Citations sur Rue des Archives (14)
Depuis toujours, il se lovait dans les mots où il puisait la force de résister à sa débâcle. Ce furent d'abord " Les Mille et Une nuits " dont il retenait moins les intrigues que l'alchimie des mots.Parler pour ne pas mourir, comment l'enfant n'eût-il pas entendu la leçon ?
( Gallimard, 1994, p.25)
Tu sais, je ne peux pas dire que je suis content d'avoir eu la vie que j'ai eue. Je ne suis pas non plus mécontent. Nous avons dû nous coltiner avec la misère, avec la solitude surtout. Nous avons été contraints de creuser en nous-mêmes pour trouver un point d'appui. Ça nous a sauvés des chimères.
Vivre, ce n'est pas fuir, mais lutter.
L'événement l'avait pris au dépourvu. Il savait, bien sûr, qu'elle finirait par mourir.Il le savait, mais il ne le croyait pas.Il la ( * la mère du narrateur) ressentait comme indestructible, une puissance de haine qui jamais ne le lâcherait. Il admettait qu'elle dût disparaître avant lui.C'était dans l'ordre des choses.Mais appartenait-elle vraiment à l'humanité ordinaire ?
( Gallimard, 1994, p.17)
Comme tant d'autres enfants en perdition, il trouva refuge dans les livres, qui, faute de lui apprendre sa vie, lui enseignèrent son destin.
De lecteur, il devint narrateur. IL prit plaisir à écouter la voix de ce double, qui le consolait de son inexistence. Avec les mots, il se forgeait une identité rêvée. Il les suivait à la trace, les débusquait dans les dictionnaires, les décortiquait dans les manuels de grammaire. Il s'y abîmait corps et âme, sans trop se demander où cette chasse le conduisait. Mystérieusement, les mots le délivrèrent des injustices et des mensonges. Ils le guidèrent vers leur justice austère, qui est aussi une morale. Ils redressèrent sa colonne.
Faute d'une justification, il eut désormais l'orgueil de sa langue.
Jamais encore, je n'avais mesuré à quel degré de haine la peur peut conduire.
( Gallimard,1994, p.53)
- Ce ne sont pas des autobiographies.
- En un sens, c'est pire.Vous cherchez, vous recomposez la vie que vous n'avez pas eue.
(...)" C'est vaste et petit, une vie"
(Gallimard, 1994, p.82)
Elle a eu deux ans, Félix, pour me renvoyer en Espagne, aurpès de ma grand-mère, laquelle me réclamait. Elle aurait pu me confier à mon oncle, qui proposait de me mettre pensionnaire dans un collège où j'aurai été à l'abri (...). L'amour qui assassine n'est pas de l'amour, Félix. C'est de l'égoïsme.
Je n'en voulais pas à Xavier de se dérober. Je savais qu'il n'agissait ainsi ni par lâcheté ni par indifférence: l'idée de laisser Félix seul, livré à lui-même, le rendait tout simplement malade.L'enfant resterait à jamais le chien qu'on jette par la portière et court derrière la voiture, langue pendante.Les séparations le déchirent parce que toutes le renvoient à l'unique séparation.
(Gallimard, 1994,p.243 )
(***à la mort de la mère)
Je m'étonnais de ne toujours pas ressentir une vraie tristesse.Non plus de soulagement. Peut-être cette mort arrivait-elle trop tard,quand je l'avais mille fois vécue par l'imagination.
( Gallimard,1994)
Je m'étais raconté des histoires pour échapper à mon histoire.