Avertissement, ce livre n'est pas agréable à lire, il sera même très difficile à lire pour celles et ceux qui ne connaissent pas bien ce que fut la réalité de la Shoah dans les camps d'extermination du 3e Reich ! Donc, âmes sensibles s'abstenir...
Ce livre constitue la suite du Magicien d'Auschwitz (tome 2) et ne saurait être lu indépendamment du premier puisqu'au travers d'une "fiction basée sur des faits réels" il évoque le destin de Herbert Levin, connu sous son nom de magicien, le Grand Nivelli. "Personnage" ayant existé et ayant survécu à l'Holocauste.
Ce second tome met l'accent sur l'indicible : la façon dont les juifs de toutes nationalités ont été (avec toute la rigueur organisationnelle qu'on connaît des Allemands et des nazis en particulier) exterminés (gazés, fusillés, abattus, morts de faim ou de maladies...) dans le camp d'Auschwitz-Birkenau, mais aussi surtout, sur la façon dont des déportés également juifs ont été obligés de "collaborer" à cette extermination. Les membres du Sonderkommando (qui comptait à un moment donné près de 800 déportés, c'est dire l'ampleur de la tâche !) avaient pour mission de diriger les femmes, enfants, hommes, vieillards vers les chambres à gaz, de les aider à se déshabiller, de les rassurer (sic) afin qu'ils aillent prendre cette douche qu'on les invitait à prendre, puis, après le gazage, se devaient de récupérer ce qui était récupérable et propriété du Reich (vêtements, chaussures, dents en or, cheveux...) et transporter les corps vers les fours crématoires pour leur incinération.
Ils vivaient isolés des autres déportés, ils avaient interdiction de communiquer avec les autres, et étaient systématiquement remplacés et tués quand on n'avait plus besoin d'eux afin qu'ils ne puissent témoigner de ce qu'ils avaient vu.
Mais, avant la débâcle qui s'annonçait et qui signait inéluctablement leur mort, certains d'entre eux ont voulu fomenter une révolte. Elle eut lieu, maladroitement, le 7 octobre 1944 faute d'une synergie d'ensemble. C'est ce que raconte aussi ce livre.
D'autres membres de ce kommando (quelques-uns ont survécu, d'autres non) ont laissé à la postérité des manuscrits qui ont été enterrés ou cachés et ont été retrouvés par les forces alliées. C'est ainsi que grâce à ces témoignages écrits, mais aussi aux récits des quelques survivants qui, surmontant leur honte et leur culpabilité ont, sur le tard, témoigné que nous avons aujourd'hui une vision précise de la façon dont cette extermination a été théorisée, orchestrée, planifiée et hélas mise en oeuvre...
Avec toute sa rigueur de journaliste,
Dos Santos a effectué de nombreuses recherches, a eu accès à de nombreuses sources (orales, écrites, photographiques). Au travers de ce roman très documenté, il explique, il dénonce la "logique" pseudo-ésotérique des Nazis (les Allemands aryens seraient les descendants des Atlantes - ces être supérieurs ayant échappé à la disparition de l'Atlantide - d'où la nécessité de veiller à la purification de la race et à la destruction des autres races). Il tente de faire comprendre aux lecteurs comment, au dernier échelon de la déshumanisation, ces prisonniers ont dû, ont pu faire le travail qui était exigé d'eux et donne aussi à voir et à entendre quels ont été les dernières visions et les derniers mots de ces témoins si précieux.
En postface, l'auteur évoque la difficulté qu'il a eu à écrire ce livre, et je tenais à partager ses mots :
" Aucun roman ne m'a autant coûté à écrire que celui-ci. J'ai songé à abandonner avant même de le commencer car ce que j'avais à raconter était à ce point terrible, ce qui s'est vraiment passé à Birkenau était tellement effroyable, qu'il m'a semblé que l'on répugnerait à le lire. Or, trop soucieux de ne pas édulcorer la vérité pour la rendre digeste, je me suis trouvé face à un dilemme. Pourquoi écrire un livre que personne ne serait capable de lire ? [...]
Je sais que ce roman contient des épisodes difficiles à lire et à digérer. Pourquoi les ai-je décrits de manière si crue ? Parce que c'est ainsi que j'envisage la fiction. le but de la littérature n'est pas seulement de nous divertir, de faire des expériences sur le langage ou de présenter des exercices d'habilité stylistique, même si de telles options sont évidemment légitimes, pertinentes et de grande valeur. La littérature existe principalement pour nous dire des choses, pour ouvrir des fenêtres et renverser des barrières. du moins, c'est ainsi que je la considère. "Je pense que nous ne devrions lire que les livres qui nous mordent et qui nous transpercent, a écrit
Franz Kafka. Si le livre que nous lisons ne nous secoue pas, ne nous réveille pas d'un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ? [...] Un livre doit être une hache qui brise la mer gelée qui est en nous". C'est à ça que servent les
romans, c'est pour ça que j'en écris, et c'est pour ça que j'ai écrit celui-ci et que je l'ai fait de cette façon".
Il termine également en indiquant ce qui relève de la fiction et ce qui relève de la réalité historique (personnages ayant réellement existé tant du côté allemand que du côté des déportés et les faits), un éclairage important qui donne encore plus de poids à cette fiction qui n'en est pas réellement une !