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Citations de Abdellah Taïa (265)


Même mon propre père se comportait comme si je n’existais plus. Sa deuxième femme l’avait complètement dénaturé, transformé en quelqu’un d’autre que je ne reconnaissais plus quand je le croisais par hasard dans le bled. Je me cachais alors et je le regardais de loin. Mon père qui n’était plus mon père. Il me fallait me réveiller, Khadija. Il me fallait franchir une ligne que je n’avais jamais vraiment vue auparavant. Cesser de penser que j’étais quelqu’un de bien, que mon cœur était pur et que le ciel est réellement bleu.
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Ton père est un homme comme les autres hommes. Juste un homme. Il ne sait rien. Il ne fait rien. Il est gentil. Rien de plus. Et je n’ai pas d’autre choix que d’être plus forte que lui tout en jouant le rôle de la pauvre femme. Il ne voit pas loin. Il ne pense qu’aux mercredis soir et aux samedis soir, quand je le laisse être avec moi, entrer en moi. Tu comprends ? Le sexe. Il ne pense qu’à cela, ton père. Il est dominé par cela. C’est le but et la fin de tout pour lui.
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Ils te veulent. Ils te dévorent avec leurs yeux. Ils tombent pour toi. Mais ils ne font pas le premier pas. Ils n’osent pas. Les hommes ne font jamais le premier pas. Je te montrerai quoi faire quand on trouvera le bon, l’homme qui réalisera tes rêves. Nos rêves. Tu te marieras avec lui et on sera tous sauvés, tous à l’abri du besoin.
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Il y a d’autres routes dans la vie. Tu es belle. Je suis ta mère. Ne sois pas naïve. Ne sois pas trop innocente. Tu n’as pas été faite pour être une bonne. Tant que je vivrai, cela n’arrivera jamais. On est là maintenant, à Rabat, on est arrivés jusqu’à Rabat. Il n’y a qu’un mur entre le palais où vit le roi de ce pays et nous. Tu comprends, ma petite fille, mon petit cœur ? Et ce mur, on va le franchir, on va le détruire.
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Regarde-la bien. Elle sera parfaite dans ce monde des hommes importants. Et toi, tu la vois juste comme une bonne, une petite bonne de quinze ans chez une Française des Orangers. Réveille-toi, Mohammed ! Qu’est-ce qu’elle t’a fait, cette Monique ? Et ne me dis pas que c’est toi l’homme et que tu lui as déjà donné ta parole d’homme, à cette Monique. Ne me fais pas rire.
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C’est ma fille, pas que ta fille à toi, Mohammed. Je veux la voir grandir, devenir une femme, trouver son chemin. Ici au Maroc, avec nous. Pas là-bas, en France, une planète dont je ne sais absolument rien. Et ne me regarde pas comme ça. Oui, ma tête est dure. Oui, mon cœur est comme du fer. Tu m’as déjà dit cela, plusieurs fois. Dès la première semaine de notre mariage. Tu vois, je n’ai pas changé, moi. La même femme que tu as épousée à Béni Mellal. Exactement la même. Intraitable. Toi, Mohammed, tu fais trop confiance aux gens. N’importe qui peut facilement te manger le cerveau. Heureusement pour toi, je suis là, dans ta vie. Je veille. Je veille sur toi et sur nous tous. Je vois loin. Tu devrais me baiser les pieds. Remercier Allah matin et soir d’avoir une femme comme moi dans ta vie. Khadija est la plus belle de mes filles. Tout le monde se retourne sur elle dans la rue, et même dans les couloirs de cette bibliothèque. C’est une reine, cette fille. Tu ne le vois pas ? Elle est de ce pays et elle restera dans ce pays. Nous sommes au centre du pouvoir maintenant, à Rabat, au centre du Maroc.
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Je suis là pour eux, à leur service. Ils m’aiment beaucoup, les gens, ici. Ils sont intervenus pour que la direction me donne où me loger. Ils ont réussi. J’habite dans le jardin de la Bibliothèque, derrière, avec ma famille. Je suis le chaouche de la Bibliothèque générale.
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Entrer chez les pauvres et constater à quel point ils sont pauvres, tellement pauvres. On n’entre pas dans une maison avec un mari en l’absence de sa femme. Non. Je prends ça comme une humiliation. Pour qui se prend-elle, cette Monique ? On lui a tout montré dans notre minuscule deux pièces pour neuf personnes. On a exposé devant elle notre intimité. Tout de notre intimité. Elle a dû voir à quel point on n’a rien. On ne possède rien. Ouallou. Quelle honte !
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Monique veut me voler ma fille. Ma propre fille. Khadija. Qui a à peine quinze ans. Khadija, la plus belle de mes filles, cette Monique veut la prendre chez elle comme bonne. Une petite bonne.
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On n’a pas besoin de sa pitié, et encore moins de sa compréhension. Qu’elle baisse son regard et même sa tête. Comme ça, je pourrai la dévorer des yeux, enfin. Qu’elle tombe le masque de la Française moderne et tellement touchée par la simplicité de la vie des Marocains. La colonisation est finie depuis presque dix ans. Pourquoi elle persiste à vouloir rester ici ?
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Je ne suis pas impressionnée. Ce n’est pas mon genre de me laisser dominer si vite. Non. Non. Il est mort et déjà enterré, celui à qui j’avais donné les clefs de mon cœur. Mort. Mort. Allal. Je n’ai plus de patron, moi.
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Elle n’a pas honte. Elle me regarde droit dans les yeux, elle sourit, elle fait l’innocente, la naïve, et elle dit des mots marocains. Elle dit une première fois mon prénom. Malika. Puis deux fois de suite. Malika. Malika. Je me demande bien pourquoi.
Cela m’agace.
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Elle n’a vraiment pas honte. Elle parle en arabe. Elle n’a pas le droit. Moi, ça ne m’impressionne pas. Pas du tout. Pourquoi parle-t-elle arabe comme nous ? Pour se rapprocher de nous ? Nous connaître mieux ? J’en doute. J’en doute.
Elle ouvre la bouche et elle fait sortir les mots en arabe marocain.

Ana smiti Monique.

Monique. Monique. Ça va. Ça va. J’ai compris comment tu t’appelles.
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Elle sourit. Pourquoi elle sourit ? Il ne faut pas que je réponde à son sourire. Il faut que je reste forte, la plus forte. Je ne suis pas une Malika gentille. Je ne suis pas la femme arabe qu’elle croit. Je ne vais pas sourire.
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Moi qui suis née et qui ai toujours vécu ici, je n’ai plus de solution. Le soleil ne m’aime pas. Il me frappe, me coupe la tête en deux à force de migraines jour et nuit, me jette dans un océan de transpiration chaude et froide à la fois. Il n’y a que les feuilles d’eucalyptus qui m’aident à revenir un peu à moi. Je les écrase dans le mortier et je les mets sur mon front. Un peu de fraîcheur. Un peu de froid qui me traverse toute la tête. Un peu de printemps en plein été.
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Tu es entre nous, Allal. Une tombe à nous. Un passé qui ne s’éteindra jamais sur une terre colonisée d’où nous sommes rejetés, bannis, condamnés à une errance éternelle et sans cesse renouvelée.
J’ai vingt ans à peine, Allal. Et déjà tout est fini.
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Je croyais que j’étais intelligente, que la souffrance de l’enfance m’avait transformée en une femme qui n’avait peur de rien. Je me trompais largement. Ma malignité à moi s’est révélée sans réel danger pour eux. Mon intelligence ne pouvait pas me sauver. J’ai vu le mal après toi, Allal. J’ai vu l’enfer. Ils m’ont jetée. Je ne suis rien sans toi, Allal. Le rideau s’est levé. Ce n’est pas beau, ce qu’il y a à voir derrière.
J’ai vingt ans à peine. Si jeune. Si vieille.
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Les parents d’Allal vont bientôt devenir riches, mais sans nous. C’est nous qui ne voulons pas de l’argent de la honte qu’ils ont reçu de la France. Ils ont vendu Allal. Ils en ont reçu le prix. Et à présent ils vont vivre longtemps dans la malédiction. Nous ne voulons plus rien avoir à faire avec eux. De loin, on assistera à leur gloire et à leur chute. Rien ne s’oublie.
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Je ferai ce que les hommes n’ont pas voulu faire pour Allal. Ils ont cessé de penser à lui. Il n’existe plus pour eux. Pas pour moi. Pas pour toi.
Une tombe. Une tombe. C’est notre devoir, Merzougue. Lève-toi. Ouvre-toi, laisse Allal venir, te prendre, te posséder, par toi vivre puis mourir. Lève-toi, lève-toi. Personne ne nous arrêtera. La nuit est avec nous.
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Je reviendrai. Je te le promets. Je te le jure. Je reviendrai et on parlera encore de Mehdi Ben Barka. Je reviendrai et je t’emmènerai à Rabat, la ville de Mehdi Ben Barka. Je reviendrai. Tu m’entends ? Ne m’en veux pas trop, s’il te plaît. C’est mon destin. Mon destin. L’Indochine. Et toi, tu vas m’attendre. Dis-moi que tu vas m’attendre.
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