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EAN : 9782738100740
188 pages
Odile Jacob (01/11/1989)
3.38/5   4 notes
Résumé :
La Hague, au nord-ouest de l'isthme du Cotentin. Un bout du monde soudain envahi par la plus en pointe et la plus controversée des industries : le nucléaire. Comment en parlent les gens du cru ? Quelle est la vie de ceux qui travaillent à l'usine de retraitement des déchets ? Habiter au voisinage du nucléaire, cela change-t-il quelque chose dans ces bourgs et ces campagnes apparemment immuables ? Françoise Zonabend est directeur d'études à l'École des hautes études ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Il ne faudra pas compter, autour de ce livre, entendre proférer des cris de protestation, ni même y entendre éclater des grenades lacrymo.
Il n'y a pas dans ces pages réponse à la polémique.
Le propos n'est pas de parti-pris.
L'auteur a décidé de raconter, de faire l'historique et de restituer la paroles aux habitants de la Hague, à ceux qui vivent aux alentours et à ceux qui travaillent à la centrale de Flamanville ou à l'usine de retraitement des combustibles irradiés.
Ici, à l'extrême pointe occidentale de la presqu'île du Cotentin, deux mondes opposés coexistent.
L'un semble figé dans un passé lointain.
L'autre est tourné vers une technologie du futur : "le nucléaire".
La parole est aux riverains :
Admettent-ils ? Refusent-ils ?
Peuvent-ils ou veulent-ils en parler ?
Même si le décor planté paraît parfois quelque peu caricatural, l'historique est précis, détaillé et semble-t-il très fidèle à la réalité.
L'analyse est bien vue et le caractère normand bien isolé.
Le livre est paru en 1989.
C'est un essai brillant et passionnant.
Françoise Zonabend, son auteure, y va et vient sans arrêt entre une vérité assénée à coups de mots techniques et une impression, de l'autre côté, que ces mêmes mots techniques sont là pour tromper, pour travestir la réalité.
Elle souligne par l'exemple l'ambiguïté des comportements.
Un maire, pro-nucléaire convaincu, est envoyé au Japon expliquer que l'on peut vivre confortablement aux alentours d'une centrale.
Celui-ci, le même, qui refuse de consommer des coquillages ou du poisson pêchés sur les côtes de la Hague !
Pourtant la centrale de Flamanville a été acceptée par référendum.
Et l'implantation de l'usine de retraitement n'a pas, en 1962, provoqué de violentes oppositions.
Avec comme arguments décisifs, l'emploi et l'argent, et accompagnés du fatalisme qui accrédite que tout est joué d'avance, notables, curés et propriétaires ont permis que l'atome s'installe sans une contestation de grande ampleur.
L'écolo, le militant, est souvent un "horsain".
Pas toujours, dès le début, quelques voix se sont élevées.
Mais l'on n'est pas chez nos bouillants voisins, les bretons !
La Hague n'est pas Plogoff !
Je me souviens, au début des années 80, dans un petit cabaret à Videcosville, le Dulcimer, écouter Gilles Servat chanter "la ballade de la centrale" devant un parterre d'ingénieurs en goguette, je me souviens de la pugnacité de l'un et de l'indifférence amusée des autres.
Je me souviens, en 1978, du peu de rebondissements suscités par l'affaire du contremaître à qui, l'on avait glissé, sous le siège de sa voiture, un élément métallique contaminé.
Je me souviens avoir vu, au pied du phare de Gatteville, des fûts abandonnés qui portaient le signe funeste.
Et je me souviens, qu'à l'époque, tout le monde ou presque acceptait d'héberger l'atome sans y voir ni de réels dangers, ni de grands inconvénients.
Du temps a passé, le débat, plus que jamais d'actualité, n'en finit pas de rebondir.
Le livre n'en a pas souffert.
Il est le témoignage précieux et authentique d'une époque et de son état d'esprit ...
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Dans cet essai, l'auteure essaie de saisir les perceptions sociales des risques liés au fait d'habiter près de ou de travailler dans l'industrie nucléaire. Ethnologue, elle a enquêté longuement en écoutant, en rencontrant les personnels de l'usine de retraitement des combustibles irradiés de la Hague et des riverains.
Elle a ensuite analysé leurs témoignages grâce à une approche sémantique et une analyse symbolique.
Elle a observé un contraste frappant entre le calme des villages de cette pointe de la presqu'île du Cotentin et la ville-usine entourée de barbelés électrifiés, la campagne et la ville, le calme et le tumulte, la pureté et la contamination …
Sur ce promontoire rocheux, on trouve la plus forte concentration nationale d'industries à vocation nucléaire : outre le centre de retraitement des déchets, il y a aussi la centrale nucléaire de Flamanville et l'Arsenal de Cherbourg où sont fabriqués les sous-marins à propulsion nucléaire.
Son analyse a fortement déplu, car elle mettait en avant une « pensée sauvage », « une dialectique sexualisée de la puissance et de la souillure ».
Elle observe aussi un travail sur l'image : en 2001 Cogema (compagnie générale des matières nucléaires) change de nom pour Areva qui n'est pas un sigle (un nom qui fait rêver !) : avec le but évident de faire oublier la dangerosité du nucléaire !
Elle explique le préjugé des personnes interrogées avant toute discussion : si vous abordez la question de la sécurité des sites nucléaires, vous êtes forcément de parti pris et donc antinucléaire et observe l'euphémisation des risques car toutes les précautions sont prises. Les techniciens ont un langage scientifique-écran même si une anxiété latente affleure cependant dans les discours.
La ville de la Hague est trop souvent associée à l'usine, le nom disparait alors des étiquettes des produits laitiers ou est tu par les pêcheurs pour donner la provenance de leurs poissons, les habitants ont un sentiment de vol de leur identité par cette « poubelle »
Ils ont globalement peur de la crise et du chômage et se réfugient à l'usine, étant la seule entreprise qui fournit du travail.
Les gens ne font pas confiance à l'usine, essentiellement à cause de nombreux couacs de communication, notamment lors d'incidents desquels la population n'a pas été prévenue et donc aucun dispositif de protection de la population n'a été mis en place. « Ils contrôlent tous mais on n'a pas les résultats ».
L'auteure souligne également la réaction machiste à son travail : elle a une « personnalité féminine donc naturellement perturbée » !
Un essai très intéressant, avec juste ce qu'il faut de remise en contexte scientifique, mais surtout une analyse très fine du langage adopté pour nier, minimiser voire même oublier les risques du nucléaire.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Monsieur le Président la renommée volage
Qui dit tout ce qu’on veut quand on sait la flatter
Va criant sur les toits et jusqu’au rabâchage
Que vous savez le mieux dépenser nos deniers
Permettez que j’effeuille un peu de vos lauriers
Car il est un domaine au moins où la logique
Est bafouée sans souci de rentabilité
C’est le domaine de l’énergie atomique

Vous nous dotez avec une largesse frénétique
De petites centrales, merci du fond du cœur
Mais la population manque un peu de pratique
Vous nous enverrez donc une armée d’ingénieurs
Puis vous paierez encore pour transporter ailleurs
Le courant que vous n’emploierez jamais sur place
C’est étrange de voir un centralisateur
Pour l’électricité faire ainsi volte-face

Alors au lieu d’être tributaire de l’espace
Produisez l’énergie où se trouve l’industrie
Construisez avec le souci d’être efficace
Une centrale énorme en plein cœur de Paris
Vu les emplacements qu’ici vous avez pris
Il faut de la beauté, la mer ou la rivière
Il faut qu’on y soit bien le jardin des Tuileries
Qui sert aux promenades fera très bien l’affaire

Remarquez que la Seine n’est déjà plus très claire
Elle est déjà polluée ça vous ôte un souci
Vous n’aurez ni chômage ni perte de salaire
Car ce sont des amateurs qui pêchent ici
Et le problème du réchauffement aussi
Trouvera une réponse quand soufflera la bise
Le fleuve donnera aux parisiens transis
Un merveilleux climat d’une douceur exquise

Protégez les centrales ce fut votre hantise
Dès lors vous n’aurez qu’à centraliser l’armée
Et si jamais la guerre depuis longtemps promise
Et toujours reportée éclatait pour de vrai
S’ils n’étaient pas ingrats ils vous remercieraient
Nos ennemis ravis de n’avoir qu’une cible
D’une fusée bien placée, dans une nuage de fumée
Ils feraient tout sauter… Sauf vous c’est impossible !

- Gilles Servat - "Atome sweet atome" - 1979 -
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Là, le discours distribue l'espace entre deux sphères : l'une qui sait - la direction - et l'autre qui ignore - le public.
Entre ces deux mondes s'établit un rapport de forces dont les mots sont l'enjeu.
Les uns - ceux qui savent - affirment que leurs mots disent la vérité, et les autres qui ont toujours eu le sentiment que ces mêmes mots sont dits pour tromper, pour travestir la vérité ...
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A Flamanville, on se réjouit de vivre auprès de la centrale qui est bien plus propre que cette poubelle que l'on a construite sur la lande.
Dans les hameaux, sur la lande, on est soulagé d'être quelque peu éloigné de la centrale tellement plus dangereuse que leur usine de retraitement ...
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