Citations de Alexandra Lapierre (304)
Un spectacle de désolation et de mort : une bibliothèque sans ses livres.
Comment ne pas s’élever avec son gendre contre la ségrégation, la discrimination et les persécutions raciales que les Etats du Nord – soit-disant favorables à l’émancipation des Noirs – avaient accepté sans broncher ? Séparés, mais égaux ! disaient-ils. Quelle hypocrisie !
Car Dieu sait si l'idée de travailler parmi les Dürer et les Rembrandt de Mr Morgan lui faisait battre le coeur ! C'était même devenu le rêve de sa vie. La Morgan Library. ( p. 121)
Stop ! Pas de pathos. Et jamais de reproches. Inutile d’évoquer pour lui les étapes de cette interminable descente aux enfers. Elle ne lui parlerait pas de l’hiver et du froid. Elle ne lui dirait pas que, dans la maison, les tuyaux avaient gelé avant d’exploser. Qu’il faisait six degrés dans sa chambre, qu’elle grelottait et ne pouvait lui écrire qu’au lit. Qu’ailleurs dans l’appartement, c’était pire. Que la cuisine et le couloir étaient de véritables patinoires. Qu’elle avait dû arracher les boiseries et les parquets pour les brûler et tenter de réchauffer Mummy, dont la maladie empirait. Son médecin parlait de l’opérer. Elle n’allait pas l’assommer avec les angoisses de la vie quotidienne. Rien non plus sur la faim. Elle tairait qu’aujourd’hui, elle avait vu une longue file d’attente devant une affichette :
viande de chien : trois roubles la livre
souris : vingt kopeks.
L'indifférence, l'insouciance, pour ne pas dire la résignation et l'absolue désinvolture dune telle réponse, choquerent jusqu'à Ducky.
Au bout du monde. Une séparation d'une année d'avec ses petits, un an aux antipodes, croyait-elle.
Erreur. Son aventure allait durer près d'un demi-siècle. Jusqu'en 1938, date de sa propre mort.
Fanny, l'antithèse d'une intellectuelle, le contraire d'une "aventurière". Elle ne s'intéresse aux êtres que pour les émotions qu'ils suscitent en elle. Elle aime, elle déteste , et de ses sentiments seuls, découlent la moindre de ses idées, le plus infime de ses actes. La liberté de sentir, elle en fait toute une morale : l'héritage qu'elle veut laisser à ses enfants.
Les légendes des îles hantent désormais leur imagination. La beauté des indigènes, la gentillesse de leur accueil excitent l'admiration de Fanny ; le destin de la Polynésie captive la curiosité de Louis. Quel rôle joue l'homme blanc dans l'évolution de ces races qui ont prospéré durant des siècles, pour disparaître peu à peu depuis cinquante ans ? Que penser de l'attitude des missionnaires qui piétinent les civilisations anciennes, brûlent les idoles et les objets sacrés, interdisent la nudité, prohibent les costumes et les danses traditionnels, pour inculquer à ces peuplades l'idée du péché et le sentiment du mal ? Comment décrire la faune des traders, ces trafiquants qui font le commerce du coprah, la chair de noix de coco dont l'Occident extrait l'huile, qui vendent des armes et de l'alcool aux indigènes, qui ne pensent qu'à s'enrichir, tout en abattant le mur entre les deux mondes ?
Cinquante ans avant que de telles idées soient à la mode, Mrs R.L.S. vitupère contre les hérésies du colonialisme. Louis s'enflamme et s'interroge.
Tes caresses me font mal, murmura-t-elle, parce que je t'aime si fort.
Elle ne perd jamais de vue le coeur de la cible : créer. Se survivre à soi-même et vaincre sa propre mort. L'oeil rivé au but, elle vise l'immortalité.
Là-bas, vous allez progresser vite, très vite. Loin des soucis matériels, de votre maison, de votre jardin qui vous mobilisaient beaucoup trop... Sans tout ces enfants !
- Mes enfants ? Je les emmène !
- Seigneur Dieu ! Mais pour quoi faire ?
Rien de ce qui brille n'est de l'or.
La seule différence entre le héros et le fou, entre la détermination et la bêtise, voulez vous la connaître ? C'est le succès.
Elle plaça entre ses mains le crucifix sur lequel il lui avait fait jurer de ne pas abandonner Santa Cruz, essaya de lui parler de Dieu, de la Vie éternelle, du Paradis où l'attendaient leurs enfants. Mais Alvaro ne pensait qu'à cela : l'Expédition.
Et à elle, son épouse, son héritière, sa légataire, celle qui devait continuer la Conquête et qu'il laissait seule, parmi des hommes prêts au meurtre, sur une île perdue, au milieu de l'océan Pacifique. La Conquête, Isabel : dans son délire, Mandana les confondait dans une même interrogation : "Que va-t-il advenir des îles, que va-t-il advenir de toi ? Les îles Salomon existent, répétait-il inlassablement, elles existent, tu existes, je te vois reine des quatre parties du monde...
- Vous exagérez toujours, Elisabeth.
Vous ne devriez pas abuser ! Vos excès vous tueront !
- Mes excès ? ..... Mais les excès, c'est ce qu'il y a de meilleur !
- Vous savez qu'en France, personne ne lit plus (...) J'étais à Paris l'autre jour et l'on me disait chez Plon que l'automobile avait tué la vente des livres. D'abord à cause du prix de ces affreux engins. Ensuite à cause du temps et de l'énergie que requiert leur entretien. Cette nouvelle mode ne laisse plus une heure aux gens pour lire quoi que ce soit.
Une goutte de sang noir, une seule goutte de sang noir dans les veines, fabrique à jamais des "nègres". C'est l'implacable One-Drop rule, la "règle de la goutte unique", avec son cortège de ségrégations, de discriminations et de persécutions raciales.
La Rolls avait repris sa route et progressait avec lenteur. Personne n'osait commenter le hasard de cette rencontre entre la mère et la fille. Nul, dans les hautes sphères, n'ignorait qu'elles ne s'étaient pas vues depuis près de treize ans. Et qu'elles se détestaient jusqu'à l' exécration. Leur brouille avait été rendue publique par un coup d'éclat de Nancy, un scandale dont Maud ne se remettait pas. Elle ne l'évoquait jamais. Never explain, never complain : ce silence était bien dans sa manière. Au point que l'on aurait pu la prendre pour un animal à sang froid, dépourvut de toute émotion, incapable du moindre sentiment.
P 244 : Je jure devant Dieu, qui connaît tous les cœurs, que je n’ai jamais cessé d’être sincère. Et que je ne suis pas coupable.
Nancy n'en finissait plus d'égrener la liste de ses griefs envers cette génitrice qui l'avait trahie au plus profond.