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Critiques de Albert Londres (179)
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Les forçats de la route (ou) Tour de France, ..

Albert LONDRES est le nom aujourd'hui que l'on donne au prix qui, chaque année depuis 1933, récompense les meilleurs journalistes Francophones.



Journaliste, écrivain, poète, grand reporter, il a 40 ans lorsqu'il écrit les forçats de la route.



Tour de France 1924, Londres nous parle de tout sans langue de bois, dans un style faussement candide et drôle.



Les coureurs sont des vedettes attendues reconnues, les étapes font 400 km! Les routes sont bien souvent des chemins caillouteux, nous sommes en 1924, et ne parlons même pas des vélos!



Les conditions de course sont terribles, alors les coureurs pour «tenir» se dopent cela va du vin rouge en passant par le café, jusqu'à la cocaïne!



Les primes de courses sont dérisoires, les coureurs sont des héros des temps modernes, des «forçats de la route»
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Chez les fous

Albert Londres, a profondément marqué & influencé le journalisme d'investigation dans l'entre-deux -guerres. Il affirmait d'ailleurs: "Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie." Il ajoute "un reporter ne connait qu'une seule ligne, celle du chemin de fer." Deux déclarations très révélatrices de sa ligne de conduite.



Reporter aux prises de positions profondément humaines, il n'aura de cesse dans ses reportages de dénoncer les injustices, les absurdités et les incohérences du pouvoir. C'est aussi un talentueux conteur, un poète à la plume acérée, humoristique, passionnée, et directe. Ses reportages, presqu'un siècle plus tard, sont non seulement un témoignage de certains événements souvent peu glorieux et dramatique de notre histoire, mais aussi, pour certains d'entre eux, un thème malheureusement encore d'actualité.





Publiée en 1925, son enquête "Chez les fous", dans laquelle il s'attaque aux asiles psychiatriques en France, est un peu des deux.



Étayée de témoignages et d'interviews, ceux des malades ou ceux des dits médecins, Albert Londres dénonce les conditions effroyables de "détention" des aliénés (mauvais traitements, humiliations, persécutions, manque de moyens sanitaires et de nourriture). Son humour mordant, un peu décalé, parfois proche de l'absurde (à la "Monty Python") apporte heureusement une bouffée d'air frais à ce cri d'indignation.



Il met également directement en accusation l'institution psychiatrique en France en mettant en exergue la toute puissance des psychiatres qui détiennent le pouvoir absolu sur la privation de liberté. La justice elle même, n'a pas droit de regard sur les décisions d'internement de ces médecins, c'est pour dire! Sous couvert de cette fameuse loi de 1838 (que j'ai découvert dans ce livre) et avec la connivence des médecins, nous ne pouvons que constater combien à cette époque, il est aisé et d'usage, de se débarrasser de quelqu'un en l'internant.

Albert Londres estime que "Les deux tiers des internés ne sont pas de véritables aliénés. D’êtres inoffensifs on fait des prisonniers à la peine illimitée" déclare t il.



Dans ces institutions, ou il est si facile de rentrer, dont le but n'est pas de soigner mais d'exclure et d'isoler du reste du monde une population dérangeante, la sortie est d'autant plus aléatoire qu'arbitraire.



"Les asiles font des fous" dira Albert Londres. Mais il rappelle aussi que: "notre devoir n'est pas de nous débarrasser du fou mais de débarrasser le fou de sa folie. Si nous commencions ?



Albert Londres aura eu le mérite d'éveiller les consciences. D'autres de ses concitoyens, comme André Breton dans son livre "Nadja", vont également s'indigner et dénoncer la psychiatrie. Mais il faudra encore beaucoup de temps pour que les choses évoluent. Ce n'est qu'après 1945 qu'enfin des améliorations vont commencer à être apportées.





En quoi est-ce toujours un thème d'actualité me diriez vous?

Si la maltraitance des malades à proprement parlé, et celle de la psychiatrie, ont indéniablement évolué, la place des malades mentaux dans nos sociétés en revanche, n'a guère évolué. C'est toujours celle de l'exclusion. Il s'agit au mieux les enfermer pour moins les voir. Que ce soit dans une institution spécialisée comme dans une prison. Le "fou" dérange notre société bienpensante. Et il fait peur. L'écarter de notre champ visuel reste un sujet foncièrement d'actualité. La tendance actuelle à privilégier la prise en charge par le cercle familiale, ne change pas pour autant ce regard. Il me semble qu'elle ne fait qu'accentuer la peur et les préjugés d'un coté, et l'impuissance des familles de l'autre.





En conclusion, un reportage coup de poing, qui même après plus de 90 ans laisse songeur.



Si vous n'avez jamais lu Albert Londres, je vous encourage vivement à le découvrir ! Ne serait-ce que par devoir de mémoire sur les subversives positions de ce grand reporter à l'écriture si… percutante et très moderne pour l'époque.

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Au Japon

Vous avez envie d'un voyage vers le Japon qui soit en même temps un voyage dans le temps ? Alors partez Au Japon sur les traces d'Albert Londres ! Ce petit recueil rassemble les articles qu'il a écrits dans les années 20, sur des thèmes aussi variés que les geishas, le militarisme, la diplomatie, les samouraïs, le saké, l'honneur, le mikado (chez nous on dirait l'empereur) ou les sourires de façade.



C'est bien sûr un peu daté (forcément) mais c'est intéressant, bien écrit et souvent juste. J'ai notamment bien aimé la description du rôle des femmes par le jeune samouraï, strictement cantonné au cercle familial restreint. C'est parce qu'un Japonais ne présentera jamais sa femme à ses amis, même intimes, qu'il va les emmener dans une maison de thé et les distraire avec des geishas... Ou encore les explications sur l'anti-américanisme forcené lié aux ingérences et traités injustes, et les astuces qu'Albert Londres en tire pour son propre compte d'étranger non américain au Japon. Et aussi évidemment toutes les expressions japonaises qui rythment le texte : le guiri pour réparer un déshonneur, les genros qui conseillent le mikado, moshi-moshi quand on téléphone...



Ça se lit très vite, peut-être un peu trop, même... Car, comme souvent dans les articles de presse, beaucoup de thèmes sont abordés mais aucun n'est approfondi. Du coup, je crains d'oublier presque aussi vite mon voyage Au Japon. Il faudra que je revienne...



Lu dans le cadre du Challenge Littérature de Voyage de Chinouk : http://www.lespassionsdechinouk.com/challenges/challenge-recit-de-voyage
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Contre le bourrage de crâne

Au début de la Grande Guerre, Albert Londres a 30 ans. Il est correspondant de guerre pour le Petit Journal et commence son "voyage impartial" par la Serbie et le front des Dardanelles.



En juillet 1917, retour de Salonique, il se trouve sur le front de Champagne où il constate, sidéré et en colère, la destruction de Reims et de sa cathédrale, la dévastation d'Amiens, l'incendie de Cambrai, cette terre de France qu'on assassine, qui est fouillée jusqu'aux entrailles.



Albert Londres est partout, du front britannique aux pentes du Monte Tomba en Italie, de l'Alsace et des cantons rédimés à la boucherie du Chemin des Dames, de Dunkerque à la pataugeoire des tranchées de l'Yser jusqu'à l'effondrement de l'empire germanique en novembre 1918. Il passe quelques jours de décembre à Cologne où l'Allemagne ne s'avoue pas vaincue, elle a juste joué de malchance... le traité de Versailles n'était pas encore signé !



Les chroniques d'Albert Londres sont alertes et photographiques et, parfois, le cynisme n'est pas loin. Elles exaltent le courage des combattants, l'exemplarité du roi des Belges, la détermination des Lillois et des quelques habitants qu'il interroge au cours de ses périples. Il reconnaît la courtoisie des officiers autrichiens prisonniers mais n'a pas de mots assez durs envers les Boches. Son objectivité est probablement irréfutable mais il manque une réalité qu'il ébauche à peine : la propagande et la censure. La propagande qui n'est autre qu'un "bourrage de crâne" n'est même pas effleurée et la censure n'apparaît qu'à trois ou quatre reprises dans le livre. Or, la quatrième de couverture invoque ces deux arguments comme base du livre.



Le choix du livre est celui de l'éditeur qui a décidé de compiler les chroniques de l'auteur sur les deux dernières années de la guerre de 14-18. Ce que l'on sait c'est que le correspondant de guerre était soumis au code de la justice militaire, comme n'importe quel officier et qu'à ce titre, il pouvait être censuré s'il dépassait certaines limites. Albert Londres a été catalogué comme "indésirable" et comme "mauvaise tête" en raison de son insolence et de son insubordination mais il a tenu bon et ne s'est jamais privé de dire ce qu'il avait à dire. Si la censure a découpé des passages arrogants ou méprisants vis-à-vis de l'ennemi, nous ne les connaîtrons pas mais il nous reste tout ce qui a échappé aux ciseaux d'"Anastasia".



Peu importe finalement. le témoignage d'Albert Londres est capital. Il a dû aider nombre d'auteurs d'aujourd'hui à écrire leurs romans sur "la der des ders" et nous gardons ses témoignages comme des documents indispensables à une connaissance de l'ambiance générale sur les différents fronts.

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Le chemin de Buenos Aires

Si le rideau se lève à Paris, c'est pourtant à quinze mille kilomètres de là que va se jouer le drame.

Albert Londres est allé au bagne.

Il a fouillé Biribi.

Il a pénétré dans les maisons de fous.

Il n'est pas à court d'histoires.

Il est revenu de Buenos-Aires pour raconter celle-là.

Le journaliste du "Petit Parisien, pour cette nouvelle enquête, s'est transporté de la terrasse du "Batifol", un bar du faubourg Saint-Denis, jusqu'au coeur de Buenos-Aires en Républica Argentina.

Il s'est embarqué sur un vapeur français de quinze mille tonneaux, le "Malte" appartenant à la flotte des Chargeurs Réunis.

Il s'est mis à la remorque de Lucien Carlet, qui voyage avec la Galline ...

La traite des blanches, le sujet semble tragique !

Tintin chez les maquereaux, la rencontre n'est pas banale !

"Le chemin de Buenos-Aires" est un livre déroutant.

D'abord, il est écrit d'un style enlevé, presque narquois.

La lecture de l'ouvrage est un véritable plaisir : les personnages y sont atypiques et hauts en couleur, les descriptions y sont originales et évocatrices.

Et, la plume du journaliste s'y révèle celle d'un véritable écrivain.

Mais le lecteur que je suis, perclus de morale, épris de liberté, amoureux de l'autre sexe et quelque peu féministe, s'est trouvé désastibilisé durant toute sa lecture.

Seules, les dernières lignes du livre, m'ont fait retrouver confiance dans le propos d'Albert Londres.

La clé de l'ouvrage s'y trouve.

Une fois de plus, le journaliste a tenu parole.

Une fois de plus, il a fait parfaitement fait son métier, qui n'est "pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, mais de porter la plume dans la plaie".

Foin de la belle morale !

Il a extirpé de la misère sa vérité, et en a dégagé une responsabilité.

Il est des livres qui sont à lire jusqu'à leur dernier mot.

Celui-là, splendide et pittoresque, en est ...







.



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Chez les fous

"Chez les fous" est une série de douze articles de presse écrit par Albert Londres et publiés en 1925 .

L'univers des asiles d'aliénés devenu aujourd'hui les hôpitaux psychiatriques y est décrit sans complaisance .

Les progrès depuis cette époque sont considérables en ce qui concerne les thérapies et le bien-être des patients , mais que penser du regard de la société pour ce type d'enfermement ?

Pour se renseigner , à lire et à méditer !
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Le juif errant est arrivé

La critique de Junie m'avait donné envie de relire Albert Londres, journaliste passionné et intrépide. J'en ai lu plusieurs mais ne connaissais "Le Juif errant est arrivé" que de titre. J'ai souri aux nombreuses sautes d'humour de l'auteur, j'ai cheminé et grelotté avec lui dans la neige glacée des montagnes de Transylvanie, j'ai pleuré avec ces femmes décharnées qui n'arrivaient pas à nourrir leurs petits, j'ai retenu ma respiration dans le ghetto de Varsovie, j'ai chanté lorsque nous sommes entrés dans Tel-Aviv, la magnifique, j'ai célébré le courage et la détermination de ces pèlerins qui ont, enfin, trouvé une terre où ils doivent toujours se battre aujourd'hui, 86 ans après les constats d'Albert Londres.

Les courts chapitres sont autant de documentaires sur une époque, certes, révolue mais pas lointaine. Beaucoup de réponses sont données aux interrogations d'aujourd'hui et c'est aussi en cela que réside l'intérêt et la beauté de ce petit ouvrage ayant tout d'un grand.
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Chez les fous

Acquis en 2013 - Lu en avril 2019 [Arlea, juin 2009 ]



" Les conventions séculaires, qui font qu'un même peuple s'entend parce que les individus de ce peuple accordent aux mots une signification définie, ne jouent pas pour eux. Les fous parlent en dehors des règles établies. Il n'y a pas un peuple de fous : chaque fou forme à lui seul un propre peuple. "(p. 28)



Une grande admiration pour l'intransigeance et l'exigence de ce grand journaliste d'investigation...qui ira percer toutes les iniquités et réalités inacceptables; que cela soit dans les pénitentiers, les bagnes, etc.



Cette fois, Albert Londres a voulu s'attaquer aux réalités des asiles d'aliénés..; Dans un premier temps, il tenta de s'infiltrer dans ces lieux, en se faisant passer pour fou...Il parviendra à aller observer, constater le pire comme le meilleur ( dont cet aliéniste, Maurice Dide, avant-gardiste avec des traitements et des attitudes plus ouvertes et respectueuses)



En dépit su sujet grave, j'ai eu quelques éclats de rire, tant Albert Londres a l'art de la formule, ainsi qu'un esprit très noir, fort caustique !!!





Apprécié ces articles bruts et vivants... qui à travers la transcription des paroles et dialogues des malades...donnent à voir énormément de la psychiatrie dans la France des années 1925...accompagnés des commentaires lucides et très percutants d'Albert Londres !... Je lui suis très reconnaissant d'avoir découvert, à travers cette lecture, la personnalité extraordinaire que fut l'aliéniste, Maurice Dide..., dont l'écrivain fait l'abondante éloge ![ voir lien ci-dessous ]



Bien que de nombreux progrès ont été réalisés en "Psychiatrie", il y encore tant à faire pour écouter, soulager, accompagner... les personnes malades, différentes !



"Pour soigner les fous, il faut d'abord prendre la peine de comprendre leur folie. Il faut aussi profiter de leurs jours de lucidité pour les réadapter à la vie ordinaire. Traiter continuellement comme un fou l'homme qui ne perd que de temps à autre le contrôle de son jugement, c'est l'enfoncer dans son infortune." (p. 67)



Appris de multiples choses dont une réalité à peine croyable : La Corse et l'Algérie n'ayant pas d'Asiles d'aliénés, expédiait en France leurs "malades" mais pas que...!!

Leurs "fous" n'étaient pas tous authentiques !!... se trouvaient pour une raison ou pour une autre, indésirables !



On ne peut qu louer l'honnêteté et l'exigence de ce journaliste

d'investigation,qui se moque de plaire !! Ces articles gardent une actualité et des mises en garde précieuses sur les dérapages que l'on peut faire entre dit "normal" et "fou" ,,!



Je finis par un pied de nez d'Albert Londres !:



"Ce matin-là, je louvoyais dans un quartier d'asile, en compagnie d'un interne.

- Les fous, me disait-il, ne sont pas ce que l'on suppose. Le public les voit mal...

Ce ne sont pas toujours des forces déchaînées. Tenez, regardez ceux-ci, réunis dans cette salle. Ils étaient une dizaine. Ils parlaient un peu haut, mais cela arrive aux personnages les plus sensés.

- Vous pouvez entrer, me dit l'interne.

J'entre. Les têtes étonnées se tournent de mon côté. Je reconnais le médecin-chef au milieu du groupe.

L'interne me saisit par le bras.

- Quoi ?

- Erreur ! fait-il en se mordant la lèvre, ce ne sont pas des fous mais des

aliénistes. C'est la Ligue de l'hygiène mentale qui tient séance !

Il avait suffi de l'épaisseur d'un carreau !"







**********Voir lien

http://francoisverdier-liberationsud.fr/maurice-dide/

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Marseille Porte du Sud

J'avais imaginé quelques belles formules. Aïe, aïe, aïe, pas notées... Elles s'en sont allées en ritournelles, je le crains. Pourtant, le sens de la formule, la signature d'un bon journaliste, comme l'était en son temps Albert Londres. Sûr il l'était, pour se faire commanditer en 1926 cette série d'articles par le Petit Parisien, avec en tête de les étoffer pour les relier en un petit ouvrage de juste cent pages.



Aussi je sais que dans Marseille doit se languir de voir paraître cette chronique, cette amie qui m'a offert le 22 mars à Bruxelles Marseille Porte du Sud. "A-t-il aimé ? Il traîne, c'est mauvais signe." Comment expliquer ? M'est venue en tête, l'idée de lire maximum un chapitre par jour, comme si l'on m'apportait le journal. Une idée de gourmet, plutôt que d'avaler le tout goulument. Et encore, hors de question de ne pas le lire dans un endroit plaisant, propice à l'évasion. Respecter les marées de mes envies.



Le sais-tu Nadia, j'ai déjà vu Marseille. Et même mangé une bouillabaisse au port. Que je me souvienne les dockers étaient en grève. Mais je ne peux prétendre connaître Marseille. Je n'y ai même pas passé une nuit. Je ne l'avais pas jusque là touchée du doigt cette grande roulette où beaucoup joue le sort de toute leur vie qu'ils accostent ou qu'ils larguent définitivement les amarres.

"Et les gens rêvent !

Cela doit faire une étonnante somme de rêves que tous les rêves qui se poursuivent ici." p.95



Tu veux que je te dise ? Le Marseille d'Albert Londres n'a jamais existé et pourtant existera toujours. J'ai beaucoup voyagé, c'est vrai, mais je ne suis jamais parti. Je ne suis pas de ceux que Mr Londres a côtoyés et si bien décrits. Je n'ai jamais porté un ailleurs meilleur à découvrir à tout prix, quels qu'en soient les risques. Je suis de ceux qui pensent qu'il est à bâtir ici et maintenant. Dans 'Des racines et des ailes', je serais côté racines. "Dans un café de la Cannebière, il est trois tables de marbre..." p.63 J'y serais mal venu.



Il n'empêche que j'ai une admiration sans borne pour Jacques Brel qui parti pour un tour du monde, le poumon en feu, ou pour Olivier de Kersauson dont l'ailleurs est la mer elle-même, mauvais exemples, je sais ils ne partirent pas de Marseille. Mais alors peut-être Alexandre Yersin qui d'abord médecin, chercheur s'embarqua comme officier médecin de la marine, puis l'Indochine où il s'établit définitivement après avoir découvert le bacille de la peste et élaboré un vaccin contre cette terrible maladie... "Ce n'est pas une vie que de ne pas bouger" écrivait-il. Faute de rêver à cet ailleurs, j'ai donc rêvé à ceux qui en rêvaient.



Parfois le style est porté par un lyrisme suranné : "Cette ville est une leçon. L'indifférence coupable des contemporains ne la désarme pas . Attentive, elle écoute la voix du vaste monde et, forte de son expérience, elle engage, en notre nom, la conversation avec la terre entière." p.100 Puisse cette leçon être pleinement comprise, Marseille rester terre d'accueil alors que les loups gris semblent vouloir réinvestir la ville.



Donc tu l'auras compris, j'ai aimé.

Juste cent pages, non point. Cent pages justes ! Cela fait une sacré différence. Encore, merci Nadia. Tu n'aurais pu mieux choisir.

Et si jamais je venais à passer à Marseille, je te demanderais de m'emmener voir le phare et me raconter son histoire. Après nous pourrions parcourir les docks et regarder les bateaux.

En attendant : Tais-toi Marseille ! :-)

https://www.youtube.com/watch?v=5zx8KHllp_8
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Au bagne

Pire que tout ce qu'on peut imaginer. Pire que les flammes de l'enfer, que la hache du bourreau, que les tortures de l'Inquisition: la déportation au bagne.



Cayenne, capitale de la déchéance humaine. Patrie du désespoir, terre du malheur, imprégnée de la souffrance des milliers d'hommes et de femmes expédiés par bateau pendant des siècles, loin des regards, exilés sur cette terre de désolation.

Cayenne, où comment crever, de faim, de soif, de misère, de chaleur, du paludisme, des parasites, des plaies qui suppurent, de la lèpre, des bêtes qui piquent, qui mordent, de la cruauté des hommes qui "appliquent la loi".

Cayenne, son Ile du Diable, ses travaux forcés, son asile de fous, ses cachots où on dort attaché à une barre de fer, ses déporté, ses relégués, ses libérés vivant comme des esclaves, ses morts jetés à la mer qui finissent dans le ventre des requins.

Cayenne, ce goulag bien de chez nous, restera un lieu de sinistre mémoire.



Le reportage d'Albert Londres, publié dans le Petit Parisien en 1923, se termine par une lettre ouverte adressée au Ministre concerné. Le Président Edouard Herriot décidera de la suppression définitive du bagne et du rapatriement de tous les forçats un an après sa publication.

























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Le juif errant est arrivé

Si vous n'avez jamais lu Albert Londres, croyant qu'il s'agit d'un ennuyeux correspondant de presse, ou d'un de ces reporters en quête de sensationnel, hâtez-vous de corriger cette lacune. Car cet homme-là, c'est Tintin, c'est Rouletabille, un mousquetaire de la plume, un Cyrano des rotatives, un lanceur d'alerte, de ceux qui réveillent les consciences satisfaites et les estomacs repus, avec brio, avec humour, avec ténacité.

Il n'écrit que sur ce qu'il connait, et donc il va voir sur place, dans les bagnes, les hôpitaux, au fin fond des ghettos ou dans les quartiers louches du Moyen-Orient, et parle de choses soigneusement ignorées et politiquement très incorrectes. Il s'attaque à des sujets qui sont encore et toujours actuels: le dopage des sportifs, la condition inhumaine des détenus et des fous, le sort des minorités ethniques et religieuses, la discrimination, la misère extrême.

Il en fait des articles, puis des livres, et par la grâce de son style vivant, ironique, sensible, et l'authenticité de ses récits, cette écriture bouleverse les lecteurs. Depuis sa mort en 1932, il reste un modèle pour toute sa profession.
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Chez les fous

A propos des fous, Albert Londres disait : "Ils sont des rois solitaires. Le corps que nous leur voyons n'est qu'une doublure cachant une seconde personnalité invisible aux profanes que nous sommes, mais qui habite en eux. Quand le malade vous semble un être ordinaire, c'est que sa seconde personnalité est sortie faire un tour. Elle reviendra au logis. Ils l'attendent. Si leur conversation parait incohérente, ce n'est que pour nous ; eux se comprennent. La rapidité de leur pensée est telle qu'elle dépasse les capacités de traduction de la langue. (...) Les poètes partis dans le cercle lumineux de leur inspiration, inventent des termes, les fous forgent leur vocabulaire (...) Les fous parlent en dehors des règles établies. Il n'y a pas un peuple de fous. Chaque fou forme à lui seul un propre peuple." (p.27-28). A lire ces quelques lignes, on se demande bien ce qu'Albert Londres va cette fois-ci trouver sur sa route. Fidèle à ses techniques d'investigation et d'infiltrage, le fameux journaliste enquête cette fois-ci sur les milieux psychiatriques de la période de l'entre-deux guerre (1925 plus exactement). Il n'hésite d'ailleurs pas à donner de sa personne, quitte même à se faire passer pour fou. Mais n'est pas fou qui veut ou qui l'on croit. Avoir une araignée au plafond ou un vélo dans la tête, avoir le fou-rire, aimer à la folie ou être fou à lier, toutes ces expressions qu'on utilise couramment sans y penser, prennent tout leur sens à la lecture de ce document. Préparez-vous donc avec Chez les fous à vous embarquer dans des histoires... de dingues...



A travers descriptions, portraits et entretiens, ce sont des mondes inquiétants que l'on pénètre. Pour les soit disant sains d'esprit, il est étonnant de constater cette fascination qu'exercent les fous. Son tour de France des asiles vaudra à Albert Londres la foudre des psychiatres ("M. psychiatre m'a déjà fait dire qu'en moi, il n'avait pas reconnu un fou mais un crétin." p.149) : les conditions d'accueil (on pourrait parfois parler de détention selon le niveau de fortune des internés) laissent à désirer et comme on peut facilement le deviner, l'asile n'est ni un lieu reposant, ni un lieu de plaisance. Et pourtant, ce n'est pas sans rire que j'ai dévoré ces quelques témoignages. Ri, oui, vous avez bien lu. Mon hilarité paraîtra probablement déplacée mais certains récits sont simplement truculents. C'est décalé bien évidemment. Mais drôle aussi. Pas tout bien sûr. Mais vraiment drôle parfois. Pour preuve, voici un court entretien qu'Albert Londres a eu avec Péchard, un fou-assassin : "- Et vous, Péchard ? Dites-nous clairement, mais clairement, n'est-ce pas, pourquoi vous avez tué votre femme ? - Clairement, monsieur le docteur, je l'ai tuée à cause de la côte droite. - Qu'avait-elle, la côte droite de votre femme ? - Elle était à gauche. Alors, vous comprenez, c'était une insulte à la divinité. La côte droite à gauche ! Alors, monsieur le docteur, alors, où irait-on ? (p.120). Oui, parce que des fous, il y en existe de toutes sortes. D'ailleurs, "La maison de M. Psychiatre est une boutique de bric-à-brac. C'est la foire aux puces : on y trouve de vrais fous, d'anciens fous, de futurs fous. Il y a l'authentique, le probable, le douteux, le récalcitrant et la victime." (p.151). Il y a effectivement les fous à domicile, ceux qu'on dit fous mais qui ne le sont pas. Il y a aussi les furies, les persécutés, les fous assassins, les drogués... Bref, la variété des fous est infinie et le devoir de la société selon Albert Londres "n'est pas de nous débarasser du fou, mais de débarrasser le fou de sa folie." (p.162).



Cette fois-ci encore, Albert Londres tape fort. Il dénonce l'internement, les mauvais traitements, les traitements de faveur et tout le reste. Près de 90 ans ont aujourd'hui passé. Son discours est toujours valable : "La loi de 38 n'a pas pour base l'idée de soigner et de guérir des hommes atteints d'une maladie mentale, mais la crainte que ces hommes inspirent à la société. C'est une loi de débarras. Ce Monsieur est-il encore digne de demeurer chez les vivants ou doit-il être rejeté chez les morts ? (...) C'est quelque chose dans ce genre que nous faisons avec nos fous. Peut-être est-ce même un peu plus raffiné. On leur ôte la vie sans leur donner la mort." (p.157-158). Et cette fameuse loi de juin 1838 sur les aliénés est restée valable jusqu'en 1990 ! A lire donc et à méditer. Un bon 4 étoiles pour Chez les fous !
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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Au bagne

Le retentissement de ce texte est à l'image des sensations indescriptibles qu'il procure. On en ressort poisseux, l'estomac au bord des lèvres et la croyance en la bienséante légitimité de nos institutions bien amochée.

Sensations paradoxalement amplifiées par les effets de mise à distance utilisés par Albert Londres dans son reportage : la scénarisation quasi romancée d'une part, l'ironie de l'autre, effets dont on sent qu'il les a utilisés pour se protéger lui-même de l'abjection que révélait sa plume.

Règlements iniques, conditions de vie épouvantables, nature au-delà de l'hostile, issues de secours sciemment closes pour les forçats qui n'ont pour seul horizon après le bagne que la perpétuité d'une misérable vie de chiens errants en Guyane : tout dans ce que Londres décrit et dénonce transpire l'absurdité et le cynisme d'une administration lointaine qui se lave les mains de l'enfer sur terre qu'elle a engendré.

« Ce ne sont pas les hommes qui sont mauvais, ce sont les règlements » disent en substance plusieurs bagnards interrogés ; de fait, le tour de force de Londres est d'être parvenu à faire émerger de ce cloaque quelques lueurs d'humanité dans les mots de celui-ci affamé, dans le regard de celui-là rendu fou par le bagne.

Un texte vibrant d'indignation qui, à l'instar du Peuple de l'abîme de Jack London sur la condition des miséreux Londoniens au tournant du siècle, porte au plus haut la valeur du reportage engagé.





Challenge 1914 / 1989: Le XXème siècle en ébullition

Challenge Multi-défis 2018
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La grande guerre

Lorsqu'éclate la Grande Guerre Albert Londres a juste trente ans.

Il est journaliste et travaille depuis 1910 au journal Le Matin, où il est chargé de "couvrir" les activités du Parlement.

Il n'est pas sur le front en tant que soldat puisqu'il a été réformé quelques années plus tôt mais il intervient comme journaliste et donne un compte-rendu régulier des combats.

La guerre va lui fournir l'occasion de se faire connaître.

Il est envoyé d'abord à Reims, où il nous décrit un tableau apocalyptique de la cathédrale livrée aux flammes, il suit ensuite de près les batailles sur le front des Flandres;

Il partage le sort des soldats même s'il ne combat pas et dans ces chroniques, il se fait le témoin de la grande Histoire.

Des soldats de seize ans, les Sénagalais à la bataille, les tirs des shrapnells; le désarroi et le désespoir des civils, les décombres dans Arras, les Belges qui défendent la rivière Yser, le ministre belge Vandervelde qui vient sonner du clairon sur le champ de bataille, tous ces portraits marquent et viennent compléter notre connaissance de cette période.

Le style d'Albert Londres est précis et enlevé, il reflète le patriotisme de son temps mais il reste lucide sur les enjeux de cette terrible guerre.

Un livre court mais dense d'un auteur qui a l'art, comme il le disait lui-même, de "porter la plume dans la plaie".
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Au bagne

Le bagne colonial renvoie aujourd'hui à une idée assez désuète de la prison. Établissement pénitencier de travaux forcés, cette institution est heureusement aujourd'hui abolie. Aux enfants terribles, on avait autrefois l'habitude de dire : "Si tu continues, tu iras casser des cailloux sur les routes de Guyane" (p.26). On était alors à l'époque loin de se douter de ce que pouvait bien signifier la vie au bagne. Grâce à cette enquête d'Albert Londres menée en 1923 pour le compte du journal Le Petit Parisien, le voile est enfin levé sur cet enfer guyanais. Autrement désignée sous les termes de biribi, prison, enfer ou torture, cette administration pénitencière, sous couvert de réhabiliter fripouilles et criminels et de développer les colonnies, déporta ainsi des milliers d'hommes dans divers bagnes dont celui de Guyane. Les transportés ont bien sûr des choses à se reprocher mais à la lumière des ignobles conditions de détention dénoncées par le journaliste, la fierté de la France coloniale en a quand même pris un sacré coup : forcé de reconnaître l'inhumanité de ses mesures en matière d'administration pénitentière, le gouvernement décide en 1924 suite aux publications des papiers d'Albert Londres de supprimer le bagne.



Aux cris de victoire probablement poussés par les partisans d'Albert Londres à l'époque, j'aurais presque envie de répondre : heureusement que le gouvernement ne s'est pas montré sourd à la sonnette d'alarme tirée par le journaliste ! Plus qu'une enquête, Au bagne est un véritable réquisitoire contre la politique pénitencière des bagnes. Soulignons qu'au delà de toute considération purement administrative, cette édifiante investigation remet lourdement en cause le système judiciaire français (notons au passage que les hollandais et britanniques envoyaient également des forçats dans leurs colonies). Voyons pour commencer, comment était organisée cette effroyable machinerie : l'idée de départ étant de débarraser le pays de toute sa vermine et de développer les colonies par le travail des forçats (entre nous, quelle idée !), tous les condamnés étaient soit déportés, soit transportés, soit relégués. La différence ? Les transportations se rapportent aux prisonniers politiques (ex : le capitaine Freyfus). Pas de travaux forcés pour ces derniers. La transportation concerne quant à elle les condamnés aux travaux forcés. Leur peine est assortie d'un doublage qui leur impose de passer, après leur peine écoulée, la même durée que leur peine dans la colonie (les résidents en période de doublage étaient censés recevoir une concession mais c'est une utopie). Enfin, les relégués sont envoyés au bagne avec résidence à vie suite à plusieurs condamnations. Autant dire que les bagnes ne manquaient pas de ressources humaines !



Passons maintenant à la vie au bagne qui constitue le coeur de notre sujet. Nous apprenons en introduction de l'ouvrage que c'est suite à sa démission des journaux Le Quotidien et L'Éclair qu'Albert Londres avec l'accord d'Élie-Joseph Bois du Petit Parisien, part en mission au bagne de Guyane Française. Il confiera d'ailleurs en conclusion de son enquête : "Je rêve chaque nuit de ce voyage au bagne. C'est un temps que j'ai passé hors la vie. Pendant un mois, j'ai regardé les cent spectacles de cet enfer et maintenant ce sont eux qui me regardent. Je les revois devant mes yeux, un par un, et subitement, tous se rassemblent et grouillent de nouveau comme un affreux nid de serpents. Assassins, voleurs, traitres, vous avez fait votre sort, mais votre sort est épouvantable. Justice ! Tu n'étais guère jusqu'à ce jour, pour moi, que la résonnance d'un mot ; tu deviens une Déesse dont je ne soutiens plus le regard. Heureuses, les âmes droites, certaines, dans le domaine du châtiment, de donner à chacun ce qui lui appartient. Ma conscience est moins sûre que ses lumières. Dorénavant, si l'on me demande d'être juré, je répondrai : Non !." (p.201). Ne décèle t-on pas dans cette déclaration le choc occasionné par ce séjour ? En à peine un mois, le journaliste a rencontré de nombreux forçats ou responsables et il a été le témoin de l'injustice infligée aux détenus : envoyés pèle-mêle en Guyane, déportés, transportés et relégués, lorsqu'ils ne succombent pas au voyage, se retrouvent parqués dans des cases disséminées dans divers camps. Les enquêtés d'Albert Londres livrent des témoignages aussi poignants que révoltants : entre les conditions de détention déplorables (maladies, parasites, faim), les trafics, les évasions, les vols, les meurtres, le bagne est une rude école du crime où les repentis n'ont pas leur place. En ressortir meilleur relève tout simplement de l'impossible...



Parmi les personnages interrogés, on se souviendra notamment de Paul Roussenq dit "l'Inco", Marcheras l'Aventurier ou Eugène Dieudonné de la Bande à Bonnot (affaire dont quelques archives sont présentées dans l'ouvrage Dans les archives secrètes de la police). On se souviendra également des évadés, des cachots, des pieds-de-biche (les voleurs), de la cour des miracles, des fous, du camp des lépreux. Ou encore des combines des détenus (le plan pour cacher l'argent, les germes de tuberculose utilisés par les détenus pour donner du fil à retordre aux médecins..) et des passeurs-assassins sans scrupules... Comme en témoignent les entretiens et les anecdotes d'Albert Londres, le bagne est un monde cruel et insoupçonnable au commun des mortels. Nous remercions l'auteur d'avoir porté à la connaissance du monde, cet univers insensé où les hommes marchaient sur la tête... Tous mes hommages donc à l'homme qui a réussi à faire abolir le bagne de Guyane... Enquête à découvrir de toute urgence tant pour son style que pour son message !



Pour ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances sur le sujet, lisez le dossier Les bagnes coloniaux de l'excellente revue hypermédia Criminocorpus et découvrez sans plus attendre la visite virtuelle guidée du Camp de la relégation de Saint-Jean du Maroni toujours proposée par l'équipe scientifique de Criminocorpus.



Sinon, notez à propos des bagnards rencontrés par Albert Londres lors de son investigation (cf. plus haut), l'existence des ouvrages suivants que j'ai l'intention de me procurer : L'enfer du bagne de Paul Roussenq illustré par Laurent Maffre et La vie des forçats d'Eugène Dieudonné illustré par Thierry Guitard, ouvrages tous deux édités par ce chouette éditeur que je découvre : Éditions Libertalia.
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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Au bagne

Mon 1er livre de 2019 ! Si on m'avait dit que je choisirais "Au bagne" !

Excellent témoignage, très belle plume. Albert Londres était un grand journaliste mais également un grand auteur. L'atmosphère du bagne est particulièrement bien rendue. Un texte court, très bien rédigé et accessible.



Incroyable reportage qui a abouti à la disparition des bagnes coloniaux.

L'exemple même du journalisme qui fait rêver et qui modifie la société en profondeur.

Un très beau texte. Maintenant je me demande pourquoi j'ai attendu les 1ers jours de 2019 pour le lire. Pourquoi pas plus tôt ?
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Le juif errant est arrivé

Ce grand reporter a décidé de suivre le chemin de certains juifs de l'Europe de l'Est à la Palestine. Il livre là un éloge des débuts du sionisme. Il nous montre la misère du petit peuple d'Europe centrale, ce qui explique que la pensée d'une terre promise les revigore. Cependant les plus religieux pensent que l'heure du Messie n'a pas encore sonné là-bas.

Malgré sa partialité, l'analyse d'Albert Londres en 1929 s'avère visionnaire. L'auteur souligne aussi le rôle trouble joué par Balfour et ses compatriotes, les Arabes poussés par des rumeurs à attaquer les juifs de Palestine les plus faibles et non les conquérants sionistes.

Aujourd'hui les rôles se sont inversés et j'ose espérer que le journaliste aurait changé d'opinion.

Au point de vue stylistique, j'ai beaucoup admiré les descriptions des lieux et des êtres humains.
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Visions orientales

Le Japon, l'Indochine, L'Inde, dans les années 20. Albert Londres est envoyé par son journal pour faire connaître au monde comment on vit à l'autre bout du monde (par rapport à l'Europe) et quelles sont les derniers changements politiques de ces contrées. Il lui est accordé de rencontrer les grands de ce monde, rois, ambassadeurs, auteurs, hommes politiques… Mais, à un siècle de distance, j'ai beaucoup de mal à prendre plaisir à ces récits. A force de tout replacer dans son contexte, on s'épuise. Alors oui, ça peut se lire comme de l'histoire. Mais cela reste du journalisme qui se veut actuel. Donc complètement décalé pour le lecteur d'aujourd'hui. Et puis, la manière de l'auteur d'asséner ses vérités m'agace un peu. Je n'ai pas vraiment vu non plus son côté anti-colonial. Il est vrai que je me suis arrêté à l'Indochine. Au passage sur la chasse au tigre, chasse effectuée à la demande de l'auteur. J'ai beau me dire qu'on est dans les années 20, j'ai vraiment du mal. Heureusement avant de tirer, il a su apprécier la beauté du félin encore en vie.

Il n'en reste pas moins que c'est le témoignage d'une époque qui découvrait le monde, surtout à travers la colonisation et qu'à ce titre, ce livre peut être intéressant.
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Chez les fous

Je n'avais jamais rien lu d'Albert Londres et je ne connaissais ce journaliste/écrivain que de nom et surtout par le prix qui porte son nom et qui est remis chaque année à un reportage journalistique le jour anniversaire de sa disparition en 1932.



Ce court récit retrace une enquête faite par Albert Londres lui-même au cœur des asiles psychiatriques et d'aliénés en 1925 pour rendre compte par lui-même de ce qu'il voit, entend, constate. Mais ses démarches auprès des instances vont se révéler vaines et il devra trouver des moyens détournés pour y parvenir, quitte à se faire passer lui-même, sans succès, pour fou.



"Le fou est individualiste. Chacun agit à sa guise. Il ne s'occupe pas de son voisin. Il fait son geste, il pousse son cri en toute indépendance. Quand plusieurs vous parlent à la fois, l'homme sain est seul à s'apercevoir que tous beuglent en même temps. Eux ne s'en rendent pas compte. L'un se suiciderait lentement au milieu de cette cour qu'aucun ne songerait à intervenir. Ils sont des rois solitaires (p14)"



C'est une compilation de 23 courts chapitres, 23 chroniques d'un voyage dans la folie mais la folie n'est pas toujours celle que l'on croit ou tout du moins celle qu'entend démontrer Albert Londres. Il s'insurge (et la censure est passé sur le texte donc on peut imaginer ce qu'il pouvait être avant) sur les conditions d'internement, de traitement de ceux que l'on dit fous, aliénés.



"Ficelez sur un lit un agité et regardez sa figure : il enrage, il injurie. Les infirmiers y gagnent en tranquillité, le malade en exaspération. Si les asiles sont pour la paix des gardiens et non pour le traitement des fous, tirons le chapeau, le but est atteint. (p46)"



Il fustige la loi de 1838  (qui a été effective jusqu'en 1990.....) déclarant le psychiatre infaillible et tout puissant permettant ainsi les internements arbitraires, instaurant les placements volontaires et d'office, qui se transformèrent bien souvent en placements abusifs et se demandant finalement qui est le plus fou. Il rencontre pourtant des psychiatres à l'écoute des "malades" comme le Docteur Dide qui observe, laisse à ceux-ci des zones de liberté, les acceptant comme ils sont et surtout n'aggravant pas leur pathologie, allant même jusqu'à dire :



"Si je suis dénoncé comme fou, je demande que l'on m'interne chez le docteur Maurice Dide (...) Ce savant professe que la folie est un état qui en vaut un autre et que les maisons de fous étant autorisées par des lois dûment votées et enregistrées, les fous doivent pouvoir, dans ces maisons, vivre tranquillement leur vie de fou. (p36)"



Avec une écriture très journalistique, nerveuse en partie sûrement due je pense à la révolte qui bouillait en lui, il décrit la misère qui se cache derrière les murs de la bonne conscience : ici, soi-disant, on protège : eux et vous parce qu'ils sont dangereux mais Albert Londres ne voit que dénuement, abrutissement, misère, manque de moyens (déjà) et surtout dénonce l'attitude des tout-puissants chefs de service, détenteurs du pouvoir d'internement ou de sortie sur tous ces malades.



C'est un recueil d'articles d'un monde caché ou que l'on ne veut pas voir, ignoré, difficile, parfois violent. C'est un texte de révolte, d'incompréhension mais surtout c'est un cri envers les pouvoirs publics  sur les carences dans ce domaine....... Comment ne pas penser à Vol au-dessus d'un nid de coucou de Milos Forman avec Jack Nicholson.



C'est très instructif, réaliste, révoltant, une lecture qui réveille les consciences, qui change parfois de la perception que l'on peut avoir de ce monde soustrait à notre regard.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Le chemin de Buenos Aires

Imaginez que vous seriez obligé à choisir un seul auteur pour une évasion vers le plus de destinations possibles ? Je crois que le nom du journaliste français Albert Londres (1884-1932) s'imposerait incontestablement . En un quart de siècle il a fait le tour complet du monde ou presque : Buenos Aires, Cayenne, Constantinople, Dakar, Delhi, Jérusalem, La Mecque, Moscou, Prague, Saigon, Shanghai, Sofia, Tokyo, Trieste, Varsovie....ne sont que quelques noms d'escale. et après le nom de chaque ville, je pourrais ajouter au moins un titre d'ouvrage. Heureusement pour le monde et les lecteurs que ce voyageur infatigable ne s'est pas contenté de son premier job, comptable à Lyon !



Mais, malheureusement, pour nous et contrairement à un des titres de ses nombreux livres "Le juif errant est arrivé", il est mort beaucoup trop tôt, à l'âge de 47 ans. Il était, après 26 ans d'efforts, loin d'être arrivé à bout et il nous a laissé orphelins juste à une époque de grands troubles : les années 1930. Car ce journaliste engagé était ce que l'on pourrait qualifier de conscience de l'univers, si je puis dire. Puisqu'en effet, il ne se contentait pas à nous relater ses constantes pérégrinations, son but était bel et bien de dénoncer de graves injustices, telles les excès du colonialisme et tout genre de travail forcé.



Il était, en fait, bien longtemps avant que le terme n''apparaisse, journaliste d'investigation ! Je ne peux m'empêcher de répéter son fameux bon mot, souvent cité, car il résume parfaitement son engagement et ambition :"Notre métier n'est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie." Cette phrase extraite de son ouvrage sur la traite des noirs "Terre d'ébène" , a été le point de départ pour nombre de journalistes et reporters sérieux qui se sont lancés dans ses traces. Pas surprenant dès lors qu'un an après sa mort tragique au champs d'honneur, en 1933, le prestigieux Prix Albert-Londres fût créé pour récompenser, chaque année, le meilleur reporter de la presse ecrite, doublé, depuis une trentaine d'années, par le prix du meilleur reporter de l'audiovisuel. Parmi les illustres lauréats je me limite à mentionner : Jean Lartégui, Marcel Niedergang, François Debré, Marion Van Renterghem (connue pour son "Angela Merkel, l'ovni politique") et bien sûr la célèbre et courageuse Anne Nivat.



Le premier ouvrage que j'ai lu de lui a été "Le Chemin de Buenos Aires" sur la traite des Blanches, les "Franchuchas" ou prostituées françaises, envoyées par des gangs et souteneurs, sous toutes sortes de prétextes fallacieux, en Argentine, où pour les gauchos il n'y avait pas assez de femmes au début du siècle dernier. Ayant lu sur cette problématique l'excellent livre de base du professeur d'Ohio, Donna J. Guy, "Sex and Danger in Buenos Aires : Prostitution, Family and Nation in Argentina" la grande spécialiste de ce pays d'Amérique Latine, ce premier livre était pour moi comme un test pour juger la valeur d'un reportage de lui effectué en 1927 sur ce thème. Le Nom d'Albert Londres m'était connu. bien entendu, mais je craignais que ses reportages étaient datés et n'offraient actuellement plus grand intérêt. Crainte totalement injustifiée ! Pour prendre l'exemple du trafic des françaises et autres européennes en esclavage sexuel à BA, son oeuvre complète, de façon vive, celui très académique de Mrs. Guy. Livre à succès en Europe, mais amèrement critiqué par la presse argentine qui estimait que notre reporter s'était montré trop indulgent à l'égard des proxénètes français, comme Victor le Victorieux ou Vacabana, surnommé le Maure. Accusation farfelue contredite par le dernier chapitre du livre, intitulé "La responsabilité est sur nous". Car le but de son auteur était d'alarmer les autorités afin que cette soumission et abus scandaleux des femmes cessent. Et d'ajouter :"À la base de la prostitution de la femme il y a la faim". et l'appel : "Surveillez les bateaux. Emprisonnez les ruffians." Qu'il avait rencontré ces maquereaux, va de soi, comme il sied à un bon journaliste d'investigation, d'autant plus que les autorités argentines se méfiaient de lui et n'offraient strictement aucune assistance.



Fort de mon expérience positive, je me suis mis à lire de lui "L'equipée de Gabriele d'Annunzio", puisque ce dramaturge et poète italien m'intriguait par son occupation, comme général nationaliste à la fin de la première guerre mondiale, de la ville croate de Rijeka, où il proclama l'État libre de Fiume.

Mon avis favorable d'Albert Londres s'y trouvait tellement bien confirmé, que je me suis mis à me procurer ces ouvrages systématiquement, jusqu'à je procède à l'achat de ses "Oeuvres complètes" , paru en 2007 et dont les quelques 900 pages sont merveilleusement introduites par Pierre Assouline. Je profite de l'occasion pour remercier la maison d'édition Arléa, qui est aussi 'responsable' de la divulgation de pratiquement tous ses livres en pockets à des prix démocratiques.



Le même Pierre Assouline a écrit une excellente biographie : "Albert Londres : Vie et mort d'un grand reporter, 1884-1932". De même que Luc Révillon "Albert Londres, Prince des Reporters". Sa fille, Florisse Albert-Londres, a finalement publié son témoignage émouvant sous le simple titre de :"Mon père", que je n'ai pas (encore) lu. Sur sa mort tragique dans des circonstances bizarres à la suite de l'incendie et naufrage du paquebot George Philippar au large de la Côte de Somalie, il convient de signaler 2 ouvrages : de Régis Debray "Sûr la Mort d'Albert Londres" et de Bernard Cahier "Albert Londres, Terminus Gardafui : Dernière enquête, dernier voyage".



Ne vous laissez surtout pas induire en erreur par la couverture un tantinet style carte postale érotique d'antan, qui couvre malheureusement bien le triste sujet et ne croyez pas qu'il s'agit d'une oeuvre porno soft. Je recommande donc cet ouvrage, qui malgré ses 90 ans, n'a rien perdu de son actualité, si l'on pense à toutes ces femmes principalement de l'est et du sud qui vivent aujourd'hui, hélas, le même calvaire que les 'Franchuchas', il y a un siècle, à Buenos Aires.



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