💶 CERCLE VICIEUXNaN
Comment faire cohabiter chimio et branlette ?
Antonia Crane l'a fait !
Traduit par
Michael Belano, sorti en 2017 de l'autre côté de l'Atlantique, ce premier roman autobiographique d'
Antonia Crane, ne ressemble à aucun autre. Elle, la travailleuse du sexe qui garde sa liberté quant à son exercice, raconte avec un talent certain, l'univers d'un monde obscur qui effraie par certains movements. Activiste, elle lance le premier syndicat des travailleurs du sexe pour décriminaliser son activité. Et pourtant, c'est une histoire d'amour et de tendresse qui se dessine au fil du récit : celle qui la lie au quotidien avec sa mère.
Cette mère qui n'aimait pas la sécurité et la quiétude, devant élever sa fille seule, un père qui déguerpit, laissant une enfant avec les clips de
Madonna sur MTV en ligne de mire. Atteinte d'un cancer rare des voies biliaires, cette dernière se bat corps et âme pour survivre telle une héroïne. Une relation d'une grande affection où aucun jugement n'est émis sur l'activité sexuelle : « son amour n'était pas conditionné par mes activités ou mes hobbies », là où d'autres auraient été moins tolérants.
✍« Je voulais anéantir la femme en moi pour la reconstruire entièrement. »
Sans jamais verser dans le sentimentalisme ou l'amas de scènes choquantes,
Antonia Crane révèle de manière crue et véritable l'envers de ces hommes à la fois inquiétants et en détresse sexuelle de manière sous-jacente. On pense à ce légendaire « homme courgette » qui reste en mémoire tant l'on imagine mal vivre une scène pareille. Tout cela fait nous interroger sur le rapport au sexe tarifé où la masculinité y déverse ses fantasmes. Après la crise covid, ce monde s'est numérisé et s'est transformé pour mettre en avant des relations beaucoup plus obscures et de manière anonyme. On y croise ainsi ces filles se bourrant de sucreries ou de cocaine, noyant leur chagrin dans le shopping mais revenant toujours à leur point de départ. En proie aux difficultés financières, le sexe permet de sortir la tête de l'eau. Avec une immense honnêteté, l'autrice entre dans la tête de ces hommes pour y décrire la face cachée de ces moments intimes parfois glauques.
✍ « J'étais devenue cette chose pour de l'argent, et la frontière qui séparait la danseuse de la femme s'est estompée jusqu'à devenir diaphane au fur et à mesure que le système faisait son oeuvre. »
Ce récit consume à la fois cette mère qui décline mais aussi son autrice. Avec un sens accru de la formule, où l'humour, avec parcimonie, prend pleinement son rôle, l'autrice embarque le lecteur dans sa jeunesse en dents de scie. Anorexie, boulimie, prison et alcool notamment sont venus abîmer les corps et annihiler tout espoir de confiance en soi. Mais il y a toujours cet espoir qu'une mère vive éternellement… que si nous réussissons quelque chose comme un diplôme, l'inéluctable se décalera dans le temps… Certaines scènes poignantes n'échapperont à personne où le prétexte du sexe vient sublimer d'autant plus la relation entre une mère et sa fille.