauvilliers (Comte Charles de)
Beauvilliers (Comtesse de)
Beauvilliers (Comtesse de)
Berthier
Blaisot
Bohain (Marquis de)
Busch Aîné
Busch (Sigismond)
Charles
Charpier
Chavaille (Rosalie)
Chave (Capitaine)
Chuchu (Mlle)
Clarisse
Coeur (Germaine)
Combeville (Duchesse de)
Conin
Conin (Mme)
Cron
Cron (Léonie)
Daigremont
Daigremont (Mme)
Dejoie
Dejoie (Joséphine)
Dejoie (Nathalie)
Delarocque
Delcambre
Durieu
Eulalie (La Mère)
Fayeux
Flory
Gundermann
Hamelin (Caroline) = Caroline (Mme)
Hamelin (Georges)
Huret
Jacoby
Jantrou
Jeumont (De)
Jeumont (Mme de)
Jordan (Marcelle) = Maugendre (Marcelle)
Jordan (Paul)
Keller (Les)
Kolb
Ladricourt (Comte de)
Lamberthier
Larsonneau
Lavignière
Lelorrain
Lévêque (Mme)
Madeleine
Massias
Maugendre
Maugendre (Marcelle)
Maugendre (Mme)
Mazaud
Mazaud (Mme)
Méchain (Mme)
Moser
Mounier
Nathansohn
Orviedo (Prince d')
Orviedo (Princesse d')
Pillerault
Renaudin
Robin-Chagot (Vicomte de)
Roiville (Les De)
Rougon (Eugène)
Rousseau
Sabatani
Saccard (Aristide)
Saccard (Maxime)
Saccard (Victor)
Saint-Germain (Mlle de)
Salmon
Sandorff (Baron)
Sandorff (Baronne
Schlosser
Sédille
Sédille (Gustave)
Sicardot
Sophie
Théodore





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L'argent est un roman d'une étonnante modernité. La comparaison avec la crise des subprimes de 2008 saute aux yeux. Pourtant, Zola ne réussit pas tout à fait à nous faire oublier que le sujet initial est assez rébarbatif. Autant on se passionnera pour le sort réservé aux Beauvilliers et autres Maugendre, autant les longues pages de descriptions légales et financières sont plus difficiles d'accès.
Lien : https://dragongalactique.com..
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Un des meilleurs volumes des Rougon-Macquart ! Cette histoire de spéculation, de bourse, de faillites et de succès financiers est passionnante jusqu'à la dernière ligne. Tout y est : les personnages, la documentation de Zola, toujours impeccable, le scénario, l'étude des moeurs, des milieude largent. du grand art.
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Je m'étais fixé pour objectif de terminer les Rougon-Macquart avant la fin de mes études universitaires. En effet, j'avais tellement aimé "Germinal" que je voulais tout connaître de cette fresque familiale du XIXe. J'ai commencé par les plus connus ( L'assommoir, Nana, la bête humaine), puis je me suis frottée à des tomes moins médiatisés (une page d'amour, la curée, l'oeuvre). Ensuite, j'ai voulu lire "l'argent"...
Je suis restée quatre mois sur ce roman, sans jamais parvenir à dépasser les quinze premières pages. Je pense que "L'argent" demeurera à jamais un trou dans ma lecture des vingt tomes des Rougon-Macquart.... D'abord déçue, j'ai voulu m'obstiner à poursuivre, mais cette fois c'est fini: je vais me résoudre à reposer "L'argent" au fond de mon étagère et passer au suivant de ma liste, "le docteur Pascal". Si vous avez quant à vous eu le courage de le lire jusqu'au bout, veuillez recevoir mes plus grands applaudissements...
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Publié en 1891, L'Argent est le dix-huitième roman de la série des Rougon-Macquart. On retrouve dans ce roman le personnage de Saccard, qu'on avait découvert dans La Curée. L'histoire relate l'ascension, puis la ruine de la Banque Universelle, créée par Saccard, dans son désir toujours renouvelé de pouvoir et de richesse. Zola s'est largement inspiré de deux scandales financiers de l'époque, celui de la Caisse générale des chemins de fer, créée par Jules Mirès et la faillite de l'Union Générale en 1881.

Ce livre passionnant décrit très précisément le fonctionnement de la bourse et de la folie spéculative, et reflète à merveille les idées qui avaient cours à cette époque (antisémitisme, marxisme, libéralisme). L'Argent est aussi criant d'actualité; il est inquiétant de voir que le passé se répète encore et encore, que la bourse s'affole toujours de la même manière, artificiellement, jusqu'à l'explosion de la bulle spéculative et la ruine de milliers de personnes.
Lien : http://unmomentpourlire.blog..
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L'argent c'est avant tout l'histoire des égos et de l'ambition qui écrase les sentiments profonds. L'égo pour Saccard, convaincu qu'il pourra retrouver la bonne Fortune via ses projets en Orient et prêt à toute la démesure pour arriver à ses fins. L'écrasement des sentiments, c'est justement le reniement de l'égo en cédant aux passions qui sont étrangères, en étant attiré comme les phalènes par la puissance de la lumière qu'on sait pourtant éphémère. Mme Caroline, son frère Hamelin, Busch, Delcambre, la baronne Sandorff, la comtesse Beauvilliers et sa fille sont les personnages centraux de ce grand roman ou l'adjuvant Gundermann se fait la cible d'un antisémitisme qui dégouline de façon toujours terriblement contemporaine.

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Dans ce roman, nous retrouvons Aristide Saccard, le mauvais garçon de la lignée des Macquart, qui avait changé de nom, déjà pour raison de mauvaise réputation, dans « La Curée ».

Il lance la création de la « Banque Universelle », devant financer des projets au Moyen Orient. Il attire autant d'actionnaires qu'il peut, petits et gros, en faisant miroiter le fait qu'il va « donner Jérusalem » au Pape.

S'en suit un montée vertigineuse de la valeur de l'action. Certains, parmi les premiers acheteurs commencent à s'inquiéter de cette situation irréaliste, et à se dire qu'il vaudrait mieux vendre, afin d'assurer le bénéfice. Mais, s'ils lui demandent conseil, Saccard les persuade de ne pas vendre et, au contraire, de continuer à acheter s'il le peuvent, afin de le soutenir, ne pas le laisser tomber.

Car il faut résister à l'offensive des « baissiers », menés par le banquier juif Gundermann. On se demande comment ils font pour vendre encore « de l'Universelle », alors que l'action continue à monter.

Mais à plusieurs reprise, Zola nous explique qu'il y a des agents doubles, qui achète officiellement et font revendre par des hommes de paille, ou le contraire.

Madame Caroline est une femme qui n'a pas eu d'enfant et vit avec son frère. Ce frère est ingénieur et supervise l'un de ces grands travaux financés par la Banque Universelle.

Saccard fait la connaissance de Madame Caroline et l'aide à financer ses maisons pour les enfants, dont elle s'occupe, Il la convainc d'acheter des actions de la Banque Universelle, en lui faisant miroiter des gains colossaux, car cette montée ne fait que commencer.

Parallèlement, s'établit, entre Saccard et Madame Caroline, une liaison, amoureuse ou assimilée. Puis, Madame Caroline découvre qu'elle n'est pas la seule. Après une crise de jalousie, qui va passer, elle se remet toujours à flot, contente de la vie, et lui pardonne.

Au fur et à mesure que l'action monte, son frère, avec qui elle correspond, lui conseille de vendre, avec de plus en plus d'insistance. Saccard la dissuade en disant qu'elle ne va pas le laisser tomber alors qu'il est en pleine ascension, et menacé par les « baissiers », ce serait une trahison.

Mais elle vend tout de même, progressivement, en cachette de Saccard, et sur les conseils de son frère. Lorsque l'action atteint son sommet et commence à s'effondrer, elle a vendu ses dernières actions au prix le plus fort.

Ce sera la seule qui ne perdra pas tout, lorsque l'action va s'effondrer de plus de trois mille francs à quelques centaines.
Cette catastrophe entraîne avec elle des centaines d'épargnants qui perdent ainsi leurs économies ou leur héritage, et sont ruinés.

Saccard aussi, est ruiné, mais il en l'habitude, « toujours sans le sous et dépensant des fortunes », des autres, évidemment.
Suite à une action en justice d'un des épargnants ruinés, Saccard et le frère de Madame Caroline sont arrêtés pour escroquerie, le deuxième pour complicité ou en tant qu'associé.

Madame Caroline va voir son frère en prison, mais pas Saccard, qu'elle considère comme responsable de tout ce désastre.
Mais ils font appel, et Saccard profite de la libération provisoire pour aller en Hollande se lancer dans quelqu'autre affaire...
Lien : https://perso.cm63.fr/node/419
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J'ai toujours un certain plaisir – je veux dire : un plaisir minimal garanti – à lire du Zola. On est assuré d'y retrouver un style exigeant, des tournures fortes d'évocations, un vocabulaire rigoureux, exact et significatif – j'y reviens toujours avec l'appétit des contours nets et des contenus consistants. Zola, c'est l'homme positif qui veut transposer toutes les couleurs de la Vie avec la minutie et la méthode d'un artiste des sciences : on perçoit la phrase mûre, sèche ou ample selon la vision à transmettre, le travail du façonnage, la taille et le polissage appliqués d'un artisan habile, d'un ouvrier d'exception. Maints autres auteurs de cette époque ont eu aussi ce souci consciencieux d'une langue millimétrée permettant la lecture même sans l'intérêt de l'intrigue – on tire des délices du français, de la capacité, éclatante, indéniable au regard du moindre esthète, à communiquer aussi bien la chose que le sentiment de la chose ; c'est une école d'observation et de discipline, d'acharnement, où le rapport écrit du moindre objet trouve ses difficultés dans la singularité de l'angle et de la manière – ; n'importe si d'autres ont eu cette capacité : Zola l'a eue aussi.

Je lis Zola presque par nostalgie, en quête d'un labeur qui n'existe plus ou plus guère – pareillement achète-t-on encore des meubles en bois massif dans un siècle de buffets chiches et démontables. Tout est profond à ces façonneurs de réalité, même si leurs sujets sont creux : ils deviennent, dans ce cas, profondément superficiels, comme Huysmans, et ceci vaut encore mille fois mieux que d'être, comme nombre d'auteurs aujourd'hui, superficiellement superficiels.

Il faut bien regarder la chose, et puis la représenter tout juste : ce soin-là d'examen et de conformité témoigne d'une sélection, d'une finesse, d'une analyse, en un mot : d'un art. Avec cette attentive et studieuse conception, la littérature cesse aussitôt d'être un divertissement : trop d'effort, trop de soif d'absolu ; on ne fabrique pas de pareils bijoux ciselés pour la simple parure, ces objets-ci sont attachés à un certain culte ; le joyau en soi serait-il faux que ça ne changerait rien au temps passé à ses facettage et sertissage ; on a toujours du respect pour la bonne facture, quelle que soit même la pureté de l'eau ; l'oeuvre ainsi parachevée et acquise est, comme l'écrivait Nietzsche, un gage d'estime réciproque.

Et je considère que c'est l'essentiel d'un écrivain de ne pas vouloir seulement « raconter des histoires ». Tous ceux qui, de nos jours, affirment le contraire, avec leur lot enthousiaste et affiché d'humilité et de générosité racoleuses même sincères, sont pour moi des imposteurs : ils s'arrogent un titre auquel ils ne peuvent prétendre, comme un caissier se déclarant banquier. Je réclame que dans un livre il y ait aussi de l'art, et j'avance que sans cela il n'y a pas d'oeuvre, tandis qu'une oeuvre, à la limite, peut se dispenser de faits, attendu par exemple que Madame Bovary ne raconte pas grand-chose, quand À Rebours ne relate presque rien.
L'Argent poursuit l'itinéraire de Saccard, retourné à Paris après la Fortune des Rougon, rendu riche pendant La Curée après de nombreux tripotages immobiliers opportunistes durant les transformations d'Haussmann, immoral, ambitieux, assoiffé de mondanités ostentatoires, portant jusque dans le sang toute une fièvre démesurée et bestiale de revanche sur la vie, jouisseur extrême, avide de puissances colossales, intolérant des demi-mesures et des vraies inhibitions, poseur, calculateur, effréné de conquêtes à conditions qu'elles soient publiquement superbes. Ruiné je ne sais comment à l'issue probable d'un de ces coups passionnés où l'on quitte ou double, fulminant de rancoeurs rentrées, il réclame auprès de son frère Rougon, ministre hautain et stratège, une place à la hauteur des talents qu'il se figure, et, en attendant la réponse, trépigne d'impatience en contemplant d'assez près les acteurs de la Bourse qu'il juge des risque-tout fascinants, ruminant lointainement un plan… quelque chose comme une idée de génie pleine de périls et qui le travaille.

La Bourse est la grande machine de ce roman, au même titre que le train est celle de la Bête humaine ; c'est le milieu d'élection à l'étude, suivant la grande méthode systématique de l'auteur qui prétend à rendre compte exactement de toutes les réalités de son siècle : un cycle pour représenter tout l'univers humain, toutes les activités, toutes les sociétés, toutes les catégories représentatives de la France sous le Second Empire.
Secrète, obscure, alchimique, cette Bourse que l'on côtoie pourtant quotidiennement à travers ses agents, tout un peuple singulier de chuchotements et d'humeurs, au sortir de son édifice tangible et licite mais qui, pour tous, est un Temple des Mystères, oblique et tout-puissant. On murmure, çà et là, les réputations de fortunes fondées sur un seul coup insensé et magistral, les fluctuations mentales de tous les maniaques que le jeu a dévorés d'angoisse et d'espérance, les stratégies hasardeuses des haussiers et des baissiers, gens extrêmement attentifs, dans leur professionnelle fébrilité, aux moindres rumeurs que l'on tâche à exprimer d'une poignée d'hommes discrets, supposés initiés, qu'on redoute, qu'on admire et dont on veut devancer les actes comme des oracles de Pythie, ces détenteurs – on l'espère en tremblant – de tout un savoir alambiqué capable de changer, d'un seul hochement de tête, en or pléthorique quelques petits billet d'ordre a priori insignifiants.

Alors, on surveille ces prêtres impénétrables et bizarres : un sourire entr'aperçu de celui-ci ? il faut acheter ! À moins que le sourire fût feint !... N'a-t-il pas émis un signe d'agacement en consultant les cours ? il faut vendre ! Mais s'il ne faisait que – déplier son mouchoir !...
Et sur tout ce monde de conciliabules dérisoires et monstrueux, d'informations infimes constituant peut-être la source de richesses prodigieuses, de solliciteurs désargentés aux aguets et de sommités vénérables abritées de placements milliardaires, règne en roi habile, en maître incontesté, en manipulateur universel des Nations depuis l'origine des civilisations, l'expert en créances par nature, le sectaire par dissimulation, l'homme-rente, l'homme-argent et donc l'homme-pouvoir, la figure abhorrée autant que supérieure indiscutablement : le Juif.

Le Juif, chez Zola, veille attentivement, tout au sommet de cette formidable pyramide de folie de dividendes et de bénéfices, attendant adroitement, de siècle en siècle, le jour de plus en plus prochain de sa main mise sur le monde, étendant patiemment son bras sur les ors dont tout dépend, souriant dans l'ombre mais au su de tous, gagnant inexorablement, condamné à triompher par ruse atavique, ne sachant rien d'autre, car il ne travaille pas, ne sait pas travailler, que fructifier à son avantage l'argent des autres qu'il accapare, et toute son espèce à part, et toute sa race si reconnaissable d'usuriers cauteleux et furtifs.

Vraiment, j'ai plus compris sur l'origine de la Seconde Guerre Mondiale grâce à ce livre de fiction qu'à travers tous les écrits historiques et documentaires que j'ai pu lire et qui, chaque fois, m'ont laissé ahuri et interloqué, sans réponse face à ce phénomène irrationnel, inexplicable et absurde que constitua, pendant deux millénaires, la haine du Juif. Je n'ai lu nulle part ailleurs et avec autant d'éloquence cette rancune inimaginable et immense qu'échafaudèrent contre lui les peuples, et presque tous les peuples du monde, le rendant si sournoisement responsable de toutes leurs calamités, de toutes leurs chutes, de tous leurs vices désastreux changés contre lui seul en une seule accusation d'opprobre et d'infamie – mais au fond plus dégradante pour ceux qui la proférèrent que pour ceux qui, placidement, en reçurent à plein l'abjection : « ce n'est pas à nous la faute, c'est à lui, c'est à eux, eux ! »
Sept ans avant son article J'accuse, Zola restitue avec tant de force, à travers Saccard, cette antipathie féroce et souterraine des Juifs qu'on est même en peine de deviner le Dreyfusard à venir ! C'est peut-être l'effet propre au réalisme, au naturalisme même : la violence de ce défoulement racial résonne avec tant de cruelle dureté crédible – et notre oreille, sans doute, l'entend autrement depuis la Shoah – qu'on en tire – que j'en ai tiré personnellement, mais dans quelques pages seulement –, une gêne (et l'on sait que je ne suis pas « moralement sensible »), un effarement, un ébranlement édifiant. Et je crois qu'à présent je comprends mieux l'origine inexplicable de toute cette affreuse hallucination collective.

Le roman : fabrique d'imagination et de transmission des idées les plus scientifiquement indémontrables et inaccessibles, par la seule représentation tant vraisemblable des hommes, changés en personnages. Ce tour-là, pour moi et sur ce thème longtemps mystérieux – dont je ne cessais opiniâtrement de poursuivre l'énigme – du Juif perpétuellement exécré, a réussi.

Pourtant, l'antisémitisme est loin de constituer le sujet principal du livre, par conséquent il ne doit pas l'être non plus dans ma critique. C'est bien plutôt un roman sur la démesure des passions suscitées par les appâts-mirages de l'argent, sur la vaniteuse fièvre de la gloire et des reconnaissance publiques, sur l'obsession des gains amassés dont on aspire au sempiternel doublement, et la déconnexion éberluée de toute conscience de la valeur réelle des choses, au coeur d'un système fiduciaire où la raison captivée, grisée, ébranlée, ressort affreusement altérée de cette logique imprévisible des paris et des cours.

En somme, L'Argent, c'est le récit de l'invasion volubile et maligne, dans un esprit déjà avide et perverti, de la maladie de l'alchimie du jeu et des chiffres étourdissants.

Et Saccard, sans scrupule, succombe avec délectation et angoisse à ce cancer artificiel dont le symptôme principal est un état de fébrilité situé entre le plaisir et la terreur ; le lecteur suit l'évolution de cette pathologie dont il apprend les coulisses et les remises, il s'emballe par procuration, quoique en totale sécurité à l'abri de son livre, pour cet homme qui finira escroc déclassé ou bien Napoléon superbe, Zola entretenant en apparence une telle illusion de victoire possible qu'on aspire continuellement à l'éclosion d'un surhomme, né de toutes les audaces et de tous les risques, de toutes les interdictions légales transgressées et piétinées.

Vraiment, ce roman est un formidable morceau de bravoure pour tout ce qui touche à la peinture de la finance et de la psychologique du joueur. Magnifique, là, grandiose – sans revenir encore sur le style artistement congruent où les malaises d'extase comme d'inquiétude, où les surabondances d'énergies et de volonté comme les retombées de flegme et de calcul, sont transposées avec un pittoresque consommé et l'examen exact d'un cardiologue spécialisé en toutes les arythmies.

L'Argent, du point de vue iconographique, est une réussite indéniable, pour le profane en Bourse en tous cas.

En revanche, du point de vue de la composition narrative, c'est un peu différent, à mon avis.

Je crois que ce roman de 450 pages pourrait, sans pâtir beaucoup, en être amputé d'un tiers, comme c'est souvent le cas des oeuvres de Zola. Ici, il ne s'agit point de ces « patiences » obligées notamment par des descriptions superfétatoires ou par la relation résomptive de plusieurs années de récit, mais d'adjonctions d'intrigues secondaires, au mieux décoratives et inutiles, au pire dilatoires, « remplissages » et mièvrement symbolistes.

Car – pour retrouver un ton plus subjectif – tout ce qui m'a intéressé, dès le début du roman, se trouve entièrement et uniquement dans l'entreprise de cotation en Bourse de Saccard. C'est cela, le mobile et le coeur de ce récit qu'on pourrait sous-titrer : « Puissance et Ravages » ; tout repose dans le suspense du succès ou de l'effondrement plausible d'un homme grâce ou à cause du jeu ; cette exploration documentée d'un univers ésotérique et spagyrique suscite tout l'émoi du lecteur, et rien d'autre ; c'est ce qui nous excite, et nous tient en haleine, et nous fait tourner les pages avec ferveur, si bien que chaque ambition additionnelle du héros, chacune de ses malversations supplémentaires, nous figure l'extension volumique d'une bulle dont l'éclatement anticipé et inévitable peut tout aussi bien s'achever en éjaculation d'or et d'honneurs ou en écroulement lamentable de malheurs et de honte.

Mais alors, pourquoi nous importuner – m'importuner – avec le passé de Saccard, ses amours imbéciles, et l'existence d'un fils illégitime au sang corrompu qu'il ne rencontrera de toute façon jamais, le tout délayant l'intrigue dans des fadaises habituelles et misérabilistes de système ? Vraiment, on a parfois l'impression que Zola récite sa leçon : il fallait du cloaque à travers des personnages adventices, il fallait des espoirs ingénus, de la lignée brisée, de l'amour platonique et de l'amour sexuel, de la fourberie sordide et de l'élévation tout ce qu'il y a de plus altruiste et pure, et, pour cela, l'auteur a fabriqué de toutes pièces des « types » tout excessifs, entre la sainte – veuve de trente ans aux cheveux déjà candides et qui se morigène, malgré ses élans innocents de pleine vie, d'être attirée par l'interlope Saccard –, et les diables –, baronne traître et salope, prête à toutes les bassesses y compris luxurieuses pour obtenir de quoi favoriser son intarissable passion du jeu (c'est d'ailleurs, le seul ouvrage que j'ai lu de cette époque qui relate, quoique avec précaution mais assez de détails tout de même pour provoquer un terrible scandale, une fellation), ou bien, autre démon, cet enfant de dix ans, difforme, repoussant de vices mâles, de crasse et de grossièreté, bâtard dans l'âme, coutumier déjà de coucher en un taudis hideux dans le lit de sa presque-mère et qui, récupéré plus tard avec espérance dans une maison du travail, profitera d'une moindre négligence pour voler et violer une petite fille blonde qui, évidemment, deviendra aussitôt enceinte.

C'est ce qui me dérange le plus chez Zola, son désir de comprimer à toute force la réalité sous sa vision allégoriste et socialiste, de faire de ses caractères, au centre d'un décor présentant toute l'exactitude de lieux sincèrement véridiques, des entités débiles et prémoulées dont il prétendrait que la poussée agissante, telle une force intime et atavique, fût génétique et environnementale, mais dont les principes de l'auteur constituent en fait le principal moteur. Cette torsion de la vraisemblance, qu'on devine à l'excès, m'embarrasse ; chez Zola, au lieu du « il faut que cela arrive parce que c'est logique » avancé comme profession de foi, comme le fondement de sa méthode naturaliste, tout arrive « par égard pour ses convictions stéréotypées, pour confirmer généreusement ses préventions » : il y a là une sorte de tromperie qui se constate d'évidence en lisant ; la mise à distance, en vérité, n'existe pas du tout, il n'y a pas de démonstration objective par le roman, et les marionnettes y gesticulant sont trop grossièrement confectionnées et se placent toujours dans des situations trop propres à valoriser non leur conscience subtilement libres, mais les théories un peu mal équarries de leur « manipulauteur ».
En somme, toutes ces péripéties ampoulées, toutes ces obligations sans nuances qui atermoient le récit en un spectacle de monstruosités divines ou horribles, exhalent un souffle de factice que je ne pardonne pas facilement et dont je soupçonne, chez Zola, le sentiment de l'ennui alors même qu'il les écrivait ; c'est au point, vraiment, qu'il suffirait méthodiquement de biffer tous ces passages immodérés où retombe notre suspicion du « faiseur de thèses » pour redonner toute sa franchise, tout son éclat supérieur, toute son unité immaculée à cette oeuvre imposante sur la Bourse, c'est-à-dire sur les batailles que se livrent métaphoriquement, en tout homme, la volonté de puissance et les exigences de la morale.

Note : Dans mon édition (Folio classique), la préface d'André Wurmser commence admirablement par le portrait, foisonnant de trouvailles stylistiques et d'exemples érudits, de l'animation de la ville de Paris en 1891. Malheureusement, cette envolée superbe sur sept pages s'effondre lamentablement en une critique partiale et politique de Zola, accusé de ne s'être pas suffisamment épanché sur la mal intrinsèque du système boursier, sur le mal du capitalisme, sur le mal de l'argent. Cet idéalisme mièvre et partisan – « Rien ne saurait souiller l'amour. L'argent n'est que souillure. » – contraste si violemment avec le talent pittoresque du préfacier, que l'on s'étonne, non sans affliction ni écoeurement, que tant d'art puisse rencontrer tant de bêtises en un même être. Mais c'est peut-être volontaire, après tout, pour illustrer complètement l'ouvrage lui-même, qui n'est rien d'autre, schématiquement, que le récit d'une ascension galvanisante précédée d'une chute déplorable.
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