Thérèse Raquin /Émile
Zola
A
Paris, derrière la vitrine d'une sombre mercerie, vaque à ses occupations une jeune femme au profil grave et pâle. Malgré une belle et épaisse chevelure sombre,
Thérèse Raquin n'est pas très belle. Non loin d'elle on peut voir un homme petit et chétif, d'aspect maladif, assis dans l'ombre. C'est Camille son mari.
Thérèse a été élevée en province à Vernon dans l'Eure par sa tante à qui son père, le frère de sa tante revenu d'Algérie, l'a confiée alors qu'elle avait deux ans. Sa tante est mercière et a décidé qu'à dix huit ans elle épouserait son fils Camille, la voyant comme un ange gardien pour son fils peu débrouillard, ignorant et inculte. Mais Thérèse reste froide et indifférente à cette annonce.
Cependant le mariage a lieu et huit jours plus tard, Camille décide qu'ils vont aller vivre tous les trois à
Paris. C'est dans une galerie sombre, sale et humide que Camille trouve un magasin à reprendre avec l'habitation à l'étage ainsi qu'un travail dans l'administration du chemin de fer.
Trois années passent. Tous les jeudis soir viennent à la maison des amis et collègues de Camille pour jouer aux dominos et boire le thé. Un supplice pour Thérèse jusqu'au jour où elle remarque secrètement Laurent, un homme grand et fort, artiste peintre raté. À chacune de ses visites, Thérèse frissonne en le voyant. Elle ne supporte plus sa vie cloîtrée et sa sensualité refoulée s'éveille à la vue de Laurent.
Laurent est en vérité un paresseux jouisseur qui voit en Thérèse une proie facile. Peu à peu, il s'incruste et passe tous les soirs chez les Raquin en attendant son heure dans une douce quiétude, sous le prétexte de faire le portrait de Camille. Se retrouvant seuls un instant un début de soirée, Laurent prend brutalement Thérèse par terre sur le carreau sans un mot. Rapidement l'habitude est prise en journée dans la chambre des époux quand Camille est au travail et la tante au magasin.
Et alors Laurent voit naître à la passion une Thérèse transfigurée, caressante, ardente, rayonnante, les lèvres humides, les yeux luisants, dont le corps inassouvi se jette éperdument dans la jouissance. Thérèse s'éveille comme d'un songe du sommeil de la chair, s'étalant et s'offrant impudique, éprouvant une amère volupté à tromper son mari et Mme Raquin. Laurent quant à lui a ainsi réussi à devenir l'amant de la femme, l'ami du mari et l'enfant gâté de la mère.
Mais de sombres desseins viennent à l'esprit des deux amants…
Un roman âpre et puissant, où la sensualité et la sexualité rendent deux êtres comme fous, dans une ambiance poisseuse et malsaine. Avec en suite une descente aux enfers…
Premier grand roman de
Zola, paru en 1867,
Thérèse Raquin suscita en son temps de violentes critiques, considéré comme une flaque de boue et de sang, avec une crudité relative dans la description de la frénésie amoureuse des protagonistes. Mais dans le même temps, ce roman réaliste connut un vif succès auprès des lecteurs, la noirceur extrême de l'histoire apportant un grand changement par rapport au sentimentalisme romantique qui prévalait alors.
Zola donnait alors naissance au naturalisme qui allait être illustré dans toute la suite de son oeuvre.