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sur 1696 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Avec ce cinquième opus de la saga des Rougon-Macquart, nous retrouvons Serge Mouret, dans une commune rurale peuplée de familles frustres dans leurs échanges et primaires dans l'expression de leurs sentiments . Il a réalisé son rêve, devenir prêtre, et exerce son sacerdoce avec dévotion et bonheur. Il voue un culte particulier à la pureté de la Vierge Marie. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Oui mais voilà, son oncle le docteur Pascal le sollicite pour venir au chevet d'un mourant, une sorte de misanthrope qui squatte les dépendances d'un ancien domaine. Et qui héberge Albine , une sauvageonne belle comme le jour, qui ne cessera plus de hanter les pensées de l'abbé. Jusqu'à douter de l'existence de Dieu!

La faute, on la devine.

L'originalité du roman tient à la mise en scène de l'histoire amoureuse des deux personnages : elle a lieu dans le Paradou, là où la jeune fille règne au coeur d'un paysage sublime. Mais entre l'intitulé du lieu et les descriptions des espèces végétales qui en font un paradis terrestre, l'Eden et l'arbre de la connaissance du bien et du mal ne sont pas loin (d'ailleurs si vous n'avez pas quelques notions de botanique, il vaut mieux avoir Google accessible, pour visualiser les tableaux végétaux décrits, avec force détails). Là encore, comme dans le Ventre de Paris , la notion de saison n'est pas prioritaire devant la volonté de donner une impression de luxuriance et fleurs et fruits se côtoient dans un joyeux bazar.

Les personnages secondaires ne manquent pas d'intérêt :
Désirée la simplette est toujours présente, et toujours aussi passionnée par l'élevage des animaux de la création, de plus en plus volumineux et envahissant, La Teuse dirige la cure avec énergie et le Frère Archangias s'offusque avec force devant les frasques de l'abbé tout en crevant de jalousie.


Encore un superbe opus pour cette série , avec une langue riche (de nos jours on accuserait l'usage de Wikipedia) et un excellent rendu des tourments et des délires du pauvre abbé, dans un récit aux allures de parabole.

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♫ C'est un jardin.... extraordinaire....! ♬ ♬
Ici, dans ce cinquième volume du cycle des Rougon-Macquart, La faute de l'abbé Mouret, si l'on n'y prête guère attention, à première vue on pourrait y voir un Émile Zola reconverti en botaniste.
Que nenni ! Ici c'est tout simplement son talent de peintre de l'âme humaine, du désir et de l'appel de la chair aussi, qu'il déploie avec gourmandise et volupté, certes parfois dans un symbolisme qui peut paraître outrancier.
Contre toute attente j'ai aimé ce cinquième opus.
Je m'attendais au pire, ayant lu et apprécié quelques critiques bien étayées de quelques amis d'ici, disant que le malheureux Zola s'était égaré, peut-être même fourvoyé, au mieux dans une scène bucolique, naïve et désuète tout droit sortie d'un tableau du Douanier Rousseau, au pire dans un délire horticole. Sans doute ont-ils un peu raison, ou plus exactement, on peut le voir ainsi et on peut aussi s'accorder sur le constat que Zola n'a sans doute pas la main verte... J'y allais donc presque à reculons... Mais voilà, je suis parvenu à lire ce livre et figurez-vous que chez moi, ça a plutôt bien fonctionné... Ah ! Les mystères de la lecture... Allez comprendre !
Si j'en crois l'érotisme floral qui m'a été donné d'effeuiller durant un florilège de pages enivrantes et voluptueuses, je me demande si je ne devrais pas désormais fréquenter davantage les forêts et les parcs plutôt que les librairies et les médiathèques ! Et pourquoi pas les jardineries tant qu'à faire, histoire de m'initier au plaisir de la terre, de la prendre dans les mains, de la sentir, effleurer les pétales et les pistils, m'enivrer des effluves des fleurs les plus rares, de leurs fragrances inavouées, odeur de musc et d'aurores printanières, deviner sous l'échancrure des feuillages des choses incroyablement douces et surprenantes... Cela dit, les deux sont totalement compatibles...
Plus sérieusement, là où certains de mes amis avaient raison, c'est bien sûr de rappeler un point essentiel : le style incomparable de Zola, son génie narratif, sans pour autant perdre de vue le dessein qui anime le projet littéraire du cycle des Rougon-Macquart, celui de peindre une histoire naturelle et sociale sous le Second Empire. Il me semble qu'ici Zola n'a pas dérogé à la règle qu'il s'était établie. Certes ce roman n'est sans doute pas celui que je préfère de la série, il n'a pas le souffle social qu'on peut saisir dans l'Assommoir, ni dans Germinal. Il n'est pas non plus dans le registre de la tragédie populaire qu'on peut rencontrer dans La bête humaine. Mais ce roman est une oeuvre intéressante et atypique qui, de mon point de vue, trouve écho à cette force qui porte l'écriture du destin des Rougon-Macquart. Je vais tâcher de vous en convaincre un peu...
Alors, reprenons nos esprits et revenons à l'histoire...
Nous sommes dans le sud de la France, à quelques lieux de Plassans, ville imaginée par Zola pour accueillir la saga des Rougon-Macquart. le jeune abbé Mouret vient d'être nommé prêtre de la paroisse des Artaud. Orphelin depuis le terrible drame relaté dans le précédent récit de la conquête de Plassans, il s'installe avec sa petite soeur Désirée dont il a désormais la charge, fille simplette qui va vite s'attacher aux animaux de la basse-cour dans une candeur touchante. Il a à son service une servante, femme du pays, aussi fidèle que têtue, la Teuse, j'ai découvert dans cette femme un magnifique personnage haut en couleur.
C'est un paysage aride fait de pierres, de vignes et de landes, un coin de terre ou les habitants sont aussi secs que le sol. Avec médisance, on ne serait pas loin de penser que le vin tiré ici doit ressembler à une horrible piquette. Au milieu de ces gueux dont on dit qu'ils sont sans âme, l'abbé Mouret se démarque de son homologue le Frère Archangias, qui fustige sans arrêt la trivialité de la paysannerie locale et en particulier celle des jeunes filles dont il ne voit que lubricité et fornication parmi les champs ; l'abbé Mouret aspire, quant à lui, à une tendresse pure, une candeur divine, se gardant de prendre ces gens simples en mépris. Il voue par ailleurs une pleine dévotion à l'endroit de la vierge Marie, au grand dam du Frère Archangias qui trouve cette approche de la religion un peu trop féminine à son goût.
Un jour, son oncle, le docteur Pascal, le sollicite pour porter l'extrême-onction auprès d'un vieil homme, il fait ainsi la connaissance du vieux Jeanbernat, personnage misanthrope, un peu philosophe, totalement anticlérical, mais ce dernier n'est pas encore prêt de passer l'arme à gauche. Il vit avec sa nièce la toute jeune Albine, enfant presque sauvage, au milieu d'un domaine étrange et semblant coupé du reste du monde, propriété abandonnée à la nature, le Paradou.
C'est à cet endroit que, quelques temps plus tard, le docteur Pascal, dépêché pour soigner son neveu pris de fièvres, aura l'idée inspirée de l'amener en convalescence. La jeune Albine saura s'occuper de lui...
Voilà, le décor champêtre est planté, celui qui crée un hiatus entre quelques lecteurs que nous sommes, Zola renouant ici avec le mythe du jardin abandonné. Ce lieu est un personnage à part entière, presque le personnage central, sorte de transposition du jardin d'Eden, convoquant une joie pure, une nature ivre, terrain d'apprentissage d'une forme de vie buissonnière et d'amour sans entrave, lieu de passage des gestes innocents à ceux qui le sont moins...
Bien sûr il y a cette seconde partie du récit qui apparaît comme une parenthèse surprenante au premier abord.
Zola, pour notre plus grand plaisir, convoque avec sa palette de peintre la nature dans tous ses sens. C'est une débauche de couleurs, d'odeurs, de formes les plus suggestives, la nature ici est lascive, elle s'offre à nous, c'est une étreinte de la terre, une débauche de feuillages, il y a une puissance d'évocation, quelque chose de charnel et de torride, je ne regarderai plus un parterre de chrysanthèmes, d'ancolies ou de campanules comme avant...
Mais, me direz-vous, où l'auteur veut-il en venir ?
Car il y a un drame qui sous-tend cela...
Si cette seconde partie du roman fait autant contraste avec les deux autres qui la tiennent, permettant à l'abbé Mouret de redevenir Serge, c'est ici, je pense, que le fameux mythe du jardin d'Eden prend tout son sens, invitant aux choses premières, à l'essentiel, un territoire protégé du reste du monde, qui fait de la femme l'égale de l'homme.
N'est-on pas d'ailleurs davantage sur le mythe de la transformation, de la tentative de renaître, ce jardin faisant office de véritable révélateur... La faute revient peut-être alors à ce rendez-vous de verdure, pardi !
Chers lecteurs, n'avez-vous pas été saisi qu'à aucun moment, il n'est question de la foi religieuse de l'abbé Mouret dans cette seconde partie ? Tout lui semble oublié, car justement, depuis ses fièvres, il est victime d'une forme d'amnésie qui lui a permis de se délivrer de son habit sacerdotal et de tout ce qui va avec. Perdant sa lucidité ecclésiastique, l'abbé Mouret n'existe plus, Serge n'est plus l'abbé Mouret, il en est totalement délivré. Il redevient Serge, celui d'avant. Cette amnésie crée peut-être cet univers éthéré où il n'est plus dans son état normal,-où peut-être le redevient-il tout au contraire justement ! Peut-être regardons-nous alors l'invitation de ce jardin avec son regard dépouillé de tout ?
N'oublions pas d'où vient l'abbé Mouret : de ce récit précédent, La conquête de Plassans, où le jeune enfant Serge fut enrôlé, quasiment endoctriné vers le ministère religieux par l'abbé Faugas à la faveur d'une première fièvre. C'est toute la dégénérescence de la lignée infernale des Rougon et des Macquart qui est ici dite en filigrane...
Dans cette logorrhée autant bucolique que catholique, où le trait est bien appuyé, j'y ai vu une charge prodigieuse contre la religion et ses serviteurs, sa domination, ses dogmes, ses croyances illusoires et ostentatoires, son prosélytisme... et peut-être aussi un magnifique plaidoyer féministe...
Voilà, je vous livre ici une vision totalement subjective de cette lecture...
Mais peut-être ne faut-il y voir qu'une simple chronique rurale, sensuelle et triste, aux accents lyriques ?
En tous cas, me voilà désormais remis en selle pour la suite du cycle des Rougon-Macquart !
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Avec le recul, je me félicite d'avoir laissé de côté cet opus quand j'ai entrepris la lecture de l'ensemble des Rougon Macquart il y a quelques années. Attirée par la frénésie séculière de la saga, je sentais que dans le flot l'abbé Mouret allait créer une rupture que je n'allais pas savoir apprécier (comme ça a été le cas pour "Le rêve", d'ailleurs, qu'il va me falloir relire).
Attendre le bon moment et la bonne disposition d'esprit a payé : "La faute de l'abbé Mouret" se savoure, ébaudit, pénètre son lecteur, mais d'une manière bien différente des autres romans.

Tout est à part dans celui-ci, à commencer par la construction narrative qui s'affranchit des codes du roman rythmé pour laisser place à une organisation en trois livres qui se présentent chacun comme une vaste fresque que Zola prend le temps de peindre, insistant ici sur les ombres, là sur la couleur avec des oppositions très lourdement marquées entre le sacerdoce de Serge fait de piété mortifère (première partie), le paradis du Paradou dans sa luxuriance angélique (la deuxième), et enfin l'expiation ou la tempête sous une soutane (la dernière).

A part également sur la lignée présentée: "queue de la bande, dégénérescence finale" des Rougon Macquart, Serge le prêtre abimé dans la religion par peur de la vie et Désirée sa soeur simple d'esprit au sens le plus pur du terme, forment contrairement aux autres personnages de la saga une branche morte, sans descendance.
Très peu de personnages d'ailleurs peuplent le roman à leurs côtés, sept en tout comme dans une pièce de théâtre : la lumineuse Albine, celle qui comme une nouvelle Eve conduira l'abbé Mouret à la faute; Jeanbernat, personnage que j'ai adoré, vieil athée acariâtre fuyant la compagnie des hommes; l'épouvantable frère Archangias, par lequel Zola fait la caricature grossière des dévots bornés; le rationnel docteur Pascal, oncle de Serge que l'on retrouvera dans l'avant dernier tome; la Teuse enfin, qui par sa bonhomie râleuse et sa lourde silhouette met paradoxalement de la légèreté aux pesantes scènes religieuses. Une économie de personnages qui laissent en fait la place à une nature foisonnante, gorgée de sève et d'instincts, dans le Paradou merveilleux comme dans la basse-cour de Désirée.

A part enfin dans l'outrance avec laquelle Zola souligne son propos: la lutte de la religion contre la vie, la première étant clairement présentée comme une construction mortifère destinée à éteindre les plus beaux élans vitaux. Une outrance qui donne tantôt lieu à des pages sublimes (à ma grande surprise ce sont celles sur la ferveur quasi délirante de Serge qui m'ont le plus "littérairement" éblouie), tantôt à des excès et une obésité de mots sur la partie du Paradou que j'ai trouvée d'abord sublime, puis trop longue, saturée de naturalisme un peu niais et de métaphores parfois trop appuyées.

Sur ce roman du combat entre la religion et la vie, du prêtre déjà mort de par sa prêtrise contre, tout contre la rayonnante Albine, je ne vous dirai pas qui sort vainqueur mais quiconque connait Zola sait que ces histoires se finissent rarement bien. de celle-ci je retiens en dernière image le visage en larmes d'un docteur Pascal désabusé, pleurant sur cette hérédité délétère.

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Serge Mouret, fils de François Mouret et de Marthe Rougon, quitte sa bourgade natale de Plassans pour mener une vie de prêtre dans le petit village voisin des Artaud à l'âge de vingt-cinq ans. C'est un saint envoyé dans une débauche de lupanar. Bien qu'il soit reclus dans une vieille église, étroitement surveillé par une servante plus pieuse et austère que lui, les paysans autour de lui ne cessent de l'intriguer. Ils mènent une vie plus primaire que celle des habitants de Plassans. La nature elle-même exhale une force plus puissante qui commence par troubler l'abbé Mouret avant que celui-ci ne se réfugie cependant bien vite dans la foi, qu'il avait déjà profondément ancrée en lui. En effet, Serge Mouret est un garçon pieux qui ne connaît pas le vice. Connaît-il pour autant la sainteté ? Reste à voir. La réclusion n'est peut-être qu'introversion, la prière n'est peut-être que paresse, et la dilection n'est peut-être rien d'autre que l'amour chaste et abstrait de la figure mariale. On reconnaît ici les ombres d'une philosophie nietzschéenne de la vertu par méconnaissance : « […] Il n'a point vécu, il ne sait rien, il n'a pas la peine à être sage comme un chérubin, ce mignon-là ». Emile Zola ne nous le cache pas : l'abbé Mouret va faillir à ses principes et sa dilection insensée n'est qu'une première étape marquant la dégénérescence de ses conceptions. Entre sa servante et lui-même évolue la jeune Désirée, incarnation de l'âme pure et innocente, loin des conceptions religieuses, entièrement tournée vers les beautés et les mystères d'une nature considérée par-delà le bien et le mal. Si elle ne représente pas la version définitive du surhomme, elle en est toutefois une ébauche puissante. le débordement vital de son énergie se mêle à une force qui semble sans limites, à une compréhension et à un respect de soi qui ne se cantonne pas au seul égotisme satisfait mais qui suit la logique des sentiments qu'elle éprouve vis-à-vis de la nature. le docteur Pascal s'enthousiasme lui-même de cette force, comme il s'enthousiasmerait pour l'idéal de santé vers lequel tend tout son exercice :


« Oui, des brutes, il ne faudrait que des brutes. On serait beau, on serait gai, on serait fort. Ah ! c'est le rêve !... Ca a bien tourné pour la fille, qui est aussi heureuse que sa vache. Ca a mal tourné pour le garçon, qui agonise dans sa soutane. Un peu plus de sang, un peu plus de nerfs, va te promener ! »


C'est le même docteur Pascal qui s'occupe de l'abbé Mouret lorsque celui-ci tombe d'inanition. Il demande alors à le faire transférer au Parandou, une maison abandonnée tenue par l'athée Jeanbernat et sa nièce Albine. Lorsque l'abbé reprend conscience, il souffre d'une amnésie partielle et d'une impotence presque complète. Il s'ouvre surtout à une nouvelle existence. L'abbé Mouret a délaissé ses fonctions et redevient Serge, petit enfant craintif et renfrogné, qui refuse d'abord de voir toute lumière et de sortir à l'extérieur, avant de s'éveiller –voire de se réveiller- à la vie, aidé dans sa progression par la petite Albine, de dix ans sa cadette. le contraste entre l'abbé Mouret et Serge, le village des Artaud et la vie dans le Parandou, est si frappant qu'on peine parfois à croire que la même histoire les relie. Surtout, on se demande si le clivage effectué, il sera possible à nouveau de faire se rejoindre les deux aspects de Serge Mouret. Emile Zola s'exalte autant que son personnage à virevolter dans la nature foisonnante du Paradou –on connaît ses exercices stylistiques et descriptifs, ils s'amusent ici à rendre l'âme des prairies vierges, de la flore désordonnée et de la faune sauvage qui entourent la demeure abandonnée. La nature se suffit à elle-même et devient souffle divin plus puissant que la croyance mariale –mais de même que la dilection poussée à son extrême est motif de faute, l'exaltation provoquée par la force brute de la nature peut endommager les caractères trop faibles.


Dans cette histoire de déchéances et de renaissances successives, Emile Zola es intarissable de réflexions. Son histoire n'est pas seulement une allégorie de ces quelques étapes bibliques importantes que sont la Création et la Chute, c'est aussi une synthèse des idées pessimistes qui influencèrent beaucoup la fin du 19e s. Emile Zola reste toujours en retrait et s'essaie successivement à considérer l'influence que peuvent avoir ces idées sur différents caractères. Son verdict semble être le suivant, qui nous en rappelle un autre : le monde est représentation. Zola attribue moins la faute à la nature de Serge Mouret qu'aux fluctuations de ses représentations, symptômes d'une maladie de l'âme latente.


« Des coins les plus reculés des nappes de soleil, des trous d'ombre, une odeur animale montait, chaude du rut universel. Toute cette vie pullulante avait un frisson d'enfantement. Sous chaque feuille, un insecte concevait ; dans chaque touffe d'herbe, une famille poussait ; des mouches volantes, collées l'une à l'autre, n'attendaient pas de s'être posées pour se féconder. Les parcelles de vie invisibles qui peuplent la matière, les atomes de la matière eux-mêmes, aimaient, s'accouplaient, donnaient au sol un branle voluptueux, faisaient du parc une grande fornication. »


La faute de l'abbé Mouret n'éblouit pas tout de suite par la force de son propos. Au contraire, Emile Zola souhaite d'abord nous faire croire qu'il n'a rien à dire. Il prend ce risque pour mieux installer la logique rigoureuse de son développement théorique qui ne commence à prendre son élan qu'à partir de la seconde moitié du roman. Emile Zola se fait sans doute le vecteur –conscient ou inconscient- des nombreuses philosophies de son époque. Voici donc la manne qui s'ajoute aujourd'hui à l'intérêt dramatique : l'intérêt historique que suscite cette synthèse inspirée et originale des engouements d'une époque.

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Je continue mon petit chemin dans l'oeuvre de l'un de mes écrivains préférés. Ce roman m'intriguait beaucoup, j'avais hâte de découvrir comment Zola allait nous dépeindre la religion.
En effet, le livre se déroule dans le petit village des Artaud. Serge Mouret, prêtre de ce village, est tout entier dévoué à Dieu, ce qui n'est pas le cas de la plupart des habitants. Il exerce avec zèle sa profession et mène une vie tranquille, jusqu'au jour où il tombe malade. Il est alors envoyé au Paradou, une vaste demeure pourvue d'un immense parc en friche. Là il rencontre la jeune Albine, qui va le soigner alors qu'il a perdu la mémoire et semble connaître une seconde naissance (vous le sentez venir, le péché ?)
J'ai trouvé ce roman très intéressant car vraiment très différent des autres tomes des Rougons que j'avais pu lire. La quiétude de ce livre s'oppose à l'agitation, au fourmillement et au vacarme du Ventre de Paris, du Bonheur des dames... L'intrigue est ici centrée autour d'une poignée de personnages, et de deux lieux-clé : l'église et le Paradou. L'histoire est donc propice à des descriptions absolument fabuleuses -si tant est que l'on aime les descriptions- quoiqu'un peu longues parfois, du dépouillement de l'église et de la luxuriance d'une nature livrée à elle-même.
Zola a ainsi construit ce roman autour d'une opposition fondamentale, rythmant tout le récit : la nature contre l'Eglise, la Femme contre Dieu, la tentation contre la religion. le roman est également propice à quelques scènes savoureuses avec les habitants du petit village, rustres campagnards qui ricanent au fond de l'église pendant les messes et font fi de l'interdiction du sexe avant le mariage. La jeune soeur de Serge est également un personnage assez comique et attendrissant.
Le roman est découpé en trois parties distinctes : la première dépeint la dévotion du prêtre, la deuxième est celle de la transformation, d'une nouvelle enfance au cours de laquelle Serge expérimente l'amour et la vie dans la nature et la troisième partie signe la victoire de la religion sur l'amour et sur la tentation incarnée par Albine et le Paradou.
Comme souvent chez Zola, la nature est un personnage à part, qui parle presque aux personnages.
J'ai ainsi beaucoup aimé ce roman malgré certaines longueurs, je le recommande aux admirateurs de Zola qui ne le connaissent pas encore. Cependant, je ne vous conseillerai de lire celui-ci en premier si vous découvrez l'univers zolien car il risquerait de vous dérouter.
Lien : http://lantredemesreves.blog..
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Quoi de plus intéressant que ce 5e tome des Rougon Macquart.
Encore un roman qui n'est pas politico economico sociologique et qui m'a fortement plu eh oui c'est dans chaque tome de Zola qu'on y trouve une certaine symbolique, ils sont tous différents et j'aime ce côté lyrique au charme naturaliste si bien développé. Toutes ces descriptions presque inutiles mais tellement bien écrites.
Ah Zola! Plus j'en lis et plus j'aime cet auteur qui n'avait pas sa plume dans sa poche.
Bien évidemment qui n'aime pas le côté "nature" ne pourra pas accrocher et qui est ancré dans la religion, ne le pourra pas non plus, c'est là où le bât blesse...
Ou l'on rentre dans la conformité d'un concept ou pas!!
Ici, nous assistons donc à la transformation d'un prêtre, vénérant une sainte vierge, en un homme ne résistant pas aux plaisirs de la chair grâce à la rencontre d'une jeune fille, représentant pour lui la tentation.
Serge Mouret et Albine se retrouvent au jardin du Paradou, un peu comme Adam et Eve au jardin d'Eden. Quelle parabole, ma parole, y en a plus d'un qui sera outré par ces propos, enfin chacun y voit de son interprétation, c'est un peu comme ces différentes communautés religieuses qu'on découvre actuellement.
Bon, en tout cas, c'est un tome qui ne fait pas l'unanimité en lecture mais il reste très détaillé en vocabulaire sur la Nature et ses végétaux.
Franchement il faut prendre son temps pour le lire et le savourer, je l'avais ouvert il y a 2 mois puis repris entre deux lectures.
Mais très beau roman ô combien rejeté.
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C'est tendance aujourd'hui d'essayer d'entrer dans le cerveau d'un tueur en série. Zola, dans ce roman de 1875, a pénétré dans l'âme tourmentée d'un prêtre de campagne. On dirait que ce n'est pas tellement différent…
Le combat éternel du bien et du mal assaisonné à la sauce de la religion; la tentation devenue vie sur terre dans la peau de l'abbé Mouret, Serge pour nous autres, ses intimes.

Forniquer avec la terre. Être aimé d'une vierge.
« Elle l'aimait tendrement, plus que toutes les femmes ensemble, d'un amour bleu, profond, infini comme le ciel. Où aurait-il jamais trouvé une maîtresse si désirable? Quelle caresse de la terre était comparable à ce souffle de Marie dans lequel il marchait? »
Il sanctifie Marie au début du roman en espérant son apparition et lorsqu'elle se présente sous l'apparence d'Albine, il sacrifie son coeur et transpose son désir en Jésus, plus viril et fort.

Comment prendre plaisir à ce livre sinon dans l'optique d'une étude sociologique, d'un lien pervers avec la religion catholique, d'une virée dans le passé.
J'ai compris, à cette lecture, l'attachement profond de ma maman à Marie, mère du monde. Ses yeux dans le brouillard, dans l'attente d'une révélation. Symptômes d'une époque où le clergé prenait possession des personnes fragiles et promettait le paradis sur terre avec l'absolution des péchés.

Le frère Archangias, archétype du porteur de la soutane violent et frustré a réveillé en moi une peur enfantine de la robe noire, autant chez les religieuses que chez les prêtres. Je n'ai jamais aimé leur odeur ainsi que leurs mains froides, blanches et souvent baladeuses.

La découverte, la passion, la honte.
Ah, ce cher abbé Mouret, qui a de l'encens jusque dans ses entrailles, le corps embaumé de la grâce céleste, la mort qui lui grafigne la vie à petit feu, comme il m'exaspère!

Il y a des phrases extraordinaires dans ce livre qui peuvent s'appliquer à tellement de situations actuelles. « Je suis une maison vide où vous pouvez habiter… » Les religions, les sectes, les réseaux sociaux profitent du vide intellectuel de l'humain. Un vie consacrée à un dieu ou donner sa vie dans une jouissance suprême. le paradoxe de l'extrémisme. « Après l'amour, il n'y avait plus que la mort. »

J'ai trouvé pénible la traversée du paradis, l'éden fleuri décrit par Zola est étouffant, trop c'est trop. Pourtant, dans cette douleur, certaines phrases m'ont apportées de belles et grandes réflexions car en marge de l'effet botanique, j'ai bien aimé l'affrontement entre le bien et le mal. Car malgré une fin tragique, j'ai surtout eu l'impression qu'il n'y a pas de gagnant, sinon la nature qui continue ses droits et perpétue la vie.
« Et c'était une victoire pour les bêtes, les plantes, les choses, qui avaient voulu l'entrée de ces deux enfants dans l'éternité de la vie. le parc applaudissait formidablement. »

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– Un décor aux parfums d'encens, de fumier et de fleurs.
L'Angélus sonne, la Teuse s'affaire dans l'église, un petit coup de balai, un petit coup de plumeau et un petit coup de sang en voyant un énième trou d'usure sur la nappe de l'autel.
Si jamais vous ignorez le vocabulaire inhérent au cérémonial de la messe, Zola, très méticuleux, y pourvoit dès le premier chapitre en nous gratifiant à profusion de chasuble, manipule, amict, calice, corporal…
Alors que la petite église est déserte et que l'abbé Mouret est tout à sa dévotion, Zola nous éblouit en convoquant à cette messe le soleil et la campagne : un passage de toute beauté à lire et relire.
Le soleil est d'ailleurs omniprésent dans ce volume, il sera le catalyseur de la vie, de l'amour, de la naissance ou renaissance.
Nous sommes dans un petit village du Sud, les Artaud, une terre de passions brûlantes, comme le soleil implacable du Midi.
Et, caché derrière ses murailles, il y a le Paradou et sa puissance végétale, l'explosion de la vie.

– Les personnages aux tempéraments extrêmes.
Le frère Archangias est là, avec sa grossièreté et son profond dégoût des femmes et de leurs ardeurs, pour nous brosser un tableau de gueux et de gueuses qui se reproduisent sans honte et sans gêne. Un personnage bien cru qui vocifère tout au long du roman sur les filles éhontées et leurs jupes retroussées.
Serge, l'abbé Mouret, est là pour son amour de Dieu. C'est dans le silence, le soir, alors que la nature se fait complètement oublier, qu'il se perd dans ses prières et son adoration à la Vierge.
Il se fait parfois rudoyer par la brave Teuse, peut-être l'unique personne saine, équilibrée et attachante de cette histoire, avec son caractère franc qui ne juge pas.
On retrouve aussi Désirée pataugeant, se vautrant dans sa basse-cour, son innocence, sa gaité et son rire au milieu de ses bêtes.
Et il y a Albine, le souffle de la nature, son odeur de fleurs sauvages.

– Les envolées zoliennes.
Dans le tome précédent, Zola s'est peut-être retenu au niveau des descriptions exhaustives de lieu ou d'exaltations de ses personnages mais ici, il s'est amplement rattrapé !
Nous avons droit aux embrasements et divagations sur la pâmoison de l'abbé devant Marie, même si ses multiples Ave, pour ne plus convoquer dans ses pensés l'image entrevue du Paradou et de l'éblouissante Albine, restent sans effet.
Il nous ensevelit dans la végétation du Paradou où, pour que la profusion enivrante soit plus efficace, il fait côtoyer allègrement fleurs d'été et fleurs printanières, abricots et prunes bien précoces qui mûrissent en même temps que les cerises…
Pour la renaissance de Serge au côté d'Albine, il nous sort sa plume la plus voluptueuse mais avec une puérilité que je n'avais pas retenue lorsque j'avais dévoré ce roman à l'âge de dix-sept ans. Mais trente ans plus tard, difficile de savourer et de s'émouvoir sur ces jeux amoureux très, très enfantins et débordants de naïveté. Quel dommage !

– L'indiscutable talent zolien.
La lutte intérieure de Serge face à la tentation, l'amour meurtri d'Albine, la chair animale et humaine, la vie bouillonnante qui éclate puis disparaît, envahissent chaque page, chaque phrase, avec cette qualité de plume du 19ème siècle dont je ne peux me lasser, même si ce second rendez-vous entache tout de même le beau souvenir de jeunesse de ma première découverte.
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J'ai bien cru que j'allais fermer ce cinquième roman de la série des Rougon-Macquart sans aucun plaisir. J'ai eu beaucoup de mal à apprécier le début du livre, pour une inconditionnelle de Zola je me suis même sentie honteuse de passer à côté. Pourtant comme à son habitude le sujet est maitrisé dès le début, mais les descriptions mystiques, ainsi que naturalistes de la première partie ont failli avoir raison de moi. Mais dès l'apparition d'Albine et de son fameux Paradou le charme à opéré, elle incarne la vie dans ce récit qui me semblait un peu fade. La luxuriance du jardin, la beauté de la nature, en cette période de confinement ont raisonné en moi comme un goût de Paradis. Pour la troisième partie, il me tardait tellement de connaître la suite que les pages se sont tournées toutes seules. Un vrai moment d'évasion qui est tombé à pic.
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Suite de ma lecture de la série des Rougon Macquart avec le numéro 5 ... pas de Chanel! Ok blague plutôt moyenne, comme ce roman d'ailleurs.
Cela partait bien et je commençais la lecture avec plaisir en grande fan de Zola : nous retrouvons Serge Mouret, le fils de François et Marthe, les personnages principaux de la conquête de Plassans. On l'a quitté au séminaire, il est maintenant prêtre dans un petit village.
La place de la religion à la campagne est bien détaillée et on comprend le peu d'importance accordée à celle-ci par des travailleurs qui passent leur journée dans les champs.
J'ai beaucoup aimé Frère Archangias, extrémiste de la foi, débordant de haine pour les impies! Il m'a fait rire avec ses diatribes enflammées. Et Désirée, incarnation d'un esprit simple, dénuée de vice, vivant en communion avec ses animaux.
J'ai été touchée par l'histoire d'amour entre Serge et Albine, sa renaissance au Paradou, les promenades dans le jardin d'Eden où la nature se met au diapason de l'humeur des personnages.
Mais c'est là où le bât blesse : les descriptions de la nature sont TRES longues : j'ai un catalogue Gerbeaud à la maison mais ce n'est pas ce que je cherchais dans cette lecture!!
Bon, je te pardonne Emile et je lirai avec plaisir la suite de la série ;)


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