Mon podium personnel des grands auteurs réalistes accueille
Stendhal,
Flaubert et
Balzac ex æquo sur la première marche, loin, très loin devant
Zola. Et puis j'ai découvert que
Zola avait aussi écrit des nouvelles qui m'ont beaucoup plu: et si je relisais
Thérèse Raquin, me suis-je dit, ce court roman qui ne m'avait guère enthousiasmée au cours de mon adolescence, mais il n'y a que les imbéciles, n'est-ce pas, qui ne changent pas d'avis.
Et bien, tant pis, imbécile je suis - mais au moins ai-je compris pourquoi je suis si peu zolienne et encore moins thereseraquiniste.
Zola n'a pas d'humour.
Stendhal a un humour tendre et complice,
Balzac est souvent cinglant et
Flaubert manie parfois le sous-entendu graveleux, mais
Zola rien du tout. Premier degré, toujours, on n'est pas là pour rigoler, sa littérature est scientifique, dit-il, et le lecteur est prié de prendre des notes.
Or, si
Zola est grand, c'est dans sa veine sociale et politique. Mais, dans ce roman, rien d'épique. Si les personnages appartiennent à la petite bourgeoisie, cela importe peu: dans ce monde de boutiques obscures, ce n'est pas la fin du petit commerce qui intéresse l'écrivain. Il a choisi un lieu excentré et replié sur lui-même comme il aurait pris une éprouvette sur une étagère; il lui fallait un lieu clos où faire infuser ses 4 personnages et étudier leurs interactions. Soit une bilieuse qui élève un phlegmatique et une nerveuse: que va-t-il se passer lorsqu'ils croiseront un sanguin?
La nerveuse a le sang chaud (forcément, elle vient d'Afrique). Elle trouve le sanguin nettement plus viril que le phlegmatique au prénom de tisane, mais, une fois le mari éliminé, les deux amants seront incapables de vivre leur passion.
Non pas que le remord les ait atteints: mais le crime dérègle les tempéraments, voilà, c'est comme ça, c'est physiologique, on n'y peut rien.
Même en convoquant
Freud, et malgré la puissance évocatrice du fantôme revenu d'entre les morts pour se venger, la raideur théorique de l'argumentation m'a empêchée de m'intéresser aux souffrances des protagonistes.
Zola est bien un bourgeois du XIX°, pour lui la chair est péché, et Thérèse qui découvre le sexe est appelée courtisane, autant dire putain.
Dès qu'une femme s'avise de prendre du plaisir au lit, c'est bien connu, les problèmes ne sont pas loin.
Je la trouve pourtant touchante, cette pauvre Thérèse, qui passe des bras d'un impuissant à ceux d'un bas du front. J'aurais bien aimé qu'elle trouve
le bonheur dans le crime. Mais cette histoire-là, c'est
Barbey d'Aurevilly qui l'a racontée, et elle n'avait, heureusement, rien d'un roman expérimental.