Duong Thu Huong,
Les collines d'eucalyptus .
Lorsque
Duong Thu Huong, romancière vietnamienne, parle de son livre
Les collines d'eucalyptus ( éditions
Sabine Wespieser) et du destin d'un adolescent fugueur, c'est tout le Viet nam qu'elle évoque. Et l'ancienne combattante anti-colonialiste, aujourd'hui dissidente et exilée, ne mâche pas ses mots. Entretien
Dominique Conil, video de Nicolas Serve.
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La femme est plus clairvoyante que l’homme sans doute justement grâce à ce fond obscur de son âme où l’intelligence s’arrête, où l’intuition érige ses antennes invisibles mais efficaces.
L’admiration est rare et ne s’exprime pas ouvertement. En revanche, le mépris et la haine s’affichent et servent même de caution pour prouver que l’on est « normal », que l’on est « légitime », qu’on est du côté de la majorité, car la majorité, c’est la force.
Il comprenait que l’amitié, comme l’amour, pouvaient naître du mystère, mais que ce mystère était une arme à double tranchant, car elle suscitait le doute ; et dans toutes les relations humaines, le doute est l’ennemi de la sincérité. Un équilibre bien fragile, comme une petite barque lancée sur les eaux tumultueuses d’un torrent.
Le bouddhisme prône l'égalité absolue entre tous les êtres vivants : "Tous les sangs sont rouges et toutes les larmes sont salées." Personne n'a le droit de frapper ni d'humilier autrui.
Ceux qui vivent dans le monde des truands doivent obéir à sa loi. Ils pillent dans l'ombre, ils sont pillés, pourchassés dans l'ombre. Ils ne peuvent gagner ou perdre, survivre ou mourir, ils ne peuvent pas appeler à l'aide. C'est le monde ténébreux des bêtes sauvages. Pas de S.O.S. possible. Il grouille d'êtres humains et pourtant il est plus vide, plus more que le désert. Là, l'amour relève du superflu.
L’auberge était surprenante, située dans une rue dont chaque maison avait sa propre physionomie. Il n’y en avait pas deux semblables, pour l’aspect comme pour le matériau. C’est seulement pendant la nuit qu’elles devenaient pareilles, dans l’ombre noire et opaque. L’espace immense se transformait alors en un océan sombre et on aurait dit que la vie ne se concentrait plus que dans les lueurs des lampions qui se balançaient comme autant d’yeux rouges.
Deux ans après la libération de Saïgon, en 1977, fut soudain lancée la campagne "d’ éradication de la culture décadente », comme le pouvoir l’avait déjà fait auparavant dans le Nord. Morts de peur, tous les libraires et bouquinistes ont organisé en cachette la destruction des ouvrages interdits : ils les ont brûlés ou jetés dans le fleuve.
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Élancé, avec sa ramure souple et nervurée, l'eucalyptus attend avec exultation la brise pour entamer la danse. Ses frondaisons entonnent alors un chant sophistiqué, un chant à part dans le concert des arbres.
"Les citadins recherchent la montagne ou la mer, parce que la nature leur manque. Aussi attendent-ils impatiemment le dimanche pour fuir vers la banlieue et se plonger dans le vert de la chlorophylle, respirer le parfum des herbes et des fleurs, se laisser charmer par le bruissement des arbres. Ils essaient de combler le vide de leur quotidien."
Le pays natal n'a de sens que si on y trouve un toit chaleureux. Là où on trouve ce toit, là est le pays natal.